Rapport sur la méthamphétamine à l'intention des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice
Section III – Préoccupations nationales relatives à la consommation de méthamphétamine
Partout au Canada, la consommation, la production et le trafic de la méthamphétamine sont devenus une source croissante de préoccupation. On examine ci-dessous de façon approfondie les questions liées à la demande et à l’offre de méthamphétamine, puis les recommandations proposées pour répondre à ces préoccupations
4. Effets de la consommation
Les effets aigus de la méthamphétamine comprennent l’augmentation du rythme cardiaque, de la température corporelle, de la tension artérielle et de la vigilance. La consommation de la méthamphétamine provoque une sensation d’euphorie intense et crée une très grande dépendance psychologique. Ce puissant stimulant du système nerveux central touche le cerveau en agissant sur les mécanismes responsables de la régulation d’une catégorie de neurotransmetteurs, connus sous le nom d’amines biogènes ou neurotransmetteurs de la classe des monoamines. Cette vaste classe de neurotransmetteurs est en règle générale responsable de la régulation du rythme cardiaque, de la température du corps, de la tension artérielle, de l’appétit, de l’attention et des réactions liées aux états de vigilance ou d’alarme.
Les consommateurs de méthamphétamine feront l’expérience d’une attention et d’une vivacité d’esprit accrues, de l’élimination des effets subjectifs de la fatigue et de la diminution de leur appétit. On parle en général, pour plusieurs de ces effets, d’une sensation d’euphorie ou de bien-être, d’une impression d’intelligence accrue et d’un sentiment de pouvoir. Selon une croyance répandue, la méthamphétamine donne aux gens « une force surhumaine ». Les consommateurs de méthamphétamine deviennent souvent très accaparés par ce qu’ils font et peuvent devenir violents. Parmi les autres effets secondaires, mentionnons les fourmillements, l’agitation, les comportements répétitifs (appelés « tweaking ») et le serrement des mâchoires ou le grincement des dents. Certains utilisateurs adoptent un comportement sexuel compulsif et peuvent avoir des rapports sexuels non protégés avec un ou plusieurs partenaires. La consommation chronique de méthamphétamine attaque le système immunitaire et les consommateurs sont souvent sujets à divers types d’infection. Il existe d’autres effets à court terme et à long terme sur la santé : la paranoïa, l’altération des fonctions de foie ou du cerveau et la dépression[11].
La rapidité des effets de la méthamphétamine varie selon le mode d’administration. La méthamphétamine prise oralement sous forme de pilules ou de thé agira dans un délai de 20 à 30 minutes. Les effets de la consommation par le nez (en reniflant) se font sentir en trois à cinq minutes. L’injection et l’inhalation (en fumant) produisent les effets les plus rapides, qui se font sentir en 7 à 15 secondes[12] et durent à peine quelques minutes, mais sont extrêmement agréables. Le flash est suivi d’une période d’euphorie (le « high ») prolongée. La méthamphétamine a une demi-vie (le temps qu’il faut pour éliminer 50 % de la drogue du corps, soit par le métabolisme, soit par élimination) de 12 heures et ses effets peuvent durer aussi longtemps (entre 4 et 12 heures)[13]. Le tableau ci-dessous illustre la rapidité avec laquelle les effets se font sentir et leur durée.
Méthode | Effets ressentis en | Durée |
---|---|---|
S’injecter | < 2 minutes | 3-7 heures |
Fumer | < 2 minutes | 3-7 heures |
Renifler | 5-10 minutes | 4-10 heures |
Ingérer | 20-60 minutes | 5-12 heures |
Une dose de 10 à 20 mg de méthamphétamine suffit à produire un effet. Selon le Rapport d’analyse des drogues de synthèse saisies au Québec – octobre 2002 à avril 2004, on a trouvé dans des échantillons d’ecstasy saisis un dosage variant de 4,4 mg à 6,1 mg de méthamphétamine par comprimé. Elle avait été combinée en général à de la MDMA ou à de la MDA. Chez les humains, la dose toxique varie énormément selon chacun et la tolérance acquise. On a signalé des décès consécutifs à l’ingestion de doses aussi faibles que 1,3 mg par kilo de poids corporel et l’on a observé une tolérance à des doses allant jusqu’à 1 000 mg à la fois et jusqu’à 5 g par jour[15].
