Énoncé concernant la Charte - Projet de loi C-76 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs
Déposé à la Chambre des communes le 8 mai 2018
Note explicative
La ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités de la ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer la conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, la ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen de la conformité d’un projet de loi avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
La ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, pour s’assurer de sa conformité à la Charte, au titre de l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-76 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.
Aperçu
Le projet de loi C-76 modifierait la Loi électorale du Canada [la « LEC »]. La LEC, qui régit les élections à la Chambre des communes, énonce les procédures détaillées qui donnent effet aux droits démocratiques garantis par l’article 3 de la Charte. L’article 3 prévoit que tout citoyen canadien a le droit de vote et « est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales ». L’article 3 protège le droit de chaque citoyen de jouer un rôle important dans la vie politique du pays.
La LEC établit un ensemble exhaustif de conditions à l’exercice du droit de vote et du droit de se porter candidat à une élection fédérale; ces conditions, de par leur nature, mettent possiblement en jeu les droits garantis à l’article 3. Puisque ces conditions régissent aussi les activités de personnes et d’associations qui pourraient être comprises dans l’interprétation large de l’expression politique, elles pourraient éventuellement mettre en jeu les alinéas 2b) et 2d) de la Charte. L’alinéa 2b) prévoit que chacun a la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication. L’alinéa 2b) a reçu une interprétation large, de sorte qu’il englobe toute activité ou communication qui communique ou tente de communiquer un message, sauf les actes de violence ou les menaces de violence. L’alinéa 2d) prévoit que chacun a la liberté d’association. Ce droit vise à protéger l’action collective de personnes en vue de réaliser des objectifs communs.
Les conditions de la LEC relatives au droit de vote et de se porter candidat favorisent la confiance des Canadiens et des candidats et des partis enregistrés envers l’intégrité et l’équité du système électoral. Elles accroissent la confiance du public envers le fait que les résultats d’une élection reflètent de manière précise la volonté des personnes admissibles à voter. Elles établissent des mécanismes administratifs raisonnables pour faciliter l’exercice du droit de vote et pour empêcher l’adoption de pratiques – notamment les pratiques trompeuses – qui minent l’intégrité du vote. Elles favorisent l’équité entre les candidats et les partis enregistrés, réduisent la possibilité que ces derniers et d’autres personnes exercent une influence indue sur le résultat, et, par conséquent, elles accroissent la diversité du discours politique. Elles favorisent le vote éclairé, en s’assurant que les candidats et les partis enregistrés soient assujettis à certaines exigences en matière de transparence. Elles promeuvent le caractère secret du bulletin de vote ainsi que sa sécurité, de manière à s’assurer que les électeurs n’exercent pas leur droit de vote d’une manière donnée en raison de pots-de-vin ou d’intimidation. Le respect de ces mesures de protection favorise la confiance du public, autant quant au caractère équitable des élections qu’envers le Parlement lui‑même, lesquels sont deux rouages essentiels d’une véritable démocratie.
Plafond des dépenses
Les articles 223 à 238, 262 et 271 du projet de loi modifieraient la LEC pour y introduire de nouvelles limites aux dépenses préélectorales dans les années où une date électorale est fixée. Lors de telles années, les partis enregistrés seraient assujettis à un plafond national pour ce qui est de la publicité partisane au cours de la période préélectorale commençant le 30 juin et finissant au début de la période électorale. Ce plafond serait d’environ 1,5 million de dollars (soit la somme de 1.1 million de dollars, ajustée pour tenir compte de l’inflation, en vertu de l’article 384 de la LEC) en 2019. Les tiers (les personnes ou groupes n’étant pas candidats aux élections, comme les candidats ou les partis enregistrés) seraient assujettis à un plafond national et à un plafond par circonscription pour ce qui est des dépenses en matière de publicité partisane, d’activités partisanes et de sondages électoraux durant la même période préélectorale. Ce plafond s’élèverait à environ un million de dollars (soit la somme de 700 000 $, ajustée pour tenir compte de l’inflation, en vertu de l’article 384 de la LEC) à l’échelle nationale, et à environ 10 000 $ par circonscription (soit la somme de 7 000 $, ajustée pour tenir compte de l’inflation, en vertu de l’article 384 de la LEC). La publicité ou l’activité « partisane » s’entendrait de messages ou d’activités favorisant un parti politique, son chef, un candidat potentiel, un candidat à la direction ou un candidat à l’investiture, ou s’y opposant.
