Échange de connaissances de Justice Canada sur les réponses du système de justice pénale aux agressions sexuelles envers les adultes – Résumé des travaux

Objet

Les 7 et 8 mars 2017, Justice Canada a tenu un échange de connaissances sur les réponses du système de justice pénale aux agressions sexuelles envers les adultes. Cette journée avait pour objectif de mieux comprendre pourquoi, en dépit du solide cadre du droit pénal du Canada en matière d’agressions sexuelles, les taux de signalement, de poursuites et de déclaration de culpabilité demeurent faibles. Les conférenciers ont aussi abordé la question des moyens à prendre pour améliorer les réponses du système de justice pénale aux agressions sexuelles en examinant les pratiques prometteuses et les idées novatrices provenant du Canada et d’autres territoires de common law.

Survol

L’échange de connaissances a débuté par une discussion informelle dans la soirée du 7 mars et s’est poursuivi le lendemain avec une série de panels d’experts sur des sujets en lien avec la réponse du système de justice pénale aux agressions sexuelles envers les adultes. Pour chaque sujet discuté, les experts ont présenté un exposé préliminaire avant de répondre aux questions du modérateur et du public. L’événement a suscité une forte participation, avec un total d’environ 200 personnes inscrites. Un enregistrement des discussions sera bientôt disponible sur vidéo.

Résumé des discussions

Discussion informelle

Nathalie Drouin, sous-ministre déléguée principale de la Justice, a prononcé le mot d’ouverture de la séance en soirée, qui s’est poursuivie avec une discussion informelle entre Cherry Smiley, artiste des Nations Nlaka’pamux (Thompson) et Diné (Navajo), militante féministe et étudiante au doctorat, et Isobel Granger, sergent-chef du Service de police d’Ottawa et enquêtrice en matière de violence sexuelle et sexospécifique pour l’ONU. Les présentatrices ont fait état du contexte social devant servir de toile de fond aux discussions de la question des agressions sexuelles au Canada et à l’étranger. Elles ont abordé le sujet de l’utilisation de la violence sexualisée comme arme de guerre et comme instrument de colonialisation. Les panélistes ont décrit les liens étroits à faire entre le sexisme, le racisme et d’autres formes d’oppression pour comprendre la violence sexuelle exercée contre les femmes et l’impact particulier du colonialisme sur les femmes autochtones. Elles ont également fait quelques suggestions aux professionnels du système de justice pénale pour les aider à prendre conscience des préjugés inconscients qui influencent le cours des enquêtes et des poursuites judiciaires en matière d’agressions sexuelles.

Échange de connaissances

L’aînée Roberta Della-Pica a prononcé les prières d’ouverture et de fermeture de l’échange de connaissances organisé dans le cadre de la Journée internationale de la femme. C’est l’honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureur général du Canada, qui a prononcé le mot d’ouverture.

Les statistiques et la loi

Ce premier groupe d’experts a présenté un survol des dispositions législatives canadiennes en matière d’agressions sexuelles, et des statistiques au Canada. Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale de la Section de la politique en matière de droit pénal à Justice Canada, a expliqué comment les dispositions du Code criminel en matière d’agressions sexuelles ont évolué au cours des 34 dernières années en réponse aux préoccupations exprimées quant au traitement des victimes d’agressions sexuelles par le système de justice pénale. Le Code interdit l’agression sexuelle sous toutes ses formes; il définit la notion de consentement et énonce clairement les cas où il n’y a pas de consentement. De plus, des modifications ont été apportées au Code afin de protéger les victimes contre les hypothèses fondées sur des mythes et stéréotypes concernant la façon dont les victimes d’agressions sexuelles devraient se comporter, de manière à faciliter le témoignage des victimes et à mieux protéger leur vie privée.

Kathy AuCoin, chef du Centre canadien de la statistique juridique, a mentionné qu’en dépit d’une diminution globale du taux de criminalité au cours des trois dernières décennies, les agressions sexuelles n’ont pas diminué et constituent toujours un crime sexospécifique perpétré par des hommes contre des femmes. En 2014, seulement 5 % des agressions sexuelles ont été signalées à la police. En 2015, seulement 43 % des agressions sexuelles dénoncées à la police ont donné lieu à une accusation criminelle, et en 2014-2015, seulement 43 % des personnes accusées d’agression sexuelle ont été déclarées coupables. Les femmes autochtones et les femmes abusées sexuellement dans leur enfance sont plus susceptibles d’être victimes d’agression sexuelle.

Signalement et enquêtes

Ce groupe d’experts a discuté des taux de signalement d’agressions sexuelles à la police, des obstacles au signalement, des mesures de soutien mises à la disposition des survivantes et des pratiques prometteuses en matière de signalement et d’enquêtes policières.