Le prix de la méthamphétamine varie de 10 $ à 20 $ pour une dose de 0,10 g (100 mg), en fonction de point de vente : une dose de 0,10 g peut coûter davantage dans le milieu des clubs, mais on peut en acheter un gramme pour 60 $ à Vancouver. On a aussi dit qu’il pourrait en coûter moins de 5 $ par jour pour entretenir sa dépendance [16].
La méthamphétamine crée une très forte dépendance et il n’existe encore aucun traitement pharmacologique pour les toxicomanes. Toutefois, des recherches sont actuellement réalisées sur les protocoles de « remplacement » similaires au remplacement par la méthadone pour les héroïnomanes[17]. Les effets bénéfiques des protocoles habituellement utilisés, comme la modification du comportement, peuvent prendre de six mois à trois ans avant de se manifester. Tandis que les symptômes de sevrage sont moins prononcés que ceux de l’alcool ou des opiacés comme l’héroïne, ils n’en sont pas moins physiologiques et incluent les convulsions, la narcolepsie et l’accident vasculaire cérébral[18]
La vie des toxicomanes est uniquement axée sur la nécessité d’obtenir et de consommer de la drogue, malgré les conséquences négatives directement imputables à la toxicomanie (perte d’emploi, perte des relations avec les membres de la famille et des relations personnelles, perte de la santé physique et psychologique). En raison du besoin insatiable et compulsif de consommer, les toxicomanes feront presque n’importe quoi pour en obtenir. Cela peut signifier avoir des comportements qu’ils n’auraient pas cru possibles avant leur toxicomanie[19].
5. Données sur les tendances de la consommation
Selon la plus récente Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC), réalisée en 2004, 6,4 % des Canadiens de 15 ans et plus ont consommé du speed (toutes les substances de type amphétaminique, y compris la méthamphétamine) au moins une fois au cours de leur vie. Les taux de prévalence au cours de la vie les plus élevés sont au Québec (8,9 %), en Colombie-Britannique (7,3 %) et en Alberta (6,1 %), tandis que ceux des provinces Maritimes sont les plus bas, se situant entre 1,2 % et 4,5 %. Le pourcentage de Canadiens qui avaient consommé de la méthamphétamine au moins une fois au cours des dix dernières années s’élevait à 0,8 %
Le rapport du Sommet de l’Ouest (Western Summit on Methamphetamine Consensus Panel Report) indique que la consommation de méthamphétamine demeure relativement peu élevée dans la population en général, mais semble être à la hausse. Il est donc nécessaire de déduire les tendances en recourant à d’autres sources de données.
En 2005, Santé Canada signalait que le nombre d'échantillons de méthamphétamine saisis était sept fois plus élevé qu'en 1999; il a triplé depuis 2000 et doublé depuis 2002. En 2003, la GRC a démantelé 39 laboratoires clandestins comparativement à deux en 1998. Le nombre élevé de saisies de laboratoires clandestins au Canada est un signal que ce commerce prend de l'expansion, même si ce ne sont pas tous les laboratoires clandestins qui produisent de la méthamphétamine[20].
Selon un sondage récent mené par le Centre for Addiction and Mental Health (centre de toxicomanie et de santé mentale) du comté de Perth (Ontario), 51,5 % des fournisseurs de services répondants avaient observé une hausse du nombre de clients aux prises avec une toxicomanie à la méthamphétamine dans l’année écoulée. Les jeunes de 19 à 24 ans étaient principalement à l’origine de cette hausse et comptaient pour 38 % de tous les cas signalés
La consommation de méthamphétamine semble également fort répandue chez les jeunes de la rue à Toronto. Le Youth Link Inner City a fait un sondage auprès des jeunes itinérants du centre-ville et a constaté que 37 % des répondants avaient utilisé de la méthamphétamine. Le nombre pourrait être plus élevé compte tenu de la combinaison de la méthamphétamine avec d’autres drogues[21]
La combinaison de la méthamphétamine à l’ecstasy constitue, comme on l’a dit plus haut, une source de préoccupation, car elle a pour effet la consommation non intentionnelle de méthamphétamine. Selon une étude réalisée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale, les comprimés d’ecstasy contiennent souvent de la méthamphétamine même s’ils sont présentés comme étant uniquement de l’ecstasy. Rintoul et MacKillican (2001) signalent qu’à Vancouver, seulement 20 % des 110 échantillons fournis par le Service de la sensibilisation aux drogues de la GRC contenaient uniquement de la MDMA, tandis que les 80 % restants contenaient une combinaison de drogues dont la méthamphétamine, l’héroïne, l’éphédrine et la caféine[22]. En Nouvelle-Écosse, la GRC a signalé en janvier 2006 que 60 échantillons de drogues saisis au cours des deux dernières années par divers corps policiers dans la province étaient de la méthamphétamine, probablement achetée, selon les policiers, parce qu’on croyait se procurer de l’ecstasy. Cette analyse confirme que des personnes consomment de la méthamphétamine sans avoir choisi de le faire.