Le plafond actuel de dépenses faites par des tiers prévu par la LEC s’applique à la publicité partisane et à la publicité sur un enjeu en particulier – enjeu au sujet duquel un parti politique enregistré ou un candidat se prononce – durant les élections. Selon l’article 224 du projet de loi, ce plafond de dépenses en période électorale serait augmenté à environ 500 000 $ en 2019 (soit la somme de 350 000 $, rajustée pour tenir compte de l’inflation, en vertu de l’article 384 de la LEC) et sa portée serait élargie pour y inclure le financement des sondages électoraux et des activités partisanes autres que la publicité – comme le porte-à-porte. Les dépenses seraient limitées à environ 4 000 $ (soit la somme de 3 000 $ ajustée en fonction de l’inflation, en vertu de l’article 384 de la LEC) par circonscription.
Le plafond de dépenses à des fins de publicité ou d’activités partisanes met en jeu l’alinéa 2b) de la Charte (liberté d’expression) et pourrait également faire intervenir l’alinéa 2d) de la Charte (liberté d’association).
Les facteurs suivants appuient la compatibilité des plafonds de dépenses proposés avec la Charte. Les élections générales « à date fixe » assurent un degré de prévisibilité quant au moment où les élections seront tenues, particulièrement en contexte de gouvernements majoritaires. Cette prévisibilité permet aux partis politiques et aux tiers fortunés de dépenser des sommes d’argent importantes durant la période menant à la période électorale officielle. Le plafond de dépenses durant la période électorale et la période préélectorale soutient les valeurs démocratiques en favorisant l’équité électorale. L’objectif du plafond de dépenses est de protéger le droit de l’ensemble des électeurs de participer utilement au processus électoral. Le plafond favorise l’égalité dans le débat public durant la période électorale et la période qui la précède immédiatement en s’assurant que les personnes et entités fortunées ne puissent dominer le débat électoral et étouffer la voix des personnes moins nanties. Ainsi, les Canadiens peuvent bénéficier d’une grande diversité de points de vue pour voter de façon éclairée. Le plafond imposé au tiers protège également l’intégrité du système de financement applicable aux candidats et aux partis. En effet, si l’on permettait à des individus ou à des groupes de livrer des campagnes qui appuient directement ou indirectement des candidats ou des partis, ces derniers jouiraient d’un avantage injuste par rapport aux autres qui ne reçoivent pas un tel appui. En favorisant l’égalité dans le débat public et en protégeant l’intégrité du système de financement, les plafonds de dépenses maintiennent la confiance des électeurs dans le processus électoral en réduisant la perception selon laquelle les entités fortunées peuvent dicter le résultat du scrutin.
Le plafond de dépenses proposé en période préélectorale a des limites inhérentes. Il ne s’applique que pour une courte période à partir du 30 juin au cours de l’année où les élections sont à date fixe jusqu’à la date du déclenchement des élections. Le plafond ne risque donc pas de chevaucher les séances de la Chambre des communes ni de limiter l’expression politique concernant les activités du gouvernement et des parlementaires durant cette période. Les sommes faisant partie du plafond accordent aux partis politiques et aux tiers la latitude pour dépenser durant la période préélectorale. Le plafond imposé aux tiers ne s’applique qu’aux dépenses de publicité partisane, d’activités partisanes et de sondages électoraux, leur permettant ainsi de dépenser des sommes illimitées pour faire de la publicité sur un enjeu en particulier durant la période préélectorale.
