Repenser l’accès à la justice pénal au Canada : un examen critique des besoins, des réponses et des initiatives de justice réparatrice
1. Le contexte et les concepts de la justice pénale : de l'accès à la justice à l'accès à la justice
1.1 Introduction
[trad. libre]… Mais je ne connais aucun moyen d'évaluer la mesure dans laquelle la « justice » a été rendue dans un échantillon d'affaires, qu'elles soient civiles ou criminelles. La question est trop insaisissable, trop complexe à démêler. Il faudrait connaître trop de faits impossibles à connaître. Je soupçonne que le concept de la justice dans les affaires juridiques est trop profond pour un quelconque projet de recherche (Zander, 2000, p. 2).
Les remarques formulées par le professeur Zander au début des conférences de Hamlyn en 1999 invitent à la prudence dans les discussions sur le sens et les processus de la justice. Se décrivant lui-même comme un avocat théoricien qui s'est intéressé pendant de nombreuses années aux rouages du système juridique et en particulier à la pathologie du système, Zander s'est penché sur les changements récents touchant la justice civile, la justice pénale et la protection des droits de la personne au Royaume-Uni. Même si ses conférences portaient sur le système juridique et les tribunaux plutôt que sur des notions plus fondamentales de la « justice », il a fait une critique incisive de la nouvelle Access to Justice Act de 1999 au Royaume-Uni et du risque qu'elle mine les réalisations de la Legal Aid Act, 1949, promulguée cinquante ans plus tôt. Malgré le titre de la loi de 1999, Zander conclut que l'Access to Justice Act annonce des restrictions importantes de l'accès à la justice. Il affirme sans ménagements :
[trad. libre] La vérité, c'est que les réformes [de 1999] naissent non pas d'un désir d'améliorer l'accès à la justice mais du besoin du Trésor de contrôler le budget. Le nouveau système découle en entier de la décision de plafonner le budget, ce qui corrompra toute l'entreprise. (Zander, 2000, p. 24).
Les remarques de Zander révèlent les contextes sociaux, politiques et juridiques complexes dans lesquels les discussions relatives à la justice se déroulent actuellement. Même s'il a limité ses remarques au système juridique et aux tribunaux du Royaume-Uni et à l'accès aux procédures juridiques actuelles, l'analyse de Zander montre la façon dont les objectifs politiques visant à comprimer les dépenses peuvent influer sur la définition des objectifs en matière d'accès à la justice et leur réalisation dans les tribunaux et d'autres contextes juridiques[1]. Comme il l'évoque, les définitions de l'accès à la justice dans le contexte juridique peuvent également avoir des conséquences importantes pour la justice sociale. Au-delà du contexte des cours et des poursuites juridiques, par ailleurs, les idées de Zander sur la façon dont les contextes sociaux et politiques façonnent les conceptions de l'accès à la justice sont importantes pour évaluer les efforts actuels faits au Canada pour voir la justice dans une perspective « transformatrice » (Commission du droit du Canada, 1999).
Le présent chapitre donne un aperçu de quelques éléments du contexte et des concepts de cette réinterprétation de l'accès à la justice. Nous nous concentrons sur les défis recensés dans la documentation spécialisée sur la façon d'obtenir justice au Canada au lieu de se contenter d'améliorer l'accès au processus juridique actuel : c'est-à-dire la façon de promouvoir la justice au lieu d'assurer simplement un meilleur accès au système juridique. Le chapitre aborde trois aspects de cette analyse :
- le contexte des nouveautés en matière d'accès à la justice, notamment le lien entre la justice civile et la justice pénale et les initiatives récentes en matière de justice pénale;
- les dimensions publiques et privées de la justice, notamment les questions relatives aux ressources, aux capacités et au pouvoir;
- le concept de l'égalité dans la promotion de la justice sociale.
1.2 Le contexte des nouveautés en matière d'accès à la justice
Le projet d'accès à la justice de Florence, une évaluation comparative des initiatives à travers le monde qui a contribué à l'élaboration de conceptions plus globales de l'accès à la justice (Cappelletti et Garth, 1978; Cappelletti et Weisner, 1978 et 1979; et Cappelletti et Garth, 1979), a considérablement influé sur les idées concernant l'accès à la justice au Canada. Selon Cappelletti et Garth, il y a eu trois « vagues » de réformes de l'accès à la justice : la « première vague » du mouvement a visé les dispositions relatives à l'aide juridique; la « seconde vague » a été un groupe de réformes de fond et de procédures qui a permis la représentation juridique d'intérêts plus « diffus », notamment la protection de l'environnement et des consommateurs. Par contraste, Cappelletti et Garth ont baptisé la « troisième vague » du nom d'approche de « l'accès à la justice » à cause de ses aspirations à lever les obstacles de façon plus articulée et complète; dans l'article qu'ils ont publié en 1978 dans le Buffalo Law Review, ils disent que la « troisième vague » s'appuie sur les réalisations des réformes antérieures, mais en élargissant à la fois les objectifs et les moyens de les réaliser :
[trad. libre] Cette « troisième vague » de réforme englobe la défense des droits mais la transcende, que ce soit au sein ou à l'extérieur des tribunaux et que ce soit par l'intermédiaire de défenseurs publics ou privés. Elle met l'accent sur la panoplie complète des institutions et des dispositifs, du personnel et des procédures employées pour régler, et même prévenir, les différends dans la société moderne (Cappelletti et Garth, 1978, p. 223).
[La « troisième vague » encourage l'expérimentation d'un grand éventail de réformes], notamment des changements touchant des formes de procédure, des changements touchant la structure des tribunaux ou la création de nouveaux tribunaux, l'utilisation de non-juristes et de professionnels à la fois sur le banc et à la barre, des modifications touchant le droit matériel destiné à éviter les différends ou à faciliter leur règlement et l'utilisation de mécanismes de règlement des différends privés ou informels (Cappelletti et Garth, 1978, p. 225).
