Dédommagement : Mise à jour sur les chiffres

Par Susan McDonald et Naythan Poulin

Contexte

Le numéro de 2021 du Recueil de recherches sur les victimes d’actes criminels comportait un article sur la jurisprudence en matière de dédommagement de 2015 à 2020 (Dhanjal et McDonald, 2021). Dans l’article, les auteurs précisent que « le concept de dédommagement – ou l’indemnisation, comme on l’appelait auparavant – fait partie du Code criminel du Canada depuis sa création en 1892 » (Ibid., 45).

La Charte canadienne des droits des victimes (CCDV) a été adoptée et est entrée en vigueur en juillet 2015. Les articles 16 et 17 de la CCDV stipulent ce qui suit :

16 Toute victime a le droit à ce que la prise d’une ordonnance de dédommagement contre le délinquant soit envisagée par le tribunal.

17 Toute victime en faveur de laquelle une ordonnance de dédommagement est rendue a le droit de la faire enregistrer au tribunal civil à titre de jugement exécutoire contre le délinquant en cas de défaut de paiement.

Les auteurs précisent en outre que : « Depuis 1892, de nombreuses modifications pertinentes ont été apportées au Code, notamment : le remplacement du terme “indemnisation” par “dédommagement” afin de mieux distinguer les composantes de la sentence au titre des sommes versées par l’État; l’inclusion des ordonnances de dédommagement dans les conditions de la probation ou des peines avec sursis; et l’augmentation des dommages qui peuvent être réclamés. En 2015, en même temps que la CCDVNote de bas de page 129, un certain nombre de modifications aux dispositions du Code relatives au dédommagement sont entrées en vigueur, notamment : l’obligation pour les juges d’examiner toutes les demandes de dédommagement; l’obligation pour les juges d’inclure dans leurs décisions les motifs pour lesquels ils rejettent les demandes de dédommagement; l’établissement d’un formulaire standardisé (formule 34.1, partie XXVIII du Code criminel) pour les demandes de dédommagement soumises par les victimes; l’obligation pour les juges de vérifier auprès des procureurs si les victimes ont eu l’occasion de demander un dédommagement; et l’obligation pour les juges de ne pas tenir compte des moyens financiers ou de la capacité de payer du contrevenant lorsqu’ils envisagent une ordonnance de dédommagementNote de bas de page 130. » (Dhanjal et McDonald 2021, 45)

Les auteurs n’ont examiné que les affaires en appel instruites entre mars 2015 et décembre 2020, soit 39 affaires, pour la plupart des tribunaux d’appel de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Dans l’ensemble, la jurisprudence ne mentionne ni la CCDV ni le droit de demander un dédommagement. Toutefois, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans l’affaire Moulton c R a déclaré que « la circonspection à laquelle les tribunaux auraient pu se croire tenus au moment d’envisager de rendre une ordonnance de dédommagement est maintenant inapplicable » (paragraphe 31) à cause des modifications apportées aux dispositions sur le dédommagement du Code criminel. Selon la Cour, ces nouvelles dispositions ont envoyé un « message législatif clair » selon lequel le dédommagement doit être envisagé au cours du processus de détermination de la peine et, par conséquent, il n’est plus nécessaire de faire preuve de prudence et de retenue.

Dans le présent article, les données sur les ordonnances de dédommagement rendues au moment de la détermination de la peine sont présentées pour comprendre : leur fréquence avant et après l’entrée en vigueur de la CCDV; pour quels types d’infractions elles sont rendues; et la question de savoir s’il y a des différences entre les administrations. De plus, le présent article décrit certains programmes provinciaux de dédommagement.

