Opinion des minorités sur la Loi Antiterroriste

4.  Analyse détaillée (suite)

4.  Analyse détaillée (suite)

4.3 Réactions à LA (suite)

4.3.2 Définition des activités terroristes

Chaque répondant a reçu une fiche d'information d'une page qui présentait un résumé de la définition des activités terroristes. L'animateur a accordé quelques minutes aux participants pour leur permettre de lire la fiche avant la discussion en groupe. Soulignons que les participants et les groupes ont principalement discuté des aspects de la définition qu'ils avaient eux-mêmes choisis. 

Réaction globale

Dans tous les groupes, presque tous les participants ignoraient l'existence de la définition. Dans l'ensemble, après avoir lu la fiche, les participants de tous les groupes ont paru approuvé en principe l'existence de la définition. Seulement quelques-uns ont mis en doute la nécessité d'une telle définition même si plusieurs d'entre eux connaissaient mal les détails de celle-ci et que d'autres ont exprimé de graves réserves.

Des 5 résumés imprimés sur les aspects de la LA, c'est probablement celui qui portait le plus à confusion et qui était le plus difficile à comprendre pour la plupart des groupes. Certains participants semblaient un peu dépassés par la complexité du texte, même par celle du résumé de la définition.

Pour ceux qui l'ont approuvée d'emblée, la définition était claire et si elle ne l'était pas, il s'agissait d'un cadre utile qui était un bon pas en avant, et qui comblait une lacune. Non seulement les participants ont apprécié que la définition distingue les simples criminels et les terroristes, mais aussi le fait qu'elle ne soit pas trop précise.

Si la définition est un peu large, il est possible d'en ajouter et de la contourner. (Calgary, groupe 2)

Pour d'autres, la disposition était trop large, trop vague et sujette à interprétation; elle pourrait donc porter préjudice à des personnes innocentes, principalement de 3 façons – en matière d'intention, à l'encontre des manifestations de protestation légitime et en ciblant davantage les minorités ethniques.

  1. Selon les participants, l'ambiguïté des critères et des conditions rendait la définition susceptible d'interprétation, permettait des échappatoires et des abus potentiels et il était difficile de prouver l'intention ou la motivation.
    • La définition est subjective et dépend du pays - par exemple, pour les Américains, l'IRA était composée de combattants de la liberté alors que, pour le Royaume-Uni, ils étaient des terroristes. (Toronto, groupe 2)
    • La définition ne me préoccupe pas mais son interprétation, oui. Le sens pourrait être modifié. (Toronto, groupe 2)
  2. Dans la plupart des localités, les participants ont dit qu'on distinguait mal les formes de protestation létigime et le terrorisme.
    • On peut organiser une manifestation en obtenant un permis mais si la manifestation est pacifique et qu'on n'a pas de permis, on est un terroriste (membre du groupe 1 de Calgary au sujet d'une manifestation pour protester contre une récente rencontre de l'OMC en Alberta, manifestation qui avait été interdite).
    • Toute personne qui s'insurge contre une société est un terroriste en puissance. (Calgary, groupe 3)
    • La ligne qui sépare la contestation et le terrorisme n'est pas claire. (Montréal, groupe 1)
  3. Plusieurs participants du groupe 1 étaient particulièrement inquiets de savoir si les minorités ethniques étaient visées à cause de ce qui s'était déjà passé aux États-Unis

En rapport avec la définition, les participants ont été confus principalement relativement à trois questions principales : les 3 critères, la définition d'un terroriste et l'application de la loi à l'étranger.

