Renforcement de la sécurité : Affaires de violence conjugale faisant intervenir plusieurs systèmes juridiques
(en matière de droit pénal, de droit de la famille et de protection de la jeunesse)
Perspective du droit de la famille sur la violence conjugale

Partie 9 : Audiences – problèmes de preuve liés aux différents systèmes de justice

9.1 Preuve issue d'instances judiciaires antérieures

Voir l'arrêt Colombie-Britannique (Procureur général) c. Malik, 2011 CSC 18:

« Un jugement rendu dans une affaire civile ou criminelle antérieure est — si le tribunal le juge pertinent — admissible en preuve dans des procédures interlocutoires subséquentes et fait foi de ses conclusions, dès lors que les parties sont les mêmes ou qu'elles ont pris part à une instance antérieure concernant les mêmes questions ou des questions connexes. Le poids devant être attribué à la décision antérieure tiendra non seulement à l'identité des participants, à la similitude des questions en litige, à la nature des procédures antérieures et à la possibilité donnée à la partie lésée de la contester mais aussi à toutes les circonstances différentes de chaque cas ».

Selon cet arrêt, la question de l'admissibilité est distincte de celle de savoir si la décision antérieure sera concluante et contraignante. En effet, la partie qui subit un préjudice aura la possibilité de présenter des éléments de preuve en vue de contredire les conclusions antérieures, à moins que les règles relatives à la res judicata, à la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée ou à l'abus de procédure l'en empêchent. Pour des raisons d'intérêt public, l'arrêt souscrit au critère de « l'intérêt public d'éviter une multiplicité inutile des instances. »

Pour une discussion sur l'application de ces principes dans les affaires de droit de la famille et de protection de la jeunesse, voir : Wong c. Giannacopoulos, 2011 ABCA 277 (concernant une décision déclarant une partie plaideuse quérulente); Delichte c. Rogers, 2011 MBCA 50; J.F. c. Newfoundland and Labrador (Child, Youth and Family Services), 2013 NLCA 27; J.F. c. Newfoundland and Labrador (Child, Youth and Family Services), 2013 NLCA 55; L.D. c. Children's Aid Society of Cape Breton Victoria, 2010 NSCA 64; BL c. Saskatchewan (Social Services), 2012 SKCA 38.

En ce qui a trait aux questions en matière de protection de la jeunesse, l'alinéa 50(1)b) de la loi de l'Ontario intitulée Loi sur les services à l'enfance et à la famille, L.R.O. 1990, chapitre C.11, article 50(1) b), renvoie expressément à l'admissibilité des « motifs d'une décision issue d'une instance antérieure, civile ou criminelle », tandis que d'autres lois concernant les services à l'enfance, par exemple la loi de Terre-Neuve et Labrador (Children and Youth Care and Protection Act, SNL 2010, c C-12.2) renvoie à une [TRADUCTION] « conclusion issue d'une instance antérieure, civile ou criminelle ».

L'arrêt J.F. c. Newfoundland and Labrador (Child, Youth and Family Services), 2013 NLCA 27 étend l'application des principes énoncés dans l'arrêt Colombie Britannique (Procureur général) c Malik à l'admission et à l'utilisation de conclusions et de décisions antérieures tirées et rendues dans un contexte de droit de la famille, en l'absence d'un pouvoir expressément prévu par la loi.

Pour une discussion sur l'admission et l'utilisation des dossiers de la police, voir les arrêts B.L. c. Saskatchewan (Social Services), 2012 SKCA 38 et W.N. c. C.G., 2012 BCCA 149.

9.2 Contestation d'une déclaration de culpabilité ou d'un plaidoyer de culpabilité antérieur par un auteur de violence conjugale dans le contexte du droit de la famille

La non acceptation de la responsabilité est caractéristique chez de nombreux auteurs de violence conjugale coercitive. Il faut s'attendre à ce qu'ils nient toute responsabilité en matière criminelle, malgré des déclarations de culpabilité à cet égard.

Les avocats en droit de la famille souhaiteront garder à l'esprit que la preuve selon laquelle une partie a plaidé coupable ou a été déclarée coupable d'une infraction criminelle constitue une preuve prima facie de l'acte criminel, sous réserve de la possibilité de réfuter une telle preuve dans certaines circonstances limitéesNote de bas de la page 143.

Selon la jurisprudence, il incombe à la partie qui cherche à présenter des éléments de contre preuve d'établir qu'un réexamen ne constituera pas un abus de procédure. Néanmoins, les tribunaux ont permis la présentation d'éléments de contre preuve dans des circonstances limitées, par exemple : lorsque la première instance était entachée de fraude ou de malhonnêteté; lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n'avaient pu être présentés auparavant, jettent un doute sur la déclaration de culpabilité; lorsque les faits donnant lieu à l'instance civile ne sont pas suffisamment semblables à ceux qui ont donné lieu à la déclaration de culpabilité; lorsque l'équité exige que le résultat initial n'ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte. Les tribunaux ont rejeté la contre preuve qui est essentiellement la remise en litige de l'affaire criminelle devant le tribunal de la famille au motif qu'elle constitue un abus de procédure.