Holly Johnson, professeure au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, a présenté les résultats de ses travaux de recherche sur les victimes d’agression sexuelle qui ont porté plainte à la Police d’Ottawa. C’est au moment où les survivantes décident de ne pas dénoncer le crime à la police que se produit le  plus important point d’attrition en matière d’agression sexuelle. Les principaux obstacles au signalement identifiés par les femmes sont la peur d’être blâmées, jugées ou humiliées. Le pourcentage de plaintes pour agression sexuelle classées comme « non fondées » par la police et les expériences vécues par les survivantes avec la police révèlent un manque de compréhension de l’incidence du traumatisme sur les survivantes, qui entraîne un manque de justice en matière de procédure pour la victime (c’est-à-dire, une réponse respectueuse et compatissante).

Jennifer Richard, directrice du développement communautaire pour le Centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle de Fredericton (CVASF), a traité plus en détail de la « culture de suspicion » qui prévaut dans la police et qui joue un rôle dans la décision de la vaste majorité des survivantes d’agression sexuelle de ne pas porter plainte à la police. Elle a discuté de la création en 2015 de l’équipe d’intervention dans les cas d’agression sexuelle, qui englobe le centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle, les services provinciaux d’aide aux victimes, le personnel infirmier spécialisé en traitement des victimes d’agression sexuelle et les forces de police locales. De plus, le CVASF a conçu une formation intitulée Améliorer les résultats, qui porte sur la prise en compte des traumatismes durant les enquêtes policières. Cette collaboration et cette formation ont contribué au développement d’une approche plus sensible aux traumatismes dans les services de police. Il reste encore à discuter du problème des plaintes non fondées avec la police. Mme Richard a indiqué que les études démontrent que seulement 2 à 8 % des survivantes font de fausses déclarations à la police.

Shawn Devine, chef du Service de police de North Bay, a expliqué le rôle que joue la police afin de recueillir les preuves suffisantes pour recommander le dépôt d’accusations, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Il a décrit la collaboration qui existe entre le Service de police de North Bay et le centre local d’aide aux victimes d’agressions sexuelles Amelia Rising, ainsi que leurs efforts collectifs pour mettre en œuvre un modèle de surveillance des plaintes, inspiré du modèle de Philadelphie. Ce projet est subventionné par le Fonds d’aide aux victimes de Justice Canada.

Terry L. Fromson, avocate en chef du Women’s Law Project de Philadelphie, et Thomas McDevitt, lieutenant à la retraite du Service de police de Philadelphie, ont expliqué en quoi consiste le modèle de Philadelphie. En 1999, le Philadelphia Inquirer a publié que, depuis 20 ans, le tiers des plaintes pour viol ont été reléguées par la police dans des catégories d’actes non criminels, en raison de quoi peu d’enquêtes ont eu lieu. Une groupe d’intervenants ont demandé au commissaire de la police de revoir toutes les plaintes pour viol mal classées depuis cinq ans et de procéder à de nouvelles enquêtes. À l’issue d’enquêtes internes, qui ont permis de constater que plusieurs centaines de ces cas étaient bel et bien des affaires de viol, le commissaire a invité le Women’s Law Project à coordonner la révision des dossiers par des intervenants agissant pour les victimes. L’organisme a accepté cette invitation et l’examen des cas a lieu tous les ans depuis l’an 2000. Grâce à l'appui des dirigeants, à l'objectif commun d'améliorer les enquêtes et à la confidentialité du processus, les cas sont étudiés de manière professionnelle et les intervenants ont pu établir une relation de confiance et de respect.

À l’Unité des cas spéciaux, les intervenants passent en revue près de 400 dossiers dans le but de détecter toute influence négative de préjugés ou de techniques d’interrogation policière sur le résultat des enquêtes et pour déterminer si les enquêtes effectuées sont adéquates et si les cas sont classés et traités adéquatement. Les examinateurs sont tenus de respecter une entente de confidentialité dans laquelle ils s’engagent à ne communiquer aucun des renseignements obtenus lors des examens à des tiers. Au fil des ans, les examinateurs ont noté des améliorations marquées dans les enquêtes. Les plaintes ne sont plus classées sous le code 2701, le code pour les actes non criminels. En outre, le taux de plaintes non fondées est passé de 18 % à 4 % pendant cette période. M. McDevitt admet que l’examen des cas est un processus fructueux qui lui aura permis d’apprendre que, contrairement à ce qu’on lui a enseigné, les incohérences attribuables à un traumatisme ne constituent pas une preuve qu’il y a mensonge. Il insiste sur l’importance d’effectuer des enquêtes rigoureuses et sur la nécessité de mener des enquêtes et des interrogatoires sans jeter le blâme sur la victime.

Procès pour agression sexuelle : droit substantif et procédure

Ce groupe d’experts a abordé les différents éléments constitutifs d’une infraction d’agression sexuelle; la définition juridique du consentement; les défenses possibles; les rôles du procureur de la Couronne, de l’avocat de la défense et de la magistrature; ainsi que les tendances du droit.

