Les programmes de participation et de soutien à l'intention des enfants dont les parents se séparent ou divorcent

2.  Réaction et adaptation des enfants à la séparation et au divorce de leurs parents

Les comptes rendus de recherche sur les répercussions de la séparation et du divorce sur l'adaptation des enfants, de même que sur la réaction des enfants à ces événements, révèlent que les besoins des enfants au moment o ù la famille éclate varient selon leur âge et leur situation. De surcroît, on y apprend que de nombreux parents sont incapables de répondre aux besoins de leurs enfants, surtout pendant la période qui suit immédiatement la séparation.

En règle générale, l'éclatement de la famille est une situation qui est source de stress tant pour les parents que pour les enfants. Les chercheurs reconnaissent que, pendant cette période, la plupart des enfants et des parents sont très perturbés tant sur le plan émotionnel que psychologique (Lamb et al. 1997). Chez les enfants, cette phase dure environ un an après la séparation (Lamb et al. 1997). Certains chercheurs ont constaté que des enfants continuaient d'être très perturbés et stressés deux ans après la séparation de leurs parents (citations dans Lamb et al. 1997) et une étude a révélé que les enfants et les parents étaient moins perturbés deux mois après la séparation qu'une année plus tard (Hetherington et al. 1992, cité dans Grych et Fincham 1992).

Néanmoins, un résumé récent de plus de 200 rapports de recherche (principalement du Royaume-Uni) a conclu qu'habituellement, le stress des enfants dure peu de temps et finit par s'estomper (Rodgers et Pryor 1998). De même, un groupe d'experts américains a conclu récemment qu'après une période initiale de souffrance et de problèmes, la plupart des enfants de parents séparés ou divorcés deviennent des adultes qui n'ont pas de séquelles identifiables, que ce soit sur le plan social ou psychologique, ni aucune autre répercussion négative dans leur vie (p. ex. : Lamb et al. 1997; Kelly 2000; Kelly 1993; Amato 1994).

2.1  Réactions initiales des enfants selon leur âge

La recherche laisse à penser que la réaction des enfants au divorce et à la séparation de leurs parents varie énormément. De fait, certains enfants deviennent plus heureux et moins perturbés lorsque leurs parents se séparent (Amato 1994). Par contre, quelques études ont pu déceler l'évolution générale des réactions des enfants au cours des deux premières années qui suivent la séparation et le divorce de leurs parents, selon le sexe et l'étape du développement (l' âge) (voir les citations dans Hodges 1991; Amato 1994). Il n'existe presque aucune recherche sur les réactions des bébés ou des enfants qui ont l' âge de fréquenter un établissement post‑secondaire. Pour les enfants qui se trouvent entre ces deux groupes d' âges, on peut ainsi résumer leurs réactions :

2.2  Réactions des enfants à de nouveaux changements

Des études révèlent également que l'enfant d'un premier mariage peut vivre très difficilement le remariage de ses parents, de même que la naissance d'autres enfants à ce parent remarié (cela aurait un impact persistant sur son adaptation à long terme). Le remariage du père ou de la mère d'un adolescent notamment, tend à entraîner des problèmes qui durent plus longtemps en ce qui concerne les rapports entre les membres de la famille et l'adaptation de l'adolescent (p. ex. : Hetherington 1991, cité dans Bray et Hetherington 1993). Certains chercheurs ont constaté que les jeunes enfants qui semblaient bien adaptés à leur nouvelle situation familiale pouvaient éprouver de nouveau des problèmes à l'adolescence (Bray et Berger 1992, cité dans Bray et Hetherington 1993). La famille reconstituée tend à être moins unie, plus froide, plus souple face au changement et à ne pas avoir d'attentes claires pour ce qui est du r ôle de chacun (voir les citations dans Bray et Hetherington 1993). Elle est également plus sensible au stress (Anderson et White 1986, cité dans Bray et Hetherington 1993).

Même quand aucun événement critique ne vient perturber de nouveau l'enfant, il arrive qu'il continue après la désintégration de la famille à avoir des problèmes qui nuisent à son adaptation et lui causent des difficultés à l' âge adulte. Les facteurs qui entraînent ces résultats négatifs sont souvent présents avant, pendant ou après la séparation ou ils se produisent dans le contexte de la vie de l'enfant après la séparation. Ces questions font l'objet de la section suivante.

2.3  Adaptation à long terme des enfants

Il existe une abondante recherche sur les répercussions du divorce et de la séparation sur l'adaptation des enfants. Habituellement, il s'agit de recherches transversales qui ont pour objet de comparer les niveaux d'adaptation des enfants à la séparation et au divorce et de déterminer les facteurs liés aux résultats négatifs. Les mesures standardisées de l'adaptation des jeunes enfants comprennent le comportement antisocial, une diminution de la performance à l'école, de même que l'anxiété, la dépression et la baisse de l'estime de soi. À long terme, l'adaptation se mesure selon des facteurs qui sont principalement d'ordre social et économique, notamment le niveau d'instruction, la capacité de conserver un emploi et les taux de divorce. Puisque la plus grande partie de la recherche transversale est fondée sur les catégories fondamentales que sont le divorce et l'absence de divorce, les effets à court terme sont souvent combinés aux effets à long terme.