Jurisprudence pertinente :

9.3 Un tribunal de la famille ou de la protection de la jeunesse peut-il prendre en compte les incidents de violence conjugale malgré un verdict de « non culpabilité »?

Il existe bien des raisons pour lesquelles un procureur du ministère public peut ne pas être en mesure de prouver une accusation criminelle hors de tout doute raisonnable. Par exemple, des éléments de preuve peuvent avoir été déclarés inadmissibles pour des motifs techniques ou encore la personne ciblée ou l'enfant peuvent ne pas avoir collaboré ou peuvent s'être rétractés à la suite de promesses de changement, par peur, à la suite d'actes d'intimidation ou de manipulation. Toutefois, malgré une conclusion de non culpabilité prononcée par un tribunal de droit pénal, les éléments de preuve de violence conjugale peuvent être pris en compte dans une affaire de droit de la famille ou de protection de la jeunesse. Dans l'arrêt Penner c. Niagara (Commission régionale de services policiers), 2013 CSC 19, la majorité des juges de la Cour suprême du Canada a statué que la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée ne bloquait pas l'institution d'une action civile ultérieure à l'encontre de policiers, malgré le rejet de la plainte déposée contre eux dans une instance disciplinaire. Parce que les normes de preuve et les objets étaient différents. Puisque le fardeau de la preuve et l'application des règles de preuve diffèrent selon que l'on se trouve dans un contexte pénal ou civil, une conclusion de non culpabilité prononcée par un tribunal de droit pénal ne constitue pas, dans le contexte du droit de la famille ou de la protection de la jeunesse, un indicateur fiable selon lequel la violence conjugale n'a pas eu lieu.

9.4 Cas où une « victime » tente de réfuter une déclaration de culpabilité

Les chercheurs signalent que des « victimes » de violence conjugale sont l'objet d'accusations, de poursuites et de déclarations de culpabilité pour des actes criminels de violence liée à la résistance qui, d'un point de vue technique en droit pénal, ne sont pas reconnus comme des actes de légitime défense. À moins que l'adulte ciblé puisse établir des motifs permettant l'admission d'éléments de contre preuve (paragraphe 9.2), la déclaration de culpabilité ou le plaidoyer de culpabilité peut empêcher la dénégation de responsabilité à l'égard de l'acte criminel en question. Les avocats du domaine du droit de la famille et de la protection de la jeunesse se rappelleront toutefois que le Code criminel canadien ne prévoit aucun crime de violence conjugale coercitive. Le Code interdit cependant des actes criminels individuels, dont certains sont liés à la violence conjugale, comme les voies de fait. Comme l'indique la partie 5, la violence conjugale coercitive peut uniquement être comprise comme un ensemble de comportements et un processus cumulatif. Un seul acte criminel constitue rarement de la violence conjugale.

Comme la partie 5 l'indique, il n'est pas rare que les personnes assujetties à la violence conjugale coercitive réagissent par un acte de violence (violence liée à la résistance). Par conséquent, la partie ciblée par un comportement de violence conjugale coercitive peut donc vraisemblablement, dans une affaire de droits de garde et d'accès ou de protection de la jeunesse, faire valoir que l'acte criminel de violence a été commis en réaction à un comportement antérieur de violence conjugale coercitive.

À titre d'exemple, la décision T.H. c. R.H., 2011 ONSC 6411, permet de comprendre le raisonnement judiciaire concernant cette question.

9.5 Interprétation de la rétractation d'une victime dans une affaire de droit pénal dans le contexte du droit de la famille

9.5.1 Problème de la rétractation : introduction

Dans les affaires pénales de violence conjugale, le taux de rétractation des victimes est extrêmement élevé. Il y a près de deux décennies, l'ancienne juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada a reconnu ce phénomène dans l'arrêt R. c. Marquard, 1993 CanLII 37, [1993] 4 R.C.S. 223, (1993), 108 D.L.R. (4th) 47, (1993), 25 C.R. (4th) 1 :

[…] ces renseignements peuvent être comparés à des réactions bien reconnues chez les victimes d'agression sexuelle ou de violence familiale, comme la rétractation des agressions rapportées et le retard à les rapporter, des réactions qui, si elles sont appréciées sans connaissance du contexte particulier dans lequel elles sont survenues, ont également un effet négatif sur la crédibilité du témoin.

Il existe une documentation abondante sur les raisons motivant une rétractationNote de bas de la page 144. Bien que cette question mérite de faire l'objet de recherches supplémentaires, selon toute probabilité, de nombreuses rétractations de « victimes » dans les affaires pénales de violence sont fausses.

