Besoins en matière d'aide juridique, de conseillers parajuridiciaires et de services de vulgarisation et d'information juridiques au Yukon : Rapport définitif

4.  Conseillers parajudiciaires

4.  Conseillers parajudiciaires

4.1 Structure

En 1993, le gouvernement fédéral, le gouvernement du Territoire du Yukon et le Conseil des Indiens du Yukon (CIY) ont conclu un Accord-cadre définitif, après quoi quatre Premières nations ont signé cinq accords définitifs individuels en 1995. L'Accord-cadre sert de fondement au règlement des revendications territoriales de chacune des 14 Premières nations du Yukon et à la négociation, avec ces Premières nations, d'accords d'autonomie gouvernementale leur octroyant notamment certaines compétences législatives au chapitre de l'administration de la justice.

Avant 1995-1996, le CIY administrait le programme des conseillers parajudiciaires pour le Territoire du Yukon. En vertu du transfert de certaines fonctions de justice, les Premières nations ont pris la relève du CIY et de son successeur, le Conseil des Premières nations du Yukon (CPNY), pour l'administration des services des conseillers parajudiciaires dans leurs collectivités respectives. Ce changement signifie, d'une part, que les collectivités supervisent maintenant le recrutement et le travail des conseillers parajudiciaires et que, d'autre part, du point de vue de la justice territoriale, la vision du rôle des conseillers parajudiciaires et de leurs besoins en matière de formation est moins uniforme que dans la première moitié des années 1990.

Le tableau 8 présente les communautés qui ont actuellement des conseillers parajudiciaires. Le CPNY a le programme le plus important, avec un gestionnaire et deux conseillers parajudiciaires à plein temps à Whitehorse, qui servent également six collectivités éloignées. D'autres collectivités ont des conseillers parajudiciaires à temps partiel, dont deux qui coordonnent aussi les services de justice communautaire. Un conseiller parajudiciaire travaille, en outre, à mi-temps à Carmacks, à Pelly et à Mayo.

Tableau 8
Lieux de travail des conseillers parajudiciaires dans le Territorie du Yukon
Conseil administratif ou Première nation Nombre de conseillers parajudiciaires Collectivités servies
Conseil des Premières nations du Yukon 2 plus un gestionnaire Whitehorse, Kwanlin Dun, Haines Junction, Beaver Creek, Burwash, Teslin, Carcross
Conseil des Tutchones du Nord 0,5 Carmacks, Pelly, Mayo
Nation Tr'ondek Hwach'in Han 0,5 (l'autre moitié du poste comme coordonnateur des services de justice communautaire) Dawson City
Conseil tribal kaska 1 Watson Lake
Conseil Dena de Ross River .5 (l'autre moitié du poste comme coordonnateur des services de justice communautaire) Ross River
Première nation des Gwitchin Vutnut 0,5 Old Crow

4.2 Contributions fédérales et territoriales

Le tableau 9 montre la répartition des contributions fédérales et territoriales aux programmes de conseillers parajudiciaires. La parité est beaucoup plus grande entre ces contributions que pour celles des services d'aide juridique (YLSS), présentées au tableau 4. Sauf pour l'année 2000-2001, la contribution fédérale est restée pendant les huit dernières années à environ 50 % du total des contributions.

Tableau 9
Contributions fédérales et territoriales aux programmes de conseillers parajudicaires
Année financière Contribution fédérale Contribution territoriale Total
1994/1995 153 400 (50 %) 153 300 (50 %) 306 700 (100 %)
1995/1996 138 800 (50 %) 138 900 (50 %) 277 700 (100 %)
1996/1997 164 200 (51 %) 158 000 (49 %) 322 200 (100 %)
1997/1998 165 000 (47 %) 185 900 (53 %) 350 900 (100 %)
1998/1999 170 800 (50 %) 170 700 (50 %) 341 500 (100 %)
1999/2000 171 500 (51 %) 167 000 (49 %) 338 500 (100 %)
2000/2001 136 100 (40 %) 204 800 (60 %) 340 900 (100 %)
2000/2001 136 100 (40 %) 204 800 (60 %) 340 900 (100 %)

Source : Ministère de la Justice, GTY.