Les premières études ont démontré que les enfants du divorce étaient plus susceptibles d'avoir un comportement agressif, impulsif et antisocial, d'avoir de la difficulté dans leurs rapports avec les autres, de moins respecter l'autorité et de présenter des problèmes de comportement à l'école (p. ex. : Camera et Resnick 1988; Emery 1988; Hetherington et al. 1982; Kurdek et Berg 1983; Warshak et Santrock 1983; Zill 1983; cités dans Kelly 1993). Ces études ont également montré que les enfants avaient de moins bons résultats scolaires, une image de soi plus négative, de même que des rapports plus difficiles avec tant leur mère que leur père (Amato et Keith 1991, cité dans Amato 1994). À l' âge adulte, ces enfants étaient moins bien portants sur le plan psychologique, avaient un niveau d'instruction moins élevé, étaient moins heureux en ménage, avaient plus de problèmes de comportement, étaient plus susceptibles de divorcer et avaient une moins bonne santé (Amato 1994). Une récente étude longitudinale effectuée en Angleterre a révélé que ces personnes avaient un risque d'incidence de problèmes de santé mentale au-dessus du niveau clinique de 1,70 à 23 ans et de 1,85 à 33 ans (Rodgers et al. 1997, cité dans Wolchik et al. 2000).

Des examens récents de la documentation révèlent que, dans l'ensemble, les enfants de familles éclatées ont un risque plus élevé de problèmes à long terme et que ces résultats perdurent plusieurs années après la séparation, voire jusqu'à l' âge adulte (Rodgers et Pryor 1998; Kelly 2000; Amato 1994). Toutefois, des études plus récentes, de même que des études fondées sur une méthodologie plus perfectionnée révèlent moins d'écarts entre ces deux groupes que des études antérieures et précisent que ces écarts sont minces (Kelly 2000; Amato 1994). En ce qui concerne des critères comme l'estime de soi, la plupart des études n'indiquent aucune différence entre les enfants et les adolescents des familles divorcées et les enfants dont les parents vivent encore ensemble, après une diminution temporaire au moment de la séparation (Kelly 1993). Le niveau d'adaptation de la plupart des enfants de parents divorcés se situe dans la courbe normale selon des mesures standardisées (Amato 1994). Même quelques‑uns des effets qui persistent jusqu'à l' âge adulte semblent finir par disparaître. Les risques en matière de santé mentale des enfants britanniques de parents divorcés ont augmenté jusqu'à l'adolescence et au début de l' âge adulte, mais à l' âge de 33 ans, la plupart des personnes dont les parents avaient divorcé lorsqu'elles étaient enfants avaient le même niveau de risque que les enfants provenant de familles dont les parents n'avaient jamais divorcé. (Chase-Lansdale et al. 1995, cité dans Rodgers et Pryor 1998).

Cela étant dit, les chercheurs estiment qu'il est clair que certains aspects du divorce augmentent le risque de problèmes à long terme pour de nombreux enfants, notamment ceux qui sont le plus à risque quand leurs parents se séparent et divorcent (Emery 1999; Hetherington 1999; McLanahan 1999; cités dans Kelly 2000).

De plus, des études qualitatives ont permis de constater que des enfants du divorce et de la séparation sont aux prises sur le plan émotionnel avec des problèmes persistants qui perdurent jusqu'à l' âge adulte. Par exemple, une importante étude menée en Californie a révélé que 40 p. 100 des enfants étaient toujours déprimés cinq ans après le divorce (Wallerstein et Kelly 1980, cité dans Di Bias 1996). Dix ans après la séparation, les enfants se sentaient encore tristes, pleins de regrets ou « différents  » et s'inquiétaient des risques que comporterait leur propre mariage futur (Wallerstein et Kelly 1980, cité dans Pedro-Carroll et Cowen 1985). À l' âge adulte, seulement 60 p. 100 d'entre eux étaient mariés, comparativement à 80 p. 100 des jeunes provenant de familles intactes et 38 p. 100 avaient des enfants, par rapport à 61 p. 100 des enfants provenant de familles intactes (Wallerstein et al. 2000, cité dans Anon 2000). Une autre étude récente a révélé que des étudiants du niveau universitaire dont les parents avaient divorcé avant leur adolescence disaient qu'ils avaient eu une enfance plus difficile que les enfants de familles intactes. Cependant, ils n'étaient pas plus déprimés et leur niveau d'anxiété était le même (Laumann-Billings et Emery, sous presse, cité dans Kelly 2000).

2.3.1  Adaptation selon le sexe, l' âge et d'autres caractéristiques

La recherche la plus récente semble contredire l'opinion traditionnelle selon laquelle le divorce a plus de répercussions négatives sur les gar çons que sur les filles. Une méta‑analyse d'études qui distinguaient les répercussions du divorce sur les gar çons et les filles a révélé une influence plus négative sur les gar çons que sur les filles, mais seulement à certains égards : les rapports sociaux, le sentiment de solitude et l'esprit de collaboration. Dans d'autres domaines, notamment le décrochage scolaire, le divorce ne semble pas avoir de conséquences plus négatives sur les enfants de sexe masculin que sur les enfants de sexe féminin (Amato et Keith 1991, cité dans Amato 1994). Toutefois, une importante étude nationale effectuée aux États‑Unis a récemment révélé qu'il n'y avait aucune différence entre les sexes liée au divorce (Vandewater et Lansford 1998, cité dans Kelly 2000; Rodgers et Pryor 1998). Une autre étude a révélé que l'adaptation et les réalisations des gar çons et des filles après le divorce de leurs parents variaient selon l' âge, le temps écoulé depuis le divorce, les rapports parents-enfants et le type et la gravité du conflit entre les parents (Hetherington 1999, cité dans Kelly 2000).