Dans les cas appropriés, les tribunaux de droit pénal et de droit civil permettent l'admission et l'utilisation en preuve de déclarations contradictoires antérieures faites à la police conformément aux principes énoncés dans l'arrêt R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740 et dans des jugements ultérieurs. L'arrêt R. c. Ord, 2012 NSCA 115 [autorisation de pourvoi refusée sans dépens dans Jason John Ord c. Sa Majesté la Reine, 2013 CanLII 22323 (C.S.C.)], élargit l'application de ces principes au contexte de la violence conjugale. De telles déclarations sont couramment appelées « déclarations KGB ». Particulièrement en lien avec le contexte de la violence conjugale et le taux élevé de rétractation des « victimes » ou des « plaignantes » dans ces affaires, les tribunaux mènent des analyses comparatives minutieuses des similitudes et des différences entre le contenu des déclarations KGB et d'autres éléments de preuve, dans le but 1) de faire la distinction entre les plaintes véritables et les fausses plaintes et 2) d'empêcher que la fausse rétractation d'une victime ou d'une plaignante ne l'emporte. À titre d'exemples voir :

À l'extérieur des salles d'audience, les chercheurs constatent une tendance décourageante d'entrave à la justice qui se manifeste par la subornation de témoins dans les affaires de violence conjugaleNote de bas de la page 145. Il n'en reste pas moins que la justice pénale accorde très peu d'attention à ce problème. Les auteurs d'une telle infraction font rarement l'objet d'une enquête ou d'une accusationNote de bas de la page 146 malgré les dispositions de l'article 139 du Code criminel relatives à l'entrave à la justice. Pour des exemples d'exception (dans les affaires de violence conjugale dans lesquelles les auteurs d'entrave à la justice ont été accusés et reconnus coupables), voir : R. c. Crazyboy, 2011 ABPC 380 et la victoire du ministère public dans l'appel interjeté à l'encontre de la peine dans R. c. Crazyboy, 2012 ABCA 228; R. c. Zimmerman, 2010 ABPC 228; R. c. Jones, 2006 BCPC 278; R. c. S.C.R., 2012 BCPC 122; R. c. Desjarlais, 2009 MBPC 45; R. c. J.R.S, 2010 SKQB 33.

Dans les affaires de violence conjugale, le degré d'intimité entre l'auteur de la violence et sa « victime » augmente la probabilité de rapports (directs et indirects) entre la personne qui dépose une plainte et l'accusé avant le procès, plus particulièrement lorsque ces deux personnes ont des enfants ensemble. De toute évidence, les rapports répétés entre la personne accusée et celle qui a déposé la plainte ou entre la personne accusée et les enfants de la personne qui a déposé la plainte avant le procès criminel accroissent le risque que les rapports soient utilisés pour tenter de dissuader la plaignante de témoigner. L'omission d'offrir de la protection, de mener une enquête ou de déposer des accusations en présence d'entraves à la justice entraîne les conséquences suivantes :

Quatre projets de recherche, dont deux aux États-Unis, un au Royaume-Uni et un plus petit projet au Canada, jettent de la lumière sur les raisons pour lesquelles des « victimes » se rétractent, même dans le cas d'affaires dangereuses, à risque élevé. La première recherche consistait en une analyse d'appels téléphoniques enregistrés faits par des auteurs de violence conjugale présumés qui étaient détenus en prison en attendant leur procès pour des crimes graves de violence conjugale à Milwaukee. Les résultats de l'étude ont révélé, dans la grande majorité des actes criminels, des niveaux élevés de harcèlement, d'intimidation et de manipulation des témoins « victimes » depuis la prison. Plus récemment, une autre recherche sur des appels téléphoniques, également menée aux États-Unis en 2011Note de bas de la page 147 et dont la portée a été élargie pour inclure des accusations moins graves de violence conjugale, a constaté l'existence d'une tendance à entretenir des interactions axées sur la manipulation entre les auteurs présumés de violence conjugale et les plaignantes, faisant en sorte qu'au bout du compte les plaignantes retiraient les allégations de violence conjugale et témoignaient en faveur des accusés. Les études menées au Canada et au Royaume Uni présentent des résultats semblablesNote de bas de la page 148.

9.5.2 Problème de la rétractation : des pistes de solution

La surveillance étroite des conditions provisoires de mise en liberté et des ordonnances de non communication, accompagnée d'une attention particulière des circonstances entourant les rapports de l'accusé et de la plaignante, plus particulièrement dans des situations qui peuvent porter à croire qu'il y a des violations possibles du paragraphe 139(2) du Code criminel, dissuaderaient grandement ces pratiques. Parmi les situations douteuses documentées, mentionnons les suivantes :

L'étude du Vera Institute of Justice recommande un certain nombre de pratiques exemplaires visant à réduire la rétractation des « victimes », notamment la surveillance et la demande d'explications de la part du ministère public à l'égard des modifications que les « victimes » apportent à leur récit, tout en examinant les circonstances entourant le récit modifié, et l'enseignement aux « victimes » par les policiers et le ministère public de la façon de recueillir des éléments de preuve pour documenter les violations d'ordonnances de non communicationNote de bas de la page 151.