6. Incidence de la méthamphétamine sur le système de justice pénale
6.1 Corps policiers
Les corps policiers signalent un accroissement de la criminalité dans les collectivités où la consommation de méthamphétamine est prévalente. Au nombre des actes criminels associés à la consommation de méthamphétamine, on trouve les poursuites à haute vitesse, les crimes contre les biens et le vol d’identité. La recherche d’argent pour payer la consommation est à l’origine de nombre d’entre eux. Les crimes contre les biens, les vols, les vols qualifiés, la fraude et le vol d’identité appartiennent à cette catégorie. D’autres semblent par ailleurs motivés par l’état dans lequel se trouve le toxicomane après avoir consommé la méthamphétamine : conduite dangereuse, vandalisme, voies de fait et comportements menaçants.
Les corps policiers font souvent état du fait que la consommation, le trafic et la production de drogues illicites sont associés à la violence et aux infractions commises avec des armes à feu. Ainsi, au Québec, on a comptabilisé plus de 2 415 infractions avec des armes à feu associées à des actes criminels liés aux drogues ces derniers dix ans[23]. Des collectivités ont également indiqué des changements qui peuvent être imputables à l’augmentation de la consommation, de la production et du trafic de méthamphétamine À titre d’exemple, la participation de la criminalité organisée a été liée à une augmentation de la violence dans les collectivités où sont installés des laboratoires de méthamphétamine. Selon certains résultats de recherche, des armes à feu se trouvent souvent dans ces laboratoires. La consommation de méthamphétamine est liée à une tendance accrue à commettre des actes criminels violents, tant pour maintenir l’habitude que du fait des changements cognitifs que provoque la drogue[24]
Le comportement désordonné et nuisible des consommateurs de méthamphétamine constitue une source de préoccupation pour les collectivités qui indiquent que la qualité de vie diminue parallèlement à l’augmentation du nombre de consommateurs. Ceux-ci sont susceptibles d’avoir un comportement excentrique, paranoïaque, agressif, effronté et parfois violent. Les responsables de l’application de la loi indiquent une augmentation des actes criminels avec violence et des actes criminels qui exigent une attention soutenue comme le vol d’identité, ainsi que de la criminalité informatique, telle que l’hameçonnage (phishing)[25]
Le service de police d’Edmonton a été informé au cours de l’automne de 2004 qu’un groupe de criminels se livrait à des activités de fraude en utilisant Internet, le courrier électronique et des téléphones portables. L’examen de données remises par un fournisseur d’accès à Internet a révélé que ces données comportaient plus de 500 profils de renseignements personnels qui contenaient le nom, la date de naissance, l’adresse, les renseignements sur les comptes bancaires, les numéros de carte de crédit, le nom de jeune fille de la mère, le NAS et des mots de passe. On a déterminé que ces informations étaient recueillies par un hameçonnage qui ciblait PayPal. La plupart des victimes étaient des citoyens des États-Unis. Plusieurs arrestations ont été faites et l’on signale que toutes les personnes impliquées dans cette affaire sont soit des consommateurs, soit des trafiquants de méthamphétamine.
Au cours de 2005, une opération policière conjointe à laquelle participaient l’équipe antidrogue (méthamphétamine) du Service de police d’Edmonton, le Service de police d’Edmonton et la section de la GRC chargée des vols de voiture, a connu du succès en ciblant une entreprise très impliquée dans le commerce de méthamphétamine. Huit personnes ont été arrêtées, 42 accusations portées et des biens d’une valeur de 87 710 $ et de nombreux effets personnels (courrier, cartes de crédit et documents d’identification) ont été saisis.
