Recueil des recherches sur les victimes d'actes criminels
Déclarations des victimes : enseignements tirés et priorités pour l’avenir
Par Julian V. Roberts, professeur de criminologie, Faculté de droit, Université d’Oxford[1]
Introduction et aperçu
Depuis qu’il a fait son apparition aux États-Unis, dans les années 1970, le recours aux déclarations des victimes (ci-après appelées « DV ») s’est généralisé dans tous les pays placés sous le régime de la common law. Les DV constituent pour la victime le moyen principal de participer au processus de détermination de la peine. On y a également recours dans certains pays appliquant le droit civil, comme la Hollande, et dans d’autres pays européens comme la Belgique, leur utilisation a été proposée. Au Canada, les DV ont fait leur apparition dans le Code criminel en 1988, grâce au projet de loi C-89. Depuis, elles sont devenues un élément important du processus de détermination de la peine. La loi initiale a été modifiée en 1999, lorsqu’un certain nombre de modifications importantes ont été apportées au régime législatif. En 2001, les victimes ont acquis le droit de présenter des déclarations lors des audiences fédérales de libération conditionnelle tenues au Canada. L’annexe A résume la loi d’habilitation et les modifications qu’elle a subies. Le présent article fait la synthèse des résultats les plus importants de la recherche pertinente de nature socio-juridique. Il est le résultat d’une analyse systématique des recherches les plus récentes effectuées au Canada et ailleurs. Étant donné que le Canada a fait plus de recherches que tout autre pays dans ce domaine, une grande partie de ce que la communauté internationale a appris à propos de l’utilité des DV est imputable à l’expérience vécue au Canada[2]. L’article est divisé en deux parties : Partie 2 – Enseignements tirés et Partie 3 – Questions en suspens et priorités en matière de recherche. La bibliographie contient les plus récents documents publiés dans un secteur qui connaît une expansion rapide[3]; pour consulter des publications antérieures, reportez-vous aux travaux de Roberts (2003) et de Young (2001). Enfin, notre examen exclut les très nombreux documents consacrés à l’utilisation des DV dans le cadre de procès capitaux aux États-Unis (dans Callihan [2003], vous trouverez une bibliographie pertinente).
Enseignements tirés
Les victimes présentant des déclarations constituent une minorité
Voici un des éléments importants qui ont été observés : le simple fait que les déclarations des victimes aient vu le jour ne va pas se traduire par le recours systématique à ces déclarations; il semble qu’une minorité de victimes souhaitent présenter de telles déclarations lors de la détermination de la peine. La DV diffère donc des autres sources d’information utilisées durant ce processus, par exemple du rapport présentenciel, qui influe sur la majorité des décisions relatives aux peines. Cela ne signifie pas que la DV est une source d’information moins importante aux yeux des personnes qui déterminent la peine, mais simplement qu’un grand nombre de victimes, pour diverses raisons, semblent satisfaites de ne pas participer au processus de détermination de la peine, ou satisfaites que ce soit la Couronne qui présente au tribunal des renseignements sur l’impact des actes criminels. Il en va de même pour les audiences de libération conditionnelle, lors desquelles les DV sont assez rares[4] - on n’y a recours que dans le cadre des affaires les plus graves (Prairie Research Associates, 2004). Cependant, pour la minorité de victimes qui présentent une déclaration, la DV constitue à l’évidence un moyen important de s’exprimer devant le tribunal et de participer au processus de détermination de la peine.
Peu de victimes demandent à présenter leur déclaration oralement, mais celles qui le font en constatent les avantages
À la suite des modifications apportées en 1999, les victimes d’actes criminels au Canada ont le droit de présenter une DV oralement s’ils l’ont préparée conformément à un programme officiellement conçu à cet effet. Pour diverses raisons, les victimes sont peu nombreuses à se prévaloir de ce droit (Roberts et Edgar, 2006). Cependant, les études portant sur les personnes ayant présenté leur déclaration oralement révèlent que cette expérience est très profitable aux personnes en question. Il est donc important de veiller à ce que les victimes soient conscientes de ce droit, même si seulement un petit nombre de personnes s’en prévaudront en fin de compte. Il est fort probable que le nombre de victimes choisissant de présenter une déclaration oralement va augmenter au cours des prochaines années, étant donné que ce principe devient de plus en plus intégré à la culture du système de justice pénale.