Dans le contexte du droit de la famille, lors de l'interprétation de la rétractation de la « victime » dans une affaire pénale, il y a lieu de résister à la tentation de supposer qu'une rétractation dans une instance pénale soit une indication que la « victime » ne disait pas la vérité à propos de la violence dans les déclarations initiales faites aux policiers. Il est possible de tirer des conclusions éclairées concernant la validité ou l'absence de validité d'allégations initiales qu'après avoir examiné toute la preuve et l'ensemble des circonstances, y compris le degré de cohérence ou d'incohérence des éléments de preuve par rapport aux détails de chaque déclaration, et après avoir examiné les circonstances entourant la rétractation, notamment tous les détails des rapports directs ou indirects entre la « victime » et l'accusé.

9.6 Règles de preuve en droit de la famille et en droit pénal : conduite antérieure

Tandis que les règles de preuve de base s'appliquent tant aux affaires en droit de la famille (droits de garde et de visite et protection de la jeunesse) qu'aux affaires pénales, les règles concernant l'admission et l'utilisation de renseignements en droit pénal ont tendance à être plus restrictives que dans un contexte de droit de la famille. Cela signifie que des éléments de preuve qui ne pouvaient pas être pris en compte en droit pénal peuvent être admissibles dans le contexte du droit de la famille et de la protection de la jeunesse.

À titre d'exemple, dans une affaire pénale, la preuve d'actes de violence conjugale antérieurs et de la conduite parentale antérieure peut ou peut ne pas être admissible, selon que la preuve est admissible ou non à titre de preuve de faits similaires ou en vertu d'une autre règle de preuve. La raison pour laquelle l'admission et l'utilisation de tels renseignements sont limitées en droit pénal est qu'une telle preuve est souvent présentée à titre de « preuve de propension », c'est-à-dire qu'elle est présentée pour « prouver » qu'il est probable que la personne accusée est le type de personne qui commettrait l'acte criminel. La possibilité d'injustice est évidente.

Dans le contexte du droit de la famille et de la protection de la jeunesse, une telle preuve est présentée à une fin tout à fait différente. L'objectif ne consiste pas à déclarer une partie responsable et imputable de la commission d'un acte criminel particulier. L'accent porte plutôt sur la sécurité et l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans un tel contexte, la preuve perd la plupart des caractéristiques de la preuve de propension. En règle générale (sauf quelques exceptions qui sont propres au contexte de la protection de la jeunesse et du droit de la familleNote de bas de la page 152), les renseignements et les éléments de preuve pertinents pour la sécurité et l'intérêt supérieur des enfants seront habituellement admis dans les affaires en droit de la famille. Comme nous l'avons vu, en droit de la famille, une preuve complète des comportements antérieurs de violence conjugale permet d'obtenir une évaluation exacte du risque et de la sécurité, de la responsabilité civile, des questions en matière de soutien, des questions en matière de responsabilités parentales, des questions relatives à l'intérêt supérieur de l'enfant et à la protection de la jeunesse.

Plusieurs lois provinciales et fédérales de droit civil et de droit familial exigent la prise en compte des comportements de violence conjugale lors de la prise de décisions en matière de protection de la jeunesse ou de droits de garde et de visite concernant un enfant. Les tribunaux de la famille et de la protection de la jeunesse continuent néanmoins d'examiner l'admissibilité de tels éléments de preuve, puisque le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire d'exclure des éléments de preuve pertinents lorsque leur effet préjudiciable l'emporte sur la valeur probante [TRADUCTION] « même dans les cas où l'admissibilité de la preuve est prévue par la loi ». Ainsi, lorsque l'admissibilité de la conduite antérieure de violence conjugale est contestée, les tribunaux de la famille et de la protection de la jeunesse peuvent soupeser la valeur préjudiciable et probante de la preuve.

Comme point de départ, dans le cadre d'un voir-dire lorsque l'admissibilité de la preuve est contestée, la règle générale veut que les règles de preuve s'appliquent dans les affaires de droit de la famille (droits de garde et de visite et protection de la jeunesse) et dans les affaires pénales. Voir à titre d'exemple l'arrêt C.L.M. c. D.G.W., 2004 ABCA 112. Dans les affaires en droit de la famille [TRADUCTION] « l'aptitude à être un bon parent » est un élément central en matière de décisions concernant l'intérêt supérieur de l'enfant.

En raison de la pertinence directe de la violence conjugale dans les relations courantes et passées et de la violence antérieure en général en ce qui a trait à la sécurité de l'autre conjoint, à « l'aptitude à être un bon parent » et à l'intérêt supérieur de l'enfant, ainsi qu'en ce qui a trait à la question de savoir si l'enfant doit faire l'objet de services d'interventions ou de protection, dans un contexte de protection de la jeunesse, une grande importance sera habituellement accordée à la pertinence et à la valeur probante de la preuve dans les affaires de droit de la famille (dans les affaires de droits de garde et de visite, de même que dans les affaires de protection de la jeunesse). En fait, les tribunaux examineront la question de savoir si le préjudice potentiel d'une telle preuve l'emporte sur sa pertinence et sa valeur probante.