En Ontario, la Section des stupéfiants de la Police provinciale a mené dernièrement une opération mixte avec les services de police municipale des comtés de Huron, Bruce et Grey, qui a permis de saisir des drogues illicites d’une valeur approximative de 640 000 $. Les drogues saisies étaient destinées à ces comtés et la méthamphétamine y comptait pour une bonne part.
À Vancouver, les toxicomanes sont de plus en plus responsables de poursuites à haute vitesse. Le service de police de la ville signale que dans presque chaque cas de voiture volée et de poursuite à haute vitesse, l’auteur du délit est sous l’influence de la méthamphétamine ou du crack[26]. Ainsi, en juin 2005, des toxicomanes actifs avec de lourds antécédents judiciaires étaient en cause dans les sept poursuites engagées par la police. Fait troublant, dans la région métropolitaine de Vancouver, le nombre de poursuites à haute vitesse atteint des niveaux records
6.2 Tribunaux
Les consommateurs de drogues tiennent les tribunaux très occupés, et ils s’approprient une bonne partie du temps et des ressources des tribunaux. Ils sont également les auteurs d’une forte proportion d’actes criminels commis pour entretenir leur habitude. S’ils sont condamnés, ils sont souvent incapables d’obéir aux ordonnances judiciaires ou de les comprendre, ce qui aboutit au phénomène des « portes tournantes » au sein du système de justice pénale.
On trouve dans les données sur la consommation de drogues dans les établissements correctionnels un indicateur de la consommation de drogues et de son incidence sur les tribunaux. Le Tableau 2 montre le nombre de détenus participant au Programme prélibératoire pour toxicomanes (PPT) en date de mars 2000[27].
Recours au PPT | À l’échelle nationale |
---|---|
Population carcérale en date de mars 2000 | 12 929 |
Délinquants ayant des problèmes de toxicomanie (67 %) | 8 663 |
Délinquants ayant de graves problèmes de toxicomanie (50 % de ceux qui sont susmentionnés) | 4 333 |
Nombre moyen d’années d’incarcération avant la première mise en liberté | 2,1 |
Nombre approximatif de places requises par année au PPT (nombre de délinquants ayant de graves problèmes divisé par le nombre d’années avant la première mise en liberté) | 2 051 |
Inscriptions au PPT du 1er avril au 30 septembre 2000 (nombre annuel établi au prorata) | 1 920 |
Excédent (Déficit) | (131) |
D’après ce tableau, on constate que 67 % des contrevenants dans les établissements correctionnels fédéraux ont des problèmes de toxicomanie et que du nombre, la moitié a des problèmes de toxicomanie jugés graves. Puisque ces évaluations tendent à être subjectives, les chiffres avancés sont probablement prudents
Selon un rapport de 2002 réalisé par le CCLAT, la vie de nombreux détenus est caractérisée par des périodes en liberté entrecoupées de périodes d’arrestation, de détention dans les établissements correctionnels, de liberté conditionnelle et de traitement. Les changements dans ces conditions peuvent survenir plusieurs fois au cours d’une période de trois ans[28].
6.3 Établissements correctionnels
Les établissements correctionnels sont confrontés à des défis très particuliers en ce qui concerne les détenus dépendants de la méthamphétamine, surtout en raison du comportement des accusés qui arrivent dans ces établissements. Les Services correctionnels du Manitoba signalent le comportement étrange des contrevenants qui arrivent des établissements de détention provisoire : agressivité, rages incontrôlables et hallucinations. Des trousses d’information à l’intention du personnel ont été mises au point pour le sensibiliser et traiter des questions de sécurité pour eux et pour les détenus.
