Réponse du gouvernement au quinzième rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne

Responsabilité des personnes morales

Novembre 2002

Modèle canadien actuel

Il ne fait aucun doute que les personnes morales sont passibles d'une poursuite au criminel en vertu du droit canadien en vigueur. Aux termes du Code criminel, sont visés par le terme « personne », les corps publics, les personnes morales, sociétés et compagnies. [9] Selon le document sur la détermination de la peine présenté au Comité permanent par Mme Puri, professeure, en 1999-2000, en Ontario, 58 compagnies ont été déclarées coupables d'avoir commis une infraction au Code criminel et les tribunaux leur ont infligé des amendes allant de 175 $ à 175 000 $.

À l'heure actuelle au Canada, selon l'approche relative à la responsabilité des personnes morales, l'individu qui a perpétré l'infraction doit être l'âme dirigeante de la personne morale et avoir l'intention criminelle requise pour qu'il y ait responsabilité de la personne morale. En réalité, la personne morale et son âme dirigeante se confondent, mais la responsabilité d'une personne morale par rapport aux actes de son âme dirigeante comporte certaines limites. Le principe de l'identification ne s'applique que lorsque la Couronne établit que l'acte fautif de l'âme dirigeante :

  1. s'inscrit dans le domaine d'activités qui lui a été confié;
  2. ne constitue pas tout à fait une fraude à l'égard de la personne morale;
  3. a été en partie bénéfique pour la personne morale, que ce soit volontairement ou par résultat. [10]

Dans l'arrêt Rhône(Le) c. Peter A.B. Widener (Le), la Cour suprême a précisé la notion d'âme dirigeante : Le facteur clé qui permet de distinguer les âmes dirigeantes des employés ordinaires est la capacité d'exercer un pouvoir décisionnel sur les questions de politique générale de la personne morale, plutôt que le simple fait de mettre en œuvre ces politiques …. [11]

Propositions de réforme antérieures

Au Canada, la responsabilité criminelle des personnes morales a été examinée à plusieurs reprises dans le but de réformer le droit dans le contexte de l'examen des principes de base de la responsabilité pénale. Il y a eu notamment le rapport de 1987 de la Commission de réforme du droit du Canada, de même qu'une étude préparée par le sous-comité du Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général de la Chambre des communes en 1993.

Au mois de juin 1993, en réponse au rapport du sous-comité, le gouvernement a déposé un livre blanc sous forme d'avant-projet de loi intitulé : Propositions de modification du Code criminel (principes généraux). L'avant-projet de loi visait notamment la responsabilité criminelle des personnes morales.

En novembre 1994, le ministre de la Justice d'alors a publié les documents : Projet de réforme de la Partie générale du Code : document de consultation, suivi du document Pour une nouvelle codification de la partie générale du Code criminel du Canada - Options de réforme qui proposaient les options qui avaient été élaborées par suite des observations transmises au ministère de la Justice après la publication du livre blanc. Une option proposait que le Code criminel prévoie qu'une personne morale est responsable des actes, prises ensemble, de ses représentants quel que soit le niveau du poste qu'ils occupaient au sein de l'entreprise.

Selon le livre blanc, une personne morale serait tenue responsable des actes de ses « représentants », savoir ses administrateurs, dirigeants, employés, membres ou mandataires. S'il s'agissait d'une infraction de négligence criminelle ou de négligence, il ne serait pas nécessaire de trouver une personne qui n'avait pas fait preuve de diligence raisonnable. La personne morale serait responsable du fait que, collectivement, ses cadres n'avaient pas fait preuve de diligence raisonnable. Quant aux infractions qui exigeaient l'intention criminelle ou l'insouciance, les représentants qui avaient l'intention requise devaient avoir le pouvoir exprès ou tacite de diriger, gérer ou contrôler les activités de la société dans le domaine concerné.

Les sociétés ont critiqué les propositions du livre blanc qui mettait de l'avant la doctrine de la responsabilité du fait d'autrui puisque la personne morale serait responsable des actes de ses mandataires même si elle n'était pas au courant et même si l'acte contrevenait aux instructions données. En outre, le fait de morceler la perpétration de l'infraction entre plusieurs représentants semblait aller à l'encontre de la règle habituelle selon laquelle il n'y a de turpitude morale dans une infraction de mens rea que si la personne qui a perpétré l'actus reus est également celle qui a l'intention requise.