9.6.1 Conduite antérieure (droit de la famille et protection de la jeunesse) : violence antérieure, pratiques parentales antérieures

Dans l'arrêt C.L.M. c. D.G.W., 2004 ABCA 112, [2004] 346 A.R. 381, (2004), 2 R.F.L. (6th) 75, la Cour d'appel de l'Alberta a examiné la décision d'un juge du procès de radier les affidavits de la mère, de la mère de la mère et de deux sœurs, de même que celui de la fille aînée. Le père cherchait à obtenir des droits de visite non supervisée à l'égard de ses trois filles. Dans les affidavits, le juge du procès a radié les renseignements concernant la déviance sexuelle passée du père et son utilisation de la pornographie au motif que ces éléments de preuve étaient scandaleux, non pertinents et préjudiciables. La Cour d'appel n'était pas d'accord avec cette décision et a conclu que les éléments de preuve concernant la conduite sexuelle antérieure du père, ses penchants sexuels avoués et les effets nuisibles possibles pour les enfants en sa présence non supervisée étaient tous pertinents et avaient une grande valeur probante pour accorder des droits de visite supervisée. Voir aussi l'arrêt W.N. c. C.G., 2012 BCCA 149, en lien avec la consommation d'alcool et de drogues et un comportement violent dont l'enfant n'avait pas été le témoin.

Contrairement à la situation en droit pénal, si les éléments de preuve contestés sont pertinents et ont une valeur probante pour déterminer ce que constitue l'intérêt supérieur de l'enfant, leur effet préjudiciable pour un parent constituera rarement un motif suffisant de les exclure.

De même, dans R.C.M.S. c. G.M.K, 2005 SKQB 296, (2005), 266 Sask. R. 31, une affaire dans laquelle il y avait un comportement de violence conjugale à l'encontre de la mère, le père s'est opposé au témoignage d'une ancienne conjointe relativement aux mauvais traitements émotionnels et physiques qu'elle avait subis au cours d'une relation intime antérieure. Dans ses observations à l'appui de la décision d'admettre les éléments de preuve, la juge Ryan-Froslie fait valoir que, même si les règles de preuve s'appliquent, leur application est moins stricte dans les affaires civiles que dans les affaires pénales. Plus précisément en ce qui concerne les éléments de preuve relatifs aux actes de violence conjugale à l'encontre de la tierce partie, les éléments de preuve ont été admis en lien avec la capacité du père d'agir comme parent et en lien avec l'évaluation de l'intérêt supérieur des enfants.

Toutes les lois canadiennes concernant la protection de la jeunesse autorisent l'intervention des tribunaux si les enfants sont négligés ou s'ils subissent un préjudice émotionnel du fait de la conduite d'un parent. Ainsi, la preuve portant sur un comportement antérieur de violence conjugale de l'un ou l'autre parent est régulièrement admise partout au Canada. Voir D. A. Rollie Thompson (2004) pour une discussion des décisions en matière de preuve sur cette question et d'autres questions dans le contexte du droit de la famille et de la protection de la jeunesseNote de bas de la page 153.

Ainsi, les tribunaux qui entendent des affaires de droit de la famille et de la protection de la jeunesse peuvent tenir compte d'une quantité considérable d'éléments de preuve concernant la conduite antérieure, qui pourraient ne pas l'être par les tribunaux de droit pénal. Voilà une autre raison pour laquelle il est préférable que les tribunaux de la famille et/ou les organismes de protection de la jeunesse prennent les décisions concernant les contacts avec les enfants.

9.6.2 Conduite antérieure (droit de la famille et protection de la jeunesse) : violence mutuelle et légitime défense

Il n'est pas étonnant que dans les affaires de droit de la famille et de protection de la jeunesse (et vraisemblablement dans les affaires pénales), il soit relativement courant que l'auteur soutienne que l'incident de violence était un incident mineur isolé, que l'autre partenaire était l'instigateur de la violence et qu'il a recouru à la violence pour se défendre ou que la violence était mutuelle ou accidentelle. Pour réfuter de telles allégations, des éléments de preuve de conduite antérieure de violence conjugale peuvent être admis dans ces circonstances. Par conséquent, les avocats de droit de la famille représentant la partie ciblée devraient songer à veiller à ce que le représentant du ministère public dans l'affaire pénale connaisse les tendances antérieures aux mauvais traitements et à la violence de l'accusé.

9.6.3 Conduite antérieure : conclusion

En résumé, les tribunaux de la famille et de la protection de la jeunesse auront en règle générale accès à une quantité beaucoup plus considérable de renseignements concernant la nature et les comportements de violence conjugale que ceux qui peuvent être présentés devant un tribunal pénal. De plus, le fardeau de preuve n'est pas le même devant un tribunal pénal et devant un tribunal de la famille. En effet, la preuve devant le tribunal pénal doit être hors de tout doute raisonnable, tandis que la preuve devant un tribunal de la famille et de la protection de la jeunesse est soupesée selon la prépondérance des probabilités. Ainsi, une déclaration de non culpabilité prononcée par un tribunal pénal ne devrait pas empêcher l'examen d'éléments de preuve de violence conjugale dans un contexte de droit de la famille.