En Alberta, environ 51 % des adultes et près de 80 % des jeunes contrevenants admis en détention entre septembre 2004 et avril 2005 ont indiqué avoir consommé des drogues illicites au cours du mois précédant immédiatement leur admission. Environ un contrevenant adulte ou jeune sur huit (13,2 %) a indiqué avoir consommé de la méthamphétamine au cours du mois précédant son admission. La consommation de méthamphétamine chez les femmes adultes admises en détention était cependant plus élevée (environ 16 %) et beaucoup plus importante chez les jeunes contrevenantes admises en détention (environ 24 %). Ces consommateurs commencent la plupart du temps par nier leur consommation de méthamphétamine, car ils ont honte de l’avouer. La méthamphétamine est considérée comme une drogue « sale » et le stigmate lié à sa consommation est plus important que dans le cas de la cocaïne ou du crack. Les contrevenantes semblent nier avec plus de force leur consommation de méthamphétamine, car la prostitution est en règle générale associée à ce type de toxicomanie.
Les contrevenants des établissements de détention provisoire et correctionnels de l’Alberta sont assujettis à des analyses d’urine au hasard ou ciblées pour le dépistage de drogues. Correspondant aux résultats des programmes de dépistage de drogues dans d’autres ressorts, la majorité des résultats positifs en 2004-2005 portaient sur le THC (cannabinoïdes). Voici les résultats du 1er avril 2005 au 17 septembre 2005, exprimés en pourcentage de toutes les analyses positives au hasard et ciblées.
Type de drogue consommée chez les détenus adultes des établissements de détention provisoire et correctionnels en Alberta (1er avril – 17 septembre 2005) :
- Amphétamines, 2,7 %
- Barbituriques, 0,7 %
- Benzodiazépine, 4,8 %
- Cocaïne, 19 %
- Opiacés (morphine, codéine), 19 %
- PCP, 0,7 %
- TAC (tricycliques, c.-à-d. antidépresseurs), 9,5 %
- THC (cannabinoïdes), 41,5 %
- Méthamphétamine, 2 % [29]
Selon Service correctionnel du Canada (SCC), ni la production ni la consommation de méthamphétamine dans les établissements fédéraux ne constituent de préoccupation. Au cours de l’exercice 2004-2005, SCC a réalisé des analyses d’urine de 5 439 contrevenants principalement au hasard : 670 ont affiché un résultat positif de présence de drogues et seulement 8 avaient un résultat positif pour les amphétamines.
Ces chiffres semblent confirmer le fait que les préoccupations quant à la consommation de méthamphétamine dans les établissements correctionnels au Canada prennent leur source principalement dans les établissements de détention provisoire.
7. Production et trafic
La production et le trafic méthamphétamine ont augmenté à l’échelle nationale, causant de sérieux problèmes dans certaines régions du Canada. Les activités de production sont extrêmement lucratives et parfois associées au crime organisé.
Il est facile de se procurer des recettes de fabrication de méthamphétamine auprès de « cuisiniers »[30] et d’autres sources comme Internet. Toute une gamme de produits non essentiels peut être utilisée de façon interchangeable pour la produire : des acides, des bases et des solvants. Il faut savoir se servir de ces produits, car ils sont sinon fort dangereux En raison des différences dans les méthodes de fabrication, les produits finis peuvent présenter des couleurs et des textures différentes.
Il existe deux méthodes principales de fabrication de la d-méthamphétamine au Canada en ce moment et les deux recourent à l’éphédrine ou à la pseudoéphédrine comme précurseur. La méthode employant du phosphore et de l’acide est la plus populaire, suivie de près par la méthode de réduction de Birch. Des saisies récentes de précurseurs et de laboratoires clandestins laissent croire que l’ancienne méthode P-2-P revient en vogue.
La méthode du phosphore et de l’acide iodhydrique utilise de l’éphédrine ou de la pseudoéphédrine et du phosphore rouge auxquels on ajoute de l’acide iodhydrique ou de l’iode. Une gamme d’ingrédients chimiques non essentiels sera ensuite combinée à ces substances. Cette méthode donne de la d‑méthamphétamine de qualité supérieure et il est possible d’en produire – ce qui se fait – de petites ou de grandes quantités, de 60 mg à 50 kg.
La méthode de l’acide hypophosphoreux ou méthode « australienne », une variante de la méthode précédente, combine l’acide hypophosphoreux et l’iode pour obtenir de l’acide iodhydrique qui, en réagissant avec l’éphédrine ou la pseudoéphédrine, produit de la méthamphétamine. C’est une méthode jugée aussi dangereuse que la méthode du phosphore et de l’acide iodhydrique[31]. Dans l’un ou l’autre cas, si le mélange est porté à des températures trop élevées, il peut s’en dégager de la phosphine, un gaz mortel à l’origine de décès aux États-Unis.
