SÉRIE DE RECHERCHE SUR LES VICTIMES D’ACTES CRIMINELS
Rapport sommaire concernant les groupes de discussion sur la déclaration de la victime
2. Résumé des conclusions (suite)
- 2.7 Inquiétudes sur la protection de la vie privée ou sur la sécurité liées au fait de remplir la déclaration de la victime
- 2.8 Connaissance de ce qui arrive aux déclarations une fois remplies
- 2.9 Modifications aux déclarations de la victime après qu’elles aient été soumises
- 2.10 Connaissances du fait que le juge ait ou non reçu leur déclaration
- 2.11 Accès de l’accusé aux déclarations des victimes
- 2.12 Le fait d’être interrogé par l’avocat de la défense sur le contenu de la déclaration de la victime
- 2.13 Lecture des déclarations à haute voix
- 2.14 Références à la DV par le juge
- 2.15 Réactions générales concernant l’expérience
- 2.16 Autres commentaires
2. RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS ( suite )
2.7 Inquiétudes sur la protection de la vie privée ou sur la sécurité liées au fait de remplir la déclaration de la victime
Dans presque tous les groupes, certains participants ont exprimé des inquiétudes d’ordre sécuritaire découlant de l’accès de la défense et de l’accusé aux déclarations de la victime. Ces inquiétudes portaient en général sur le fait que la déclaration pourrait provoquer la famille et les amis de l’accusé à poser des gestes vengeurs à l’endroit de la victime. L’inquiétude portait également sur le fait que les contrevenants pourraient tenter d ‘exercer des représailles contre les victimes par suite de la déclaration, soit pendant le procès (s’ils ne sont pas sous garde) ou après qu’ils aient purgé leur peine de prison, le cas échéant. Certains participants reconnaissaient que l’accès de la défense à leur déclaration pourrait être retardé si la déclaration n’était présentée que tout juste avant la détermination de la peine.
Dans l’ensemble, les participants n’ont pas exprimé beaucoup d’inquiétudes quant aux aspects des déclarations touchant la protection de la vie privée, mais un participant a demandé si, oui ou non, la presse avait accès à ces déclarations une fois qu’elles avaient été soumises. Une autre participante a affirmé qu’elle préférait que sa déclaration ne soit pas lue au tribunal parce que certains spectateurs présents n’avaient aucun lien avec l’affaire et que les détails de la déclaration ne les concernait pas.
En dernier lieu, certains participants ont souligné que les répercussions liées à la protection de la vie privée ou (plus particulièrement) à la sécurité en ce qui concerne la déclaration de la victime seraient sans aucun doute modestes dans les cas où la victime a déjà témoigné pendant le procès.
2.8 Connaissance de ce qui arrive aux déclarations une fois remplies
Les participants aux groupes de Vancouver, de Regina et de Toronto indiquaient de façon générale qu’ils n’étaient pas particulièrement au courant de ce qui se produisait avec leur déclaration après qu’elle ait été remplie. Les participants des trois groupes des Maritimes indiquaient généralement qu’ils croyaient qu’une fois leur déclaration soumise aux services aux victimes, elles étaient conservées par ceux-ci jusqu’à ce qu’un plaidoyer de culpabilité ait été déposé ou qu’un verdit ait été rendu et qu’à ce moment, les déclarations étaient données au juge.
En ce qui concerne la compréhension des participants de ce qui arrive aux déclarations après la fin du procès, certains d’entre eux affirmaient qu’ils croyaient que leur déclaration demeurerait au dossier du tribunal et pourrait être utilisée en cas de manquement à une condition de probation ou de mise en liberté sous cautionnement. D’autres participants ont exprimé une préoccupation concernant la possibilité que les renseignements contenus dans leur déclaration puissent devenir accessibles au public, ce qui pourrait être gênant ou pourrait leur porter préjudice dans l’avenir.