Une ordonnance de dédommagement est considérée comme une sanction pécuniaire qu’un juge peut imposer dans le cadre d’une peine. Il peut s’agir d’ordonnances autonomes ou d’ordonnances liées à des conditions de probation ou à des peines avec sursis. Il y a des différences importantes entre la première et la deuxième ordonnance. Étant donné que le montant demandé par la victime doit être facilement vérifiable et ne tient pas compte de la douleur et de la souffrance ni d’autres coûts intangibles, le dédommagement est le plus souvent ordonné en cas de fraude ou de vol. Comme on peut le voir dans le tableau 3 ci-dessous, il est moins fréquent de l’ordonner en cas de violence ou lorsqu’une peine d’emprisonnement est prononcée. La section suivante présente des données pour comprendre l’efficacité des ordonnances de dédommagement avant et après l’adoption de la CCDV.

Statistiques

NOTE : Bon nombre d’administrations ont indiqué que les chiffres fournis dans le présent article par l’EITJC sont un sous-dénombrement des ordonnances de dédommagement prises dans leur administration. Les travaux futurs exploreront pleinement ce sous-dénombrement.

Les statistiques sur le dédommagement ont été fournies par l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC). L’EITJC combine à la fois l’Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et l’Enquête sur les tribunaux de la jeunesse, et il est administré par le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités (CCSJSC) de Statistique Canada. Les données présentées sont limitées au nombre et au type d’ordonnances de dédommagement par administration (tableau 1), au nombre et au type d’ordonnances de dédommagement pour les personnes ayant une peine fédérale par administration (tableau 2) et aux types d’infractions par administration (tableau 3) pour les exercices 2010-2011 à 2019-2020.

Dans le tableau 1 ci-dessous, les chiffres annuels ont été regroupés en données avant la CCDV et après la CCDV pour faciliter la présentation. Veuillez noter que la CCDV est entrée en vigueur le 23 juillet 2015, mais que les données pour cet exercice n’ont pas été rajustées et que le premier trimestre (d’avril à juin) de 2015-2016 est enregistré dans le groupe postérieur à la CCDV. Néanmoins, à l’exception du Yukon et du Nunavut, le nombre d’ordonnances de dédommagement rendues dans chaque administration durant la période postérieure à la CCDV est inférieur à celui qui a précédé la CCDV. Ces données montrent que le nombre absolu d’ordonnances de dédommagement rendues a diminué de 17 % après l’adoption de la CCDV en 2015. Toutefois, en examinant le pourcentage de causes avec ou sans ordonnance de dédommagement (données non présentées), il est possible de déterminer que le pourcentage de causes avec ou sans ordonnance de dédommagement est resté stable au fil des dix années de données recueillies.

Tableau 1. Nombre et type d’ordonnances de dédommagement rendue par administration, de 2010-2011 à 2019-2020

Tableau 1. Nombre et type d’ordonnances de dédommagement rendue par administration, de 2010-2011 à 2019-2020
Avant la CCDV (de 2010-2011 à 2014-2015) Après la CCDV (de 2015-2016 à 2019-2020)
Ordonnance autonome Ordonnance avec peines avec sursis Ordonnance avec probation Total par administration Ordonnance autonome Ordonnance avec peines avec sursis Ordonnance avec probation Total par administration
T.-N.-L. 528 0 0 528 493 0 0 493
Î.-P.-É. 304 10 518 832 203 8 521 732
N.-É. 2 321 155 443 2 919 1 821 125 326 2 272
N.-B. 287 224 1 533 2 044 302 169 1 068 1 539
Qc 921 0 1 922 416 0 0 416
Ont. 15 476 24 119 15 619 12 576 12 55 12 643
Man. 6 0 0 6 6 0 0 6
Sask. 3 443 70 42 3 555 3 017 28 24 3 069
Alb. 4 224 0 0 4 224 3 960 0 0 3 960
C.-B. 1 869 0 0 1 869 1 650 0 0 1 650
Yukon 77 0 0 77 125 3 13 141
T.N.-O. 151 0 0 151 124 0 0 124
Nt 82 0 0 82 115 0 0 115
Total : 29 689 483 2 656 32 828 24 808 345 2 007 27 160

Le tableau 2 ci-dessous présente le nombre d’ordonnances de dédommagement rendues avec des peines d’emprisonnement fédérales (celles de plus de deux ans) avant et après la CCDV.