Les enfants plus jeunes semblent réagir davantage à la séparation de leurs parents et les premières études ont révélé que c'était sur les jeunes enfants que le divorce avait les répercussions les plus négatives (p. ex. : Allison et Furstenberg 1989, cité dans Grych et Fincham, 1992). Cependant, de nombreuses études confondent l' âge de l'enfant au moment du divorce et la période qui s'est écoulée depuis le divorce, et l' âge de l'enfant au moment de l'évaluation (Grych et Fincham 1992). Le récent examen d'études, pour la plupart britanniques, a conclu que l' âge de l'enfant au moment de la séparation des parents n'était pas important en soi (Rodgers et Pryor 1998). Selon une étude nord-américaine, les jeunes adultes de parents divorcés qui avaient peu de différends étaient moins bien adaptés que les jeunes enfants de parents divorcés qui vivaient un conflit grave (Amato et al. 1995, cité dans Kelly 2000). L'étude californienne a révélé qu'après 10 ans, les enfants qui étaient plus jeunes au moment de la séparation s'étaient mieux adaptés que les enfants qui étaient plus âgés à l'époque (Wallerstein et Blakeslee 1989, cité dans Amato 1994).

Quand les parents de l'enfant divorcent plus d'une fois, l'enfant est exposé à des conflits répétés, il a de moins bons rapports avec ses parents et connaît des difficultés financières. Pour certains enfants, le stress du divorce augmente par conséquent chaque fois qu'il y a un nouveau divorce pendant leur enfance (Amato 1994; Rodgers et Pryor 1998). Le risque de vivre des répercussions négatives pour les enfants de familles reconstituées par rapport aux enfants de familles monoparentales semble plus élevé dans le cas des enfants plus âgés, surtout pour ce qui a trait aux résultats scolaires, aux problèmes d'ordre sexuel et à la capacité d'établir des liens (Rodgers et Pryor 1998).

La résistance de chaque enfant influe également sur la probabilité de son adaptation positive à long terme. Les enfants de familles qui vivent des conflits très graves ou dont le parent principal est mal adapté peuvent néanmoins s'en tirer à cause de leurs propres ressources. Il est impossible de prévoir comment deux enfants réagiront dans une situation semblable (Fisher 1997). Quelques experts ont dit qu'un tempérament plus souple, une intelligence plus vive, de même que de meilleures habiletés d'adaptation étaient des indices de résistance accrue (Johnston 1994). Selon une étude, le tempérament d'un enfant n'influe pas sur sa capacité d'adaptation comportementale après le divorce de ses parents, s'il a bénéficié d'un appui social; cependant, en l'absence d'un tel appui, son tempérament influe sur sa résistance au divorce (Hetherington 1989, cité dans Grych et Fincham 1992). On croit que la résistance d'un enfant est fonction des liens qu'il forme très t ôt dans la vie avec un parent ou une autorité parentale (p. ex : Rutter 1979, cité dans Kelly et Lamb 2000). Néanmoins, les interventions peuvent améliorer sa capacité de résister.

2.3.2  Limites de la recherche

Il existe relativement peu de recherche sur l'influence du divorce et de la séparation sur les enfants des minorités visibles ou des classes sociales inférieures. La plupart des études actuelles rédigées en anglais concernent des enfants américains. Selon une certaine recherche menée aux États‑Unis, les enfants d'origine afro-américaine qui n'ont qu'un seul parent et qui vivent dans la pauvreté par suite de la séparation sont moins à risque que les enfants américains de race blanche ou d'origine afro-américaine de familles intactes (voir les citations et l'analyse dans Amato 1994).

Une recherche récente hésite à attribuer à la séparation ou au divorce les difficultés qu'ont certains enfants de parents divorcés. Les auteurs hésitent également à préciser les facteurs individuels en place avant, pendant ou après le divorce qui déterminent les résultats négatifs (Rodgers et Pryor 1998). Plusieurs facteurs ressortent néanmoins comme ayant une certaine importance même si les rapports entre eux ne sont pas clairs. En outre, les chercheurs étudient comment les facteurs positifs peuvent protéger les enfants contre les facteurs négatifs (p. ex. : Wolchik et al. 2000).

Selon les études existantes, pour la plupart transversales, la très grande détresse que vivent les enfants au moment de la séparation de leurs parents et leur réaction ultérieure aux accords de garde qui en découlent ne sont pas des facteurs importants pour ce qui touche leur adaptation à long terme. Toutefois, peu d'études ont porté sur les répercussions de cette grande détresse des enfants lors de la séparation des parents (événement critique pour eux) sur leur adaptation à long terme (Grych et Fincham 1992). Les auteurs de l'étude exhaustive effectuée en Grande‑Bretagne ont demandé une recherche plus poussée sur la fa çon dont la détresse à court terme des enfants pouvait influer sur leur vie, à long terme (Rodgers et Pryor 1998).

2.3.3  Adaptation du conjoint qui a la garde

On croit généralement que l'adaptation du conjoint qui a la garde est un facteur clé dans le bien‑être à long terme de l'enfant. L'enfant dont le père ou la mère qui a la garde est mal adapté est beaucoup plus à risque de mal se remettre de la séparation ou du divorce (citations dans Kelly 2000). Les enfants sont plus susceptibles de bien s'en tirer lorsque le père ou la mère qui a la garde jouit d'une bonne santé mentale, qu'il a un réseau de soutien et qu'il possède les habiletés parentales nécessaires, c'est-à-dire qu'il est affectueux, qu'il supervise adéquatement l'enfant, qu'il exerce une certaine forme de contr ôle, qu'il explique les règles, qu'il n'impose pas une discipline trop sévère et qu'il est constant (p. ex. : Wallerstein 1986-1987; voir les citations dans Amato 1994, Hetherington 1999, Buchanan et al. 1996, citées dans Kelly 2000).