Janine Benedet, doyenne associée à l’École de droit Peter A. Allard de l’Université de Colombie-Britannique, a mentionné que les difficultés ne résident pas dans le texte des dispositions législatives, mais bien dans le fait qu’elles permettent encore aux juges et aux jurys d’évaluer la crédibilité et le caractère raisonnable des plaintes à partir de stéréotypes et de mythes discriminatoires. La Couronne a le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement, même si la loi définit le consentement plutôt que « l’absence de consentement ». Lorsqu’un accusé soutient qu’il y a eu consentement, il se trouve à affirmer que la victime ment sous serment. Dans bien des cas, on se retrouve concrètement à réintégrer les exigences antérieures en matière de corroboration et de preuve d’une plainte en vertu de la common law. Selon la professeure Benedet, la présomption d’innocence n’équivaut pas et ne devrait pas équivaloir à une présomption de consentement. Pour assurer une application correcte de la loi, elle a suggéré que les circonstances dans lesquelles il n’y a pas obtention du consentement soient précisées dans le texte de loi, notamment en ce qui concerne les circonstances qui vicient le consentement.

Carmen Rioux, procureure aux poursuites criminelles et pénales du Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec, a indiqué que même si le procureur  n’agit pas en tant qu’avocat de la victime, il a tout intérêt à faire en sorte que la victime puisse rendre un témoignage qui servira au mieux les fins de la justice. C’est pourquoi, avant de déposer des accusations sur la foi du fruit de l’enquête policière, le procureur doit rencontrer la victime pour s’assurer de sa capacité à raconter les faits et la référer aux organismes qui pourraient lui fournir les services de support, au besoin. Le procureur a une directive d’agir en ce sens (rappelons qu’au Québec, il existe un processus d’approbation préalable des accusations).

En matière de crimes à caractère sexuel, il ne suffit pas de préparer la victime à raconter les faits du crime. Le procureur doit la sensibiliser à la possibilité qu’elle soit contre-interrogée sur des faits autres qui sont inspirés par la persistance des mythes et préjugés dans les dossiers de cette nature. Ainsi, le procureur doit, dans le cadre d’une nouvelle rencontre, l’informer du type de questions qui pourraient lui être posées et la prévenir qu’il fera tout pour s’y objecter, afin de la rassurer au point de vue légal; le but étant de la mettre à l’aise avec le processus sans pour autant que cette rencontre ait des visées thérapeutiques.

Genevieve McInnes, avocate de la défense pour le cabinet Edelson Clifford D’Angelo Friedman LLP à Ottawa, a discuté du rôle des avocats de la défense dans les cas d’agression sexuelle, et en particulier de leur rôle crucial dans la protection des droits de l’accusé en vertu de la Charte canadiennes des droits et des libertés (la Charte). Mme McInnes a indiqué que les cas d’agression sexuelle sont beaucoup plus difficiles à régler par un plaidoyer de culpabilité que les autres infractions contre la personne. Même lorsque l’accusé souhaite plaider coupable à une accusation d’agression sexuelle, la stigmatisation sociale associée à une infraction sexuelle et les lourdes conséquences de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels constituent des obstacles à la reconnaissance préalable de culpabilité à une accusation d’agression sexuelle. Certaines politiques provinciales et territoriales ne permettent pas les plaidoyers de culpabilité à des infractions moindres, notamment de voies de fait par exemple, dans les cas d’agression sexuelle.

Kathleen Dufour, directrice générale du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de Gatineau, a mentionné que le procès est une étape décisive pour les victimes d’agression sexuelle. Les mythes et les stéréotypes auxquels font face les victimes d’agression sexuelle sont nombreux et particulièrement dommageables pour les femmes marginalisées qui ne correspondent pas au portrait type de la « véritable victime », notamment les femmes autochtones, pauvres, toxicomanes ou qui ont des démêlés avec la justice. Les mesures visant à faciliter le témoignage, prévues au Code criminel, rendues plus accessibles en 2015, peuvent aider ces femmes à traverser cette étape difficile.  Au niveau fédéral, la Charte canadienne des droits des victimes énonce aussi les droits des victimes d’actes criminels à l’information, à la protection, à la participation et à demander un dédommagement. Il s’agit là d’outils importants. Cependant, les délais du système judiciaire et le risque de rejet  des procédures à la suite de la décision rendue en 2015 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Jordan affectent lourdement les victimes d’agression sexuelle.

Marie Corbett, c.r., juge à la retraite de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, a fait état de la crise de confiance qui secoue le système de justice pénale dans les affaires d’agression sexuelle. À son avis, le système accusatoire est en partie responsable du problème puisque les victimes n’ont pas de garanties juridiques au procès et que les juges possèdent une capacité restreinte à poser des questions au témoin dans le cadre de la recherche de la vérité. La juge Corbett pense que la définition donnée au terme « agression » pose problème et a suggéré de le redéfinir comme « l’emploi de la force d’une manière intentionnelle ayant pour effet de causer un préjudice à une autre personne ». Elle a  également suggéré que le cadre légal en matière d’agressions sexuelles soit entièrement repensé, y compris l’exigence de prouver hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement (c’est-à-dire, un refus) et la création d’une catégorie distincte d’infractions sexuelles dans les cas où il y eu des relations sexuelles sur une base régulière entre l’accusé et la victime. Selon Mme McInnes,  la suggestion de modifier la norme de preuve soulève des préoccupations en lien avec la Charte.