4.3 Rôle des conseillers parajudiciaires

Selon les collectivités, les compétences et l'assurance des conseillers parajudiciaires, le mode de fonctionnement des avocats de la défense et les relations qu'ils entretiennent avec les conseillers parajudiciaires, le rôle de ces derniers peut inclure un ou plusieurs des éléments suivants :

Les répondants de la profession juridique (avocats salariés et du secteur privé, juges, avocats de la Couronne) apprécient certainement les fonctions de liaison qu'assument les conseillers parajudiciaires. Ils émettent cependant des réserves importantes au sujet de leurs fonctions judiciaires, en particulier en ce qui concerne les plaidoyers et notamment le fait de représenter des accusés pendant les procès. Le fait que des conseillers parajudiciaires plaident en matière de sentence suscite moins de réticences, et certains répondants estiment que le rôle des conseillers parajudiciaires pour ce qui est de recueillir des données sur les clients, les familles et les collectivités est essentiel pour l'imposition de peines efficaces, conformes à l'arrêt Gladue. Un avocat affirme même que certains clients pourraient éventuellement payer des frais pour obtenir qu'un conseiller parajudiciaire plaide en leur nom en matière de sentence, comme cela se fait déjà dans certains États américains. Cependant, les répondants insistent sur le fait que les compétences, la personnalité et l'expérience des conseillers parajudiciaires sont très variables. Les conseillers parajudiciaires eux-mêmes sont tout aussi francs au sujet des tâches par rapport auxquelles ils se sentent le moins à l'aise et ils souhaitent clairement être mieux formés.

Si le rôle des cours des juges de paix est élargi comme prévu entre les circuits et/ou juste avant (voir la section 5.0), les conseillers parajudiciaires seront peut-être appelés à assumer plus de fonctions judiciaires. Il deviendrait alors encore plus urgent de répondre à leurs besoins en matière de formation.

4.4 Données sur les clients

Avec plus ou moins d'uniformité, les conseillers parajudiciaires établissent chaque mois des données agrégées sur les caractéristiques démographiques des clients, leurs condamnations antérieures, les types d'accusations portées contre eux et les dépenses relatives au temps des conseillers parajudiciaires. Comme le montrent les remarques du tableau 10, les données soumises au ministère de la Justice du Yukon (et/ou figurant dans ses dossiers) sont incomplètes, manquent d'uniformité ou sont tout simplement inexistantes pour certaines localités. Elles semblent toutefois complètes dans le cas de Whitehorse. Ainsi, on ne dispose d'aucune donnée pour Ross River et Old Crow. Le manque d'uniformité des données relatives aux autres localités s'explique en partie par le roulement du personnel (qui entraîne des périodes d'inactivité) et par le fait que l'activité se concentre sur les mois de circuits. Cependant, dans certains cas, il manque tout simplement des rapports.

Le principal inconvénient de ce manque d'uniformité dans la collecte de données est que les totaux globaux sont sous-évalués. Cette sous-évaluation est probablement de l'ordre de 5 % à 15 %, puisque l'absence de données concerne généralement de petites localités. Il convient également de souligner que les données portent sur les contacts avec les clients plutôt que sur les clients eux-mêmes, ce qui signifie que le nombre réel de clients est inférieur mais inconnu. Les données sont plus utiles pour décrire des proportions relatives que des chiffres globaux.

Voici quelques observations générales au sujet des tableaux 10 à 13 :

Tableau 10
Caractéristiques démographiques des clients ayant bénéficié de l'assistance de conseillers parajudiciaires
  1999-2000 2000-2001 2001-2002
Nombre % Nombre % Nombre %
Adultes
Hommes 776 75 % 781 71 % 1368 74 %
Femmes 262 25 % 312 29 % 479 26 %
Total 1038 100 % 1093 100 % 1847 100 %

Jeunes
  1999-2000 2000-2001 2001-2002
Nombre % Nombre % Nombre %
Hommes 102 53 % 117 54 % 147 60 %
Femmes 92 47 % 100 46 % 96 40 %
Total 194 100 % 217 100 % 243 100 %

Deux groupes combinés
  1999-2000 2000-2001 2001-2002
Nombre % Nombre % Nombre %
Hommes 878 71 % 898 67 % 1515 72 %
Femmes 354 29 % 412 33 % 575 28 %
Total 1232 100 % 1310 100 % 2090 100 %

Remarques :

  1. Source des données : agrégat des relevés statistiques mensuels soumis au ministère de la Justice du Yukon. Les chiffres portent sur les contacts avec les clients plus que sur les clients eux-mêmes. Si les clients sont vus plusieurs fois, il se peut qu'ils soient aussi comptés plusieurs fois.
  2. Comme les données n'étaient pas uniformes pour plusieurs endroits, les chiffres globaux ne peuvent pas être considérés comme fiables. Cependant, les proportions relatives sont jugées relativement exactes.
  3. Pour 1999-2000, le Ministère a regroupé les données pour l'ensemble du Yukon, mais sans préciser les endroits ou les mois.
  4. Les données disponibles pour 2000-2001 sont les suivantes : Whitehorse - tous les mois. Trondek Hwetchin - de mars à juin 2000, d'octobre à mars 2001. Tutchones du Nord (Mayo, Pelly, Carmacks) - de mai à août 2000, octobre 2000, de décembre à mars 2001. Carcross - mai, juin et novembre 2000. Teslin - mai 2000. Première nation de la Liard (Watson Lake) - d'octobre 2000 à mars 2001. Haines Junction - septembre et novembre 2000.
  5. Les données disponibles pour 2001-2002 sont suivantes : Whitehorse - tous les mois. Teslin - juillet et octobre 2001. Carcross - juin, septembre et novembre 2001. Première nation de la Liard (Watson Lake) - d'avril à septembre 2001. Haines Junction/Burwash - mai, juillet et septembre 2001.