Le projet d'accès à la justice de Florence visait surtout la justice civile, mais nous pouvons décrire des « vagues » similaires dans l'évolution du contexte de la justice pénale. Ainsi, les récentes décennies ont donné lieu à une « première vague » de changements destinés à améliorer l'efficacité de la représentation juridique des personnes accusées (comme l'aide juridique pour les accusés); de même, une « deuxième vague » a donné lieu à des améliorations des procès criminels (comme l'obligation pour la poursuite de communiquer la preuve), à un plus vaste éventail d'options en matière de détermination de la peine (comme les mises en garde formelles et les condamnations avec sursis) et à une certaine reconnaissance de l'impact de l'activité criminelle sur les victimes et les collectivités (comme les déclarations des victimes) (Crawford, dans Young et Wall, éd., 1996; Roberts et Cole, éd., 1999). Dans un tel contexte, les nouveautés en matière de justice réparatrice pour les affaires pénales semblent constituer la « troisième vague » de réformes : des mesures visant à utiliser la panoplie complète d'institutions, de dispositifs, de personnel et de procédures et l'expérimentation d'un vaste éventail de réformes[2]. Par ailleurs, au-delà de la justice pénale, on a laissé entendre que « la possibilité de se servir de la substance d'un conflit pour examiner des options et mettre au point des réponses qui non seulement sont acceptables pour toutes les parties, mais favorisent le développement et le renforcement des relations entre tous les intéressés » à d'autres formes de conflit (Commission du droit du Canada, 1999, p. 56)[3]. Sous cet angle, les nouveautés en matière de justice réparatrice dans le contexte du droit pénal semblent liées à la « justice transformatrice » - des processus qui prennent en compte des questions plus larges, notamment des affaires de droit civil conventionnelles. Ainsi, les constatations préliminaires du projet d'accès à la justice de Florence sont liées aux nouveautés dans les domaines de la justice pénale et civile.
1.2.1 Le contexte de la justice civile et pénale
Cette analyse des initiatives d'accès à la justice dans les contextes du droit civil et du droit pénal donne à penser qu'il faut déterminer si les distinctions entre ces catégories demeurent valides. Dans quelle mesure devrions-nous conceptualiser le droit pénal et le droit civil comme deux catégories relativement distinctes de réponses du système de justice - ou conviendrait-il davantage de les voir comme des points sur une droite? Cette question est fondamentale pour toute évaluation des nouveautés en matière de droit civil et de droit pénal pour régler des différends. Une réponse est que des actes devraient être considérés « criminels » (1) lorsqu'il s'agit de méfaits socialement proscrits, c'est-à-dire lorsque la conduite est telle que la collectivité adopterait une position commune et publique et revendiquerait le droit d'imposer une norme à ses membres; et (2) quand il y a un malfaiteur, un agent criminel, qui peut être tenu responsable, c'est-à-dire une personne à qui la collectivité peut demander de répondre de ce méfait (Marshall et Duff, 1998). Selon cette approche, il y a une distinction critique entre les processus employés pour traiter les méfaits criminels et les méfaits civils. Dans le processus civil, la victime est aux commandes; par contraste,
[trad. libre] Un modèle « criminel » met la collectivité (l'État) aux commandes. La police enquête; l'accusation est portée par [l'État]; la décision de porter ou non des accusations et jusqu'où procéder incombe au responsable de la poursuite; ce n'est pas à la victime de décider si une décision qu'il prend sera exécutée [.] Il y a deux aspects au modèle pénal. D'une part, la victime reçoit plus d'appui de la collectivité qu'elle pourrait en recevoir dans le modèle civil : elle n'est pas laissée à elle-même pour monter le dossier. D'autre part, elle en perd le contrôle : ce n'est plus à elle de décider de poursuivre ou non comme bon lui semble (Marshall et Duff, 1998, p. 15-16).
En utilisant l'exemple concret du viol, Marshall et Duff soutiennent que le tort causé à la victime devrait être considéré en même temps comme un tort causé à « nous », c'est-à-dire que tous les membres de la collectivité partagent le tort.
[trad. libre] Le tort ne cesse pas de lui « appartenir », mais il est aussi « notre » tort dans la mesure où nous nous identifions à elle. Ce n'est pas que nous soyons conscients que d'autres membres du groupe sont également vulnérables à de telles attaques ou que nous voulons avertir d'autres agresseurs potentiels qu'ils ne peuvent s'en prendre aux membres du groupe avec impunité. : c'est que l'attaque contre cette victime particulière est aussi en soi une attaque contre nous - contre elle comme membre du groupe et contre nous, ses semblables (Marshall et Duff, 1998, p. 19-20).
Selon Marshall et Duff, il n'est pas justifié de dire que la collectivité a « volé » la cause de la victime; ils ne sont pas d'accord avec l'argument classique de Nils Christie selon lequel une victime est rendue muette dans les procédures pénales, réduite au statut de déclencheur de toute l'affaire (Christie, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 312). Pourtant, dans la mesure où les conceptions de la justice réparatrice créent l'occasion de faire participer davantage les victimes au processus de la justice pénale et un lien plus substantiel entre les victimes et les délinquants, il est important dès le départ de comprendre comment ces éléments nouveaux ont tendance à brouiller les distinctions actuelles entre les processus du droit pénal et du droit civil[4].