2.9 Modifications aux déclarations de la victime après qu’elles aient été soumises
À quelques rares exceptions près, les participants des six groupes de discussion ont signalé qu’aucune modification substantielle n’avait été apportée par quiconque à leur déclaration une fois qu’elle avait été soumise. Lorsque des modifications avaient été faites, (à l’insistance de l’avocat de la défense), les participants réagissaient négativement car, à leur avis, personne ne connaît davantage qu’eux les répercussions du crime sur eux-mêmes et leur famille.
2.10 Connaissances du fait que le juge ait ou non reçu leur déclaration
Sauf en ce qui concerne les participants qui avaient présenté leur déclaration de vive voix au tribunal, certains participants savaient si le juge dans leur cause avait reçu leur déclaration alors que certains autres n’étaient pas au courant. Quelques participants qui se trouvaient au tribunal pendant la détermination de la peine ont affirmé qu’ils avaient vu leur déclaration être physiquement transmise au juge. À partir des renseignements fournis par les participants, il semble que ce ne soit qu’à de rares occasions que le juge ait explicitement mentionné avoir reçu une déclaration l’un des juges a lu à haute voix la déclaration en cour. Certains participants ne pouvaient préciser si, oui ou non, les juges devaient réellement lire les déclarations qu’ils avaient préparées.
2.11 Accès de l’accusé aux déclarations des victimes
Les participants ne savaient pas tous que l’avocat de la défense et l’accusé auraient accès à une copie de leur déclaration de la victime une fois qu’ils l’avaient présentée. Malgré ce fait, la plupart des participants indiquaient qu’ils croyaient convenable que la défense et l’accusé aient accès à cette information. Parmi les personnes qui ne savaient pas, avant d’avoir soumis leur déclaration, qu’un tel accès serait accordé, la plupart signalaient que le fait de le savoir à l’avance ne les aurait pas dissuadés de remplir leur déclaration.
Les participants divergeaient d’opinion quant à l’idée générale selon laquelle l’accusé aurait accès à leur déclaration. D’une part, certains participants voulaient que l’accusé comprenne dans quelle mesure le crime les avait affectés (« afin qu’il sache »). D’autre part, certains autres participants ne voulaient pas que l’accusé sache dans quelle mesure ils avaient été blessés parce qu’ils croyaient que l’accusé en tirerait une certaine satisfaction.
Dans l’ensemble, les participants exprimaient une importante préoccupation en ce qui a trait à la pratique consistant à permettre à l’avocat de la défense de contester et de critiquer en plein tribunal le contenu de la déclaration de la victime. Les participants déclaraient qu’à leur avis, personne ne sait mieux qu’eux de quelle façon le crime les a touchés. Au minimum, les participants laissaient entendre qu’ils devraient avoir la possibilité, devant le tribunal, de répondre à toute affirmation de l’avocat de la défense concernant le contenu de leur DV.
2.12 Le fait d’être interrogé par l’avocat de la défense sur le contenu de la déclaration de la victime
Très peu des participants des six groupes affirmaient avoir été directement interrogés par l’avocat de la défense concernant le contenu de la déclaration. Dans ces rares cas, il arrivait plus souvent que les participants n’aient pas l’impression « d’avoir eu le haut du pavé » au cours de ces échanges.
Les participants ont exprimé des préoccupations concernant les situations dans lesquelles on a vu l’avocat de la défense minimiser les répercussions d’un crime sur une victime telles que celle-ci les avait décrites dans la déclaration de la victime. Les participants ont indiqué qu’ils auraient aimé avoir la possibilité de répliquer aux commentaires de la défense, mais qu’on ne leur en a pas donné l’occasion. Certains participants étaient outrés du traitement accordé à leur déclaration. Ils ne voyaient pas pourquoi l’avocat de la défense contredisait leur récit de la façon dont le crime les avait affectés.