Une autre étude récente a montré que les enfants de familles monoparentales dont la mère exerce une discipline constante et accepte l'enfant, deux facteurs importants en matière d'autorité parentale, ont moins de problèmes d'intériorisation (p. ex. la dépression) et d'extériorisation (p. ex. la délinquance) que les enfants de mères qui ne respectent pas ces deux facteurs (Wolchik et al. 2000). La cohérence des règles imposées par le parent qui a la garde et l'acceptation du r ôle parental semblent donc protéger l'enfant contre les effets négatifs provenant d'autres sources de stress, notamment les difficultés financières. Les enfants qui croient que leurs parents acceptent mal la situation ou dont les parents sont moins constants deviennent plus vulnérables au stress et ce sont les enfants qui per çoivent ce manque d'acceptation et de cohérence qui sont les plus vulnérables de tous (Wolchik et al. 2000).

2.3.4  Visites du conjoint qui n'a pas la garde

La recherche actuelle ne propose aucun consensus sur l'importance de la relation continue de l'enfant avec le parent qui n'a pas la garde, le plus souvent le père (voir les citations dans O'Connor 2001; Kelly 2000). La plupart des études à grande échelle effectuées à partir d'une base de données nationale ont révélé qu'il n'y avait aucun lien entre la fréquence des visites du parent qui n'a pas la garde et l'adaptation de l'enfant (Kelly 2000). Toutefois, plusieurs études font état de résultats positifs pour ce qui concerne les enfants de familles coopératives ayant peu de conflits lorsque le père a des liens avec son enfant (citations dans O'Connor 2001, et dans Kelly 2000). Les enfants de familles qui vivent des conflits très graves, et plus particulièrement les gar çons de ces familles, sont plus susceptibles de mal s'en tirer malgré les visites régulières du père (O'Connor 2001). Selon une méta-analyse de 57 études, la recherche plus récente sur les contacts entre les pères et les enfants révèle que le père exerce plus d'influence sur l'adaptation de l'enfant que ne le révélaient les études antérieures (Amato et Gilbreth 1999, cité dans Kelly 2000). Les auteurs d'un résumé des études britanniques concluent que l'enfant peut mieux s'adapter s'il a un contact continu avec le parent qui n'a pas la garde, mais qu'on ne peut tirer aucune conclusion touchant la fréquence du contact (Rodgers et Pryor 1998).

La participation continue du parent qui n'a pas la garde à l'éducation de l'enfant semble clairement influer sur les résultats scolaires. Le déclin de la performance à l'école après la séparation est moindre si le père s'intéresse à l'école et au travail scolaire de l'enfant (McLanahan 1999, cité dans Kelly 2000). Les enfants du divorce sont moins susceptibles d'obtenir un dipl ôme universitaire, en partie parce que les aspirations parentales à cet égard augmentent pour ce qui a trait aux adolescents de familles intactes, mais diminuent pour les adolescents de familles divorcées (McLanahan 1999, cité dans Kelly 2000). L'étude californienne a également révélé que les pères divorcés étaient souvent peu disposés à financer l'éducation post-secondaire de leurs enfants particulièrement s'ils s'étaient remariés et qu'ils avaient d'autres enfants (Wallerstein et Lewis 1998).

2.3.5  Conflits post-séparation

Une documentation de plus en plus abondante affirme que les conflits entre les parents après la séparation augmentent le risque d'effets négatifs sur les enfants. Les enfants dont les parents sont hostiles, agressifs et aux prises avec des conflits graves sont plus susceptibles de présenter des problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux (Johnston 1994). Ils sont également plus susceptibles d'avoir peu d'estime de soi (Kelly 1993). Le risque d'effets négatifs augmente en cas de violence conjugale et encore plus lorsque les enfants sont victimes de mauvais traitements (Johnston 1994). Néanmoins, des études ont démontré que, dans l'ensemble, les taux d'adaptation de la plupart des enfants de familles qui sont constamment en litige et qui vivent des conflits graves après le divorce sont également normaux (Johnston et al. 1989, cité dans Kelly 1993).

Des études longitudinales ont révélé que certaines difficultés observées chez les enfants de parents divorcés existaient avant le divorce (p. ex. : Elliott et Richards 1991, cité dans Kelly 1993), ce qui laisse à penser que les facteurs qui causent ces difficultés existaient déjà avant le divorce ou la séparation. La récente analyse des études britanniques a conclu que les conflits familiaux qui existaient avant, pendant et après la séparation peuvent être cause de stress pour les enfants. On ne s'entend pas sur la question de savoir si l'inadaptation des enfants découlant du conflit parental est en grande partie due au conflit pendant le mariage ou après sa dissolution (Rodgers et Pryor 1998).

2.3.6  Difficultés économiques

Il arrive très souvent que le niveau de vie de l'enfant diminue considérablement après le divorce et la séparation, augmentant l'instabilité économique et le niveau de stress dans le domicile du parent qui a la garde. Ces changements augmentent le stress de la séparation et influent sur l'adaptation à long terme de l'enfant (Kelly 1993; citations dans Amato 1994). Les études ont révélé qu'après le divorce, le revenu des mères qui ont la garde chute en moyenne de 30 p. 100 aux États‑Unis (Lamb et al. 1997). Au Canada, au milieu des années 1990, le revenu d'une femme qui se séparait de son mari chutait en moyenne de 23 p. 100 pendant la première année (pourcentage ajusté en fonction du nombre de personnes qui vivaient avec elle) et, à la fin de la première année, le revenu moyen de la mère seule était de 31 p. 100 inférieur à son revenu avant la séparation (Galarneau et Sturrock 1997).

Selon une étude américaine, dans les familles de race blanche, les différences de revenus après la séparation comptent pour environ la moitié de l'association entre le fait de vivre dans une famille monoparentale et de terminer l'école secondaire (McLanahan 1985, cité dans Amato 1994). Plus récemment, on a estimé que les problèmes financiers des familles divorcées étaient probablement la cause de près de la moitié des problèmes d'adaptation des enfants de parents divorcés (McLanahan 1999, cité dans Kelly 2000). Une autre étude a révélé que les résultats inférieurs des enfants de parents divorcés sur 27 de 34 résultats mesurés chutaient à 13 lorsque les différences de revenus étaient prises en compte (Guidubaldi et al. 1983, cité dans Amato 1994).

