Résumé

Les personnes atteintes de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF), un trouble neurodéveloppementalNote de bas de page 1 courant attribuable à une exposition prénatale à l’alcool, ont des contacts fréquents avec le système de justice pénale et sont surreprésentées dans le milieu carcéral et le milieu judiciaire. Par conséquent, il est probable que les cliniciens légistes en santé mentale, qui fournissent souvent des services d’évaluation et de traitement dans le cadre du système de justice pénale, voient des jeunes et des adultes atteints de l’ETCAF dans leur pratique. Selon les données probantes disponibles, il semble que la connaissance de l’ETCAF varie chez les cliniciens et les professionnels du système de justice pénale. Il semble également que beaucoup d’entre eux n’ont pas la formation, les connaissances ou les compétences voulues pour travailler efficacement avec cette population, ce qui risque d’entraîner une absence de diagnostic et d’autres conséquences négatives sur les plans juridique et social. Comme les professionnels de la santé mentale médicolégaux jouent un rôle de plus en plus important dans la prestation de services d’évaluation et d’intervention auprès des personnes atteintes de l’ETCAF, il est essentiel de comprendre leur savoir, leurs pratiques professionnelles et leurs besoins de formation en matière d’ETCAF. La présente étude vise à évaluer les pratiques professionnelles des cliniciens légistes en santé mentale concernant l’ETCAF dans le but d’orienter les pratiques exemplaires et de cerner les besoins quant à l’élaboration d’éventuels outils, formations et ressources.

En tout, 81 cliniciens légistes en santé mentale ont répondu à une enquête en ligne sur leurs pratiques judiciaires et leurs expériences de formation concernant l’ETCAF. L’échantillon de portée internationale comptait 27 % de répondants du Canada. La plupart des cliniciens légistes (93 %) ont indiqué qu’ils possédaient un certain niveau d’expérience pratique avec des clients atteints de troubles neurodéveloppementaux. Bon nombre de ces personnes avaient au moins une certaine expérience avec les clients atteints de l’ETCAF (85 %), bien que cette clientèle ne représente qu’une petite partie de leur charge de travail habituelle. Une proportion non négligeable (15 %) des répondants n’avait aucune expérience pratique avec cette clientèle. Les cliniciens ayant déjà procédé à l’évaluation judiciaire de clients atteints de l’ETCAF ont indiqué que l’évaluation se déroulait dans divers contextes judiciaires, les plus souvent mentionnés étant l’aptitude à subir un procès, le diagnostic, le risque de violence future ou de récidive et la planification des décisions. Moins de cliniciens avaient fourni une intervention judiciaire auprès de clients atteints de l’ETCAF. Les personnes ayant de l’expérience dans ce domaine ont décrit les diverses approches thérapeutiques utilisées, dont la thérapie cognitivo-comportementale, les stratégies psychoéducatives, l’acquisition de compétences sociales, les programmes de maîtrise de la colère et le traitement de la toxicomanie.

La plupart des cliniciens ont rencontré des obstacles dans leurs pratiques d’évaluation et d’intervention judiciaires auprès de clients atteints de l’ETCAF, notamment la difficulté d’obtenir des dossiers ou de procéder à des évaluations adaptées à la culture, le manque de choix de traitements ou de méthodes de gestion des risques, et l’absence de recherches établissant des liens entre les pratiques judiciaires exemplaires visant les personnes atteintes de l’ETCAF. De nombreux cliniciens n’ont pas suivi de formation ou de cours officiel sur l’ETCAF. En général, ils estimaient ne pas se sentir suffisamment préparés à la pratique médicolégale avec cette population. La majorité d’entre eux ont reconnu qu’ils avaient besoin d’une formation, d’une aide et de ressources supplémentaires pour améliorer leur pratique médicolégale auprès des clients atteints de l’ETCAF, comme des approches et des outils de dépistage fondés sur des données probantes, des directives cliniques pour des pratiques exemplaires en matière de diagnostic, des ateliers détaillés ou des possibilités de formation accréditées.

Les résultats de l’étude offrent des points de vue intéressants sur les pratiques et les expériences des cliniciens légistes en santé mentale qui fournissent des services aux clients atteints de l’ETCAF. Les cliniciens ont cerné des lacunes importantes dans leur formation, leurs connaissances et leurs compétences pour travailler avec des personnes atteintes de l’ETCAF dans un contexte judiciaire.