Obstacles au recours systématique aux déclarations
Il existe un obstacle évident à l’augmentation du taux de participation : il arrive que les tribunaux aient des problèmes techniques pour communiquer avec les victimes. Il est parfois difficile de contacter la victime d’un acte criminel lorsque le prononcé de la peine est imminent. Résultat : l’audience de détermination de la peine se déroule souvent en l’absence de toute déclaration, ou même sans que les membres du tribunal sachent si la victime a été informée de son droit de leur présenter une déclaration orale. Ce problème est observé depuis les toutes premières études sur le fonctionnement des DV au Canada (ministère de la Justice du Canada, 1990). Même si les choses se sont considérablement améliorées avec la multiplication des services d’aide aux victimes, les juges reconnaissent encore qu’ils ont du mal à déterminer si la victime s’est fait offrir la possibilité de présenter une déclaration (Roberts et Edgar, 2006).
D’autres obstacles ont été observés[5] :
- Il est difficile d’expliquer aux victimes l’objet et la nature de la DV.
- On apporte une aide insuffisante aux victimes d’actes criminels à propos du système de DV.
- Pour des raisons liées à l’analphabétisme ou à la langue, les victimes comprennent mal les documents portant sur les DV.
- La victime n’a pas assez de temps pour bien préparer sa déclaration.
- Le personnel chargé d’offrir des services d’aide aux victimes manque de temps.
- En raison d’attentes irréalistes, certaines victimes ont une perception négative des déclarations.
- Les victimes ne savent pas toujours qu’elles ont le droit de présenter une déclaration à l’étape de la libération conditionnelle [6].
La plupart des victimes qui ont présenté une DV disent être plus satisfaites de la peine prononcée
Est-ce que, grâce aux DV, les victimes sont plus souvent satisfaites du processus de détermination de la peine[7]? C’est probablement la question qui fait l’objet du plus grand nombre d’études sur le terrain. Une petite minorité de victimes qui présentent une déclaration se disent insatisfaites. La plupart des victimes semblent croire que le fait de présenter une déclaration va leur permettre de participer de façon constructive au processus de détermination de la peine. La toute dernière évaluation du programme de DV mis en œuvre en Écosse constitue un bon exemple. Une fois le jugement rendu, près de 90 % des victimes ont dit que leur décision de présenter une déclaration avait été la bonne. En outre, près des deux tiers ont dit s’être senties mieux au terme de leur déclaration (voir Leverick, Chalmers et Duff, 2007; Chalmers, Duff et Leverick, 2007). Dans le cadre de la plus récente étude menée pour Justice Canada, les réponses ont été tout aussi positives : quatre victimes sur cinq ayant présenté une DV étaient satisfaites de l’avoir fait (Prairie Research Associates, 2004; voir aussi Miller, 2007).
Certaines études ont révélé que les victimes sont plus enclines à présenter une DV quand :
- l’infraction est grave, et s’accompagne d’une blessure personnelle ou d’une perte financière inattendue;
- la victime souhaite communiquer un message au délinquant;
- la victime a reçu le formulaire de DV peu de temps après l’infraction, et a rencontré à plusieurs reprises le personnel des services d’aide aux victimes ou le procureur;
- la victime a des attentes claires et réalistes à propos de l’objet de la DV;
- la victime adopte une attitude plus positive à l’égard du système de justice pénale;
- la Couronne tient tout particulièrement à recevoir une DV lors de l’audience de détermination de la peine.
Il est important de ne pas créer d’attentes auxquelles on ne pourra pas répondre
Les DV peuvent susciter des attentes auxquelles un modèle de justice criminelle accusatoire ne peut pas répondre. Si l’on pousse les victimes à croire que leurs déclarations vont donner lieu à une décision plus sévère du tribunal ou que leurs « recommandations relatives à la peine » seront acceptées par celui-ci, elles risquent fort d’être déçues si l’on ne répond pas à leurs attentes (p. ex., Hinton, 1995). En fait, elles peuvent même éprouver du ressentiment après le prononcé de la peine. C’est l’une des causes d’insatisfaction qui ont été soulevées par les victimes d’actes criminels dans le cadre d’une étude de Meredith et Paquette (2001). C’est la raison pour laquelle il est très important que les victimes comprennent que la DV est avant tout axée sur la communication d’information, mais n’est pas un élément déterminant du processus (voir Smanzia et Gracyalny 2006)[8]. Dans la plupart des pays (mais certainement pas dans tous[9]), on décourage les victimes de recommander des peines précises, ou on leur interdit de le faire. Malgré cela, les tribunaux du Canada et d’autres pays continuent de faire état de « propositions » de victimes lors de la détermination de la peine. Cela révèle à quel point il est important d’expliquer aux victimes comment utiliser la déclaration de façon appropriée. Il est cependant important de mentionner que, selon les études les plus récentes, les déclarations contiennent encore des recommandations des victimes à propos des peines, mais que cela se produit moins souvent que par le passé. Prairie Research Associates (2004) a constaté qu’environ un quart des victimes interviewées pensaient que leur déclaration aurait une incidence sur la peine imposée par le tribunal.