En outre, les mères qui ont la garde changent souvent d'emploi et de résidence au cours des trois premières années qui suivent la séparation (McLanahan et Booth 1989, cité dans Bray et Hetherington 1993). Nombre de femmes déménagent dans un quartier plus pauvre qui offre moins de services et de soutien. Les enfants sont arrachés à leurs amis, à d'autres services de soutien social et à leur environnement habituel. (Le père ou la mère qui a le droit de visite peut également changer de quartier, décision qui aura des résultats semblables, mais moins nuisibles pour les enfants)

2.4  Difficultés d'adaptation à long terme dues aux enfants eux‑mêmes

Les résultats de la recherche transversale laissent à penser que l'adaptation à long terme des enfants du divorce est assurée au mieux par des programmes qui aident leurs parents à s'adapter, à réagir aux facteurs de stress socio-économiques, à diminuer les conflits avec leur conjoint et les litiges répétés sur des questions de garde et de droit de visite et encouragent la conclusion d'ententes familiales post-séparation fondées sur la collaboration et les bons rapports entre les enfants et leurs deux parents.

Toutefois, comme nous l'avons mentionné, aucune étude approfondie n'a encore porté sur les liens entre la grande souffrance des enfants pendant la séparation et leur adaptation à long terme. Par exemple, plus grande est la détresse de l'enfant, plus il sera difficile pour la mère de retrouver son propre équilibre et d'avoir des rapports positifs avec son enfant (Wolchik et al. 2000).

Une autre recherche révèle également plusieurs fa çons dont les réactions des enfants eux‑mêmes à la séparation et aux événements qui suivent peuvent influer sur leur adaptation. Cette recherche pourrait justifier des programmes précis à l'intention des enfants pendant la séparation de leurs parents et dans les années qui suivent.

2.4.1  Six « t âches  » d'adaptation

D'éminents chercheurs reconnaissent que les enfants qui ne se remettent pas de leur détresse et de leurs difficultés initiales au moment de la séparation de leurs parents ou pendant les événements importants qui suivent, auront sans doute des difficultés plus tard, souvent à l' âge adulte (Lamb et al. 1997). La chercheuse Judith Wallerstein (recherche qualitative), a élaboré une liste de six « t âches  » que les enfants doivent accomplir pendant la période de séparation et par la suite, afin de maintenir leur courbe de croissance et de devenir des adultes bien adaptés (Wallerstein 1983). Les enfants doivent compléter les t âches suivantes, quels que soient le nombre et le type de facteurs de stress externes causés par les ententes familiales post-séparation :

Selon Wallerstein, il faudrait prioritairement veiller à ce que la très grande détresse des parents et des enfants lors d'une séparation et d'un divorce n'entraîne pas des réactions qui s'installeront et deviendront chroniques (Wallerstein 1991) et seront donc difficiles à éradiquer plus tard.

Les t âches suivent un ordre et n'ont pas toute la même durée. Par exemple, l'enfant doit maîtriser les deux premières t âches sur-le-champ pour pouvoir continuer de progresser tant sur le plan scolaire que sur le plan de sa croissance personnelle (Wallerstein 1983). De nombreux programmes qui aident les enfants à vivre la séparation et le divorce de leurs parents sont fondés sur ces t âches (voir p. ex. : Fischer 1997).

Il est clair que les enfants doivent bénéficier de la collaboration de leur famille et de leur environnement pour accomplir certaines de ces t âches. Par exemple, si les parents entraînent constamment leur enfant dans des conflits graves qui les opposent ou s'il y a de la violence familiale ou de l'intimidation, il sera presque impossible pour l'enfant de poursuivre sa croissance cognitive, émotionnelle et comportementale à l'école et ailleurs. De même, si les parents bl âment leur enfant pour la séparation ou de leur propre incapacité à s'en remettre sur le plan émotif, il sera extrêmement difficile pour ce dernier de cesser de se bl âmer lui‑même. Il faudra peut‑être intervenir pour aider l'enfant à continuer de se développer normalement malgré l'influence négative de ses parents.

Les parents et les étrangers peuvent également jouer un r ôle important afin d'aider les enfants à accomplir ces t âches. Par exemple, les parents et d'autres personnes peuvent rassurer les jeunes enfants en leur disant qu'ils ne sont pas responsables de la séparation et qu'on les aime quand même (Hodges 1991). Les interventions peuvent par conséquent aider les enfants à réaliser toutes ces t âches, particulièrement pendant la séparation de leurs parents.

2.4.2  Améliorer la capacité d'adaptation

La recherche laisse également à penser que les enfants qui vivent une situation difficile après la séparation peuvent compenser les effets de certains facteurs de stress en améliorant leur capacité d'adaptation et leur résistance à l'adversité. Presque toute cette recherche visait les enfants de familles aux prises avec des conflits graves. Les premières études sur les rapports parents‑enfants en situation de conflits graves après la séparation révélaient que tous les enfants de ces familles sont à risque d'inadaptation à long terme. Toutefois, selon d'autres études, ces résultats négatifs ne se produisent que si le conflit empêche les parents de collaborer à l'éducation des enfants après la séparation. (Camera et Resnick 1989, cité dans Kelly 1993; Amato et Rezac 1994). Certains parents trouvent le moyen de collaborer à l'éducation de leurs enfants malgré la gravité de leurs conflits. Les parents qui ne peuvent pas collaborer ont tendance à utiliser les enfants comme pions dans leur propre conflit. Les études révèlent que les enfants sont à risque lorsque, à cause de la gravité du conflit, ils se sentent déchirés entre leurs deux parents (Buchanan et al. 1991; Johnston et al. 1989, cités dans Kelly 1993).