La méthode de la réduction de Birch, parfois appelée méthode « Nazi », utilise de l’éphédrine ou de la pseudoéphédrine, du lithium et de l’ammoniac anhydre. Le lithium provient de l’acide à batterie et l’ammoniac anhydre est couramment employé comme fertilisant dans les régions agricoles, ses propriétés étant semblables à celles du propane. Le rangement de l’ammoniac anhydre dans des contenants inadéquats a causé de nombreuses blessures et décès.
On peut ranger sous l’appellation de méthode du phényl-1 propanone-2 (P-2-P) les anciennes méthodes de fabrication. La méthode était populaire dans les années 1970 et 1980 pour produire la d,l-méthamphétamine et elle exige l’apport d’un réducteur en plus du phényl-1 propanone-2 et du méthylamine Les réducteurs les plus couramment employés dans les laboratoires clandestins qui utilisent cette méthode sont l’amalgame d’aluminium (composé d’aluminium et d’une petite quantité de chlorure mercurique) et le borohydrure de sodium. On trouve aussi d’autres réducteurs tels l’hydrogène et un catalyseur métallique, mais ils sont beaucoup plus rarement employés. Même si elle n’est utilisée qu’en petites quantités, la réaction produit un composé qui peut avoir de l’importance pour l’environnement et en est la principale toxine, soit le chlorure mercurique. Par ailleurs, il n’est pas établi que les déchets d’un laboratoire clandestin qui a utilisé un amalgame d’aluminium causeraient un déversement de mercure dans l’environnement.
Les laboratoires clandestins au Canada appartiennent en général à deux catégories. Les laboratoires « à haut rendement » ou « superlaboratoires », qui sont gros et bien organisés et permettent de fabriquer des lots allant de quelques centaines de grammes à 50 kg par cycle de production. On trouve dans la seconde catégorie les laboratoires « à faible rendement » ou les laboratoires « artisanaux » ou encore « Beavis et Butthead » qui ne fabriquent en général que d’une à quatre onces de méthamphétamine par cycle de production, typiquement pour usage personnel ou pour les associés, le surplus servant à financer l’achat de précurseurs chimiques additionnels.
7.1 Laboratoires de méthamphétamine au Canada
L’un des problèmes relatifs aux laboratoires de méthamphétamine tient à la difficulté de les détecter. La surveillance de la consommation d’électricité permet de détecter des installations de culture de la marijuana, mais ce n’est pas le cas pour ces laboratoires. En ce sens, le nombre de laboratoires découverts au Canada peut ne pas refléter avec exactitude l’étendue du problème. Le tableau suivant montre le nombre de laboratoires de méthamphétamine détectés et démantelés au Canada en 2005.
Province | Nombre de laboratoires démantelés |
---|---|
Ontario | 6 |
Saskatchewan | 1 |
Alberta | 2 |
Colombie-Britannique | 20 |
TOTAL | 29 |
La Colombie-Britannique retient l’attention, compte tenu du pourcentage de laboratoires démantelés dans cette province comparativement aux autres. En septembre 2005, le University College of the Fraser Valley a publié un rapport intitulé Clandestine Drug Laboratories in British Columbia. Les chercheurs ont examiné tous les dossiers dans les affaires de laboratoires clandestins de méthamphétamine qui ont été portées à l’attention de la police de la Colombie-Britannique au cours de la période de deux ans s’étalant du 1er avril 2003 au 31 mars 2005[32]. Parmi les 33 laboratoires découverts, environ la moitié (16) était en état de fonctionnement. Dix des laboratoires étaient dans un état de non-fonctionnement. Ils étaient soit prêts pour la production, soit la production avait déjà eu lieu. Les sept derniers laboratoires étaient des « laboratoires en boîte », c’est-à-dire démantelés pour être entreposés, expédiés ou cachés.
Dans ce rapport, les chercheurs indiquent que selon les renseignements fournis, la plupart des laboratoires découverts en Colombie-Britannique avaient la capacité de produire d’importantes quantités de méthamphétamine, qu’ils étaient également, pour la plupart, des laboratoires improvisés et utilisaient des produits chimiques dangereux, ce qui représentait plusieurs dangers pour la sécurité publique. Il n’est pas étonnant de lire que les personnes qui exploitaient les laboratoires avaient en règle générale de lourds antécédents judiciaires.