Discours principal : Les répercussions du traumatisme sur le cerveau

Dre Lori Haskell, psychologue clinicienne, a présenté un exposé sur la neurobiologie du traumatisme et sur la pertinence  des enquêtes et des poursuites relatives aux agressions sexuelles. Elle a décrit comment le fait de se sentir menacé ou en danger déclenche le circuit de la peur. Dans de telles circonstances, l’amygdale prend le relais et active une réponse de stress qui empêche la personne de penser clairement, de former des souvenirs cohérents ou chronologiques, ou de décrire correctement ce qu’elle a vécu.

Des taux élevés d’hormones passent alors dans la circulation sanguine, ce qui provoque des effets pouvant durer jusqu’à 96 heures. Ces hormones affectent les réponses de la victime au cours d’une agression et le processus d’encodage de la mémoire. Les souvenirs traumatisant sont encodés dans le cerveau différemment, en raison des niveaux élevés d’adrénaline et d’autres hormones de stress qui circulent dans l’organisme au cours d’un événement traumatisant. En raison de ce phénomène, immédiatement après l’agression, une victime peut avoir des trous importants dans les souvenirs qu’elle a de l’événement. Selon les recherches, la consolidation de la mémoire se fait pendant le sommeil par le renforcement des connexions neuronales qui forment la mémoire. Il est tout particulièrement important d’avoir deux nuits de sommeil REM pour transférer les expériences complexes et chargées d’émotion dans une mémoire verbale récupérable.

Une victime bien reposée se rappellera mieux des expériences traumatisantes. Des entrevues menées immédiatement après une agression peuvent miner la crédibilité de la victime qui, plus tard, pourrait se rappeler des détails qui lui avaient échappé au début. Même avec du sommeil, le rappel de mémoire d’expériences traumatisantes est lent, fragmenté et désorganisé.

La sécrétion naturelle d’opioïde qui protège la victime contre la douleur peut induire chez la personne un état d’hébétude qui l’amène à manifester peu d’émotion. De plus, pour se protéger, beaucoup de victimes font se dissocier de l’événement et ne vont pas se souvenir de certains détails qu’elles auraient normalement gardés en mémoire, comme le visage de l’accusé.

La réaction d’attaque ou de fuite est trompeuse parce que l’être humain a appris à figer d’abord, lorsqu’il se trouve devant une menace, puis à se sauver. De nombreuses victimes ont une réaction d’immobilité tonique qui consiste à figer et à tomber dans un état d’engourdissement pendant une agression. Les membres de la force militaire s’entraînent spécifiquement pour surmonter cette réaction instinctive de paralysie face à la peur. Par exemple, lors de l’attaque armée survenue dans un train en France à l’été 2015, presque tous les passagers ont figé à l’exception des deux militaires américains qui sont intervenus. Cependant, la plupart des femmes n’ont pas ce type de formation et utilisent un évitement passif ou tentent d’apaiser les hommes qui les menacent ou qui ont un comportement sexuellement importun.

Les réponses socialement apprises dont se servent les femmes face à une menace se tournent souvent contre elles. Ces malentendus sur la façon dont les femmes réagissent « habituellement » sont évidents dans les attitudes visant à blâmer la victime. Certaines femmes s’adressent poliment à leur assaillant pour tenter d’éviter d’autres gestes de violence ou perte, alors que d’autres le font dans l’espoir que l’assaillant reconnaîtra son tort et voudra changer son comportement.

La police doit procéder aux entrevues d’une façon qui est compatible avec l’architecture sous-jacente de la mémoire. Les événements traumatisants sont d’abord organisés dans la mémoire suivant un niveau perceptif ou sensoriel. Par conséquent, l’entrevue devrait viser à obtenir des souvenirs de nature sensorielle en posant des questions ouvertes au sujet de ces détails et de souvenirs fragmentés. C’est là un important changement dans le style d’entrevue puisque la police est formée pour interviewer les victimes suivant des pratiques d’interrogatoire, qui mettent l’accent sur la détermination du moment et de faits clés. Ce style traditionnel d’entrevue donne souvent lieu à des déclarations incompatibles puisque la personne ne peut se rappeler de l’expérience sous une forme organisée comportant une séquence temporelle précise.

Procès pour agression sexuelle : éléments de preuve, mesures visant à faciliter le témoignage et témoins experts

La discussion sur le procès pour agression sexuelle a porté sur les règles de la preuve; le régime relatif aux dossiers de tiers; les antécédents sexuels de la plaignante; l’éthique professionnelle; ainsi que le recours aux mesures visant à faciliter le témoignage et aux témoins experts.