Ces études ont mesuré le niveau de « déchirement  » de l'enfant selon le nombre de fois que l'un des parents avait demandé à l'enfant de transmettre un message à l'autre parent, le nombre de fois qu'il avait posé des questions indiscrètes au sujet de l'autre parent ou qu'il avait fait en sorte que l'enfant ait l'impression qu'il devait cacher de l'information ou ses sentiments au sujet de l'autre parent. Selon une étude, les adolescents de familles en situation de conflits graves sont plus souvent déchirés que les adolescents de familles aux prises avec des conflits moins importants, mais 40 p. 100 des familles aux prises avec des conflits graves se trouvaient tout de même en dessous de la médiane relativement au sentiment de « déchirement  » (Kelly 1993). La recherche laisse à penser qu'en aidant les enfants à se dissocier du conflit de leurs parents, on leur permet de s'en protéger et de poursuivre leur propre croissance.

Certains chercheurs ont également prétendu que des programmes à l'intention des enfants sont valables même si l'adaptation de ces derniers est en grande partie déterminée par des facteurs externes. En effet, il est peut-être plus facile de changer les enfants que ces facteurs externes (Grych et Fincham 1992).

2.4.3  Comprendre la séparation et le divorce, y compris les instances judiciaires

Il existe peu de recherche sur l'opinion des enfants relativement à leur propre expérience du divorce et de la séparation. La recherche révèle toutefois que les enfants sont souvent mal renseignés sur le divorce en tant qu'événement et en tant que processus (Pruett 1999). En outre, leurs connaissances sont souvent inexactes, effrayantes et bouleversantes, ce qui augmente vraisemblablement leur niveau de stress (Pruett 1999).

Selon plusieurs études, bien des parents ne parlent pas avec leurs enfants du sens de la séparation et du processus juridique qu'il engendre (p. ex. : Mitchell 1985, Walczak et Burns 1984, cité dans Garwood 1990; Lyon et al. 1998; Wallerstein et Lewis 1998). Par exemple, les enfants qui ont été interviewés pendant une récente évaluation du programme écossais, Parent Information Programme, qui vise les parents qui divorcent ou qui se séparent, ont dit pour la plupart que leurs parents n'avaient pas abordé avec eux en détail les questions que soulève le divorce (Mayes et al. 2001). Seulement un tiers des parents avaient parlé à leurs enfants de leurs sentiments et environ un tiers aussi ont dit qu'ils avaient discuté des sentiments de leurs enfants concernant la séparation (Mayes et al. 2001). Néanmoins, la moitié des 84 parents écossais qui avaient refusé que leurs enfants participent au processus de conciliation familiale au Lothian Family Conciliation Service près d'Édimbourg entre 1986 et 1988 (un peu plus de la moitié des parents ayant participé à l'étude de deux ans) avaient justifié leur décision en disant qu'ils pouvaient eux‑mêmes discuter de ces questions avec leurs enfants (Garwood 1990).

Une étude approfondie récente de 22 enfants de l'État du Connecticut a révélé cependant que les enfants se font une certaine idée du processus de divorce à partir des propos de leurs parents, de leur propre expérience du processus judiciaire et des processus judiciaires télévisés (Pruett 1999). Cependant, dans l'ensemble, les enfants étaient confus au sujet du divorce. Les enfants, surtout les enfants de familles aux prises avec des conflits graves, mentionnaient souvent les sentiments de bl âme, de perte et de peur de la séparation et de l'abandon. L'enfant mêlait ce qu'il percevait comme un manque de compétence de ses parents et ce qu'il comprenait du processus judiciaire de séparation de sorte que la séparation physique des parents et les actes de procédure afférents étaient assimilés à la perte de la relation avec leurs parents.

Les enfants se sentaient également agressés et trahis par les avocats et les fonctionnaires de la cour qui « prenaient l'argent de leurs parents  » ou qui « rendaient des ordonnances qui faisaient en sorte que leurs parents se disputaient,  » tout en « prétendant  » aider la famille. Ils avaient trop d'information inutile concernant le processus judiciaire et trop peu d'information utile (Pruett 1999). Les auteurs ont conclu qu'il fallait aider les parents et les professionnels du domaine juridique à comprendre ce que les enfants devraient savoir et à déterminer les moyens de leur transmettre ces renseignements.

L'étude récente effectuée en Grande-Bretagne est également arrivée à la conclusion que des explications claires concernant « ce  » qui se produit et « pourquoi  » peuvent favoriser la communication et le contact entre les enfants et les parents pendant la période difficile du divorce. Bien renseigner le jeune enfant peut aussi avoir pour effet de le rassurer sur le fait qu'on ne l'abandonne pas et que son père ou sa mère seront toujours ses parents même si l'un d'eux quitte le domicile pour aller vivre ailleurs (Rodgers et Pryor 1998). On peut comprendre des deux premières t âches de Wallerstein qu'il faut expliquer la signification de la séparation des parents pendant qu'elle se produit. D'autres experts prétendent que même les enfants d' âge préscolaire ont beaucoup besoin d'information concernant la séparation de leurs parents (Hodges 1991).

Les adolescents et les jeunes adultes à qui on a demandé de décrire comment s'était passé la séparation et le divorce de leurs parents se sont beaucoup plaints d'avoir été laissés dans l'ignorance (Lyon et al. 1998; Wallerstein et Lewis 1998). Les enfants ignoraient donc ce qui se passait et ils ont continué d'éprouver du ressentiment bien après que l'anxiété et les craintes engendrées par la séparation se soient dissipées.

