La Loi antiterroriste et les mesures de sécurité au Canada : opinions du public, répercussions et expériences de voyage
Remerciements
Les auteurs aimeraient profiter de l'occasion pour remercier Damir Kukec d'avoir conçu l'étude et Jeff Latimer, Suzanne Wallace-Capretta, Cathy Thompson, Kim Burnett, Yvonne Stys, Mark Feldbauer et Allan Ferguson d'avoir fourni des commentaires utiles sur le fond. En outre, nous aimerions aussi remercier Laura Hanby pour avoir fourni les graphiques.
Résumé
Le présent rapport a examiné les réponses données par 1703 Canadiens en mars 2005 à un éventail de questions concernant leurs connaissances, leurs opinions et leurs expériences relativement à la Loi antiterroriste ainsi qu'à d'autres mesures de sécurité adoptées à la suite des événements du 11 septembre 2001. Afin de vérifier les préoccupations soulevées dans le cadre de recherches antérieures menées par le ministère selon lesquelles les Canadiens membres de minorités visibles pourraient être touchés de manière disproportionnée par la Loi antiterroriste et par d'autres mesures de sécurité, la présente étude a suréchantillonné les individus qui s'identifiaient comme faisant partie d'une minorité visible. Afin de déterminer si les répondants membres de minorités visibles étaient touchés de manière disproportionnée, leurs réponses ont été comparées à celles des répondants non membres de minorités. En plus des résultats globaux, le présent rapport mentionne uniquement les différences statistiquement significatives entre répondants membres de minorités visibles et non membres de minorités. L'enquête comporte cinq sections : les connaissances et les préoccupations relativement au terrorisme et à la législation antiterroriste, l'application de la législation liée à la lutte au terrorisme, le profilage racial au Canada, les répercussions de la législation, les expériences des répondants à la traversée des frontières et lors des vérifications de sécurité dans les aéroports. L'analyse et la conclusion présentent une synthèse et une analyse des résultats de cette enquête.
Connaissance et préoccupation
Seul un pour-cent des participants étaient capables d'identifier la loi canadienne (Loi antiterroriste / projet de loi C-36) adoptée pour lutter contre le terrorisme. Ce niveau de connaissance rejoint les constatations faites dans le cadre de recherches antérieures. De nombreux répondants (58 %) étaient préoccupés par le terrorisme au Canada. L'on a relevé un appui général aux mesures prises par le gouvernement Canadien, les répondants estimant que ces mesures étaient nécessaires et que la législation avait rendu le Canada mieux protégé. Chose intéressante, les mesures gouvernementales les plus fréquemment citées étaient la sécurité accrue dans les aéroports et le filtrage accru des immigrants et des réfugiés. Bien que ces changements ne résultent pas de la Loi antiterroriste, ils correspondent aux domaines que les Canadiens associent le plus à cette loi. Cela s'explique sans doute par les attaques du 11 septembre 2001 contre les États-Unis et par l'attention que les médias ont portée par la suite à la sécurité dans les transports aériens et aux frontières.
Les obligations du gouvernement en matière de présentation de rapports étaient relativement inconnues des répondants, mais on relevait tout de même une certaine reconnaissance de garanties visant à protéger les droits et libertés des Canadiens. Même s'ils n'étaient pas au courant de la Loi, la plupart (73 %) des répondants ont dit qu'ils étaient au courant de l'obligation du Parlement de procéder à un examen de la Loi antiterroriste, mais seulement 12 % savaient qu'un examen était en cours au moment du sondage. Une proportion encore plus faible de répondants savait que le ministère de la Justice avait établi un site Web conçu exprès pour fournir des renseignements au sujet de cet examen. La majorité des répondants étaient intéressés à obtenir plus d'information sur la Loi antiterroriste et disaient préférer recevoir cette information au moyen de brochures envoyés par la poste (53 %) ou par d'Internet (36 %). Ainsi, le ministère a mis l'information à la disposition du public dans le format de son choix.