Le succès de tout programme de DV dépend de la façon dont ce programme est administré
Un des enseignements les plus importants tirés de l’examen de la documentation est le suivant : la façon dont les DV sont administrées aura un impact crucial sur l’utilité de ces déclarations pour les victimes et les tribunaux. Les arrangements administratifs varient considérablement d’un endroit à l’autre. Même si aucun examen systématique n’a permis de comparer les différents moyens de fournir le formulaire de déclaration et les renseignements complémentaires, lorsqu’on remet ce formulaire à la victime en personne, en l’accompagnant de renseignements adéquats, il est plus probable qu’elle présente une déclaration.
Il est important d’expliquer aux victimes l’objet et la nature des DV
La critique qu’on relève le plus souvent à propos des DV est la suivante : elles peuvent avoir un effet néfaste sur les victimes d’actes criminels qui, après avoir été portées à croire qu’elles pouvaient influer directement sur la peine prononcée, sont déçues lorsque leur recommandation est soit modifiée par la Couronne, soit rejetée par le tribunal. C’est effectivement ce qui se produit de temps en temps, et cela révèle à quel point il est important d’expliquer clairement aux victimes d’actes criminels l’objet de la DV. Si elles savent que la DV ne vise pas à fournir au tribunal des consignes précises qu’il doit prendre en compte, certaines victimes pourraient être moins intéressées par la présentation d’une déclaration; mais il demeure essentiel qu’elles aient une idée précise du rôle qu’elles peuvent jouer et de l’objet de la DV. C’est pour cette raison que le formulaire de déclaration devrait contenir des instructions claires à propos de l’objet de la DV et du rôle de la victime lors de la détermination de la peine. En outre, la victime devrait avoir la possibilité de discuter de l’objet de sa déclaration avec un spécialiste du droit, de préférence un représentant de la Couronne qui s’occupe de son dossier. Si ce n’est pas possible, les employés des services d’aide aux victimes devraient veiller à ce que les victimes comprennent parfaitement pourquoi on leur offre la possibilité de présenter une déclaration au tribunal. Des études ont par ailleurs révélé qu’il fallait accorder plus d’attention à la façon dont l’information est transmise aux victimes susceptibles de souffrir de traumatismes (Miller, 2007; McDonald, 2000).
Des études révèlent que la DV s’accompagne parfois de documents extérieurs
Il arrive parfois que les déclarations de victimes contiennent des éléments inappropriés, par exemple de l’information qui porte préjudice à l’accusé(e) ou a un effet antagoniste à son endroit. Il faut que les victimes soient mieux sensibilisées et que les formulaires contiennent plus d’information et soient plus clairs pour maximiser le volume d’information pertinente et minimiser le nombre d’éléments superflus ou préjudiciables inclus dans les DV. Les avocats de la défense et de la Couronne qui ont été interrogés en 2004 dans le cadre d’une étude du ministère de la Justice ont déclaré que les éléments superflus ou non pertinents constituaient le principal problème en ce qui concerne les DV (Prairie Research Associates, 2004)[10]. Miller (2007) a constaté un manque de clarté à propos de la nature expressive de la DV. Lorsque des éléments non pertinents figurent dans la déclaration, l’avocat de la Couronne doit modifier celle-ci ou les juges peuvent en refuser certaines parties (Prairie Research Associates, 2004). Cela peut être déstabilisant pour les victimes. Enfin, certains observateurs ont recommandé l’adoption de normes plus efficaces applicables aux preuves, qu’il faudrait respecter pour que la DV puisse être admise comme preuve (voir Hill, 2005).
