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Santé mentale et dépendances

Les personnes qui souffrent de maladie mentale et dépendance ont surreprésentées dans le système de justice pénale. Souvent, ces personnes font face à d’autres enjeux qui les rendent encore plus vulnérables, tels que la pauvreté ou un traumatisme antérieur. Il existe plusieurs services de soutien, tels que les services de santé et les services sociaux, qui pourraient aider les personnes à faire face aux enjeux de santé mentale et/ou de toxicomanie pendant qu’elles sont dans le système. Nous devons mieux comprendre les services de soutien, les mesures de prévention et les alternatives, de même que les approches thérapeutiques dont les individus ayant des défis liés à la toxicomanie ou à la santé mentale ont besoin. Comment les services de soutien peuvent-ils mieux travailler avec le système de justice pénale pour aider ces individus?

Transcription

Cette vidéo est une histoire vraie, racontée par les personnes qui l’ont vécue, dans leurs propres mots.

Elle contient des thèmes qui peuvent être troublants pour certaines personnes.

Marie-Eve Sylvestre, Professeure titulaire, Faculté de droit (Section de droit civil), Université d’Ottawa

C’est vrai de dire que les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale ou de dépendance à l’alcool ou aux drogues sont surreprésentées dans notre système de justice criminel.

Par exemple, on va dire parfois que jusqu’à 80 % des personnes qui sont détenues ont un problème de dépendance à l’alcool ou drogues et dans les pénitenciers fédéraux, on va dire que jusqu’à 40 % des détenues ont un certain problème ou des problèmes de santé mentale.

Un Canadien sur trois souffrira de troubles mentaux ou de troubles liés à la toxicomanie à un moment donné de sa vie.

Et, selon les estimations, les problèmes de santé mentale sont deux à trois fois plus fréquents en prison.

Alors, je pense que si vous vous présentiez dans une salle de comparution du palais de justice le plus près de chez vous, un bon lundi matin pour assister aux comparutions, vous verriez tout un défilé de personnes essentiellement pauvres, beaucoup en situation d’itinérance, souvent sans emploi sinon sans diplôme, avec des problèmes de dépendance à l’alcool ou aux drogues, et dans certain cas, souffrant de problèmes de santé mentale qui viennent plaider coupable à toute une litanie d’infractions extrêmement mineures, dont la plupart du temps des actes non violents.

Beaucoup de leurs comportements, qui sont essentiellement des gestes de survie dans la rue, vont être criminalisés.

Donc, c’est le système de justice criminel qui est pris avec ces problèmes-là et il utilise les outils qu’on lui a fournis. C’est-à-dire des outils où l’on criminalise toute une série de comportements, où on va utiliser la répression et la punition plutôt que la prévention, le traitement, le service.

En 2012, 34 % des Canadiens ayant un problème de santé mentale ou de toxicomanie sont entrés en contact avec la police, soit deux fois plus que ceux qui n’ont pas ces problèmes

Le système de justice et le système par défaut est aux prises avec les problèmes sociaux que l’on ne veut pas ou dans lesquels ont investi pas suffisamment en tant que société.

Lorsqu’une personne est incarcérée, les établissements ne sont pas équipés bien souvent pour fournir ces services-là. Elles sont détenues dans des situations où il y a une surpopulation, où elles sont là de façons temporaires. Vous savez, présentement, dans les prisons provinciales, il y a plus de gens qui sont là en attente de procès que de gens qui ont été condamnés. Donc, vous êtes là de façons temporaires, vous n’avez pas accès aux services à long terme de thérapie, de traitement, vous n’avez pas accès au matériel stérile d’injection, vous allez peut-être contracter une maladie infectieuse, etc. Ou vous souffrez d’un problème de santé mentale, vous n’avez pas accès aux services pendant que vous êtes détenus et pire, parce que vous souffrez de problèmes de santé mentale, on va souvent vous détenir dans des conditions beaucoup plus sévères et restrictives, on va vous mettre en isolement parce qu’on a peur pour votre sécurité oupour celle des autres, dans un milieu dans lequel vous allez peut-être développer des tendances suicidaires, peut-être que vous allez être encore plus frustré, vos problèmes de santé mentale vont peut-être s’aggraver, etc.

Je pense que le système est pris dans un engrenage. Ça fait des années qu’il répète les mêmes pratiques et souvent j’entends des acteurs judiciaires me dire : « il n’a pas compris cette fois-ci, mais la prochaine fois je vais donner plus d’emprisonnements ou une peine plus forte », on appelle ça, la gradation des peines, alors on va refaire la même chose, mais peut être avec plus d’intensité en se disant que la personne va comprendre, elle va être dissuadée, elle va revenir sur le droit chemin, alors que ça n’a pas marché la première fois, ça ne marchera pas probablement la seconde fois, donc je pense que le système est pris dans cet engrenage-là, dans ces pratiques bien ancrées, anciennes qu’il reproduit sans trop se poser de questions et sans nécessairement avoir un portrait systémique. On n’a peut-être pas conscience de l’ampleur de la criminalisation de la pauvreté, du fait qu’on est constamment en train d’essayer de régler des problèmes sociaux sans nécessairement avoir les outils pour le faire.

Qu’est-ce que je pense du système de justice criminel ? Je pense qu’il est un système coûteux, contre-productif qui porte souvent atteinte aux droits des personnes, qui malgré ses bonnes intentions, n’arrive pas à régler les problèmes sociaux, parce que ce n’est pas nécessairement sa mission, ce n’est pas nécessairement ça l’objectif qu’il s’est donné. Je ne pense pas que ces personnes devraient être en prison, je ne pense pas que ces personnes devraient être dans le système de justice. Incarcérer, détenir, c’est vraiment traumatisant et stigmatisant, puis je pense que ça fait seulement empirer la situation plutôt que de soutenir les gens qui sont en souffrance.

Fin