Cette conclusion ne signifie pas qu'il n'y aura plus de distinction entre les préjudices « privés » et « publics », mais elle révèle la nécessité de porter plus d'attention aux détails des processus[5] destinés à favoriser un meilleur accès à la justice. Par ailleurs, comme nous le verrons plus à fond ci-dessous, le choix d'exemples différents peut influer sur nos conclusions quant à l'atteinte des objectifs de la justice. Par exemple, il peut être pertinent que l'exemple du viol cité par Marshall et Duff dans leur analyse des processus de la justice pénale concerne une victime de sexe féminin. Par contraste, dans l'analyse que Christie fait des conflits sociaux, le pronom employé pour désigner la victime est généralement masculin : Christie décrit la victime par rapport à la façon dont il a souffert, il a subi des pertes matérielles ou il a été blessé et comment, par-dessus tout, il a perdu la possibilité d'intervenir dans sa propre cause (Christie, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 314). Nous nous pencherons plus loin dans ce document sur la question de savoir si le sexe peut être pertinent dans les évaluations du système de justice pénale conventionnel ou des pratiques de justice réparatrice[6], et dans quelle mesure.
1.2.2 Le contexte des objectifs liés à la justice pénale, au châtiment et à la détermination de la peine
La documentation spécialisée sur la justice pénale montre également des points de vue différents sur les objectifs de la justice pénale, des points de vue importants pour comprendre le contexte dans lequel les prétentions actuelles concernant la justice réparatrice sont avancées. Herbert Packer a donné en 1964 une analyse importante (et maintenant classique) de la procédure pénale dans le contexte judiciaire : les modèles concurrents du « contrôle de la criminalité » et de « l'application régulière de la loi » (Packer, 1964). Le modèle de Packer vise à cerner le spectre des choix stratégiques dans le processus pénal : selon Packer, le modèle axé sur le contrôle de la criminalité a favorisé un processus décisionnel efficace et libre pour réaliser l'objectif dominant de réprimer la criminalité, tandis que le modèle axé sur l'application régulière de la loi a assuré une protection plus grande à l'accusé en limitant et en contraignant le pouvoir officiel (voir aussi Packer, 1968). Dès 1970, toutefois, John Griffiths a proposé que les deux modèles de Packer constituent des formes différentes du même modèle, un « modèle de bataille » de la justice pénale. Griffiths a poursuivi en formulant un « modèle familial » de la justice pénale. Selon Griffiths, le modèle familial reconnaît explicitement qu'une activité criminelle signifie qu'une personne a violé une norme définie par la collectivité, mais que la violation ne devrait pas entraîner la diabolisation de la personne comme « criminel »; un modèle familial de la justice pénale met plutôt l'accent sur ce que la nature du processus accomplit de même que sur l'aptitude du processus à remplir son objet (Griffiths, 1970, p. 391).
Selon Kent Roach, les efforts de Packer pour promouvoir un modèle d'application régulière de la loi ont été considérablement compromis lorsque des études empiriques ultérieures ont montré que dans la plupart des cas, le processus pénal fonctionne comme une chaîne d'assemblage vouée au contrôle de la criminalité et débouchant sur le plaidoyer de culpabilité (Roach, 1999, p. 21, qui cite McBarnet)[7]. De plus, Roach affirme que l'application régulière de la loi peut en fait agir au niveau de l'idéologie pour appuyer un modèle de contrôle de la criminalité. Par ailleurs, les modèles de Packer présupposaient que les intérêts des individus étaient toujours opposés à ceux de l'État. Par contraste, Roach est d'avis que le modèle familial de Griffiths suppose que l'État et l'accusé, comme un parent et son enfant, ont des intérêts communs si ce n'est que parce qu'ils continuent de vivre ensemble après la punition (Roach, 1999, p. 25). Fait révélateur, Roach dit, de plus, que le modèle familial employé le plus souvent dans la justice applicable aux adolescents a plus tard été écarté pour des raisons touchant à la fois l'application régulière du droit et le contrôle de la criminalité. Il mentionne cependant qu'on est actuellement en train de reconcevoir le modèle au moyen des conférences familiales, de la justice réparatrice et de l'humiliation réintégrative (Roach, 1999, p. 25, qui cite Braithwaite, 1989). Roach souligne de plus qu'à l'époque où Packer et Griffiths écrivaient, on ne se préoccupait pas encore des droits des victimes, un élément nouveau qui a eu un impact considérable sur les processus qu'on emploie maintenant dans le contexte de la justice conventionnelle et de la justice réparatrice. Ainsi, certaines pratiques actuelles de la justice réparatrice semblent liées à des discussions antérieures concernant les modèles appropriés pour la justice pénale[8].
En plus des différences en fait d'approches théoriques des procédures de justice pénale, on trouve également des théories différentes de la répression et de la détermination de la peine. Selon Von Hirsch et Ashworth, au cours des six premières décennies du vingtième siècle, la réadaptation était censée être un objectif important de la détermination de la peine, et on disait même parfois que c'était l'objectif principal (von Hirsch, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 1). Cependant, en plus de la réadaptation, on a également insisté sur les objectifs de dissuasion par rapport à la détermination de la peine, à la fois pour dissuader des délinquants de récidiver (dissuasion spécifique) et pour dissuader d'autres citoyens qui pourraient être tentés de commettre des actes criminels par crainte de la sanction (dissuasion générale). Les objectifs de la réadaptation et de la dissuasion partagent l'idée que la répression est justifiée parce qu'elle a pour effet de prévenir le crime (von Hirsch, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 44); sous ce rapport, ces théories de la répression sont « prospectives ». Par contraste, depuis les années 1970, quelques théoriciens de la détermination de la peine ont embrassé l'idée du « juste dû » comme fondement de la répression : l'idée que la gravité des actes criminels devrait, par souci de justice, être le facteur principal de la sévérité de la peine (Ashworth, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 141). Cette approche suppose qu'il est possible de quantifier la gravité des actes criminels et que c'est le crime commis et non le besoin de réadaptation ou de dissuasion du délinquant qui devrait déterminer la nature du châtiment. En d'autres mots, il devrait y avoir proportionnalité de telle façon que la sévérité de la peine corresponde au degré de tort causé (Roberts et Cole, dans Roberts et Cole, éd., 1999, p. 10). Par ailleurs, contrairement aux objectifs de réadaptation et de dissuasion qui prennent en compte les actions futures ou les motifs du délinquant (et d'autres personnes), la doctrine de détermination de la peine fondée sur « le juste dû » met l'accent sur les antécédents criminels du délinquant. Les partisans de cette doctrine ont soutenu qu'elle correspond aux conceptions d'usage du crime et du châtiment et qu'elle est étroitement liée à la doctrine politique libérale, avec son insistance sur la restriction du pouvoir de l'État et la conception d'individus autonomes qui exercent des choix[9].