Exigences en matière d’attribution, d’enregistrement et de divulgation
L’article 223 du projet de loi obligerait les tiers qui dépensent plus de 500 $ à des fins de publicité partisane, d’activités partisanes et de sondages électoraux durant la période préélectorale à s’enregistrer auprès d’Élections Canada. Les tiers qui dépensent 10 000 $ ou plus à des fins de publicité partisane, d’activités partisanes et de sondages électoraux durant la période préélectorale auront l’obligation de nommer un vérificateur. Les tiers qui dépensent 10 000 $ ou plus à des fins de publicité partisane, d’activités partisanes et de sondages électoraux durant la période préélectorale, ou qui reçoivent à ces fins 10 000 $ ou plus en contributions au cours de la même période auront l’obligation de produire des rapports provisoires quant à leurs contributions et leurs dépenses relativement à ces activités. Les rapports doivent donner le nom et l’adresse des personnes effectuant des contributions supérieures à 200 $ à ces fins. Un tiers qui est incapable de déterminer quelles contributions ont été reçues à ces fins aura l’obligation de divulguer toutes les contributions supérieures à 200 $ qui lui ont été faites depuis l’élection générale précédente.
L’article 223 du projet de loi obligerait également les tiers à s’identifier sur des publicités préélectorales.
En ce moment, les tiers doivent divulguer leurs contributions faites pour financer des publicités électorales dans les six mois précédant la tenue d’une élection. L’article 234 du projet de loi exigerait que tous les tiers enregistrés présentent un rapport sur les contributions reçues depuis la dernière élection à des fins de publicité ou d’activité partisane, de publicité électorale et de sondages électoraux. Les rapports doivent donner le nom et l’adresse des personnes effectuant des contributions supérieures à 200 $ à ces fins. Un tiers qui est incapable de déterminer quelles contributions ont été reçues à ces fins aura l’obligation de divulguer toutes les contributions supérieures à 200 $ qui lui ont été faites depuis l’élection générale précédente.
Ces exigences mettent en jeu l’alinéa 2b) de la Charte (liberté d’expression) et possiblement l’alinéa 2d) de la Charte (liberté d’association). L’exigence imposée au tiers de divulguer l’identité des contributeurs met possiblement en jeu l’article 8 de la Charte. Cet article prévoit que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Cet article a été interprété comme conférant une protection de l’attente raisonnable en matière de vie privée, notamment la protection de l’aspect informationnel du droit à la vie privée.
Les facteurs suivants appuient la compatibilité des exigences proposées en matière d’attribution, d’enregistrement et de communication avec la Charte. Ces exigences encouragent la transparence du processus électoral et la reddition de compte qui en découle. Ils assurent la bonne mise en œuvre et l’exécution des plafonds et fournissent des renseignements importants aux électeurs quant à savoir qui parraine la publicité et les activités visant à influencer leur vote. Les propositions encourageraient la tenue minutieuse de registres ainsi que le respect des obligations, en encourageant les tiers à être conscients des fins auxquelles ils reçoivent des dons et de la manière qu’ils utilisent les dons.
Financement de l’étranger
Les articles 223, 225 et 232 du projet de loi élargiraient la portée de l’interdiction actuelle aux tiers au Canada qui utilisent des fonds de l’étranger à des fins publicitaires durant la période électorale. La nouvelle interdiction proposée empêcherait les tiers d’utiliser des fonds de l’étranger à des fins publicitaires durant la période préélectorale, à des fins de sondages électoraux et à des fins d’autres activités partisanes comme le porte‑à‑porte durant la période préélectorale et électorale. En vertu de l’article 225, les tiers étrangers n’auraient plus le droit, en période préélectorale, d’engager des dépenses à des fins de publicité, à des fins de sondages électoraux et à des fins d’autres activités partisanes, comme le porte-à-porte. Les tiers étrangers ne seraient plus autorisés à engager des dépenses de publicité électorale. À l’heure actuelle, ils sont autorisés à dépenser une somme maximale de 500 $ à des fins de publicité durant la période électorale. L’article 190 du projet de loi interdirait aux entités de télécommunications et aux plateformes électroniques de sciemment vendre de la publicité à des personnes et à des entités étrangères qui ont recours à la publicité pour indûment influencer un électeur à voter ou à s’abstenir de voter, ou à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat ou un parti en particulier.