Tableau 2 : Nombre et type d’ordonnances de dédommagement pour les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement fédérales, par administration, de 2010-2011 à 2019-2020

Tableau 2 : Nombre et type d’ordonnances de dédommagement pour les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement fédérales, par administration, de 2010-2011 à 2019-2020
Avant la CCDV (de 2010-2011 à 2014-2015) Après la CCDV (de 2015-2016 à 2019-2020)
Ordonnance autonome Ordonnance avec probation Total par administration Ordonnance autonome Ordonnance avec probation Total par administration
T.-N.-L. 4 0 4 7 0 7
Î.-P.-É. 9 1 10 5 2 7
N.-É. 63 2 65 44 2 46
N.-B. 14 0 14 14 1 15
Qc 5 0 5 0 0 0
ONT. 105 0 105 110 0 110
MAN. 0 0 0 0 0 0
SASK. 26 0 26 35 0 35
ALB. 71 0 71 78 0 78
C.-B. 42 0 42 34 0 34
Yukon 0 0 0 0 0 0
T.N.-O. 0 0 0 0 0 0
Nt 0 0 0 0 0 0
Total : 339 3 342 327 5 332

Selon le tableau 3, les crimes contre les biens représentent le type d’infraction le plus courant pour lequel des ordonnances de dédommagement sont rendues (n = 48 321, 80 %), suivis des crimes contre la personne (n = 5 288, 9 %), de l’administration de la justice (n = 2 985, 5 %), d’autres infractions au Code criminel (n = 2 958, 5 %) et des lois fédérales (n = 342, 1 %). La fraude et le vol entrent dans la catégorie générale des crimes contre les biens; dans toutes les administrations, ces deux infractions ont toujours le plus grand nombre d’ordonnances de dédommagement. Ces statistiques concordent avec les analyses canadiennes antérieures des ordonnances de dédommagement par type d’infraction. Par exemple, McDonald (2009) a examiné les ordonnances de dédommagement rendues entre 1994 et 2007 et a conclu que les crimes contre les biens représentaient également 80 % de toutes les ordonnances.

Tableau 3 : Nombre d’ordonnances de dédommagement par type d’infraction, par administration, de 2010-2011 à 2019-2020

Tableau 3 : Nombre d’ordonnances de dédommagement par type d’infraction, par administration, de 2010-2011 à 2019-2020
Crimes contre les biens Crimes contre la personne Administration de la justice Autres infractions au Code criminel Autres lois fédérales Total par administration
T.-N.-L. 929 34 11 40 7 1 021
Î.-P.-É. 1 333 99 51 65 3 1 551
N.-É. 3 962 515 414 279 10 5 180
N.-B. 2 869 328 213 156 9 3 575
Qc 693 246 152 83 162 1 336
ONT. 23 083 2 621 1 000 1 503 46 28 253
MAN. 5 1 4 2 0 12
SASK. 5 260 391 635 255 44 6 585
ALB. 6 678 710 364 375 42 8 169
C.-B. 2 959 285 112 148 13 3 517
Yukon 137 34 11 40 1 223
T.N.-O. 240 13 15 6 1 275
Nt 173 11 3 6 4 197
Total : 48 321 5 288 2 985 2 958 342 59 894