Par contre, d'autres auteurs sont d'avis qu'une doctrine de la détermination de la peine fondée sur le « juste dû » dans une société par ailleurs injuste alourdit le châtiment pour les personnes les moins aptes à se conformer à l'idéal du citoyen autonome exerçant sa liberté de choix :
[trad. libre] Ces notions très robustes de libre arbitre et de liberté de choix semblent ne pas tenir la rampe quand l'on considère les gens qui remplissent nos palais de justice. Des femmes qui volent à l'épicerie ou qui ne déclarent pas aux services sociaux les gains que leur procurent les travaux d'entretien ménager qu'elles font le matin; les jeunes cambrioleurs qui n'ont jamais eu la chance d'avoir un emploi; les jeunes mères qui ferment les yeux sur la provenance de l'argent que ces jeunes hommes leur remettent pour subvenir aux besoins de leurs enfants; même les jeunes chauffards en voitures volées pour qui se promener dans une voiture peut être la seule source d'excitation et d'estime qui ne leur coûte rien - les infractions peuvent être dangereuses, trop répandues et détruire la qualité de vie de leurs victimes, mais il est difficile d'imaginer que leurs auteurs font le choix concret, de plein gré, d'être criminels. À choisir entre un « vrai emploi » et la criminalité, la plupart d'entre eux choisiraient sans doute l'emploi (Hudson, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 206-207).
Ce point de vue soulève des questions sur la mesure dans laquelle la doctrine du « juste dû » ne reconnaît pas suffisamment à quel point la criminalité et la répression - de même que le processus consistant à définir et à traiter ceux qui commettent des actes criminels - ont des aspects politiques et sociaux et non seulement des définitions légales. Cappelletti et Garth concluent dans leur étude antérieure de l'accès à la justice qu'une véritable compréhension de l'accès à la justice ne peut négliger une certaine perspective politique (Cappelletti et Garth, 1981, p. xvi). Par conséquent, en tentant de trouver des façons appropriées de relever le défi d'assurer l'accès à la justice aujourd'hui, on pourrait soutenir que nous devons prendre en compte les tendances actuelles visant à accroître la criminalisation (Young, dans McCamus, Rapport de l'examen du régime d'aide juridique de l'Ontario, 1997, p. 666), surtout pour les pauvres : mendiants, jeunes squeegees, sans-abri (Sossin, 1996, p. 623), les mères bénéficiaires d'aide sociale (Cahn, 2000, p. 817) et les familles pauvres (Vreeland, 2000, p. 1053). Dans quelle mesure les principes et les processus de la justice réparatrice sont-ils adaptés à ces catégories d'activités « criminelles »? De quelle façon les nouvelles options de détermination de la peine, comme la condamnation avec sursis, influeront-elles sur les taux réels d'incarcération ou la perception des taux d'activité criminelle dans le grand public? Comme Doob le mentionne dans un contexte apparenté, si l'accès aux cercles de détermination de la peine est réservé aux délinquants autochtones ayant des liens avec une collectivité, qu'est-ce que cela signifie pour le délinquant qui n'est qu'un simple visiteur dans la collectivité? Les visiteurs méritent-ils automatiquement des peines plus sévères que les délinquants qui ont des liens avec la collectivité? (Doob, dans Roberts et Cole, éd., 1999, p. 353) Même si l'on a reconnu que le concept de collectivité transcende la géographie[10], sa portée demeure néanmoins quelque peu discrétionnaire. Dans l'ensemble, il est donc difficile de contester l'affirmation selon laquelle les idées à propos de la criminalité et de la répression sont complexes et nécessitent des décisions difficiles en matière de politique publique (Doob, dans Roberts et Cole, éd., 1999, p. 350).
Selon Cooper et Chatterjee, le système de justice pénale du Canada est encore fondé sur le principe qu'un méfait doit être puni et on a proposé des justifications variées : dissuasion, maintien de l'ordre social, renforcement des valeurs de l'État ou de la société, dénonciation, promotion de la sécurité publique, nécessité de retirer l'individu de la société pendant un certain temps, réadaptation, contrôle social, répression et faire en sorte que le délinquant sache que ce qu'il a fait est mal (Cooper et Chatterjee, dans Institut canadien d'administration de la justice, 1999, p. 2). Cette approche conventionnelle de la justice pénale diffère nettement du concept de la justice réparatrice, qui suppose que la conduite répréhensible est la manifestation d'une dissociation de la collectivité et que la réponse appropriée consiste à essayer de réinsérer le délinquant dans la collectivité en rétablissant une relation positive. Selon Braithwaite, l'emprisonnement a un effet négatif sur les délinquants : les détenus qui ne sont pas déjà plongés dans une sous-culture criminelle ni versés dans les techniques criminelles y sont initiés pendant leur emprisonnement et ils risquent de devenir amers ou furieux, de s'abandonner à des sentiments de désespoir et de se trouver nettement défavorisés dans leur recherche d'emploi à leur sortie de prison. Par conséquent, l'emprisonnement ne produit pas l'intériorisation des normes centrées sur la collectivité (Braithwaite, 1999, p. 1739). Dans ce contexte, Cooper et Chatterjee parlent du besoin d'une nouvelle forme de justice, une justice qui offre :
[trad. libre] … la participation et le traitement équitables, compréhensifs et respectueux de toutes les parties et qui apportent un maximum de bénéfices et de satisfaction aux membres de la collectivité. Dans ce paradigme, la justice n'est plus synonyme de pertes ni de douleurs infligées par l'État. [La justice réparatrice] mesure différemment le succès [du système de justice]; au lieu de mesurer la sévérité de la peine infligée, elle évalue la mesure dans laquelle les torts ont été réparés et prévenus (Cooper et Chatterjee, 1999, p. 4; qui citent Van Ness et Strong, 1997, p. 42).
