« Créer un cadre de sagesse communautaire » : examen des services aux victimes dans les territoires du Nunavut, du Nord-Ouest et du Yukon

2.0 Nunavut (suite)

2.0 Nunavut (suite)

2.5 Recommandations sur les services aux victimes au Nunavut (suite)

2.5.5 Programmes de services aux victimes

Comme l'indiquent certaines des citations ci-dessus, les recommandations concernant les programmes de services aux victimes se rapportent aux intervenants en matière de services aux victimes, aux refuges et aux maisons d'hébergement des femmes battues et de leurs enfants, aux programmes de traitement des toxicomanes et de rétablissement après un traumatisme, aux services de soutien familial, aux cercles de guérison personnelle et aux lignes d'écoute téléphonique.

Intervenants en matière de services aux victimes

Les répondants ont souligné qu'il y a de nombreuses personnes autochtones compétentes et motivées qui ont juste besoin d'une formation et d'une infrastructure pour assurer des services efficaces. Ils ont insisté sur l'importance d'offrir des services aux victimes dans toutes les collectivités et, à cet égard, ils estimaient que le système du Labrador, qui fait appel à des personnes de la collectivité locale ayant reçu une formation et conclu un contrat pour la prestation du service, était la meilleure solution. Quelques répondants croyaient qu'un système de bénévoles défenseurs des victimes pourrait également fonctionner. Toutefois, tous les répondants croyaient qu'un service aérien (comme ceux utilisés dans certaines régions éloignées du Canada) ne fonctionnerait pas, car ils estimaient qu'un professionnel de l'aide aux victimes devait être disponible dans chaque collectivité au cours d'une situation d'urgence. En outre, une personne connue disponible sur place est mieux à même de tisser les solides relations fondées sur la confiance nécessaires pour assurer des services dans les collectivités inuites et autochtones.

Les répondants ont insisté fortement sur le fait que les défenseurs des intérêts des victimes auraient besoin du soutien de leurs collectivités et des fournisseurs de services locaux ainsi que d'un bureau central de services aux victimes. Idéalement, ils aimeraient que ces défenseurs des intérêts des victimes aient reçu une formation dans les domaines susmentionnés et qu'ils soient capables d'offrir les services suivants :

Les répondants ont justifié ce choix de la façon suivante :

Sur le plan de la logistique, les répondants ont indiqué que tout bureau de services aux victimes devrait être situé loin du poste de police et, de préférence, dans un endroit neutre comme un centre d'amitié ou un centre de santé. Ils ne tenaient pas à créer des postes à temps partiel pour assurer ce service, car ils estimaient que les emplois à temps partiel entraînent un taux de roulement élevé et un programme « édulcoré » et moins efficace.

En plus de la présence d'intervenants en matière de services aux victimes dans chaque collectivité, les répondants ont recommandé d'offrir des services supplémentaires semblables à ceux assurés dans d'autres collectivités autochtones éloignées, décrits à la section précédente. Les services communautaires et régionaux supplémentaires devraient comprendre les refuges pour les femmes et les enfants maltraités, les refuges pour les jeunes, les programmes de traitement des toxicomanes et de rétablissement après un traumatisme, les services de soutien familial et les cercles de guérison personnelle. Chacun de ces services, envisagés par les répondants, est décrit ci-dessous.

Refuges et maisons d'hébergement pour les femmes battues et leurs enfants

Les répondants estimaient qu'il faut avoir des refuges pour les femmes battues et leurs enfants dans chaque collectivité. De plus, ils étaient d'avis qu'il faut disposer d'une maison d'« hébergement transitoire » dans chaque région pour que les femmes qui ne souhaitent pas retourner vivre avec leur partenaire violent aient la possibilité, après avoir quitté le premier refuge, de recourir à long terme à une maison d'« hébergement transitoire » jusqu'à ce qu'elles puissent trouver leur propre logement. En outre, ils estimaient que tous les refuges devraient compter des protecteurs des enfants sur place.