Karen Busby, professeure à la Faculté de droit de l’Université du Manitoba, a réitéré le message selon lequel le Canada disposait d’un solide cadre légal en matière d’agressions sexuelles. Elle a fait remarquer que le droit de l’accusé à une défense pleine et entière n’est pas absolu. Les professeures Elaine Craig et Elizabeth Sheehy ont commenté l’application erronée par quelques juges des dispositions visant à protéger les victimes de viol, dans le cadre de laquelle ils appliquent le critère de l’exclusion de preuve présumée aux deux mythes (c’est-à-dire, que la preuve d’une autre activité sexuelle avec la victime permette de déduire soit qu’elle est plus susceptible d’avoir consenti à l’activité à l’origine de l’accusation; soit qu’elle est moins digne de foi), alors que cette preuve est inadmissible. De plus, certains tribunaux justifient leur décision de passer complètement outre au processus de demande visant à protéger les victimes de viol pour des raisons de rapidité. La professeure Busby a formulé les recommandations suivantes en ce qui concerne les demandes visant à protéger les victimes de viol : donner une formation sur les agressions sexuelles aux procureurs de la Couronne; maintenir la pression sur les juges pour qu’ils utilisent le processus de demande de protection des victimes de viol; clarifier le fait que le droit à une défense discriminatoire n’existe pas; et permettre aux victimes d’être représentées par un avocat lors des audiences lors des demandes de protection des victimes de viol.

En ce qui concerne les demandes de communication de dossiers de tiers, la professeure Busby a attiré l’attention sur le manque d’études sur l’utilisation de ces dossiers dans la dernière décennie et fait les recommandations suivantes : que les administrations qui ne fournissent pas d’avocat de l’aide juridique à la victime dans ces audiences envisagent de le faire; que les transcriptions des décisions rendues dans ces audiences soient mises à la disposition des victimes; et que soit refermée la brèche créée par la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Shearing, qui a permis que l’accusé utilise des dossiers privés sans avoir à présenter une demande de communication de dossier de tiers.

Jill Witkin, avocate au Bureau des avocats de la Couronne de l’Ontario et présidente du Groupe consultatif sur la violence sexuelle, a indiqué que la crédibilité de la plaignante était au cœur des causes d’agression sexuelle traitées par le procureur de la Couronne. Elle a fait remarquer que même si le seuil fixé pour l’utilisation discrétionnaire de mesures visant à faciliter le témoignage avait été abaissé en 2015, les procureurs de la Couronne craignent souvent d’avoir à essuyer les remontrances de la cour s’ils demandent de recourir à de telles mesures. Mme Witkin a suggéré que nous fassions pression  pour que ces mesures  soient utilisées plus régulièrement, comme cela a été fait pour les enfants témoins. Elle a aussi mentionné la difficulté vécue par les victimes forcées de témoigner deux fois lorsqu’il y a une enquête préliminaire. Elle a noté que « l’incarcération » est rarement remise en cause dans les enquêtes préliminaires et que les audiences préliminaires pourraient par conséquent être réduites ou éliminées dans le cas des procès pour agression sexuelle. Mme Witkin a suggéré que les victimes puissent faire la demande d’avocats fournis par l’aide juridique avant le déclenchement du processus de demande de communication de dossier de tiers par la défense. Enfin, elle a insisté sur l’importance pour les procureurs de la Couronne de présenter la preuve d’expert sur la neurobiologie des traumatismes pour contextualiser les réactions de la victime.

Michael Spratt, avocat de la défense chez Abergel Goldstein & Partners LLP, a indiqué que les mythes et les stéréotypes jouent aussi contre les personnes accusées et qu’un manque de diversité dans l’appareil judiciaire et dans les jurys n’aident pas à cet égard. Il est d’accord pour dire qu’il ne devrait pas y avoir d’inversion du fardeau de la preuve et qu’il ne revient pas à l’accusé de démontrer que la/le plaignant(e) a fabriqué son histoire. En ce qui concerne les techniques de contre-interrogation, M. Spratt a indiqué que les questions de crédibilité sont au cœur de la défense, mais que ce n’est pas dans l’intérêt de l’accusé de s’appuyer sur les deux mythes pour attaquer la crédibilité de la/le plaignant(e) devant un juge ou un jury. Au sujet des enquêtes préliminaires, M. Spratt pense que leur élimination aurait probablement pour effet de causer des délais plus tard dans le procès  puisque celles-ci fournissent l’occasion à la défense de savoir s’il pourrait être nécessaire de  présenter une demande de communication de dossiers de tiers ou de protection d’une victime de viol. M. Spratt a souligné le problème causé par les politiques de tolérance zéro qui nuisent à leur pouvoir de plaider dans les affaires d’agression sexuelle lorsque la victime, l’accusé et la Couronne s’entendent tous sur un chef d’accusation moins grave.