L'approche de la justice réparatrice reconnaît un lien entre les délinquants et le contexte social dans lequel ils contreviennent à la loi; par contraste, comme John Braithwaite le soutient, l'accent traditionnellement mis sur la répression comme réaction à des actes répréhensibles témoigne d'un « manque d'imagination ». (Braithwaite, 1999). Il est en faveur d'un retour à l'époque d'avant les années 1970 où la discussion de la criminalité était davantage centrée sur les stratégies de prévention que sur la répression et sur la recherche de solutions qui réduisent la « blessure » des personnes concernées et de leur collectivité; ces approches sont plus susceptibles d'aider à prévenir le crime. Braithwaite affirme que les stratégies de justice réparatrice (cercle de détermination de la peine, conférence communautaire et médiation entre victime et délinquant) sont destinées à « rassurer » les collectivités face à la perpétration d'actes criminels. Cet accent sur la justice qui « répare » les délinquants, leurs victimes et leur collectivité (Llewellyn et Howse, 1998) offre donc une solution à ceux qui croient que le plus grand échec du système de justice pénale du Canada a été son utilisation obstinée et vaine de l'emprisonnement en guise d'outil pour faire face au comportement criminel (Quigley, dans Institut canadien d'administration de la justice, 1999).
1.2.3 Le contexte de la justice réparatrice au Canada
La justice réparatrice a eu une place importante dans les propositions visant à réformer le système de justice pénale dans les dernières décennies du vingtième siècle, au Canada et à l'étranger. Par ailleurs, les partisans des pratiques de justice réparatrice ont affirmé qu'elle représente un retour à des conceptions beaucoup plus anciennes de la criminalité et des procédures pénales, surtout des procédures réservant un plus grand rôle à la victime. Ainsi, Martin Wright a expliqué que les victimes se sentiraient peut-être mieux dans le Moyen Âge, alors qu'elles participaient plus directement à la procédure avec le délinquant. De même, les victimes avaient droit à une compensation particulière (le « bót » ou tarif) du délinquant, tandis que le roi ou d'autres seigneurs pouvaient réclamer le « wer » ou le « wite » (paiement ou amende; Wright, 1996, p. 11-19). Au cours des siècles suivants, vu la centralisation des procédures pénales, le rôle de plus en plus grand que l'État jouait pour poursuivre les délinquants pour leur activité criminelle a considérablement limité le rôle de la victime, tant par rapport à la condamnation qu'à la détermination de la peine du délinquant (Christie, dans von Hirsch et Ashworth, éd., 1998, p. 312). Par conséquent, bon nombre des tenants de la justice réparatrice comme moyen de réaliser l'objectif d'accroître la participation de la victime au processus et son droit à la restitution qualifient la justice réparatrice de manifestation plus récente d'anciennes formes de la justice anglaise (Llewelyn et Howse, 1998). Ils se réfèrent également au droit comparatif. Par exemple, le Code civil français permet depuis longtemps aux victimes de jumeler leur action en responsabilité délictuelle contre un délinquant à la poursuite criminelle de l'État. Cette approche limite en théorie la participation de la victime aux questions de restitution, mais on a lancé l'idée que la procédure permet aux victimes de participer à toutes les étapes critiques (Waller, 1988, p. 14-15, qui cite Vouin, 1973)[11].
Une autre école de la justice réparatrice caractérise la perpétration d'actes criminels comme un conflit interpersonnel ou communautaire, de telle façon que l'objectif de la justice réparatrice devient le règlement du conflit. Dans un tel contexte, le consentement des victimes, des délinquants et des membres de la collectivité à participer à une discussion pour trouver une solution au conflit sert clairement à lier tous les participants au résultat; les partisans de la justice réparatrice rattachent souvent les objectifs de non-récidive à l'utilisation de procédures fondées sur le consentement plutôt que la coercition (comme dans le contexte du droit pénal conventionnel). En passant par la médiation et la négociation pour régler des différends, au lieu des procédures du droit pénal conventionnel, la justice réparatrice offre aux parties à une affaire pénale la chance de participer et de se prendre en charge, tout comme les solutions de rechange aux mécanismes conventionnels de règlement des différends en droit civil peuvent fournir aux parties l'occasion de participer à une recherche de solutions plus consensuelles[12]. Manifestement, l'utilisation de modes de règlement des différends à l'extérieur du système judiciaire illustre l'existence de liens additionnels entre les procédures du droit civil et du droit pénal, même s'ils peuvent également soulever des questions dans ces contextes différents[13]. En outre, les procédures de la justice réparatrice comportent souvent des dispositions pour assurer un soutien continu aux délinquants et aux victimes, au moyen de mesures pouvant avoir été adoptées dans les décennies précédentes du vingtième siècle afin de réaliser les objectifs de la détermination de la peine axés sur la réadaptation.