Il n'y aucun lien clair entre ce que l'enfant comprend, sur le plan des émotions, au sujet de la séparation de ses parents (compréhension qui, on l'espère, serait facilitée par la compréhension cognitive) et son adaptation. L'évaluation effectuée en 1980 d'un programme pour enfants n'a révélé aucun lien entre la compréhension émotionnelle du divorce chez les jeunes participants (que ce n'était pas leur faute, qu'il n'y aurait probablement pas de réconciliation, mais qu'ils ne seraient pas abandonnés) et leur adaptation émotionnelle et comportementale (Roseby et Deutsch 1985, cité dans Grych et Fincham 1992). Certes, les enfants du programme comprenaient mieux, mais cette compréhension n'a eu aucune incidence sur leur adaptation comparativement aux enfants d'un groupe témoin. Par contre, il est possible que la simple participation des autres enfants au groupe placebo ait influé sur leur adaptation (Grych et Fincham 1992).

2.5  Capacité des parents de faciliter l'adaptation des enfants

Normalement, ce sont les parents qui devraient aider les enfants à accomplir les « six t âches  » et à se remettre de la grande détresse éprouvée lors de la séparation de leurs parents. La recherche permet de dire que des parents encourageants peuvent protéger l'enfant contre le stress aigu de cette période (Brown 1995; Bray et Hetherington 1993; Tschann et al. 1990, cités dans Bonney 1993), tout comme des parents bien adaptés favorisent son adaptation à long terme.

Toutefois, la recherche révèle également qu'en règle générale, c'est la période pendant laquelle les parents sont le moins capables d'aider leurs enfants. Bien des chercheurs estiment que la capacité des parents de protéger et d'aimer leurs enfants diminue beaucoup pendant la première ou la deuxième année qui suivent la séparation et le divorce (p. ex. : Wallerstein et Kelly 1980, cité dans Wallerstein 1986-87, 1991; Lamb et al. 1997; Amato 1994). Les parents eux-mêmes sont dépassés et ils ont moins de temps, d'énergie émotionnelle et d'attention à consacrer à leurs enfants au moment o ù ceux‑ci en ont le plus besoin.

Les mères qui ont la garde se plaignent des difficultés économiques, de la surcharge de travail, de difficultés à élever leurs enfants et d'isolation sociale immédiatement suivant le divorce (Hetherington et al. 1982, cité dans Bray et Hetherington 1993). Tant les pères que les mères, quels que soient les accords de garde, sont plus susceptibles d'avoir des problèmes physiques et psychologiques dans la période qui suit immédiatement la séparation ou le divorce. (Hetherington et Hagan, 1986, cité dans Bray et Hetherington 1993).

Par conséquent, les parents peuvent devenir moins chaleureux et aidants à l'égard de leurs enfants, moins sensibles à leurs besoins et plus erratiques dans l'exercice de l'autorité parentale. La recherche montre que les parents passent moins de temps avec leurs enfants, deviennent plus incohérents ou permissifs dans la supervision de leurs enfants et se f âchent contre eux beaucoup plus souvent pendant la première ou la deuxième année après la séparation ou le divorce (Hetherington et al. 1982, cité dans Wallerstein 1991). Selon un chercheur, certains parents peuvent inconsciemment (voire consciemment) vouloir abandonner l'enfant pour pouvoir effacer tout souvenir de l'événement malheureux. D'autres parents peuvent s'attacher davantage à leur enfant, mais sous forme d'une certaine dépendance, de sorte que l'enfant commence à se sentir responsable du bien-être de ses parents (Wallerstein 1986‑1987). Dans une étude longitudinale auprès de 130 familles divorcées ou séparées en Californie, Wallerstein a identifié trois fonctions familiales inter-reliées qui, selon elle, protègent l'enfant dans des circonstances normales : 1) une relation raisonnablement harmonieuse entre les parents qui s'entraident; 2) des rapports parents‑enfants fondés sur une sensibilité et une discipline raisonnables; 3) un parent raisonnablement sain sur le plan psychologique et moral. Son étude a également révélé que toutes ces fonctions sont ébranlées pendant le divorce et la séparation (p. ex. : Wallerstein 1986‑1987, 1991).

Cette diminution de leur capacité de prendre soin de leurs enfants amène les parents à se détacher de leurs besoins et de leurs sentiments (Mitchell 1985, cité dans Garwood 1990; Wallerstein et Kelly 1980, cité dans Wallerstein 1991). Non seulement ils appuient moins leurs enfants, mais ils sont également moins susceptibles de se rendre compte que ces derniers ont besoin d'aide. Dans sa recherche sur des parents en médiation, Wallerstein mentionne, à titre d'exemple, des parents qui se préoccupaient uniquement du régime alimentaire de leurs enfants pendant la visite de l'autre parent. Entre-temps, un des enfants était de plus en plus incapable de distinguer ses fantaisies de la réalité et quand on a demandé à l'autre enfant de dessiner sa famille, elle a esquissé un petit rat noir et maigre, signal avertisseur de très grande détresse (Wallerstein 1991).

La recherche révèle que les parents se détachent de leurs enfants notamment à cause d'un manque de communication entre les parents et l'enfant pendant la période de la séparation et du divorce. En outre, cette absence de communication comprend souvent une absence d'explication de la séparation ou du divorce, comme nous l'avons mentionné plus haut (Mitchell 1985, Walczak et Burns 1984, cité dans Garwood 1990).