Les répondants ont indiqué que le personnel des refuges a besoin de formation dans les domaines de la psychologie, du droit, du syndrome de stress post-traumatique, de la dynamique familiale, de la violence, des systèmes de soutien officiels et officieux, des droits de la personne et des droits de la victime, des aptitudes à communiquer ainsi que des compétences logistiques et administratives.

Plusieurs répondants ont indiqué que les refuges pour femmes battues au Nunavut pourraient être des endroits idéals pour les intervenants en matière de services aux victimes, car d'après eux, les « gens ont confiance dans les refuges. Ils ont fait état du programme des services aux victimes de Dease Lake en C. -B. , de la Three Sisters Haven Society, qui exploite un refuge d'urgence pour femme en même temps qu'un programme d'aide aux victimes. La plupart des répondants étaient d'avis qu'avec une formation et des ressources supplémentaires, le réseau de refuges actuel devrait servir d'organisme communautaire parrain crédible et efficace pour les programmes de services aux victimes éventuels.

De plus, bien des répondants qui ont participé au recensement des services du Nunavut ont suggéré d'ouvrir des refuges d'urgence pour les enfants et les adolescents. Les représentants scolaires en particulier ont fait état du cas des enfants qui vont à l'école même s'ils ont faim et s'ils sont fatigués à cause de problèmes rencontrés à la maison et ils ont indiqué que les refuges d'urgence pour les enfants et les adolescents pourraient apporter une réponse.

Programme de traitement des toxicomanes et de rétablissement après un traumatisme

Les répondants ont hâte de voir une hausse du nombre de programmes communautaires et régionaux de traitement des toxicomanes et de rétablissement après un traumatisme offerts aux hommes, aux femmes et aux enfants. Ils voulaient en savoir davantage sur le programme de traitement dans le Nord du Québec décrit à la section précédente, d'autant plus que le programme est fondé sur les valeurs, la langue et la culture inuites et qu'il est dirigé par un personnel inuit. Le Programme de guérison et de rétablissement des femmes et des enfants du YWCA à Yellowknife intéressait également les répondants, car il constitue un programme global et de longue durée d'acquisition de compétences, de traitement et de formation à l'intention des participants. Les répondants estimaient que ces genres de programmes seraient précieux au niveau régional dans chaque région du Nunavut et ils aimeraient que des programmes semblables de traitement des toxicomanes et de rétablissement après un traumatisme en établissement soient offerts au Nunavut.

En ce qui concerne les programmes de traitement des toxicomanes et de rétablissement après un traumatisme, les répondants souhaitent que les éléments suivants soient offerts :

Services de soutien familial

Dans le cadre du sondage sur le recensement des services, les répondants ont formulé de nombreuses suggestions concernant la prestation d'un soutien accru aux familles.

La plupart ont fait état de la nécessité d'augmenter dans chaque collectivité le nombre de programmes de counseling familial qui font appel à des méthodes de counseling traditionnelles et modernes. Les méthodes de counseling traditionnelles ont trait à l'intervention, aux conseils et au soutien des Aînés inuits. (Plus d'un Aîné peut participer à ce processus. ) Les méthodes de counseling modernes se rapportent à l'approche des séances de counseling axée sur la culture dominante avec un conseiller ayant reçu une formation dans le domaine des interventions psychologiques.

La majorité des répondants ont également discuté de la nécessité de programmes de formation au rôle de parent ou d'une sorte d'intervention auprès des parents qui les encourage à jouer leur rôle de décideurs et de surveillants de leurs enfants. À cet égard, des répondants ont formulé des suggestions au sujet des programmes de soutien familial à domicile, des programmes d'intervention immédiate, des programmes de guérison familiale et de counseling, de consultation matrimoniale, d'identité culturelle et de perfectionnement des compétences et de loisirs qui réunissent la famille.

La gamme étendue de programmes appropriés, pratiques, d'encouragement et d'éducation offerts au Centre des femmes de Yellowknife, qui sont décrits à la section précédente, à l'intention des victimes de violence et d'autres femmes, familles et hommes défavorisés ont impressionné les répondants.