Cette analyse semble indiquer que les idées concernant la justice réparatrice ne sont pas tout à fait nouvelles dans les discussions de la criminalité, de la répression et de l'accès à la justice. En examinant ces manifestations actuelles, il est donc peut-être important de saisir la justice réparatrice dans son contexte historique. Par ailleurs, l'expression « justice réparatrice » peut englober un éventail de pratiques, notamment les dispositions qui prévoient la participation de la victime ou de la collectivité au règlement de différends, des objectifs de réadaptation, la restitution, etc. - mais non forcément toutes ces caractéristiques dans une même procédure. Ainsi, il faut prendre en compte le contexte social et juridique dans lequel des programmes de justice réparatrice particuliers fonctionnent et les conséquences exactes de l'élimination des frontières entre les procédures de la justice pénale et civile dans des cas particuliers. En outre, le contexte culturel de la justice réparatrice est essentiel, c'est-à-dire qu'il est important de reconnaître que l'impulsion la plus importante en faveur des procédures de justice réparatrice au Canada venait des préoccupations concernant l'application des concepts eurocentriques de la criminalité et de la répression aux délinquants et aux collectivités des Premières Nations (McNamara, 2000, p. 61) et de l'énorme sur-représentation des hommes et des femmes autochtones dans les prisons (Rudin, dans McCamus, Rapport de l'examen du régime d'aide juridique en Ontario, 1997, p. 441). Fait à noter, on décrit souvent les procédures de la justice réparatrice comme des procédures de « justice autochtone » : elles comportent des cercles qui réunissent le délinquant, la victime, leurs familles et leur collectivité dans l'objectif de « réconcilier » tous les participants[14]. Le processus n'est pas dirigé par des professionnels mais par des anciens de la collectivité, et on ne met pas l'efficacité ni l'irrévocabilité au premier plan. De plus, Roach (1999, p. 251) souligne que comme il n'y a pas de verdict binaire, la victimisation passée et le désaccord que vit actuellement le délinquant peuvent être évoqués pour expliquer une infraction sans nier les besoins de la victime immédiate ni la responsabilité du délinquant. L'approche de la justice autochtone reconnaît donc la nécessité d'aborder les abus antérieurs et les mesures de prévention futures.
Pour conclure ce survol de la documentation spécialisée sur l'accès à la justice, la criminalité et la répression, nous devons faire deux mises en garde. La première concerne la nécessité d'examiner à quel point les objectifs de la réforme sont effectivement atteints, plus particulièrement dans un contexte où les besoins de fournir des preuves immédiates de changement sont pressants; le risque « d'écarts » entre les objectifs des réformes et leur mise en application (Nelken, 1981) peut aussi être aggravé par les pressions qu'exerce l'instrumentalisme (Macdonald, 1992, p. 39). Les mécanismes de la justice réparatrice peuvent être vulnérables aux mêmes pressions que subissent actuellement les cours criminelles pour prouver leur efficacité (en fait de nombre et de résultats), particulièrement compte tenu du nombre élevé de délinquants et d'infractions mineures. Dans le document de travail de la Commission du droit, on conclut que les programmes de justice réparatrice pourraient soulager la congestion des tribunaux et réduire le nombre de délinquants incarcérés, d'où une réduction des coûts. Pourtant, si ces caractéristiques sont des conséquences de la justice réparatrice pour ses partisans, pour les gouvernements, ces conséquences deviennent des objectifs (Commission du droit du Canada, 1999, p. 35). Il faut donc évaluer l'impact des programmes de justice réparatrice, non seulement en fonction de leurs propres objectifs mais aussi de leur impact sur l'objectif plus global d'améliorer l'accès à la justice pour les Canadiennes et les Canadiens.
Deuxièmement, il faut se méfier quelque peu de l'objectif de l'harmonie communautaire dans le contexte de la justice réparatrice. Comme Nader le mentionne par rapport au contexte américain :
[trad. libre] Pour ceux qui préconisent des politiques de contrôle, l'harmonie est une idéologie de pacification et un moyen de civiliser les populations. C'est grâce à l'harmonie, une harmonie fondée sur la croyance que tous devraient partager les mêmes objectifs, qu'on pourra atteindre les objectifs fondamentaux des grandes institutions contemporaines. Les idéologies axées sur l'harmonie et l'efficacité sont des outils, employés pour créer des formes culturelles différentes (Nader, 1988, p. 285).
De la même façon, Crawford exprime sa préoccupation à l'égard des « solutions de rechange » aux procédures pénales conventionnelles au Royaume-Uni, à la fois parce qu'elles abandonnent ou diluent les protections procédurales, mais aussi à cause de la mesure limitée dans laquelle elles peuvent garantir aux parties, de façon réaliste, le libre arbitre, le rôle d'intermédiaire et une voix au chapitre, des caractéristiques fondamentales de leur attrait normatif et de l'objectif de réaliser l'harmonie et la réconciliation entre les participants. Selon Crawford, le « gestionnariat » grandissant de la justice pénale, qui insiste sur l'efficacité, l'économie et la gestion harmonieuse d'une charge de travail croissante, signifie que ces objectifs fondamentaux des modèles de justice réparatrice peuvent être compromis ou considérablement faussés (Crawford, dans Young et Wall, éd., 1996, p. 313-314)[15]. Dans ce contexte, les questions relatives aux modèles du droit pénal fondés sur « le contrôle de la criminalité » réapparaissent, tandis que les garanties traditionnelles de « l'application régulière du droit » peuvent être plus difficiles à assurer ou à exécuter. Par conséquent, les questions relatives aux valeurs sous-jacentes de l'harmonie communautaire doivent être abordées dans toute analyse des tendances naissantes en matière d'accès à la justice; ces préoccupations dénotent aussi des questions importantes concernant les conceptions publiques et privées de la justice de même que l'égalité par rapport à la justice sociale. Nous traitons ces points dans les sections ci-dessous.