Programmes de dédommagement au Canada

Les provinces et les territoires sont responsables de l’administration de la justice, ce qui, en général, comprend la perception de sanctions administratives pécuniaires comme les amendes, le dédommagement et les suramendes fédérales, provinciales et territoriales. Toutefois, dans le cas d’ordonnances de dédommagement autonomes, les victimes sont normalement responsables de l’obtention directe de paiements de la part des délinquants, étant donné que les ordonnances de dédommagement sont rendues en leur faveur plutôt qu’en celle de l’État. Dans les cas où les ordonnances de dédommagement font partie des conditions de probation ou d’une peine d’emprisonnement avec sursis, les agents provinciaux et territoriaux de probation ainsi que les agents de correction communautaires peuvent superviser le paiement du dédommagement au tribunal, qui transfère ensuite le paiement à la victime. De plus, un délinquant qui est visé par une ordonnance de dédommagement liée à la probation ou à une peine avec sursis peut être visé par une poursuite criminelle s’il enfreint l’une des conditions, c’est-à-dire s’il ne paie pas ses ordonnances de dédommagement (McDonald et al., 2010). Les victimes peuvent déposer leurs ordonnances de dédommagement devant un tribunal civil et intenter une poursuite pour obtenir le paiement au moyen d’outils d’application de la loi tels que la saisie du salaire, la saisie de biens ou l’enregistrement d’un privilège sur un bien.

Un peu d’histoire aide à comprendre pourquoi les victimes doivent recourir à la justice civile pour obtenir leur dédommagement. En 1988, l’ancien projet de loi C-89 visait à créer un régime criminel d’exécution des ordonnances de dédommagement. Après de nombreuses études, on a déterminé que les coûts et les répercussions opérationnelles de l’ancien projet de loi C-89 l’emporteraient sur ses avantages potentiels. L’ancien projet de loi C-89 n’est jamais entré en vigueur; le législateur a décidé d’élargir et de soutenir les régimes d’application de la loi civils existants (McDonald 2009).

L’application du dédommagement par les tribunaux civils peut être une expérience stressante, longue et financièrement éprouvante pour les victimes. Selon une étude néerlandaise, le recours aux litiges civils comme moyen d’obtenir un dédommagement constituait dans l’ensemble une expérience décevante pour 36 victimes qui ont demandé des paiements aux délinquants. Dans le cadre de l’étude, les victimes ont énuméré les coûts juridiques estimés élevés, la probabilité relativement faible d’un paiement réussi et le fardeau émotionnel associé aux tribunaux civils comme principaux éléments dissuasifs pour le recours à des litiges civils. En fin de compte, l’étude a conclu que les litiges civils créaient [traduction] « de sérieux obstacles et des possibilités limitées de récupération effective » et que le souhait des victimes de participer au processus de recouvrement des dommages-intérêts auprès des délinquants diminuait considérablement lorsque les litiges civils étaient la seule option offerte (Hebly, Dongen et Lindenbergh, 2014).

Les obstacles rencontrés par les victimes et l’efficacité limitée du recouvrement des paiements au moyen de litiges civils sont également pris en compte dans les résultats statistiques. Aux États-Unis, les juges fédéraux ont rendu des ordonnances de dédommagement d’environ 33,9 milliards de dollars entre 2014 et 2016. Sur le montant total, seule une somme de 2,95 milliards de dollars a été recueillie, ce qui représente un taux de recouvrement de 9 % (Waterman, 2021). Par comparaison, une étude sur les initiatives de dédommagement en Saskatchewan a révélé que le taux moyen de recouvrement dans la province était de 24 % entre 2003 et 2008 (McDonald et al., 2010). Les recherches limitées montrent que, sans soutien adéquat, l’obtention de paiements au moyen de la procédure civile peut être une expérience difficile et décevante.

Les programmes de dédommagement fonctionnent en fournissant un coordonnateur ou un agent de liaison entre les victimes, les délinquants et divers organismes afin d’appuyer la communication et la surveillance actives concernant l’avancement des paiements de dédommagement. De plus, la plupart des programmes provinciaux de dédommagement renoncent à tout coût de production d’ordonnances devant les tribunaux civils et certains programmes offrent des méthodes de recouvrement raisonnables. Les personnes qui cherchent à obtenir un dédommagement doivent soumettre tous les formulaires aux organismes compétents dès que possible après qu’une personne a été accusée d’un crime. Une Déclaration relative au dédommagement ne peut être acceptée par un juge après la détermination de la peine; toutefois, le prononcé ou l’absence de prononcé d’une ordonnance de dédommagement ne limite pas la possibilité pour une personne de demander des dommages-intérêts devant un tribunal civil.