9.7 Preuve de bonne moralité

Les affaires en matière de droits de garde et de visite, ainsi que celles en matière de protection de la jeunesse sont différentes des affaires pénales en ce que les caractéristiques personnelles associées aux responsabilités parentales constituent une préoccupation fondamentale. Il n'en reste pas moins qu'une preuve de bonne réputation au sein du public à moins de poids dans certaines circonstances que dans d'autres. À titre d'exemple, dans un contexte de violence conjugale, selon les recherches en sciences sociales, le comportement calme et non menaçant en public d'un auteur de violence conjugale présumé peut ressembler très peu à son comportement en privé. La Cour d'appel de l'Ontario a expressément abordé cette question dans un contexte pénal. Dans l'arrêt R. c. Minuskin (2003), 68 O.R. (3d) 577, (2003), 181 C.C.C. (3d) 542, (2003), 180 O.A.C. 255, 2003 CanLII 11604, la Cour a reconnu que la violence conjugale était [TRADUCTION] « souvent commise par des personnes qui avaient par ailleurs une bonne moralité et un bon jugement ».

9.8 Attitude de la victime/du témoin

Tous les avocats œuvrant dans les domaines du droit de la famille, de la protection de la jeunesse et du droit pénal (avocats du ministère public et de la défense) voudront garder à l'esprit la nécessité d'être prudents lors de l'interprétation de l'attitude de ceux qui soutiennent être des « victimes » dans les affaires de violence conjugale. Comme cela a été discuté au paragraphe 4.2, la violence conjugale peut susciter des réactions exagérées de surprise et de défense qui ressemblent à la colère, à l'hostilité et à l'agression.

Lorsque des témoins ont été l'objet d'une violence conjugale grave ou structurée, il y a lieu de s'attendre à de tels comportements lors du témoignage et à une telle attitude. Dans les affaires de violence conjugale, l'attitude est un élément sur lequel on ne peut surtout pas se fier.

9.9 Témoignage des enfants

Voir le paragraphe 4.6 – Obtention de renseignements auprès des enfants.

Si un enfant doit présenter un témoignage direct, il faut étudier les options possibles pour assurer le confort et la protection de la jeunesse, notamment :

Pour de plus amples renseignements, voir :

9.10 Preuve obtenue par polygraphe

Des clients demanderont parfois aux avocats du droit de la famille de présenter une preuve obtenue par polygraphe à l'appui des dénégations concernant la violence conjugale ou la maltraitance envers les enfants. Dans le contexte du droit pénal, la Cour suprême du Canada a constamment statué que la preuve obtenue par polygraphe était inadmissible parce qu'elle n'est pas digne de confiance, qu'elle est une forme de bonification du serment et d'augmentation de la crédibilité, qu'elle constitue du ouï-dire et une preuve de moralité.

Dans le contexte du droit de la famille et de la protection de la jeunesse, les décisions de première instance relatives à l'admissibilité ne sont toutefois pas uniformes. Peu de cours d'appel se sont prononcées directement sur l'utilisation de la preuve obtenue par polygraphe dans les affaires de droit de la famille. Avec cette mise en garde à l'esprit, en règle générale, les tribunaux concluent que la preuve concernant le consentement à subir un test polygraphique est pertinente et admissible, mais aucune conclusion ferme ne peut être tirée du refus de subir un tel test.

De nombreuses décisions font état (habituellement sans commentaire explicatif) du témoignage d'une partie selon lequel elle a subi et réussi un test polygraphique, mais la plupart des jugements ne mentionnent pas de témoignages d'experts présentant les résultats du test.

L'arrêt British Columbia (Director, Child, Family and Community Services) c. D.M.G., 2007 BCCA 415, est l'un des quelques arrêts en appel sur l'admissibilité de la preuve obtenue par polygraphe dans le contexte du droit de la famille. Dans cette affaire, les parents souhaitaient interjeter appel en partie au motif que la juge du procès ne les avait pas autorisés à présenter des renseignements concernant des tests polygraphiques qu'avaient subis quatre personnes qui fournissaient des soins à leur enfant et qui auraient pu les aider à réfuter des allégations de protection inadéquate de l'enfant. En refusant l'autorisation d'interjeter appel, le juge Hall a souscrit à la décision de la juge du procès, qui avait adopté le raisonnement dans l'arrêt R. c. Béland, 1987 CanLII 27 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 398, 36 C.C.C. (3d) 48, et dans la décision E.W. c. D.W., 2005 BCSC 890, 50 B.C.L.R. (4th) 345 , pour refuser d'admettre la preuve obtenue par polygraphe au motif qu'elle ne répondait pas aux exigences prévues par la loi en matière de fiabilité. Voir aussi L.D. c. Children's Aid Society of Cape Breton-Victoria, 2010 NSCA 20 (en anglais). Par ailleurs, dans l'arrêt Carrier c. Tate, 2009 BCCA 183, la Cour d'appel a approuvé l'admission du témoignage de l'expert par la cour de première instance, y compris l'affirmation selon laquelle, d'après son expérience, le consentement à subir un test polygraphique est une indication que la personne est moins susceptible d'avoir commis l'acte. La juge du procès avait cependant pris soin d'indiquer que le consentement à subir un test polygraphique ne constituait pas une preuve d'innocence. Voir aussi l'arrêt K.M.W. c. L.J.W., 2010 BCCA 572 (CanLII).