Selon les juges, les DV sont utiles, surtout dans les cas d’infraction avec violence
Si l’on propose les DV aux victimes sans encourager les juristes à prendre celles-ci en considération lors de la détermination de la peine, elles n’auront sans doute aucun effet bénéfique. Il est important de noter qu’en vertu des lois canadiennes, les tribunaux doivent tenir compte des déclarations lors de la détermination de la peine. La plupart des études consacrées aux DV ont analysé leur utilité selon le point de vue de la victime – comme on l’a vu précédemment. Mais il est tout aussi important de déterminer dans quelle mesure les DV vont servir les intérêts de la justice. Les études menées au Canada au cours des dix dernières années ont clairement démontré que les DV étaient utiles pour les personnes qui déterminent les peines. Les études quantitatives et qualitatives menées auprès de juges et de procureurs, au Canada et ailleurs, ont révélé que les deux groupes pensent que la DV a un rôle à jouer dans le processus de détermination de la peine (voir Roberts et Edgar, 2006; Prairie Research Associates, 2004; Cole, 2003; D’Avignon, 2001). L’étude la plus récente à laquelle ont participé des juges a révélé que près des quatre cinquièmes d’entre eux disaient tenir compte des déclarations des victimes lors de la détermination de la peine (voir Roberts et Edgar, 2006; Prairie Research Associates, 2004).
Cette série d’études permet de tirer les conclusions suivantes :
- Les DV constituent une source d’information unique, adaptée à la nature et aux objectifs du processus de détermination de la peine.
- Les DV sont jugées particulièrement utiles dans le cas des crimes avec violence.
- Les DV ne prolongent pas nécessairement les audiences de détermination de la peine.
- Les juges mentionnent souvent les DV dans les justifications de la peine infligée.
- Une minorité non négligeable de juges interrogés au Canada ont mentionné que, d’après leur expérience, les DV faisait augmenter le degré de satisfaction des victimes à l’égard du processus de détermination de la peine.
On ne sait pas vraiment si les DV ont des effets néfastes sur le processus de détermination de la peine
Un certain nombre d’effets néfastes ont été attribués à l’utilisation des DV lors de la détermination de la peine. Des études empiriques menées dans de nombreux pays ont généralement révélé qu’on possédait peu d’éléments confirmant ces effets néfastes. Par exemple, au Royaume-Uni, Morgan et Sanders (1999) ont constaté que les DV avaient rarement une incidence sur les accusations portées par le procureur (ou n’en avaient jamais), pas plus qu’elles n’influaient sur le prononcé des peines ou ne prolongeaient la durée des audiences de détermination de la peine. L’impact des DV sur les méthodes de détermination de la peine a été évalué dans le cadre de divers types d’études, dont les résultats appuient généralement la conclusion selon laquelle les peines prononcées ne sont pas plus sévères ou moins uniformes depuis la création de ces déclarations. Par exemple, Erez, Roeger et Morgan (1994) ont effectué une analyse « avant-après » approfondie des statistiques à propos de la détermination des peines avant et après la création des DV en Australie; ils n’ont observé aucun changement dans la gravité des peines prononcées.
Il est important d’éviter la « banalisation » de l’impact sur les victimes
Un certain nombre de spécialistes pensent que les DV pourraient être (comme cela a été le cas dans certains contextes) « banalisées » par la routine du système de justice pénale (voir, p. ex., Erez et Laster, 1999; Young, 2001). Si les victimes abordent la préparation de leur déclaration de la même façon qu’elles remplissent une réclamation à leur compagnie d’assurances, cet exercice aura peu d’impact sur le plan psychologique. Il est donc important que le système de justice pénale veille à ce que les DV soient distinguées des autres exigences administratives associées à une poursuite en justice.
Questions en suspens et priorités en matière de recherche
Procéder à un examen des « pratiques exemplaires » en matière de prestation de services
Pour présenter le plus efficacement possible à un tribunal des renseignements à propos de l’impact sur la victime, il faut faire remplir à cette dernière un formulaire de déclaration. Il existe divers formulaires qui présentent divers degrés d’information à propos de la déclaration et des directives à propos du meilleur moyen de décrire l’expérience de la victimisation. En outre, à l’échelle du Canada, il existe d’importantes différences dans la façon dont les victimes sont informées de la possibilité de présenter une déclaration. Personne n’a mené d’étude afin de définir un modèle de « pratiques exemplaires » qui pourrait être proposé à toutes les provinces/tous les territoires en vue d’une adoption possible. Si le même modèle générique était utilisé dans tout le pays, il y aurait une plus grande uniformité dans le traitement des victimes d’actes criminels relativement à cette question importante. Un examen de cette nature serait fructueux si l’on étudiait les formulaires et les protocoles utilisés dans d’autres pays. À cet égard, il est important de noter que, dans un certain nombre de pays (incluant le Canada), les victimes jugent incomplète ou peu claire l’information qu’elle reçoivent à propos des DV (p. ex., Prairie Research Associates, 2004). Certains pays fournissent plus d’information aux victimes que d’autres. Par exemple, en Nouvelles-Galles-du-Sud, on propos aux victimes d’actes criminels un programme très complet[11].