De plus, au cours de cette période, les parents sont souvent inconscients des effets nuisibles de leur propre comportement sur leurs enfants. La recherche montre qu'en règle générale, les parents sous-estiment les répercussions de leur différend avec leur conjoint sur leurs enfants ou ils ne s'en préoccupent guère. Ils ne se rendent pas compte non plus qu'en demandant à l'enfant de prendre parti ou en l'utilisant pour espionner l'autre parent ou pour le diminuer, ils le mettent au beau milieu de leur conflit (Arbuthnot et Gordon 1996; Arbuthnot et al. 1997).

Loin d'aider leurs enfants pendant la période de la séparation initiale, bien des parents contribuent au stress de leurs enfants. Selon la recherche, il serait efficace, pour aider les enfants pendant cette période, d'aider les parents à guérir de leur propre détresse aussi rapidement que possible, en diminuant certains des facteurs de stress auxquels ils font face. En outre, des programmes de formation au r ôle de parent ont pour objet d'aider les parents à se centrer sur les besoins et les intérêts de leurs enfants pendant cette période de manière à pouvoir mieux y répondre.

Néanmoins, puisque de nombreux parents sont plus démunis pendant cette période, il faut un soutien de l'extérieur pour aider les enfants à comprendre ce qui arrive, à accepter la situation et à traverser l'épreuve. Il faudrait semble‑t‑il répondre à trois besoins primaires : 1) diminuer la détresse aiguë de l'enfant afin de l'aider à préserver de bons rapports avec ses parents et éviter le plus possible que cette détresse l'empêche d'accomplir les six t âches; 2) aider l'enfant à accomplir les deux ou trois premières des six t âches; 3) lui montrer comment se protéger contre les sources externes de stress, notamment les conflits entre ses parents, après la séparation. Pour certains enfants, les moyens externes, notamment les groupes d'enfants, peuvent également répondre à un quatrième besoin en leur offrant un réseau de soutien sur le plan émotif ou social.

Selon la recherche, tout comme la plupart des enfants se remettent du stress causé par la séparation de leurs parents, la plupart des parents s'en remettent également et recommencent à être les parents aimants et protecteurs qu'ils étaient avant la séparation (les deux guérisons sont liées) (Lamb et al. 1997). Pour la plupart des enfants donc, les appuis externes sont nécessaires pendant presque toute la période initiale du processus de séparation. Pour les enfants qui se trouvent dans des circonstances difficiles après la séparation, ou pour ceux qui vivent des séparations et des divorces répétés, ces besoins pourraient bien perdurer.

2.6  Ce que les enfants disent qu'ils veulent

Tout comme il existe très peu de recherche sur l'opinion des enfants concernant le divorce et la séparation de leurs parents, il en existe peu sur ce dont les enfants pensent qu'ils ont besoin, particulièrement pendant la période initiale du processus de séparation. Les enfants disent très souvent que la perte du contact régulier avec le parent qui n'a pas la garde est la pire conséquence du divorce de leurs parents (citations dans Kelly 1993). La plupart des enfants disent qu'ils veulent un contact (ou plus de contacts) avec le parent qui n'a pas la garde physique (Lamb et al. 1997).

Pendant la période initiale du processus de séparation, les enfants semblent vouloir parler de leur expérience avec d'autres enfants ou des adultes compatissants autres que leurs parents. Les trois quarts des enfants rencontrés dans le cadre d'une étude écossaise sur le processus de médiation auquel les enfants participaient au Lothian Family Conciliation ont accueilli favorablement l'idée d'un groupe d'enfants quand on leur a posé la question (Garwood 1990).

En outre, les enfants interviewés pendant la récente évaluation du Parent Information Programme d'Écosse ont dit qu'ils voulaient parler de la séparation avec une ou deux « personnes spéciales  » autres que leurs parents. Les chercheurs qui ont évalué un cours à domicile à l'intention des familles qui vivaient un divorce ont également appris que certains enfants voulaient discuter des problèmes, mais pas avec leurs parents (Hughes 2001). Les chercheurs qui ont demandé à de jeunes enfants de l'État du Connecticut de dire ce qu'ils comprenaient de la séparation de leurs parents (Pruett 1999) ont également conclu que les enfants voulaient des renseignements fiables concernant le divorce, les procédures et les personnes concernées. Leurs parents ne leur transmettaient pas ces renseignements.

Néanmoins, plusieurs enfants du programme écossais ont dit qu'ils hésitaient à discuter de la séparation de leurs parents avec d'autres personnes. Ils ont invoqué des motifs comme le fait de « ne pas faire confiance à certaines personnes  » et « de se sentir vulnérables  » pour ne pas parler de leurs sentiments. Cependant, ils semblaient se rendre compte qu'il était très important de parler de leurs sentiments pour pouvoir faire face à la séparation (Mayes et al. 2001). L'évaluation du programme Confidences des Centres jeunesse de Montréal a révélé que moins de 5 p. 100 des enfants du programme étaient mécontents d'y participer (Vallant 1999). Des enfants ont dit qu'ils appréciaient le programme notamment parce qu'ils avaient la chance de parler de la séparation (12 p. 100) et de rencontrer d'autres enfants dans la même situation (11 p. 100). Toutefois, 13 p. 100 ont dit qu'ils trouvaient ennuyeux d'en parler.

Comme il a été mentionné, des enfants plus âgés qui se remémoraient la séparation et le divorce de leurs parents se sont souvent plaints de n'avoir pas été mis au fait de la situation par leurs parents et par les autorités (Lyon et al. 1998; citations dans leur ouvrage précédent, Wallerstein et Lewis 1998). Les adolescents et les jeunes adultes qui ont assisté à une série de séminaires à Liverpool en Angleterre concernant la participation des enfants aux décisions en matière de garde et de droit de visite ont insisté sur le fait que les enfants devaient être informés des décisions juridiques prises en leur nom, des processus juridiques auxquels ils participent indirectement, de même que des répercussions plus larges du divorce de leurs parents sur leur vie.