2.13 Lecture des déclarations à haute voix
La plupart des participants des six groupes de discussion savaient que leur déclaration pourrait être lue à haute voix. Parmi les personnes qui n’étaient pas au courant de cette possibilité, celle-ci recevait généralement un fort soutien en principe. Cet appui se fondait en partie sur le point de vue selon lequel certains juges pourraient ne pas lire très attentivement ces déclarations. Les participants croyaient que si la victime présentait oralement sa déclaration, ce problème pourrait être perçu comme étant moins important.
Environ la moitié des participants des groupes de Toronto, de Regina et de Vancouver dont le procès avait pris fin, avaient lu leur déclaration de la victime à voix haute devant le tribunal. Seulement deux participants de ces groupes ont signalé qu’ils souhaitaient lire leur déclaration de vive voix mais qu’on ne le leur a pas permis. Moins de la moitié des participants des groupes des Maritimes avaient présenté leur déclaration de vive voix.
Voici quelques raisons invoquées pour ne pas lire la déclaration à haute voix :
- la victime aurait été trop bouleversée
- certaines personnes qui avaient comparu comme témoins dans leur procès ne voulaient pas revivre cette expérience avec leur déclaration
- certains participants étaient moins intéressés à présenter leur déclaration de vive voix à cause de restrictions sur le contenu.
On a empêché un participant qui souhaitait lire sa déclaration à haute voix d'agir ainsi lorsqu'un plaidoyer de culpabilité a été inopinément déposé. Il a expliqué ne s'être rendu compte qu'après le fait qu'un plaidoyer de culpabilité avait été déposé et qu'on avait utilisé sa déclaration.
Les participants des six groupes appuyaient vivement le point de vue selon lequel on devrait permettre à toutes les victimes de présenter leur déclaration de vive voix si elles le souhaitaient.
2.14 Références à la DV par le juge
Les participants de ces groupes ont peu souvent mentionné que le juge avait fait allusion à leur déclaration de la victime au moment de prononcer la sentence. Dans de rares cas où la chose s’est produite, les victimes ont grandement apprécié que le juge ait tenu compte du contenu de leur déclaration. Pour de nombreux participants, le fait de préparer et de présenter leur déclaration a créé des tensions et s’est révélé épuisant au plan émotif. Les participants avaient de toute évidence apprécié le fait que le juge reconnaisse ces répercussions sur les victimes et ils ont affirmé qu’ils encourageraient cette pratique. Ils ont suggéré que les juges reconnaissent clairement les efforts que la victime avait déployés pour rédiger sa déclaration, de même que le contenu de sa déclaration.
Certaines victimes décrivaient cette reconnaissance du juge comme une façon de valider les expériences et les répercussions décrites par elles dans leur déclaration de la victime. Elles semblaient en retirer une satisfaction, même si elles ne croyaient pas que la DV ait d’une quelconque façon influé sur la sentence imposée.
2.15 Réactions générales concernant l’expérience
La plupart des participants des groupes de Vancouver, de Regina et des Maritimes ont déclaré qu’en sachant ce qu’ils savaient maintenant, ils rempliraient à nouveau la déclaration de la victime. De façon générale, ils évaluaient de manière positive la déclaration de la victime, malgré de fréquents doutes à l’effet que ces déclarations aient eu un quelconque effet sur la sentence imposée. Plusieurs attribuaient une valeur thérapeutique au fait de remplir une déclaration de la victime. Voici quelques autres avantages attribués au processus consistant à remplir et à soumettre une déclaration :
- cela leur a permis d’évacuer leur colère
- cela a permis à la victime de confronter l’accusé dans un endroit sécuritaire
- cela leur a permis d’inclure dans leur déclaration des renseignements qu’ils ne pouvaient apporter dans leur témoignage
- cela leur a permis de porter à l’attention de la cour l’ensemble des répercussions découlant du délit, quelles qu’aient été les accusations après avoir entendu la déclaration de la victime, certains contrevenants pourraient en venir à songer plus sérieusement aux blessures qu’ils ont infligées.