L’accroissement de la production de méthamphétamine et la prolifération des laboratoires semblent évidents si l’on s’en reporte aux traces de pseudoéphédrine et d’éphédrine découvertes sur les scènes de crime dans tout le pays. Ce sont des précurseurs essentiels au processus de fabrication et on les trouve couramment dans les médicaments pour le rhume en vente libre dans les pharmacies. Ainsi, une enquête récente en Ontario a permis de découvrir 8772 comprimés dans divers emballages sur une propriété où l’on s’attendait à trouver un laboratoire de méthamphétamine. C’est une quantité suffisante pour produire 157 grammes de méthamphétamine, même en employant la formule de calcul prudente de Santé Canada[33]
8. Incidence sur les personnes et les collectivités
La qualité de vie des consommateurs et vendeurs de méthamphétamine est typiquement très affaiblie. Les toxicomanes et les vendeurs peuvent être aux prises avec la dissolution de relations, l’isolement social, l’altération de la personnalité, les problèmes scolaires, la perte d’emploi, la participation au crime, l’exacerbation de maladies mentales préexistantes, la psychose et des lésions cérébrales liées à la drogue, les comportements dangereux pour la santé dont des rapports sexuels à risque et la baisse de la condition physique. De plus, ces personnes peuvent ne pas être motivées à demander de l’aide, car la consommation de méthamphétamine peut provoquer des niveaux élevés d’énergie et de productivité.
La consommation et la production de méthamphétamine ont également des répercussions sociales sur nos collectivités. Ces collectivités deviennent exposées aux délits mineurs, au désordre social, aux risques pour la santé, à l’augmentation de la violence et à la multiplication des laboratoires de grande envergure ainsi qu’à l’accroissement du trafic de drogues.
Les installations de production de méthamphétamine représentent également de graves dangers de sécurité et de santé publique pour ceux qui se trouvent sur les lieux ou dans leur voisinage. Celles-ci peuvent être à l’origine de blessures physiques graves découlant d’explosions, d’incendies, de brûlures de produits chimiques et de vapeurs toxiques. Elles représentent des risques pour l’environnement, créent des problèmes de nettoyage et mettent en danger la vie et la santé des habitants de la collectivité. De plus, les intervenants de première ligne se retrouvent dans des situations extraordinairement dangereuses lorsqu’ils se rendent sur les lieux de ces laboratoires.
Parmi les dommages subsidiaires de la méthamphétamine qui ont été définis lors de l’Alberta Workshop on Methamphetamine (2004), mentionnons les effets sur les familles, le personnel des écoles et les élèves, les organismes chargés d’appliquer la loi, les services de lutte contre les incendies, le personnel paramédical, les professionnels des soins de santé et les commerçants et les propriétaires de biens. Ces personnes vivent les symptômes secondaires de la consommation de méthamphétamine. Comme il a été mentionné plus tôt, les intervenants de première ligne peuvent être directement exposés aux sous-produits de la fabrication (dangers d’incendie ou d’explosion), mais ils peuvent également subir la violence et les agressions des toxicomanes, la frustration et le stress découlant de ressources inadéquates et des contraintes judiciaires les empêchant d’agir. Les parents peuvent vivre un stress émotionnel et financier pendant le traitement de leur enfant, de la tension au travail en raison de leur absence pour en prendre soin, ainsi que peur, gêne, honte et culpabilité. La famille peut aussi se trouver aux prises avec des situations d’actes criminels liés aux gangs, de contamination, de violence et de problèmes de discipline parce que l’enfant continue à consommer. Les frères et sœurs et les enfants peuvent être négligés, maltraités, contaminés ou subir l’influence négative des modèles de comportement familial. Le personnel des écoles et les élèves peuvent se trouver en présence de consommateurs avec des problèmes de comportement, de perturbation dans les salles de cours, d’absentéisme, d’influence négative sur leurs pairs. Encore ici, il y a possibilité de contamination et de stress en raison de l’insuffisance des ressources (connaissances ou temps) pour régler ces questions. La collectivité en général peut être exposée à la violence, aux dommages aux biens, au vol d’identité, à l’érosion de la sécurité publique, à la contamination des endroits publics provenant de l’élimination des sous-produits de fabrication, à une main-d’œuvre non fiable ou réduite qui met en danger la sécurité des collègues de travail.