Cercles de guérison personnelle

Les répondants ont fait état du succès des cercles de guérison dans plusieurs programmes décrits à la section précédente. Ils ont recommandé que les collectivités créent des groupes de guérison pour les femmes, les hommes et les adolescents, ce qui leur permettrait de révéler les traumatismes qu'ils ont subis et de continuer à adopter des modes de vie sains. Les répondants croient que les fournisseurs de soins communautaires devraient recevoir une formation dans ce domaine.

Lignes d'écoute téléphonique

Plusieurs répondants ont relevé l'efficacité de la ligne d'écoute téléphonique actuelle au Nunavut. Les résultats du recensement ont indiqué que la ligne est largement utilisée dans toutes les collectivités Qikiqtaaluk (Baffin). On a suggéré de financer celle-ci au moins en partie au moyen de fonds gouvernementaux au lieu de s'en remettre uniquement à la collecte de fonds par les bénévoles.

2.6 Résumé des besoins et recommandations

2.6.1 Résumé des besoins

Selon la présente étude, au Nunavut, les besoins des victimes de violence et de ceux qui leur assurent des services semblent considérables. À en juger d'après les résultats du recensement des services au Nunavut et les consultations tenues avec les fournisseurs de services et d'autres habitants de ce territoire, les services actuels, tant officieux qu'officiels, sont exploités au maximum. Les fournisseurs de services et d'autres fournisseurs de soins communautaires cherchent à répondre à une gamme étendue de besoins de leur population cible particulière, dont bon nombre débordent le cadre de leur service autorisé.

En dernière analyse, tous les ordres de gouvernement devront collaborer à la conception d'une approche stratégique globale et à volets multiples qui tiendra compte des facteurs suivants :

La culture, l'isolement, le colonialisme et les réalités économiques se sont conjugués de telle façon dans la plupart des collectivités du Nunavut que les réactions traumatiques ont été figées dans des normes sociales. L'ironie de la situation, c'est que les deux cultures devront s'adapter, apprendre et croître pour résoudre ce puzzle. Une approche « à sens unique » selon laquelle la culture dominante tente d'« aider » les victimes de violence au Nunavut, bien qu'elle soit utile à certains égards, ne peut remporter qu'un succès limité à long terme. Cela ne signifie pas qu'il ne vaut pas la peine de mettre en œuvre divers programmes de services aux victimes. À long terme, la situation ne peut changer que lorsque les forces et les compétences de chaque culture sont comprises et intégrées au fonctionnement de l'autre culture.

2.6.2 Résumé des recommandations

Sur le plan pratique, les programmes, la politique et la législation éventuels en matière de services aux victimes devront être axés sur les aspects suivants :

Étant donné la variété et la portée des recommandations formulées par les fournisseurs de services du Nunavut et d'autres personnes consultées au cours des présents travaux de recherche et les autres facteurs soulevés dans l'étude, il est difficile de trouver le point de départ le plus utile lorsqu'il s'agit d'accroître les services aux victimes. Toutefois, il y a plusieurs points de départ pratiques. Les décideurs au sein des collectivités et des pouvoirs publics devront déterminer lequel est le plus important. Voici des points de départ pratiques éventuels :

Après avoir lu des textes sur les pratiques exemplaires dans d'autres administrations, une spécialiste de la justice communautaire a résumé plusieurs des suggestions de la façon suivante[40].

