Analyse et conclusions

Les résultats de la présente étude donnent un bon aperçu des pratiques, des expériences de formation et des besoins de formation et de soutien des cliniciens légistes en santé mentale qui fournissent des services aux personnes atteintes de l’ETCAF dans divers contextes de justice pénale. Si la majorité des cliniciens légistes en santé mentale ont déclaré avoir au moins une certaine expérience de travail avec des clients pouvant être atteints de l’ETCAF, beaucoup d’entre eux n’ont pas travaillé souvent avec cette population. En outre, les clients atteints de l’ETCAF ne représentaient qu’un très faible pourcentage de la charge de travail normale des cliniciens, et relativement peu de cliniciens fournissaient des services d’intervention judiciaire à cette population malgré ses besoins cliniques importants (Brown et coll., 2015; Mattson et coll., 2019; Pei et coll., 2011). Plusieurs facteurs peuvent influencer ces faibles taux, comme l’absence d’une formation adéquate ou d’un accès suffisant à des outils efficaces permettant d’identifier les personnes atteintes de l’ETCAF dans la pratique (par exemple, les cliniciens rencontrent peut-être plus de clients atteints qu’ils ne le pensent); le manque de pratique régulière auprès de cette clientèle en raison du peu de formation, de la compétence perçue ou d’autres obstacles, comme le manque de temps ou de financement; le fait que les personnes atteintes de l’ETCAF ne soient pas reconnues et ciblées afin d’être aiguillées vers des services psychiatriques médicolégaux (Bibr, 2018; Brems, Boschma-Wynn, Dewane, Edwards et Robinson, 2010; Eyal et O’Connor, 2011; Gahagan et coll., 2006; Popova et coll., 2019). En effet, beaucoup de cliniciens ont indiqué qu’ils n’étaient pas suffisamment préparés à la pratique médicolégale auprès des clients atteints de l’ETCAF, et la plupart d’entre eux estimaient que la formation formelle acquise dans un centre de perfectionnement professionnel ou dans le cadre d’une formation au niveau supérieur était limitée. Ces résultats sont similaires à ceux d’autres enquêtes sur la pratique liée à l’ETCAF menées auprès de divers cliniciens et professionnels du droit et de la santé (Bibr, 2018; Brown et coll., 2017, 2016; Caley et coll., 2008; Coons et coll., 2017; Cox et coll., 2008; Sarrett, 2017).

Les résultats actuels confirment le besoin d’offrir des possibilités de formation, des ressources et de l’aide supplémentaires en matière d’ETCAF à l’intention des cliniciens légistes spécialisés en santé mentale. Les cliniciens ont appuyé énergiquement une série de ressources et de possibilités de formation axées sur l’ETCAF qui seraient utiles, selon eux, pour renforcer leurs pratiques médicolégales. Parmi les méthodes de formation utiles, citons notamment l’élaboration de programmes d’études modulaires pour accroître la formation dans des domaines clés (programmes d’études supérieures et stages), et de cours et d’ateliers de formation continue en ligne ou en personne adaptés à la pratique médicolégale. Par ailleurs, les cliniciens ont souligné l’importance d’avoir accès à des outils et à des méthodes de dépistage fondés sur des données probantes, ainsi qu’à des directives sur la pratique pour soutenir leur travail judiciaire auprès des clients atteints de l’ETCAF.

Les résultats de l’étude semblent indiquer que les cliniciens légistes en santé mentale n’offrent peut-être pas des services aux clients atteints de l’ETCAF à des taux correspondant aux estimations dans les milieux judiciaire et carcéral. Si plusieurs cliniciens dotés d’une expertise considérable en matière d’ETCAF ont été trouvés, la plupart estimaient ne pas avoir les outils nécessaires pour travailler efficacement avec cette population. Les résultats montrent qu’il faut veiller à offrir des possibilités de formation adéquates aux cliniciens, en plus d’allouer suffisamment de temps et de ressources aux processus d’évaluation et d’intervention, afin d’appuyer les pratiques exemplaires. Cela sera d’autant plus important dans la mesure où les professionnels de la justice pénale et du droit continuent de s’intéresser de plus en plus à l’ETCAF. Ce facteur, associé à d’éventuels changements de politique, pourrait faire augmenter le nombre de renvois en lien avec l’ETCAF aux fins d’évaluation et de traitement médicolégaux.