Le démantèlement des laboratoires et la capture des fabricants entraînent des risques importants pour la santé et des coûts élevés. En ce moment, ce sont les services de police d’intervention, les propriétaires et les assureurs qui acquittent certains montants.
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[11] Ibid.
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[12] National Institute on Drug Abuse. Research Report Series: Methamphetamine Abuse and Addiction, 2002. Bethesda (MD) : http://www.nida.nih.gov/PDF/RRMetham.pdf
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[13] Zickler, P. Long-Term Abstinence From Methamphetamine Damage. NIDA Notes, 2004,Vol. 19, no 4 : http://www.drugabuse.gov/NIDA_notes/Nnvol19N4/LongTerm.html.
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[14] Crystal Methamphetamine Working Group Report. Recommendations to the Government of Ontario, 2006. Ébauche non publiée, version no 14.
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[15] Santé Canada. Rapport d’analyse des drogues de synthèse saisies au Québec – octobre 2002 à avril 2004, 2005. Ottawa (ON) : http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection/H21-233-2004E.pdf
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[16] Ibid.
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[17] Dana Hunt, Sarah Kuck, Linda Truit, Methamphetamine Use: Lessons Learned, Cambridge (MA), Abt Associates, Inc., 2005.
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[18] Ibid.
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[19] Falkowski, C. Spectrum. The Journal of State Government, 30 avril 2004. Hazelden Foundation.
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[20] Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, Gazette du Canada, Vol. 139, no 17, DORS/2005-235.
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[21] Crystal Methamphetamine Working Group Report. Recommendations to the Government of Ontario, 2006. Ébauche non publiée, version no 14.
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[22] Rintoul, S. et C. MacKillican, Designer Drugs and Raves, 2e édition, Addictive Drug Information Council, 2001 : http://www.popcenter.org/Problems/Supplemental_Material/Raves/RCMP_rave.pdf
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[23] Province de Québec. Dossiers où il y a simultanément possession, trafic, possession pour trafic, production ou culture et une infraction aux armes à feu, 2005. Recherche de bases de données non publiée
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[24] Diplock J., S. Kirkland, A. Malm, D. Plecas, Clandestine Drug Laboratories in British Columbia, International Centre for Urban Research Studies, University College of the Fraser Valley, Abbotsford (C.-B.), 2005.
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[25] L’hameçonnage consiste à leurrer une personne pour qu’elle communique des renseignements confidentiels ou à la leurrer à des fins de vol d’identité pour qu’elle communique des renseignements qu’elle ne divulguerait pas sinon.
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[26] Carrigg, D. Drug Addicts Behind Police Pursuits, The Province, 11 juillet 2005, à la p. 16.
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[27] Weekes, J.R., Ginsburg, J.I. et Chitty, P. Accroître la participation des délinquants.Division des programmes de réinsertion sociale, Service correctionnel du Canada.
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[28] Pernanen, Kai, Cousineau, M.-M., Brochu, S. et Sun, F. Proportions des crimes associés à l’alcool et aux autres drogues au Canada, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, à la p. 53.
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[29] Du 1er avril au 17 septembre 2005, 3 détenus d’établissements correctionnels albertains ont eu un résultat positif de présence de méthamphétamine.
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[30] Il s’agit de ceux qui mélangent les produits chimiques et en font la synthèse dans la production de méthamphétamine.
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[31] National Drug Intelligence Center. Hypophosphourous Acid in Methamphetamine Production.Information Brief, 2003. Johnstown (PA) : http://www.indianadea.com/public_ docs/pubs4/4825/#Hypophosphorous
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[32] Diplock J., S. Kirkland, A. Malm, D. Plecas, Clandestine Drug Laboratories in British Columbia, International Centre for Urban Research Studies, University College of the Fraser Valley, Abbotsford (C.-B.), 2005.
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[33] Crystal Methamphetamine Working Group. Recommendations to the Government of Ontario, 2006. Ébauche non publiée, 16 mars, version no 14.
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