- [1]Dans sa conférence sur la justice pénale au Royaume-Uni, Zander a d'abord souligné que les chiffres du Home Office pour 1999 révèlent que sur 100 infractions perpétrées contre des personnes et leurs biens, 45 seulement sont signalées à la police, 24 sont enregistrées par la police, 5 sont résolues par la police et 2 aboutissent à une condamnation. Il conclut que les cours criminelles ne font qu’effleurer les marges du problème de la criminalité (Zander, 2000, p.51). Il a analysé dans sa conférence les recommandations de la Commission royale Runciman et d'autres « améliorations » récentes apportées à la justice pénale qui sont toutes selon lui des indications d'une préoccupation à l'égard, au moins, de l'apparence de la justice. Il croit qu’il est beaucoup plus difficile de savoir comment améliorer la qualité de la justice (Zander, 2000, p.55). Pour Zander, l'économie et l'efficacité sont des objectifs importants pour le système de justice pénale, mais la principale préoccupation doit être le juste équilibre entre les intérêts propres à la poursuite et les intérêts propres à la défense (Zander, 2000, p.75).
- [2] On accorde à Albert Eglash la paternité de l'expression « justice réparatrice » en 1977, même si « les racines de cette école ont autant occidentales qu'extérieures à l'Occident » (Llewellyn et Howse, 1998, p. 4-5). Llewellyn et Howse ont adopté l'analyse de Van Ness et Strong selon lesquels la doctrine de la justice réparatrice a été influencée par cinq mouvements : le mouvement de la justice informelle; les mouvements visant à satisfaire aux besoins des victimes par la restitution; le mouvement des droits des victimes, permettant à celles-ci de participer au processus juridique; les mouvements en faveur de la médiation entre victime et délinquant et des conférences communautaires; et les mouvements en faveur de la justice sociale (Van Ness et Strong, 1997). Selon Llewellyn et Howse :
En quelques mots, la justice réparatrice vis à remettre en état le tissu social perturbé, à instaurer ou à rétablir des rapports fondés sur l'équité sociale, des rapports où les droits de chacun à la dignité, à la sollicitude et au respect sont honorés en toute égalité [.] Tendant vers l'équité sociale, la justice réparatrice exige essentiellement que l'on se préoccupe de la nature des rapports qui existent entre les particuliers, les groupes et les collectivités (Llewellyn et Howse, 1998). - [3] Selon le document de travail de la CDC, « La justice transformatrice, comme stratégie générale de réaction aux conflits, étend l'application des principes et des pratiques de la justice réparatrice au-delà du système de justice pénale » à des litiges environnementaux, à des affaires de droit du travail, à des problèmes entre locataires et propriétaires, etc. :
S'inspirant de la justice réparatrice, une approche transformatrice à l'égard du règlement de différends se donnerait comme premier objectif de transformer les relations entre les parties au conflit [.] Une approche transformatrice à l'égard de la résolution des conflits consisterait à encourager l'établissement de relations fondées sur l'accommodation entre des groupes aux intérêts opposés. Une situation d'affrontement entre des groupes sera ainsi transformée en une situation dans laquelle ces groupes reconnaissent qu'ils ont mutuellement intérêt à parvenir à des solutions applicables (Commission du droit du Canada, 1999). - [4] Dans un examen des réformes du droit pénal survenues dans la décennie suivant la publication en 1983 du rapport du groupe de travail fédéral-provincial sur la justice pour les victimes d'actes criminels (dans lequel on recommandait de modifier le Code criminel pour permettre de présenter des déclarations des victimes à l'étape de la détermination de la peine), Steven Skurka a passé en revue les questions figurant dans les formules employées pour établir ces déclarations dans différentes villes de l'Ontario. Skurka a fait une mise en garde : les cours doivent prévenir l'infusion de préjugés injustifiés et veiller à ce que les déclarations des victimes restent à l'intérieur des paramètres stricts prescrits par la loi (Skurka, 1993, p. 346). Voir aussi la réponse aux préoccupations de Skurka dans Young, 1993, p. 355.
- [5]Voir également Etherington, Rapport sur les questions relatives au multiculturalisme et à la justice : projet de réforme (Ottawa : Section de la recherche du ministère de la Justice, 1994) « Le système de justice criminelle n'existe pas isolément et plusieurs obstacles rencontrés par des membres des minorités, lorsqu'ils cherchent à obtenir justice, sont créés par des institutions qui sont généralement considérées comme n'étant pas du ressort du système de justice criminelle. »
- [6]Voir aussi Laureen Snider, Feminism, Punishment and the Potential of Empowerment, (1994), vol. 9, Canadian Journal of Law and Society, p. 75; et Naomi Cahn, Policing Women: Moral Arguments and the Dilemma of Criminalization, (2000), vol. 49, DePaul Law Review, p. 817.
- [7]Voir également les statistiques selon lesquelles 90 % des infractions au Code criminel signalées à la police sont non violentes : Conseil national du bien-être social, L'aide juridique et les pauvres (Ottawa : ministère des Approvisionnements et Services, 1995), p. 3-4. Dans le Toronto Star, on rapportait récemment qu'entre 70 % et 80 % des dizaines de milliers de causes devant les cours provinciales de l'Ontario chaque année font l'objet d'un plaidoyer négocié, une hausse de 10 % par rapport à la décennie précédente. Le système judiciaire provincial serait paralysé sans les négociations de plaidoyer. Voir « Closed Doors: Justice by Plea Bargain », Toronto Star, 10 mars 2001, p. A1 et A26.
