Dépistage rapide et orientation des familles vivant une séparation ou un divorce fortement conflictuel

PROGRAMMES PÉDAGOGIQUES À L’INTENTION DES FAMILLES QUI DIVORCENT

Le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a entendu plusieurs témoins prônant les programmes pédagogiques destinés aux familles qui divorcent. Selon ces témoins, si l’on parvenait à faire prendre conscience aux parents des dangers que le divorce présente pour leurs enfants, et des torts certains que va entraîner pour eux l’exacerbation des conflits, on serait à même d’en réduire les risques. Autrement dit, la pédagogie du divorce serait une mesure préventive permettant, d’abord, d’éviter le divorce à certaines familles, puis d’en aider d’autres à empêcher que leurs différends se transforment en combats. Les partisans de ce mode d’intervention y voient une solution relativement peu coûteuse aux conflits nés d’un divorce et certains affirment que ces programmes pédagogiques peuvent être dispensés par vidéo, ce qui permettrait d’en faire bénéficier les communautés lointaines et isolées.

Ceux qui critiquent cette approche pédagogique affirment qu’il ne faut pas en attendre trop ni sur le plan de la prévention, ni sur le plan de la résolution des hostilités auxquelles peuvent donner lieu le divorce. Ces critiques, y compris Rhonda Freeman de Families in Transition, et Birnbaum et Martin du Bureau de l’avocat des enfants de l’Ontario, rappellent que beaucoup de ces programmes pédagogiques ne font que renseigner sur les procédures de divorce et sur les recours possibles, tels l’action en justice ou la médiation et, parfois, sur les risques émotionnels que tout cela pose pour les enfants. D’après ces critiques, il ne s’agit pas à proprement parler de programmes pédagogiques car ils n’aident guère les parents qui divorcent à acquérir de nouvelles connaissances, propres à leur permettre de mieux faire face aux problèmes que ces changements d’existence peuvent entraîner pour eux et leurs enfants.

Cela dit, ces programmes de groupe (comprenant deux séances collectives de 90 minutes, suivies de six visionnements collectifs de vidéos) semblent donner satisfaction à un grand nombre de personnes qui y ont pris part. Kramer et Washo (1993) ont constaté qu’une forte proportion des 168 personnes y ayant participé s’en sont dites très satisfaites, estimant que ce programme les a aidées à mieux répondre aux besoins de leurs enfants. Ce groupe, sondé trois mois après sa participation au programme, a été comparé à un groupe témoin, par rapport auquel il a obtenu de meilleurs résultats sur le plan de l’adaptation personnelle au divorce et de la manière de s’occuper des enfants. Cette étude n’a pas cherché à savoir comment les problèmes de garde, de droits de visite et de pension alimentaire avaient fini par être résolus, ni à préciser le niveau de conflit qui marquait ces familles.

Arbuthnot, Poole et Gordon (1996) ont conçu un projet dans le cadre duquel 3 658 familles qui avaient déposé une demande de divorce devant les tribunaux ont reçu par la poste une brochure éducative de 32 pages décrivant les principaux effets, sur les enfants, du divorce et du remariage des parents. Celle-ci offrait des suggestions pratiques permettant de réduire ou d’éliminer les effets néfastes du divorce, en particulier ceux qui découlent de conflits entre les parents. L’étude en question n’a fait ressortir aucun changement dans ces familles au cours des trois mois qui ont suivi le programme, que ce soit au niveau des conflits interparentaux ou des accords concernant les droits de visite. Elle a permis, cependant, de constater une baisse des conflits de loyauté chez les enfants. Un an après, l’étude a pu faire état de meilleures communications entre les parents, et le parent n’hébergeant pas les enfants avait, en général, un meilleur accès à ses enfants que les parents appartenant aux familles faisant partie du groupe témoin. L’étude n’indiquait toutefois pas le niveau de conflit dans les familles en cause, et ne cernait pas les facteurs de stress tels que les déménagements ou les remariages. Les personnes participant à ce programme n’avaient été choisies en vertu d’aucun critère particulier, mais de manière aléatoire.

Arbuthnot et Gordon (1996) se sont penchés sur les résultats obtenus dans le cadre d’une séance pédagogique obligatoire de deux heures à laquelle ont participé 131 parents. Selon les auteurs, ce cours insistait sur les besoins des enfants et sur les capacités parentales nécessaires pour répondre à leurs besoins et atténuer le stress qu’entraîne le fait de se retrouver pris au beau milieu des conflits opposant ses parents. Un suivi mené six mois plus tard a démontré que la majorité des parents ont apprécié ce programme grâce auquel ils ont acquis de nouvelles aptitudes parentales et de communication très utiles et qui leur a permis en outre d’éviter à leurs enfants une partie des conflits les opposant à l’autre conjoint.

Analyse des études portant sur les programmes de pédagogie du divorce

Ces études soulèvent plusieurs types de problèmes. D’abord, comme les recherches portant sur les programmes de médiation et les programmes de consultation médico-sociale/thérapie, ces travaux ne partent pas d’une connaissance précise de la manière dont les enfants et les parents dans les familles en cause faisaient face au divorce avant la moindre intervention. Deuxièmement, si la dernière étude citée a porté sur des personnes obligées de participer à de tels programmes, on ne sait rien du niveau de coopération des parents avant l’intervention. Ainsi, même dans le cadre de programmes obligatoires, il n’est guère possible de savoir dans quelle mesure les parents se sont pliés aux exigences qui leur étaient imposées. Troisièmement, ces études ne mentionnent pas d’autres facteurs de stress tels que les déménagements ou les remariages. Quatrièmement, ces études n’essayent pas de cerner l’amplitude des conflits opposant les parents et il est donc impossible d’évaluer dans quelle mesure ces programmes ont effectivement permis de réduire les conflits marquant la vie de ces familles.