Par contre, les participants du groupe de Toronto ont signalé qu’ils ne prépareraient pas à nouveau une déclaration en sachant ce qu’ils savent maintenant du processus et de son efficacité. À leurs yeux, le seul indice de l’efficacité de leur déclaration réside dans son incidence sur la détermination de la peine. Ils éprouvaient également beaucoup de ressentiment quant au traitement sévère qu’ils avaient l’impression d’avoir subi aux mains de l’avocat de la défense en réaction au contenu de leur déclaration.
Le fait que les participants avaient l’impression que des sentences fondées sur une négociation de plaidoyer avaient fait l’objet d’une entente sans qu’il y ait une quelconque référence à l’incidence du crime sur la victime tel qu’exprimé dans la déclaration représentait une source particulière de frustration. Certains participants trouvaient particulièrement frustrant que, dans leur cause, les sentences aient été négociées entre la Couronne et la défense avant qu’ils n’aient préparé leur déclaration. Dans ces circonstances, non seulement les victimes étaient-elles insatisfaites de la sentence, mais elles avaient le sentiment que le processus avait abusé de leur temps et de leur état émotif fragile en sachant que leur déclaration n’aurait aucun poids dans la détermination de la peine.
2.16 Autres commentaires
Un participant du groupe de Vancouver dont le procès s’était tenu en Ontario voyait des avantages au fait que le format standard des déclarations de la victime en facilite le transfert d’une province à l’autre.
Certains participants ont manifesté du dédain pour l’utilisation du terme « victime » dans la déclaration de la victime et suggéraient de les nommer de manière plus appropriée «déclaration sur les répercussions d’un acte criminel». Ceci reflète en partie leur réticence à se considérer comme des victimes. D’autres n’éprouvaient aucune honte à ce sujet. Sur une question connexe, les participants d’un groupe s’objectaient à l’expression « déclaration concernant les répercussions sur la victime » parce que, à leur avis, la déclaration ne leur permet pas d’avoir une « répercussion » sur la détermination de la peine ou quoique ce soit d’autre qui ait un lien avec le procès. Ils n’avaient pas réalisé que l’expression signifiait le fait de procurer la possibilité de faire connaître les répercussions du crime sur la victime.
Certains participants semblaient ne pas savoir si, oui ou non, leur déclaration serait inscrite dans les dossiers officiels du tribunal et qu’elles seraient en conséquence accessibles à quiconque voulait la lire. Il n’était pas clair non plus si la Commission des libérations conditionnelles aurait accès à la déclaration de la victime au moment d’une audience de libération conditionnelle.
Un participant soulignait qu’alors que les lois concernant les déclarations de la victime permettent aux gens de prendre la parole, il fallait que tous les autres éléments soient en place. Le sentiment était que si vous décidez de donner des pouvoirs aux victimes, les droits des victimes devraient avoir une importance primordiale : « les DV représentent un instrument puissant, mais seulement si le système met en application ce qu’il a créé »
. Un répondant indiquait qu’il lui semblait parfois que, mis à part les services d’aide aux victimes, personne ne s’en souciait.
Un participant recommandait d’obliger l’accusé à se tenir debout et à faire face à la victime pendant la lecture de la déclaration.
Une victime estimait que la personne qui lisait la déclaration ne devrait pas être obligée de se tenir debout à la barre des témoins. On devrait plutôt faire en sorte que les victimes se sentent confortables et à l’aise au moment où elles lisent leur déclaration. Ce participant considérait cette exigence fo rmelle comme étant moins souhaitable que l’anonymat accordé à l’accusé lorsqu’il s’assoit à la table auprès de son avocat.
Les personnes qui sont allées au tribunal jugeaient essentiel d’avoir le soutien des services d’aide aux victimes afin qu’ils dispensent de l’aide ou une orientation tout au long du processus ainsi qu’un appui le jour de la détermination de la peine. Une participante soulignait qu’elle n’aurait jamais pu passer à travers ce processus si ce n’avait été de l’appui des services d’aide aux victimes.
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