David Butt, avocat chez Camden Lane Law Chambers, a indiqué qu’en dépit de l’évolution du rôle des victimes dans le procès, en particulier en ce qui concerne la possibilité qu’elles se fassent représenter par un avocat lors des audiences portant sur les demandes de communication de dossiers de tiers, les victimes auraient avantage à avoir leur propre avocat. Pour éviter de vicier les éléments de  preuve une fois que les accusations ont été déposées, les victimes sont souvent tenues dans l’ignorance  par la police et les procureurs de la Couronne. Les victimes ont souvent besoin de parler en raison du traumatisme qu’elles ont subi. Toutefois, tout ce qu’elles dévoilent à des professionnels peut être rendu public par le biais de demandes de communication de dossiers de tiers ou de divulgation. Par contraste, les communications entre la victime et son avocat sont protégées par le secret professionnel de l’avocat. M. Butt a suggéré que les dispositions sur la protection des victimes de viol soient modifiées afin d’accorder aux plaignants la qualité pour intervenir lors de ces demandes. Il a aussi suggéré et que la définition de terme « activité sexuelle » aux fins de dispositions sur la protection des victimes de viol soit  clarifiée afin de s’appliquer aux communications dans les médias sociaux qui portent sur des relations sexuelles de la plaignante, afin de protéger le caractère privé de ces communications.

Marie Corbett, c.r., juge à la retraite de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, mentionne que, pour le juge du procès dans une affaire d’agression sexuelle, l’un des aspects les plus difficiles à supporter est celui du contre-interrogatoire des plaignants, enfants et adultes. Dans l’arrêt R. c. Lyttle, la Cour suprême du Canada déclare que, dans notre système de débat contradictoire, le contre-interrogatoire est le moyen par excellence d’établir la vérité l’ultime moyen de mettre au jour la vérité et que les juges sont donc réticents à y intervenir. La juge Corbett fait les propositions suivantes : se servir davantage des aveux pour éviter les interrogatoires excessifs; réexaminer la règle de preuve qui empêche d’admettre des éléments de preuve intéressés lorsqu’il y a eu des déclarations concordantes et que leur auteur est disponible pour contre-interrogatoire. La juge Corbett n’est pas d’accord sur la proposition d’exiger des motifs par écrit, car une telle mesure serait inefficace. Elle convient cependant que les motifs verbaux doivent être transcrits et rendus disponibles.

Détermination et exécution des peines :

Ce groupe d’experts a discuté des enjeux actuels de la détermination de la peine et des services correctionnels concernant les contrevenants reconnus coupables d’agression sexuelle, y compris des questions relatives à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, aux principes formulés dans l’arrêt Gladue, aux déclarations des victimes, aux déclarations faites au nom d’une collectivité, aux modèles thérapeutiques et aux pratiques prometteuses.

Guy Bourgon, conseiller principal en recherche à Sécurité publique Canada et psychologue clinicien, explique pourquoi des individus commettent des infractions sexuelles et note que la propension à briser les règles, alliée à des motifs de nature sexuelle, se traduit souvent par une récidive. Il traite également des programmes efficaces pour les délinquants sexuels et note que, selon les observations, les programmes communautaires comme les cercles de soutien et de responsabilité (CSR) ont démontré qu’ils réduisaient les cas de récidive chez les délinquants sexuels et les aidaient à réintégrer leur communauté après avoir purgé leur peine.

Sue Bogle, avocate de la Couronne au Bureau régional du Yukon du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), fait remarquer que la Charte canadienne des droits des victime contribue à sensibiliser la magistrature au droit qu’une victime possède de rédiger une déclaration de la victime et à la soumettre à l’examen de la cour. Mme Bogle souligne qu’il existe une difficulté inhérente pour la Couronne de concilier, lors de la détermination de la peine, d’une part, les principes de dissuasion/de réprobation et d’autre part, celui de la de réadaptation (particulièrement pour les délinquants autochtones). Selon le contexte, il est possible d’y parvenir en imposant une peine de prison plus courte que celle prévue assortie d’une longue période de probation et d’un traitement pour la délinquance sexuelle, la dépendance à l’alcool, etc. De plus, il est possible de préparer des rapports présentenciels fondés sur l’arrêt Gladue lorsque les délinquants sont autochtones, car dans de nombreux cas, ils ont eux-mêmes subi des sévices sexuels au cours de leur enfance. Dans certains cas, particulièrement lorsqu’il est question de délinquants autochtones, il est possible de tenir des audiences de détermination de la peine similaires à celles qui ont lieu lorsqu’on parle de justice réparatrice, mais il est alors essentiel d’informer la victime et de lui offrir un soutien adéquat afin d’éviter les déséquilibres dans les rapports de force. Mme Bogle mentionne aussi le nouveau rôle de défenseur des droits des victimes que le Yukon est à établir est une pratique prometteuse.

Mme Bogle a également parlé de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et l’obligation d’inscrire un délinquant au Registre s’il est reconnu coupable peut nuire aux négociations de plaidoyers, car la Couronne ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire autre que celui d’accepter un plaidoyer pour agression plutôt que pour agression sexuelle, ce qui n’est pas une pratique courante.