Ces exigences entraînent l’application de l’alinéa 2b) de la Charte (liberté d’expression) et pourraient faire intervenir l’alinéa 2d) de la Charte (liberté d’association).
Les facteurs suivants appuient la compatibilité des plafonds proposés sur le financement provenant de l’étranger avec la Charte. La participation aux élections canadiennes devrait être limitée aux personnes et aux organisations ayant un intérêt légitime envers l’avenir du pays. Les plafonds imposés au financement de l’étranger améliorent la perception des Canadiens à l’égard de l’intégrité du système électoral, en faisant en sorte que le débat durant les élections reflète les priorités des personnes ayant un intérêt direct dans les résultats de l’élection. Les propositions combleraient les failles dans la loi qui permettent aux entités étrangères de financer, en toute légalité, de nombreux types d’activités électorales. Elles favorisent également l’uniformité entre le traitement des tiers et celui des partis politiques et des candidats, dont le financement doit provenir de sources canadiennes. Elles favorisent l’intégrité du processus électoral canadien et assurent l’impartialité des élections.
Vote des non-résidents
Les articles 7 et 151 à 156 du projet de loi supprimeraient les dispositions de la LEC qui empêchent certains citoyens non résidents de voter. À l’heure actuelle, les citoyens canadiens qui résident à l’extérieur du Canada ne peuvent pas voter s’ils sont partis depuis plus de cinq années consécutives ou s’ils n’ont pas l’intention de retourner au Canada à titre de résidents. Des exceptions existent pour les membres des Forces canadiennes, les fonctionnaires fédéraux et provinciaux ainsi que les employés de certaines organisations internationales qui sont déployés à l’étranger.
Le fait d’empêcher des citoyens de voter lorsqu’ils ne satisfont pas aux exigences susmentionnées déclenche l’application de l’article 3 de la Charte (le droit de vote et de se porter candidat).
La proposition favorise le droit de voter en éliminant certaines limites fondées sur la résidence.
Identification des électeurs
Les articles 93, 94, 107, 108, 117 et 118 du projet de loi permettraient aux électeurs de prouver leur identité et leur résidence en ayant recours à un répondant. À l’heure actuelle, la LEC permet aux électeurs de prouver leur résidence, mais pas leur identité, grâce à une procédure d’attestation semblable.
L’article 93 du projet de loi permettrait au directeur général des élections d’autoriser l’« avis de confirmation d’inscription » – également appelé « carte d’identité électorale » – comme type d’identification qui pourrait être utilisée pour prouver l’identité ou la résidence d’un électeur.
Le fait d’exiger qu’un électeur présente des pièces d’identité acceptables avant qu’un bulletin de vote puisse lui être remis peut déclencher l’application de l’article 3 de la Charte. L’article 3 dispose que tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
Les considérations suivantes militent en faveur de la compatibilité des exigences en matière de vérification de l’identité de l’électeur avec la Charte. Les exigences en matière de vérification de l’identité de l’électeur règleraient le problème de la fraude électorale, réelle ou apparente, et, ainsi, augmenteraient la confiance dans le système électoral. Les propositions accorderaient plus de souplesse aux électeurs en matière de preuve d’identité et de résidence et faciliteraient l’exercice des droits prévus à l’article 3. Par ailleurs, les propositions conserveraient les mesures de protection visant à garantir que les objectifs susmentionnés sont atteints.