  1. Il est évident que les personnes interrogées ne comprenaient pas bien s'il fallait respecter les 3 critères, même si cette question n'a pas été soulevée spécifiquement dans tous les groupes. Quelques participants doutaient de son efficacité, par exemple, un répondant du groupe 3 de Toronto a dit :
    • Ils doivent répondre à tous les critères et c'est là le problème - si l'un des critère n'est pas respecté, ils s'en sauvent.
  2. Toutefois, parce qu'ils avaient mal compris l'application des 3 critères, les participants de toutes les localités ont eu de la difficulté à comprendre la définition d'un terroriste, et ils ont demandé si les critères, au sens où ils l'entendaient, s'appliquaient à certains situations. Par exemple, ils ont demandé si les amateurs de sport qui causent une émeute, l'uni-bomber, le médecin contre l'avortement (motivé par ses propres objectifs), Ernst Zundel, les crimes haineux, les actes de vandalisme, le génocide au Rouanda voire l'invasion de l'Iraq constitueraient des actes terroristes ou du terrorisme.
    • Pour plusieurs, le terrorisme semblait être vaguement défini comme étant « des actes de violence perpétrés contre des personnes innocentes ».  Par exemple, selon un participant anglophone de Montréal : « Quand je pense au terrorisme, je pense à une personne insensée – quelle que soit son intention politique. » 
  3. Certains participants de diverses localités ont eu du mal à comprendre comment une loi canadienne pouvait s'appliquer à des menaces provenant de l'extérieur du Canada, dans d'autres pays.
    • Comment une loi canadienne peut s'appliquer à une menace à l'étranger?*

Les participants du groupe 1 de Montréal ont souligné spontanément que la définition ne mentionnait pas le financement (question qui était pertinente pour eux); cependant, cette question n'a pas été soulevée dans les autres groupes.

Rien ne parle de financement dans la définition.*

Somme toute, même si plusieurs participants ne comprenaient pas la définition d'une activité terroriste, qu'ils avaient des réserves concernant divers aspects et qu'ils en comprenaient mal d'autres, en règle générale, ils ont approuvé la définition.

Utilité

Dans l'ensemble, malgré les préoccupations soulevées, la définition de l'activité terrorisme a été jugée un moyen utile pour identifier  les terroristes mais pas nécessairement aux fins de prévenir le terrorisme. « C'est la première chose qu'il faut faire … commencer par une définition. » (Calgary, groupe 2)

Certains participants francophones arabes ou d'Asie occidentale avaient l'impression qu'elle pourrait éliminer les soupçons qui pèsent sur la communauté arabe et musulmane. Pour d'autres, elle ne « pouvait pas nuire ». Toutefois, quelques personnes dans diverses localités (particulièrement dans le groupe 1 de Halifax) ne pensaient pas qu'elle était utile parce que : (1) «  trop vague et sujette à une interprétation fautive et à des abus » – sujet qui a soulevé des débats houleux; (2) elle pouvait être mal appliquée; (3) elle pourrait affecter des personnes innocentes.

Quelques participants étaient peu certains de son utilité et ils sont souvent dit : « Je pense que oui, mais je ne suis pas certain. » (Calgary, groupe 3)

Quand on leur a demandé s'il fallait des définitions semblables, la plupart des participants ont reconnu qu'elles étaient nécessaires et qu'il fallait qu'elles soient écrites même si elles étaient ambiguës parce que : (1) certains membres du groupe 1 ont été soulagés de constater qu'ils ne seraient pas pris pour des terroristes tout simplement parce qu'ils étaient musulmans; (2) c'était « mieux que rien »

Les participants du groupe de la minorité non-visible de Calgary étaient d'accord avec toutefois une réserve – Il faut «  constamment mettre à jour » les définitions pour tenir compte du changement (cette idée a été applaudie quand elle a été mentionnée).

Par contre, certains participants de diverses localités n'en voyaient pas la nécessité parce que : (1) « une définition ne peut rien empêcher » (Halifax, groupe 2); (2)  les terroristes ou des avocats très habiles pourraient « toujours trouver une échappatoire » (affirmation maintes fois reprise pendant les discussions.)

Désir d'information

La plupart des participants croyaient qu'il devrait y avoir plus d'information sur la définition d'une activité terroriste parce que c'était important mais qu'il « ne fallait pas exagérer ».  L'information devait être disponible dans plusieurs langues parce que ce n'est pas « tout le monde qui peut parler français ou anglais ».

En outre, les participants voulaient que les renseignements visent tout le monde. Les participants arabes et d'Asie occidentale de Montréal ont insisté pour dire qu'ils ne devaient pas viser précisément leur collectivité parce qu'on aurait l'impression qu'il y avait un lien entre eux et le terrorisme.

« Oui, mais attention de ne pas nous cibler. »*

Certains participants de Halifax étaient moins convaincus de l'importance de l'information mais quelques participants de Toronto étaient d'avis que ces renseignements auraient dû être disponibles avant l'adoption de la Loi.