Selon Breese Davies, avocate de la défense et professeure auxiliaire à l’Université de Toronto, a discuté de l’impossibilité désormais d’accorder des peines avec sursis dans le cas des agressions sexuelles punissables par voie de mise en accusation ce qui restreint la capacité des juges à adapter des peines communautaires pour les délinquants. À son avis, en l’absence de programmes de justice réparatrice dans la plupart des communautés, la détermination de la peine met l’accent sur la dissuasion et la réprobation, et non sur la réadaptation des délinquants, ni sur le fait de susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants ou ni sur la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes.

Mme Davies signale qu’elle n’appuie pas les changements apportés en 2012 à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS) qui ont enlevé aux juges le pouvoir discrétionnaire de soustraire le contrevenant de l’inscription au registre ou d’utiliser le registre à des fins de prévention, plutôt qu’aux seules fins d’enquête. Elle s’interroge sur la compatibilité de la LERDS avec la Charte et mentionne que cette loi fait l’objet d’une contestation fondée sur la Charte en Alberta (R. c. Ndhlovu, 2016 ABQB 595, selon laquelle ses dispositions contreviennent à l’article 7 de la Charte; audience fondée sur l’article premier, en attente).

Anita Parker, du Programme des services aux Autochtones de la Société John Howard de London et sa région, a traité des facteurs que les professionnels de la justice pénale devraient prendre en considération dans leur soutien aux Autochtones victimes et survivants d’agressions sexuelles. Elle mentionne que, dans les petites communautés autochtones, les victimes peuvent avoir à subir des répercussions quand elles révèlent une agression sexuelle et que, dans certaines communautés, la violence latérale est un problème très réel que les professionnels devraient noter. Il convient d’accorder une extrême importance à la sécurité de la personne survivante. Selon Mme Parker, il importe que chacun fasse un examen de conscience pour déceler ses propres préjugés. Elle souligne également la nécessité pour les premiers intervenants de compter un plus grand nombre de femmes et l’incidence positive que cela aurait pour les victimes autochtones qui décident de signaler une agression.

Pratiques prometteuses et solutions de rechange aux procès traditionnels du système de justice pénale

Ce groupe d’experts a discuté de pratiques prometteuses pour gérer la question des agressions sexuelles contre des adultes du Canada et d’autres pays de common law. Les experts traitent également de solutions de rechange au processus traditionnel de justice pénale, y compris la justice réparatrice.

Jo-Anne Wemmers, du Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, expose les avantages de la justice réparatrice (JR). Selon Mme Wemmers, bien que seulement 5 % des victimes d’agressions sexuelles au Canada signalent l’incident qu’ils ont vécu à la police, jusqu’à une victime sur quatre est intéressée par le processus de justice réparatrice. Mme Wemmers rapporte que certaines études suggèrent que la participation de la victime au processus de justice réparatrice serait bénéfique pour son mieux-être psychologique en atténuant les symptômes du trouble de stress post-traumatique et de l’anxiété. Elle souligne également que, malgré l’intérêt de certaines victimes envers la justice réparatrice, ces dernières ne sont souvent pas informées qu’il s’agit d’une option. L’attitude négative des autres intervenants (c’est-à-dire autres que la victime) constitue l’une des plus grandes difficultés relatives à la justice réparatrice dans les cas d’agression sexuelle. Lorsqu’une victime ne présente pas les réactions qu’attend la société, par exemple, si elle opte pour la justice réparatrice plutôt que pour la justice pénale conventionnelle, elle risque de vivre de la désapprobation. (le processus de JR à la faculté de médecine dentaire à l’Université Dalhousie constitue un exemple).

Melanie Randall, professeure à la faculté de droit de l’Université de Western Ontario, reconnaît que le recours à la JR dans les causes d’agression sexuelle porte à controverse. Elle fait ressortir que, malgré les excellentes dispositions législatives sur le consentement positif qui existent au Canada et malgré le fait que le système de justice pénale peut efficacement donner suite à certains cas d’agression sexuelle, il y a place pour l’étude de mesures de rechange pour la vaste majorité des victimes qui décident de ne pas recourir au traditionnel processus judiciaire pénal. La professeure Randall indique qu’elle était initialement opposée à la à la JR dans les affaires d’agression sexuelle et d’autres actes de violence axée sur le sexe et qu’elle a ensuite reconnu le potentiel que présentent ces réponses pour combler les besoins de certains survivants. Elle précise que cela est assujetti à l’application de trois principes supérieurs : (1) que le processus de JR soit axé sur l’égalité; (2) qu’il soit adapté aux traumatismes subis; (3) que le processus tire profit de l’information et de l’expertise dans le secteur de la violence envers les femmes. Elle cite Judith L. Herman, selon qui : [Traduction] « si quelqu’un veut concevoir un système pour provoquer des symptômes d’un état de stress post-traumatique envahissant, il ne pourra pas faire mieux qu’un tribunal. » Selon la professeure Randall, la JR évite une fracturation du discours de la victime, ce qui facilite sa guérison.