- [8] Selon Braithwaite, on voyait au départ l'emprisonnement comme une entreprise « civilisatrice », systématique et rationnelle. Il dit aussi qu'avant 1970, le débat sur la criminalité portait beaucoup plus sur la recherche de stratégies de prévention constructives que sur le châtiment mais que par la suite, les experts se sont concentrés sur les méthodes permettant de déterminer les peines qu'il convient d'imposer pour des écarts de conduite. (Braithwaite, 1999, p. 1737).
- [9]Dans le recueil publié sous leur direction intitulé Reform and Punishment, Michael Tonry et Franklin Zimring abordent de nombreuses questions relatives aux réformes de la détermination de la peine. Par exemple, Louis Schwartz a analysé des options en matière de lignes directrices sur la détermination de la peine, estimant que les peines d'emprisonnement courtes ont pour objectif la dissuasion; les peines d'emprisonnement moyennes, la réadaptation; et les peines d'emprisonnement longues, la vengeance et la neutralisation : voir Schwartz, « Options in Constructing a Sentencing System: Sentencing Guidelines under Legislative or Judicial Hegemony », dans Tonry et Zimring, éd., 1983, p. 71. De même, John Coffee et Michael Tonry ont évalué des études sur l'impact des lignes directrices relatives à la détermination de la peine, surtout par rapport à la négociation de plaidoyers : voir John Coffee, Jr. et Michael Tonry, « Hard Choices: Critical Trade-Offs in the Implementation of Sentencing Reform through Guidelines », dans Tonry et Zimring, éd., 1983, p. 155. Le recueil s'intéresse également à la détermination de la peine pour des délinquants souffrant de maladie mentale : voir Norval Morris, « Sentencing for the Mentally Ill », dans Tonry et Zimring, éd., 1983, p. 125. Voir également Patti Bregman, « Special Legal Needs of People with Mental Disabilities », dans McCamus, Rapport de l'examen du régime d'aide juridique de l'Ontario, 1997, p. 373. Voir également Andrew Ashworth et Martin Wasik, éd., Fundamentals of Sentencing Theory (Oxford: Clarendon Press, 1998); et Richard Young et David Wall, éd., Access to Criminal Justice: Legal Aid, Lawyers and the Defence of Liberty (Londres : Blackstone Press, 1996).
- [10] Dans ce contexte, le juge Barry Stuart, un pionnier de l'utilisation des cercles de détermination de la peine au Yukon a dit que « la collectivité est formée de gens, non de lieux ». Voir B. Stuart, Créer des partenariats de justice communautaire : les cercles de conciliation communautaires (Ottawa : Réseau de justice autochtone, Justice Canada, 1997). Dans un examen des cercles de détermination de la peine, Luke McNamara cite des causes dans lesquelles la demande de délinquants autochtones de comparaître devant un cercle de détermination de la peine a été accordée même s'ils ne vivaient pas dans une collectivité autochtone : voir R v. SEH [1993] BCJ 2967, Stromberg - Sterin, J; et R v. Cheekinew (1993), 80 CCC (3d), p. 143, Grotsky, J. Voir Luke McNamara, « The Locus of Decision-Making Authority in Circle Sentencing: The Significance of Criteria and Guidelines » (2000), vol. 18, Windsor Yearbook of Access to Justice, p. 60.
- [11] Voir également la liste complète dressée par Waller des rapports canadiens antérieurs sur la participation des victimes aux procédures criminelles. Voir également le rapport de la Commission canadienne de la détermination de la peine, intitulé Réformer la sentence : une approche canadienne. (Ottawa : ministère des Approvisionnements et Services, 1987).
- [12] Selon le document de travail de la Commission du droit du Canada, « le cadre et les principes de ce qu'on appelle autre mode de règlement des différends semblent indiquer que plusieurs des critiques formulées par les victimes et les délinquants à l'égard du système de justice pénale ont leur pendant dans le système de justice civile ». Voir Commission du droit du Canada, 1999, p. 37.
- [13] Comme on l'explique dans le document de travail de la Commission du droit du Canada, le rôle de la collectivité pourrait être assez important dans les différends environnementaux, mais beaucoup moins clairs dans les différends en droit de la famille ou en droit de la faillite. Voir Commission du droit du Canada, 1999, p. 38.
- [14] Comme McNamara l'explique, certains ont tenté d'établir une distinction entre les « cercles de réconciliation » et les « cercles de détermination de la peine » dans les processus de la justice autochtone (McNamara, 2000, p. 81). Voir aussi Larry Chartrand, The Appropriateness of the Lawyer as Advocate in Contemporary Aboriginal Justice Initiatives, (1995), vol. 33, Alberta Law Review, p. 874.
- [15] Il est ironique, comme Crawford l'explique, que l'attention qu'on porte à l'efficacité et à l'économie signifie que des formes de déjudiciarisation deviennent des options attrayantes pour la gestion de la justice pénale : [trad. libre] « Étant donné l'attrait de la déjudiciarisation d'un point de vue de gestion et l'éthique administrative dans laquelle elle puise une grande partie de ses appuis, le défi pour ceux qui ont à cour d'étendre la médiation ou la déjudiciarisation en raison de l'attrait de ses visées réparatrices consiste à faire en sorte que la nécessité de traiter un grand nombre de dossiers aussi rapidement et économiquement que possible ne mine pas son potentiel normatif » (Crawford, dans Young et Wall, éd., 1996, p. 343). Cela donne à entendre que les objectifs bureaucratiques peuvent diluer l'objectif de l'harmonie dans les pratiques de la justice réparatrice.
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