L'on a observé plusieurs différences statistiquement significatives entre les répondants membres de minorités visibles et non membres de minorités au plan des connaissances et des préoccupations relatives au terrorisme et à la législation s'y rapportant. Une proportion plus forte de participants non membres de minorités ont noté une accentuation des mesures de sécurité aux frontières et/ou dans les aéroports à titre de mesures de lutte contre le terrorisme, malgré des habitudes de voyage similaires. Bien que les répondants s'accordent en général pour dire que la loi canadienne est moins sévère que celle des États-Unis ou du Royaume-Uni, une plus forte proportion de répondants membres de minorités visibles estimait que la loi américaine était plus sévère que celle du Canada. Une plus faible proportion de répondants membres de minorités visibles était au courant des garanties prévues par la Loi antiterroriste pour protéger les droits et libertés des Canadiens.
Application
La plupart (75 %) des participants estimaient que la Loi antiterroriste était nécessaire et qu'elle avait rendu le Canada mieux protégé (60 %) contre les activités terroristes. L'on a relevé un appui généralisé au pouvoir des responsables de l'application de la loi et des agences de sécurité d'enquêter sur des individus au Canada et à l'étranger (89 %). Cependant, bon nombre (52 %) de répondants estimaient que la Loi antiterroriste avait eu pour effet que des individus étaient injustement ciblés en fonction de leur ethnicité, de leur race ou de leur religion.
Une proportion plus faible de répondants membres de minorités visibles estimait que l'adoption de la Loi antiterroriste était nécessaire ou que cette loi avait rendu le Canada plus sûr. En outre, une plus forte proportion de répondants membres de minorités visibles estimait que la Loi antiterroriste avait eu comme conséquence le ciblage injuste de certains individus en fonction de leur ethnicité, de leur race ou de leur religion.
Profilage racial
Les répondants ont généralement affirmé correctement que le Canada n'a pas de politique officielle de profilage racial, mais d'aucuns pensaient que le profilage racial était au moins parfois pratiqué de façon non officielle. Si un individu avait été ciblé en fonction de ses origines ethniques ou raciales, la plupart (79 %) des répondants pensaient que cet individu obtiendrait tout de même un procès équitable au Canada. Quoi qu'il en soit, la plupart (79 %) des répondants estimaient que faire enquête sur une personne pour un engagement potentiel dans une activité terroriste uniquement en fonction de sa race, de son ethnicité ou de sa religion était inapproprié, et que le profilage racial allait à l'encontre des principes de la Charte canadienne des droits et libertés.
Les répondants membres de minorités visibles étaient plus susceptibles d'affirmer que le Canada avait une politique officielle de profilage racial et que celui-ci se pratiquait au moins parfois de façon non officielle. Une proportion plus faible de répondants membres de minorités visibles estimait qu'un individu ciblé en fonction de ses origines ethniques ou raciales obtiendrait un procès équitable au Canada. Un cinquième (20 %) des participants membres de minorités visibles estimaient qu'ils avaient fait l'objet de profilage racial au cours des quatre dernières années. Le sondage n'a pas cherché à cerner la nature et l'étendue de ce profilage perçu.
Impact
Près des trois quarts (73 %) des participants ont déclaré ne pas avoir été touchés personnellement par les mesures adoptées à la suite des événements du 11 septembre 2001. Les effets que les participants ont évoqués le plus fréquemment étaient les mesures de sécurité accrues dans les aéroports / retards dans les vols (54 %) et les vérifications accrues aux douanes / retards au moment de traverser les frontières (44 %).
On a aussi interrogé les répondants sur les répercussions de différentes mesures liées à la lutte au terrorisme sur leurs familles immédiates. De manière générale, les répondants ont déclaré que les mesures prises dans différents domaines en rapport avec la lutte au terrorisme, à savoir la Loi antiterroriste, la sécurité dans les aéroports et les centres de transport et les activités des responsables de l'application de la loi et des agences de sécurité, n'avaient eu aucune répercussion sur leurs familles immédiates.