Kate McKenzie-Bridle, conseillère supérieure en droit et politiques auprès de la New Zealand Law Commission présente un document qui porte sur les réformes juridiques dans les affaires d’agression sexuelle et qui a été élaboré pour la Commission. Le rapport final contient diverses options de réforme, par exemple, fournir aux victimes d’agression sexuelle des conseillers indépendants en matière de violence sexuelle (pour appuyer et informer les victimes à partir du début, dès qu’une plainte est déposée auprès de la police et jusqu’à la fin du processus judiciaire); établir un tribunal spécialisé dans les cas d’agression sexuelle où les participants, notamment les juges, les poursuivants y compris les membres de l’appareil judiciaire, les procureurs et les avocats de l’aide juridique, seraient tenus de suivre une formation sur les agressions sexuelles (dans le dernier cas, avant l’accréditation); appliquer une procédure accélérée pour réduire les délais; se servir d’intermédiaires pour aider certains plaignants à comprendre le contre-interrogatoire; convenir de recourir à la preuve d’expert sur la neurobiologie des traumatismes; employer une procédure de justice réparatrice extrajudiciaire; et établir une commission sur la violence sexuelle. Alors que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande étudie toujours ces recommandations, Mme McKenzie-Bridle mentionne que la Nouvelle-Zélande a établi un tribunal pilote chargé des affaires de violence sexuelle, qui fera l’objet d’une évaluation au bout de deux ans. Pour les infractions de nature sexuelle, il existe déjà un programme de justice réparatrice postsentencielles, et le projet « Restore » (justice réparatrice) offre actuellement des mesures de justice réparatrice entièrement extrajudiciaire au sujet desquelles les parties s’entendent (habituellement pour d’anciennes infractions de nature sexuelle).

Mme McKenzie-Bridle explique également de quelle façon le gouvernement a rejeté les rapports précédents, qui examinaient la possibilité de remplacer le système de débat purement contradictoire par un système plus inquisitoire, lequel prévoyait la possibilité de modifier le processus de jury pour le remplacer par un seul juge et deux évaluateurs. Le projet a été mis en suspens, puis relancé sans que soit conservée la référence au modèle inquisitoire.

Jill Witkin, avocate au Bureau des avocats de la Couronne (Ontario) et présidente du Groupe consultatif de lutte contre la violence à caractère sexuel, présente le plan d’action 2015 de l’Ontario pour stopper la violence et le harcèlement à caractère sexuel et explique le modèle d’augmentation des poursuites conçu pour améliorer les poursuites dans les cas d’infractions de nature sexuelle en Ontario. Sept poursuivants à temps plein sont affectés au dépôt d’accusations, à la sensibilisation, au mentorat et à l’élaboration d’une base de ressources pour les poursuivants affectés au procès, dont un manuel exhaustif sur les pratiques exemplaires. Ce modèle a également recours à des consultations interdisciplinaires auprès des infirmières-examinatrices préposées aux victimes d’agressions sexuelles, des services d’aide aux victimes et aux témoins et des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle. Six conférences régionales ont eu lieu en 2015-2016 à l’intention des services de police, des services aux victimes et des procureurs de la Couronne, qui comprenaient des présentations sur la neurobiologie des traumatismes. Une ressource pour les victimes d’agressions sexuelles est en cours d’élaboration conjointement avec la Division des services aux victimes et aux personnes vulnérables du ministère du Procureur général. Mme Witkin mentionne également qu’en vertu de son plan d’action, le gouvernement de l’Ontario met à l’essai un programme qui devrait permettre de fournir quatre heures de consultation juridique indépendante aux victimes d’agression sexuelle.

Carmen Rioux, procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureur) auprès du Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec (DPCP), expose La Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021 (Stratégie). La Stratégie, du gouvernement du Québec lancée en octobre 2016, vise à la fois les agressions sexuelles et l’exploitation sexuelle et propose 55 actions concrètes engageant 12 ministères et organismes gouvernementaux. Le gouvernement du Québec investira 200 M$ au cours des cinq prochaines années pour prévenir et contrer les violences sexuelles, dont 44 M$ serviront à la mise en œuvre des 55 nouveaux engagements pris dans la Stratégie. Au cours de son exposé, Me Rioux fait un bref survol et se concentre principalement sur les actions prévues pour le DPCP dans la Stratégie, soit d’adopter un programme de rencontre entre le procureur et la victime, de produire des capsules d’information sur le processus judiciaire ainsi que sur le rôle du procureur dans le cadre du traitement des dossiers en matière d’agression sexuelle ou d’exploitation sexuelle, de coordonner les poursuites en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet et d’élaborer un « guide du poursuivant » traitant des infractions d’ordre sexuel, de l’exploitation sexuelle et de la traite de personnes.

Conclusions

L’échange de connaissances est l’occasion par excellence d’aborder nombre de défis que le système de justice pénale doit résoudre pour répondre aux agressions sexuelles commises envers les adultes et de faire connaître des pratiques prometteuses et des idées novatrices pour améliorer le système.

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