Le remboursement des dépenses liées à l’accessibilité
L’article 270 du projet de loi permettrait aux partis politiques enregistrés d’obtenir un remboursement de 90 % de leurs dépenses liées à l’accessibilité qui ont été engagées au cours d’une période électorale, jusqu’à concurrence d’un montant maximal de 250 000 $. Ce taux de remboursement s’appliquerait lorsque les candidats soutenus par un parti enregistré ont recueilli au moins deux pour cent du nombre de bulletins de vote valides déposés à l’élection, ou cinq pour cent du nombre de bulletins de vote valides déposés dans les circonscriptions électorales dans lesquelles le parti a soutenu un candidat. Les dépenses liées à l’accessibilité s’entendent des dépenses effectuées pour rendre des activités ou des documents accessibles pour les personnes atteintes de handicaps. Les pourcentages requis de bulletin de votes valides déposés reflèteraient les actuelles exigences de la LEC en ce qui a trait au remboursement d’autres types de dépenses électorales.
Le fait de limiter l’admissibilité au remboursement aux partis politiques enregistrés qui atteignent les seuils de votes valides mentionnés ci-dessus met potentiellement en jeu les droits garantis à l’article 3 de la Charte (le droit de vote et de se porter candidat). Le droit de vote protège le droit de chaque citoyen de jouer un rôle important dans le processus électoral. Ce droit a été interprété comme exigeant que la législation n’aggrave pas une disparité existante dans la capacité des partis politiques de communiquer leurs positions au grand public. De telles disparités permettent à certaines personnes de disposer de meilleurs moyens que d’autres pour transmettre leurs idées et opinions.
Les considérations suivantes militent en faveur de la compatibilité des seuils d’admissibilité au remboursement pour les dépenses liées à l’accessibilité. Les seuils seraient identiques à ceux déjà en vigueur pour d’autres types de remboursements. Ils reflèteraient un précieux équilibre entre le soutien financier du processus démocratique par le gouvernement et la nécessité d’ériger des obstacles contre l’abus des fonds publics par les partis enregistrés qui n’ont pas réellement l’intention de s’engager dans une véritable lutte électorale ou dans le discours politique actuel. Cette administration minutieuse des fonds publics favoriserait l’intégrité du processus électoral et de son système de financement public.
Mécanismes d’application
L’article 357 du projet de loi accorderait au commissaire aux élections fédérales le pouvoir de s’adresser à la cour pour obtenir une ordonnance contraignant une personne à témoigner afin de faire avancer des enquêtes pénales.
L’exigence de se présenter et de répondre à des questions afin de faire avancer une enquête déclenche l’application de l’article 7 de la Charte, car elle prive des personnes de leur liberté. L’article 7 dispose que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Les considérations suivantes militent en faveur de la conformité à la Charte du pouvoir du commissaire de s’adresser à la cour pour obtenir une ordonnance contraignant une personne à témoigner. Étant donné que les élections ont une importance fondamentale dans notre démocratie et qu’il importe de préserver la confiance du public dans leur intégrité et leur validité, le commissaire devrait disposer des outils nécessaires pour faire enquête rapidement et efficacement sur les cas graves de non-respect allégué de la LEC. Le pouvoir du commissaire de s’adresser à la cour pour obtenir une ordonnance contraignant des personnes à fournir des renseignements relativement à des enquêtes permettrait au commissaire de faire la lumière rapidement et efficacement sur ces cas. Ce pouvoir ne pourrait pas être utilisé relativement à des suspects dans une enquête. Ni le témoignage ni la preuve découlant du témoignage ne pourraient être utilisés dans d’autres procédures intentées contre la personne contrainte à témoigner. L’autorisation d’un juge serait nécessaire pour obtenir une ordonnance enjoignant une personne à témoigner et le juge n’accorderait cette autorisation que s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que le témoignage fournirait une preuve de la commission de l’infraction.
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