Bien que la plupart des répondants aient dit ne pas avoir été touchés par les mesures de sécurité adoptées à la suite des événements du 11 septembre 2001, une plus forte proportion de répondants membres de minorités visibles ont dit avoir été touchés, à comparer aux répondants non membres de minorités. Chose intéressante, les participants non membres de minorités ont déclaré avoir subi des délais plus importants lorsqu'ils voyagent par avion et avoir été assujettis à des mesures de sécurité accrues dans les aéroports bien que leurs habitudes de voyage ne diffèrent pas de manière significative. À comparer aux répondants non membres de minorités, les répondants membres de minorités visibles ont évoqué plus de répercussions sur leurs familles immédiates découlant de la Loi antiterroriste, des mesures de sécurité dans les aéroports et les centres de transport et des activités des responsables de l'application de la loi et des agences de sécurité.
Ces différences indiquent que les Canadiens qui se sont identifiés comme faisant partie de minorités visibles sont généralement plus préoccupés par le recours à la Loi antiterroriste, surtout en ce qui concerne la protection des droits et libertés, l'application de la loi et le risque de profilage racial. Ces préoccupations ont pu influer sur la façon dont les Canadiens membres de minorités visibles perçoivent les répercussions de la Loi antiterroriste, surtout en ce qui a trait aux répercussions de la législation.
La traversée des frontières et les expériences dans les aéroports
On a posé plusieurs questions aux répondants au sujet de leurs expériences lors de leurs déplacements au Canada et à l'étranger au cours des quatre dernières années. Il n'y avait aucune différence statistiquement significative entre les participants membres de minorités visibles et non membres de minorités quant à la nature de leurs déplacements, leur assujettissement à des vérifications additionnelles ou leurs opinions au sujet des vérifications additionnelles.
Lors de leurs déplacements par avion (soit au Canada ou entre le Canada et les États-Unis), environ un cinquième (21 %) des participants avaient subi des vérifications additionnelles. Des proportions plus faibles de répondants avaient subi des vérifications additionnelles lors de voyages par avion à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Les formes les plus courantes de vérifications additionnelles étaient les fouilles matérielles, les fouilles personnelles et/ou le retrait de chaussures/ceintures. Pour la plupart, ceux qui avaient subi des vérifications additionnelles estimaient que celles-ci étaient justifiées pour assurer la protection du public.
Lors de leurs déplacements entre le Canada et les États-Unis autrement que par avion, environ un cinquième (18 %) des répondants avaient subi des vérifications additionnelles, principalement sous forme de fouilles matérielles, de questions sur les documents fournis et d'interrogatoires dans un bureau. Environ la moitié seulement (51 %) des répondants estimaient que les vérifications additionnelles étaient justifiées.
Lors de leur retour au Canada, une plus faible proportion de répondants a déclaré avoir subi des vérifications additionnelles de la part d'agents d'immigration ou des douanes (8 %). Les formes les plus courantes de vérifications additionnelles étaient les fouilles matérielles et des questions sur les documents fournis. Ici encore, environ la moitié seulement des participants estimaient que les vérifications additionnelles étaient justifiées.
Analyse et conclusion
L'on observe un appui clair aux mesures prises par le gouvernement canadien pour lutter contre le terrorisme, et la plupart des répondants estimaient que ces mesures avaient fait du Canada un endroit plus sûr. Cependant, les répondants membres de minorités visibles étaient moins susceptibles d'appuyer la Loi antiterroriste ou de penser que celle-ci avait eu un effet positif sur la sécurité du Canada.
Le changement que les Canadiens percevaient le plus comme étant le résultat des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le terrorisme était les mesures de sécurité accrues dans les aéroports et aux frontières. Si les mesures de sécurité additionnelles dans les aéroports recueillaient un appui généralisé, tel n'était pas le cas des mesures de sécurité additionnelles aux frontières. Cela s'explique peut-être par l'impact visuel que les événements du 11 septembre 2001 ont eu sur les Canadiens.
Le profilage racial constituait clairement une source de préoccupation pour les répondants membres de minorités visibles. Cependant, les résultats de la présente étude indiquent que les Canadiens membres de minorités visibles ne semblent pas être touchés de manière disproportionnée lorsqu'ils traversent les frontières ou subissent des contrôles de sécurité dans les aéroports.
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