Examiner l’impact de la DV sur les délinquants
Comme on l’a déjà mentionné, la création des déclarations de victimes visait à faire augmenter le degré de satisfaction des victimes et à garantir que la nature de l’infraction était clairement expliquée au tribunal lors de la détermination de la peine. Plus récemment, les spécialistes ont commencé à s’intéresser à l’impact des déclarations sur les délinquants. Il existe peu de rapports des études menées à propos des « Victim Impact Panels » (groupes d’étude de l’impact sur les victimes) aux États-Unis (p. ex., Rojek, Coverdill et Fors, 2003; Fors et Rojek, 1999). Dans le cadre de ces groupes, des groupes de délinquants rencontrent des groupes de victimes. Les délinquants assistent aux présentations des victimes à propos de l’impact de l’acte criminel. On a observé que les délinquants participant à ces échanges sont moins enclins à commettre de nouvelles infractions. Ainsi, le fait d’entendre (ou de lire) une DV pourrait avoir un certain impact sur le délinquant, mais la question doit encore être examinée dans des études empiriques.
Nécessité de documenter les attitudes et la formation des juristes
Le rôle des professionnels du système de justice pénale est essentiel au succès de tout programme de déclaration des victimes. Un certain nombre de projets de recherche ont permis d’examiner l’attitude de professionnels comme les avocats de la Couronne et les employés des services d’aide aux victimes (p. ex., Prairie Research Associates, 2004; Miller, 2007). Il est cependant important de mentionner que la formation de ces professionnels comprend un volet consacré à la participation des victimes en général, et à la DV en particulier. Il ne semble pas qu’on ait mené quelque étude que ce soit à ce sujet au sein du système de justice pénale, mais certains éléments d’information de nature anecdotique permettent de croire qu’une telle étude serait utile.
Nécessité d’en savoir plus sur l’impact de la DV lors des audiences de libération conditionnelle
La plupart des études empiriques portant sur le recours aux DV et leur utilité sont axées sur l’étape de détermination de la peine du processus pénal. On en sait beaucoup moins sur le recours aux DV lors des audiences de libération conditionnelle (voir Gaudreault [2003] pour une étude qualitative consacrée aux victimes d’actes criminels au sein du système correctionnel). Les victimes participent moins fréquemment à ces audiences qu’au processus de détermination de la peine.
Conclusions
L’enseignement le plus important que l’on peut tirer de l’examen des DV est sans doute le suivant : il ne s’agit pas d’une panacée qui va permettre de répondre à toutes les attentes des victimes au stade de détermination de la peine. Toutefois, si les DV sont administrées de façon appropriée, si l’on fournit aux victimes assez d’information à propos des DV et si on leur permet de communiquer suffisamment avec des professionnels du système de justice pénale, le concept de DV peut se révéler extrêmement utile. Pour l’instant, on peut résumer ainsi l’expérience des DV : les avantages et les inconvénients qu’elles présentent ont été exagérés, tant par ceux qui en vantent les mérites que par ceux qui les critiquent. D’une part, il est clair que, même si les victimes sont peu nombreuses à présenter une déclaration, les avantages qu’elles en tirent semblent considérables. D’autre part, aucun des risques associés aux DV par leurs détracteurs (p. ex., lenteur des audiences de détermination de la peine, peines plus sévères ou non uniformes) ne s’est concrétisé dans les pays qui ont instauré le principe des DV.
Il y a près de dix ans, un périodique de premier plan consacré au droit pénal a publié une critique du recours aux déclarations des victimes lors de la détermination de la peine (Sanders et coll., 1999). Depuis, un nombre croissant d’études ont porté sur bon nombre des critiques formulées à propos de ces déclarations, et il semble clair que le principe des DV a été adopté par la plupart des pays occidentaux. De plus en plus de spécialistes et de juristes du monde entier s’entendent pour dire que les avantages de la participation des victimes au processus de détermination de la peine supplantent largement les risques associés à l’utilisation des DV (p. ex., Chalmers, Duff et Leverick, 2007; Garkawe, 2006; Erez, 2004). Nous avons assisté à une lente évolution dans les pays sous le régime de la common law; aujourd’hui, on constate que les procureurs ne représentent peut-être pas adéquatement les intérêts des victimes, et que ce sont les victimes elles-mêmes qui peuvent mieux expliquer au tribunal l’impact de l’acte criminel lors de la détermination de la peine.
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