Les avocats œuvrant dans le domaine du droit de la famille souhaiteront se rappeler que les tests polygraphiques sont fondés sur un comportement à l'extérieur de la cour et contreviennent aux règles du ouï-dire puisque la personne qui subit un test polygraphique ne connaît habituellement pas la façon d'interpréter les résultats du test et qu'elle est informée des résultats par la personne qui a fait passer le test.

Bien que les préoccupations en matière de fiabilité indiquent qu'il vaudrait mieux que les tribunaux de la famille adoptent l'approche suivie par les tribunaux de droit pénal quant à l'admissibilité et à l'utilisation de la preuve obtenue par polygraphe, l'ensemble de la jurisprudence indique que les juges sont plus réceptifs à l'admission de la preuve dans les affaires de droit de la famille et de protection de la jeunesse que dans les affaires pénales.

9.11 Enregistrements audio et vidéo

9.11.1 Introduction

Les pratiques des tribunaux en ce qui a trait à l'admissibilité d'enregistrements dans le contexte du droit de la famille ne sont pas uniformes. En pratique, les enregistrements audio et vidéo ainsi que la transcription de conversations entre les parties ou entre les parties et leurs enfants sont admis et examinésNote de bas de la page 155. Même obtenus illégalement, des enregistrements sont parfois admisNote de bas de la page 156. L'admission d'enregistrements suscite néanmoins la controverse. Un certain nombre de tribunaux ont refusé de tels éléments de preuve, invoquant avec force les questions liées à la protection de la vie privée et la nature clandestine de l'obtention des éléments de preuveNote de bas de la page 157. En effet, au paragraphe 12 de l'arrêt Sordi c. Sordi, 2011 ONCA 665, la Cour d'appel de l'Ontario souscrit à une [TRADUCTION] « saine politique générale qui vise à décourager l'utilisation de conversation enregistrée clandestinement dans les instances en droit familial ».

9.11.2 Enregistrements dans un contexte de violence conjugale

Il faut se reporter au paragraphe 5.8 en ce qui concerne les messages textes des téléphones cellulaires, les courriels et le contenu des ordinateurs.

Dans un contexte de violence conjugale, les tentatives d'un conjoint violent visant à présenter des enregistrements audio ou vidéo obtenus clandestinement peuvent en réalité constituer une preuve de surveillance continue, de harcèlement criminel ou de surveillance du parent ciblé ou une preuve de tentative de « mise en situation fâcheuse » du parent ciblé à des fins tactiques dans le cadre du litige. Dans de telles circonstances, les avocats du droit de la famille s'opposant à la présentation d'enregistrements pourraient souhaiter communiquer avec la police en lien avec la possibilité d'une enquête criminelle (par exemple, pour une infraction en matière d'atteinte à la vie privée).

Par ailleurs, des enregistrements audio et vidéo peuvent étayer une preuve de violence conjugale continue ou de pratiques parentales inadéquates (par exemple, lorsque l'enregistrement montre le dénigrement de l'autre parent devant l'enfant). Sous réserve des limites mentionnées ci après, de tels enregistrements peuvent également aider à l'évaluation de la crédibilité.

Il y a lieu de prendre en compte l'aspect relatif au contrôle du contenu. La personne qui fait les enregistrements, contrairement à la personne enregistrée, exerce un contrôle sur des éléments comme le moment de l'enregistrement, les circonstances de l'enregistrement, ses propres réactions et le choix du contenu à inclure ou à exclure. Ainsi, dans Borstein c. Borstein, 2002 BCSC 479, le juge Ralph a refusé d'accorder quelque poids que ce soit à un enregistrement audio, soulignant que le père était dans une situation de contrôle lorsqu'il a réalisé l'enregistrement. Voir aussi : Zinyama-Mubili c. Mubili, 2010 ONSC 3928 (CanLII), au paragraphe 26; F.J.N. c. J.L.N. (2004), 9 R.F.L. (6th) 446, 2004 CanLII 6247 (C.S. Ont.); Norland c. Norland, 2007 CanLII 20786 (C.S. Ont.); L.N. c. D.E.N., 2006 CanLII 42602 (C.S. Ont.).

Toutefois, dans les circonstances particulières de l'arrêt L.S. c. Alberta (Child Youth and Family Enhancement Act, Director), 2009 ABCA 10, 446 A.R. 135, la Cour d'appel de l'Alberta a confirmé la décision du juge du procès d'admettre une preuve vidéo et d'y accorder un poids considérable, malgré des préoccupations concernant la possibilité selon laquelle le parent présentant la preuve ait pu retoucher la vidéo. Malgré ce problème, la Cour avait de sérieuses inquiétudes concernant la présentation d'un comportement sexuellement inapproprié de la part de la mère en présence des enfants.