Je crois que la forme d'organisation la plus pratique pour les services aux victimes dans les collectivités du Nunavut serait comme les paraprofessionnels du Labrador. On pourrait offrir une formation à des intervenants en matière de services aux victimes qui pourraient informer l'ensemble de la collectivité sur les questions relatives aux victimes. Des juges de paix ont fait appel à des paraprofessionnels inuits [assistance parajuridique aux Autochtones]. La rémunération à l'acte est une bonne idée, en particulier dans les petites collectivités, la formation, l'éducation communautaire, etc. , ou d'autres activités communautaires étant rémunérées. Dans les grandes collectivités comme Cape Dorset, ou les endroits où il y a des refuges, il pourrait s'agir d'un poste à temps plein si cette personne organise activement des ateliers ou offre une formation sur les questions relatives aux victimes, à la violence familiale, à la violence sexuelle, aux traumatismes, etc. Pour la collectivité et d'autres fournisseurs de soins.

Il est peu réaliste de s'attendre à ce que les intervenants en matière de services aux victimes soient des bénévoles dans la situation économique actuelle, où les emplois sont rares. Il ne faut pas s'attendre à ce que les chômeurs fassent du bénévolat.

Le financement doit être continu et fiable pour que les ressources communautaires soient assorties d'un plan de formation à long terme. On pourrait ainsi instaurer à l'échelle du Nunavut un programme communautaire de services aux victimes et de ressources. Il pourrait faire partie d'un programme de base financé par le gouvernement comme la justice communautaire ayant le mandat clair d'utiliser l'approche du développement communautaire.

Travailler étroitement avec la police pour offrir un soutien initial aux victimes après un incident est un bon point de départ si les intervenants communautaires veulent s'occuper d'une famille en particulier, etc. Certaines victimes de crime de violence dans la collectivité ont dit qu'après une agression, personne n'est venu leur offrir de l'aide.
Il serait important de travailler en étroite collaboration avec les refuges pour femmes battues, les groupes de guérison, les intervenants dans le domaine des drogues et de l'alcool, les travailleurs sociaux, les comités de la justice dans les collectivités pour créer un réseau de soutien d'autres professionnels qui travaillent dans un domaine semblable. Certains d'entre eux offriraient également des services de counseling ou d'autres services de soutien aux victimes.

Les intervenants en matière de services aux victimes devraient suivre des cours de perfectionnement tous les ans, tenir deux fois par année, sur le plan régional ou à l'échelle du Nunavut, des réunions axées sur la formation, le perfectionnement et le réseautage. La sécurité est une question clé lorsqu'il s'agit de rendre les travailleurs conscients de leur propre sécurité personnelle, mais aussi la formation concernant les codes de déontologie et les pratiques sécuritaires à adopter lorsqu'on travaille avec les clients en tant que personne de soutien et conseiller.

Il faut établir des programmes de rétablissement à long terme pour les victimes. La violence familiale et la violence sexuelle sont deux des principaux problèmes du Nunavut.
Dans les collectivités, les groupes de guérison et d'entraide pourraient être une façon d'offrir un moyen de guérison et de rétablissement aux particuliers. La formation offerte aux fournisseurs de soins communautaires dans le cadre de projets de guérison serait importante. Les ateliers de guérison régionaux renseignent le public sur les besoins en matière de guérison des victimes et des délinquants. Il faut enseigner aux gens de la collectivité à diriger des groupes de soutien et de guérison. Nombre de collectivités ont fait appel à des facilitateurs de la guérison pour amorcer la création de groupes de guérison.

En résumé, il semble évident d'après les consultations menées au cours de la présente étude que chez les fournisseurs de soins communautaires et les fournisseurs de services du Nunavut, il existe une solide compréhension de base des problèmes sociaux actuels, en particulier de la situation dans laquelle se trouvent les victimes. Ils ont formulé de nombreuses suggestions et solutions pratiques à l'attention des décideurs à tous les paliers de gouvernement et dans chaque collectivité. Par suite de la présente étude et d'autres études sur les problèmes sociaux au Nunavut, ils ont insisté sur le fait que leur principale préoccupation était qu'on aide les victimes de violence au lieu de se contenter d'en discuter et d'effectuer des études à ce sujet.


[40] Cette citation provient d'un courriel reçu de Kristiina Alariaq, spécialiste de la justice communautaire Qikiqtaaluk (Baffin), Sud, Cape Dorset (Nunavut).