À l’heure actuelle, cinq provinces ont des programmes de dédommagement : la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-ÉdouardNote de bas de page 131. D’autres provinces, comme le Nouveau-BrunswickNote de bas de page 132, peuvent avoir des documents d’éducation juridique publique sur le dédommagement des victimes. La section suivante présente des renseignements et des procédures relatives aux programmes de dédommagement dans ces administrations.

Colombie-Britannique

En Colombie-Britannique, la victime qui demande un dédommagement doit remplir une Déclaration relative au dédommagement fournie par la province. Dans la plupart des cas, le ministère du Procureur général envoie un formulaire de Déclaration relative au dédommagement directement aux victimes, qui utilisent le formulaire pour documenter leurs pertes, accompagné de reçus.

Si un délinquant ne paie pas une ordonnance de dédommagement, la victime peut déposer son ordonnance de dédommagement devant un tribunal civil et entamer son exécution. À tout moment après une ordonnance de dédommagement, la victime peut également communiquer avec le Programme de dédommagement pour demander de l’aide sur les ordonnances de dédommagement autonomes et sur le dédommagement ordonné dans le cadre d’une peine avec sursis, d’une ordonnance de probation ou d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Le Programme de dédommagement aide les victimes en répondant à leurs questions et en facilitant le transfert des paiements. Dans les dossiers actifs, les travailleurs du Programme de dédommagement encouragent les délinquants à se conformer aux ordonnances de dédommagement, à aider les délinquants à élaborer des calendriers de paiement volontaire, à fournir des rappels de paiement et à assurer le suivi des paiements manqués. Les responsables de cas travaillent également en liaison avec les agents de probation et de libération conditionnelle et fournissent des mises à jour de dossiers aux victimes. Les victimes et les délinquants peuvent présenter une demande volontaire au Programme de dédommagement et le personnel du Programme cherche à s’assurer que tous les clients bénéficient de respect, de dignité et de compassion dans un processus de dédommagement qui contribue à guérir les préjudices causés par la perpétration d’infractions criminellesNote de bas de page 133.

Alberta

Les victimes qui demandent un dédommagement en Alberta doivent remplir un formulaire de Déclaration relative au dédommagement de deux pages et ne déclarer que les dommages et les pertes directement liés au crime. L’Alberta considère que les éléments suivants donnent droit au dédommagement : la perte de salaire, les frais de déplacement, les dommages aux biens et le vol de biens, les coûts pour obtenir de l’aide pour des préjudices physiques ou psychologiques, et les coûts associés à la fixation des cotes d’identité et de crédit. La victime doit décrire clairement les dommages et les pertes, et appuyer ses réclamations avec des documents tels que des factures, des reçus et/ou des estimations de réparation. La victime présente une Déclaration relative au dédommagement complète par courriel, par courrier postal ou en la transmettant au bureau du procureur de la Couronne.

Le Programme de recouvrement du dédommagement (PRD) de l’Alberta porte sur les ordonnances de dédommagement autonomes du système de justice pénale en ce qui concerne les adultes. Le PRD n’aborde pas le dédommagement qui est une condition de probation, une ordonnance de sursis ou des ordonnances du tribunal pour adolescents. Les victimes doivent choisir de participer au PRD et peuvent le faire avant la détermination de la peine de l’accusé. La page 2 du formulaire de Déclaration relative au dédommagement décrit la façon de participer au PRD. Le PRD permet à l’État de mieux aider les victimes et de demander des comptes aux délinquants au moyen du dédommagement. Si un délinquant ne paie pas le montant ordonné par le tribunal avant la date d’échéance précisée, le PRD localise le délinquant et prend toutes les mesures nécessaires pour obtenir le paiement, comme le dépôt de brefs, la saisie des salaires, l’application de privilèges et la saisie de biens. Une fois qu’une victime a opté pour le PRD, il n’y a aucun coût pour elleNote de bas de page 134.