La preuve concernant les circonstances de l'enregistrement est particulièrement importante dans les affaires de violence conjugale afin d'identifier les cas dans lesquels le conjoint violent a volontairement provoqué l'autre parent immédiatement avant l'enregistrement ou ceux dans lesquels il a trafiqué la preuve. Voir par exemple M.(L.V.J.) c. M.(D.L.), 2005 BCSC 995 aux paragraphes 126 et 127.

Certains tribunaux imposent des conditions en matière d’admissibilité, outre la pertinence et la valeur probante, comme la preuve d’authenticité et l’absence de modification, la présentation de l’enregistrement complet et l’identification de la voix : D.(W.L.)  c . D.(R.C.), 1999 SKQB 178 aux paragraphes 14 à 20. Mais voir également L.S.  c . Alberta (Child Youth and Family Enhancement Act, Director) (en anglais), 2009 ABCA 10 (CanLII).

Sous réserve des mises en garde qui précèdent concernant le harcèlement sexuel et la surveillance de la part du conjoint violent et l’examen des circonstances, la preuve provenant d’enregistrements audio ou vidéo d’échanges entre parents ou entre parents et enfants peut, à l’occasion, offrir une preuve précieuse concernant des questions comme la manipulation d’un enfant par un parent, le dénigrement d’un parent par l’autre, les pratiques parentales préjudiciables, l’intimidation continue, le harcèlement criminel, les menaces ou la surveillance. À titre d’exemple voir : Caparelli c. Caparelli, 2009 CanLII 73655 (C.S. Ont.); Re I.S. (en anglais), 2007 ABPC 2; L.S. c. Alberta (Child, Youth and Family Enhancement Act, Director (en anglais), 2009 ABCA 10. Les enregistrements vidéo peuvent également montrer l’étendue du préjudice qu’a causé la violence conjugale sur les enfants. À titre d’exemple voir l’analyse détaillée de la juge N. Flatters concernant une preuve magnétoscopique dans Re I.S., 2007 ABPC 2.

9.11.3 Enregistrements audio et vidéo : du contexte du droit de la famille au contexte du droit pénal

Les avocats œuvrant dans le domaine du droit de la famille représentant des clients qui cherchent à faire admettre des enregistrements ou à opposer leur admission ne voudront pas oublier les répercussions possibles de tels enregistrements dans un contexte de droit pénal. Ils souhaiteront examiner la question de savoir si un tel élément de preuve pourrait devenir un élément de preuve de harcèlement criminel en vertu de l'article 264 du Code criminel ou la preuve de l'interception non autorisée de communications privées en vertu de l'article 184 du Code.

9.12 Tentative de strangulation

Les avocats œuvrant dans le domaine du droit de la famille qui se retrouvent en présence d'une déclaration de non culpabilité dans une affaire pénale de violence conjugale, dans laquelle l'accusation concernait une tentative de strangulation, voudront garder à l'esprit et, si nécessaire, présenter au tribunal de la famille les renseignements pertinents se rapportant aux signes médicaux de la strangulation.

La strangulation est une méthode courante d'homicide d'un conjoint (avec l'homicide au moyen d'une arme à feu ou d'un couteau). La tentative de strangulation antérieure est fortement associée au risque d'une issue fatale (voir la partie 7). Des recherches médicales nous indiquent que des « victimes » peuvent mourir par strangulation sans la présence d'une seule marque physique. Les signes physiques externes deviennent visibles dans environ seulement 50 % des cas. De plus, les signes physiques de strangulation peuvent nécessiter plusieurs heures avant d'apparaître. Enfin, la mort par strangulation peut survenir après plusieurs jours ou même plusieurs semainesNote de bas de la page 158.

Les avocats œuvrant dans le domaine du droit de la famille représentant des clients qui soutiennent avoir fait l'objet de tentatives de strangulation, mais dont l'auteur des tentatives a été déclaré non coupable devant un tribunal pénal, voudront garder ces questions à l'esprit lors de la présentation de renseignements concernant les tentatives de strangulation devant le tribunal de la famille. Il en est ainsi plus particulièrement lorsque l'accusé dans l'affaire pénale a été déclaré non coupable parce que le ministère public n'a pas présenté de preuve médicale ou parce qu'un témoin a déclaré que le cou de la cliente ne portait aucune marque après la tentative de strangulation alléguée. Il est souhaitable de présenter le témoignage d'un expert médical.

9.13 Éviter les ententes et les ordonnances contradictoires : rappel

Les avocats du ministère public, de la défense et ceux œuvrant dans le domaine du droit familial et de la protection de la jeunesse peuvent éviter les ententes et les ordonnances contradictoires en veillant à ce que les ententes et les ordonnances soient communiquées d'un système juridique à l'autre, à ce que les conditions des ententes conclues et des ordonnances prononcées dans chacun des systèmes de justice soient compatibles avec les conditions des ententes conclues et des ordonnances prononcées dans les autres systèmes juridiques et à ce que les ordonnances prononcées et les ententes conclues dans chaque secteur tiennent compte de l'incidence que pourraient avoir les conditions de ces ententes et ordonnance sur les clients qui font l'objet de procédures dans d'autres systèmes juridiques.