Saskatchewan

En 1975, la province a mis sur pied un programme de dédommagement dans le cadre de son programme de services correctionnels pour adultes afin de superviser l’exécution des ordonnances de dédommagement. En 2005-2006, la province a transféré le programme à la Direction des services aux victimes au sein de son ministère de la Justice et du Procureur général. Le transfert a été conçu pour élargir la portée du recouvrement du dédommagement non seulement en augmentant le suivi des délinquants et des paiements, mais aussi en fournissant de l’information aux victimes et, éventuellement, en augmentant les services aux victimes grâce aux mécanismes d’exécution du programme.

Pour présenter une demande au programme, la victime doit remplir un formulaire de Déclaration relative au dédommagement d’une page et peut aussi soumettre une Déclaration de la victime. Dans la Déclaration relative au dédommagement, la victime fournit un compte rendu détaillé des dommages aux biens et des pertes de biens, des pertes dues à des préjudices physiques, des dépenses engagées pour des logements temporaires et des pertes financières dues à la fraude. Tous les dommages aux biens et pertes de biens doivent être étayés par des factures ou des reçus. Les deux formulaires devraient être envoyés à l’organisme le plus près le plus tôt possible, mais les deux ne peuvent être traités que sur déclaration de culpabilité de l’accusé et avant la détermination de la peine.

Si l’accusé est reconnu coupable, un juge examine la Déclaration relative au dédommagement et détermine si une ordonnance de dédommagement est nécessaire. Si une ordonnance de dédommagement est rendue, la victime sera informée du montant et des modalités de remboursement. Les victimes admissibles peuvent se joindre au Programme d’exécution civile des ordonnances de dédommagement de la Saskatchewan en communiquant avec le Programme et en enregistrant leur ordonnance de dédommagement au ministère de la Justice et du Procureur général (gratuitement). Une fois l’ordonnance de dédommagement enregistrée, les agents de recouvrement tentent de localiser le délinquant et d’établir un plan de remboursement et les paiements sont traités par le tribunal provincial et remis aux victimes. Les agents de recouvrement peuvent également enregistrer l’ordonnance de dédommagement auprès de la Cour du Banc de la Reine, du greffe des jugements et de la société des services d’information. Si des biens admissibles sont déterminés, les agents de recouvrement travaillent de concert avec le bureau du shérif pour fournir les documents appropriés et traiter les saisiesNote de bas de page 135.

Nouvelle-Écosse

Le programme de dédommagement des services d’aide aux victimes de la Nouvelle-Écosse exige des victimes qu’elles présentent une demande en remplissant un formulaire de demande de dédommagement d’une page documentant les pertes et les dépenses causées par l’incident criminel.

Si un délinquant refuse de payer une ordonnance de dédommagement autonome avant la date limite fixée, la victime doit demander l’exécution civile pour recevoir le paiement. Les agents de probation peuvent exécuter des ordonnances de dédommagement qui font partie d’une ordonnance de probation ou avec sursis. Le Programme provincial de services aux victimes fournit des renseignements sur le dédommagement et les poursuites civiles, mais n’est pas autorisé à recueillir de l’argent ou des biens; les victimes sont responsables de l’exécution des ordonnances et de la perception des paiements.

Avec l’aide d’un coordonnateur du dédommagement des Programmes de services aux victimes, une victime peut demander l’exécution civile en suivant cinq étapes :

  1. Recueillir le plus de renseignements possible sur le délinquant, y compris le nom et l’adresse complets, ainsi que les noms des banques et des avocats.
  2. Déposer l’ordonnance de dédommagement à titre de jugement devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. La victime doit d’abord obtenir une copie certifiée conforme d’une ordonnance de dédommagement d’un greffier du tribunal qui a rendu l’ordonnance, puis la déposer au bureau administratif de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.
  3. Remplir et soumettre le certificat de jugement et les formulaires de décret; tous deux sont disponibles en ligne et auprès du bureau administratif de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Les copies remplies doivent être soumises au bureau administratif.
  4. Déposer le certificat de jugement auprès d’un bureau d’enregistrement local, qui l’enregistrera dans le Réseau d’enregistrement des biens personnels et dans le rôle des jugements. Cela permet à un shérif de saisir les biens personnels des délinquants. Les victimes peuvent également obtenir un dédommagement découlant de la vente de terrains appartenant au délinquant et de la constitution d’une hypothèque sur ces terrains.
  5. Une fois tous les dépôts terminés, un décret autorise un shérif à saisir les biens personnels des contrevenants, ce qui peut inclure de l’argent des comptes bancaires et des véhiculesNote de bas de page 136.

Île-du-Prince-Édouard

En 2016-2017, l’Île-du-Prince-Édouard a créé un poste d’agent de dédommagement relevant du shérif pour faciliter l’exécution des ordonnances de dédommagement autonomes (art. 738). Une fois qu’un juge rend une ordonnance autonome, le tribunal prépare les documents civils nécessaires et en transmet copie à l’agent de dédommagement relevant du shérif et à la victimeNote de bas de page 137. L’agent de dédommagement relevant du shérif commence ensuite le processus de recouvrement. Dans le cadre de ce processus, le délinquant est appelé le débiteur.

L’agent de dédommagement relevant du shérif renouvelle les brefs chaque année avant leur expiration afin d’éviter des retards indus dans le recouvrement et il informe régulièrement les débiteurs. Grâce à des discussions continues avec la police, les services de probation, les services correctionnels et le personnel du tribunal, l’agent de dédommagement relevant du shérif tient à jour l’information sur les débiteurs (c.-à-d. adresse, emploi, dates de mise en liberté, etc.) et met à jour les fichiers.

Programmes de justice réparatrice

La justice réparatrice (RJ) fait référence à « l’approche de justice qui vise à réparer les torts causés, en donnant aux personnes lésées et à celles qui assument la responsabilité des torts infligés l’occasion de communiquer leurs besoins respectifs et d’y répondre à la suite de la perpétration d’un crime » (FPT 2018). Les processus JR peuvent se produire à n’importe quel moment du processus de justice pénale : avant l’inculpation, après l’inculpation ou après la détermination de la peine. Le dédommagement peut être demandé par la victime ou offert par le délinquant, pendant un processus de justice réparatrice (Wemmers et al., 2017). Étant donné que la participation à un processus de JR est volontaire pour toutes les parties, les délinquants ont tendance à se conformer aux accords de dédommagement. De plus, des études menées par Umbreit et al. (2001) ont révélé que le dédommagement est souvent indissociable des processus de JR, ce qui signifie que le dédommagement fait souvent partie du résultat.

Lacunes en matière de recherche et questions en suspens

Très peu de recherches sur le dédommagement ont été faites au Canada. Des questions importantes demeurent sans réponse, comme : Combien de victimes demandent le dédommagement? Quel est le taux de recouvrement des paiements de dédommagement avant et après la mise en œuvre d’un programme de dédommagement? Combien d’ordonnances de dédommagement sont déposées chaque année devant un tribunal civil?

Il est également intéressant de pouvoir suivre l’efficacité du dédommagement dans les programmes de JR. Dans l’ensemble, le fait de savoir quelles interventions facilitent le paiement intégral du dédommagement pourrait conduire à un recours accru à cette sanction pécuniaire.

Conclusion

Le présent article établissait le nombre et les types d’ordonnances de dédommagement dans toutes les administrations, d’après les données de l’EITJC pour 2011-2012 à 2019-2020. Bien qu’il y ait certaines limites aux données de EITJC, le nombre total d’ordonnances rendues a diminué dans tous les administrations, sauf deux, avant et après la CCDV, tandis que le pourcentage de cas avec ou sans ordonnance est demeuré stable. L’article a aussi décrit les programmes actuels de dédommagement en Saskatchewan, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique.

Références

Jurisprudence citée

Moulton c R, 2018 NBCA 19