4.5 Supervision, communications, coordination et formation

Dans l'ensemble, les avocats de la défense et les conseillers parajudiciaires qualifient leurs rapports de positifs. Cependant, il n'existe pas de rapport de supervision entre ces deux groupes. Si les avocats renseignent ou conseillent les conseillers parajudiciaires, c'est généralement à la suite d'une demande par opposition à volontairement. En outre, la plupart des répondants de la profession juridique ne savent pas quelle formation reçoivent les conseillers parajudiciaires, le cas échéant.

La plupart de ces répondants se déclarent convaincus qu'une coordination plus structurée est souhaitable entre les conseillers parajudiciaires et la YLSS. Il n'en a pas été officiellement question dans les entrevues avec les conseillers parajudiciaires, mais il est clair que la structure communautaire d'administration et de prestation des services des conseillers parajudiciaires décrite à la section 4.1 est née de solides convictions politiques relatives au contrôle culturel et communautaire. Il est donc probable que toute tentative visant à réduire l'indépendance, réelle ou ressentie comme telle, des conseillers parajudiciaires dans leur rôle communautaire rencontrerait une certaine résistance.

La conviction qu'il faut former davantage les conseillers parajudiciaires que partagent les avocats et les conseillers parajudiciaires eux-mêmes, serait un meilleur point de départ à une collaboration plus étroite. C'est également ce qui ressort des discussions du groupe de réflexion, pour qui la formation des conseillers parajudiciaires est un besoin prioritaire. La formation annuelle est généralement coordonnée, pour l'ensemble des conseillers parajudiciaires, par le bureau chargé de leurs services à Whitehorse, et elle porte sur des sujets considérés d'utilité générale. Cette année, les fonds alloués à la formation ont été mis en commun afin de permettre à la plupart des conseillers parajudiciaires d'assister aux conférences de mars de la National Aboriginal Courtworkers Association, dont les trois derniers jours étaient consacrés à la formation. Un conseiller parajudiciaire du bureau de Whitehorse assiste également aux séances de formation annuelles destinées aux juges de paix. Les conseillers parajudiciaires des localités éloignées y ont également été invités, mais apparemment, ils n'ont pu y participer faute de fonds pour se déplacer. En outre, le bureau de Whitehorse offre des stages de jumelage et d'observation gratuits d'une semaine aux nouveaux conseillers parajudiciaires des localités éloignées, mais il n'a ni le mandat, ni les fonds nécessaires pour mettre en place des programmes de formation plus structurés.

Plusieurs répondants proposent que les conseillers parajudiciaires soient formés et accrédités pour effectuer diverses tâches d'assistance devant les tribunaux, soit par niveau (p. ex., conseillers parajudiciaires de niveau 1, 2 et 3), soit par fonctions (p. ex., plaidoyers en matière de sentence, négociation de plaidoyer, enquêtes concernant la libération provisoire). Cette formule permettrait de préciser pour quels rôles judiciaires ces conseillers sont formés (par opposition aux rôles de liaison décrits à la section 4.3). Les autres personnels de la justice les croiraient plus capables s'assumer ces rôles, et les conseillers parajudiciaires eux-mêmes se sentiraient plus encouragés et plus reconnus. Cette formation serait également utile dans les périodes de transition du roulement de personnel. Un nouveau conseiller parajudiciaire remplaçant un collègue de niveau 2 ou 3 pourrait commencer au niveau 1. Cette désignation aiderait à limiter les attentes relativement aux activités qu'il pourrait effectuer, réduirait les pressions l'incitant à aller au-delà de ses compétences et lui laisserait le temps de se perfectionner avant de suivre une formation pour accéder à un niveau supérieur.

Dans le groupe de réflexion qui a participé à la présente étude, il a aussi été question de la possibilité que les avocats de la Couronne et/ou les avocats de l'aide juridique forment périodiquement (p. ex., une fois par trimestre) les conseillers parajudiciaires de leur localité. Cette approche pourrait être associée à d'autres formules, mais elle aurait l'avantage de répondre à des besoins particuliers et au niveau de compétence de chaque conseiller parajudiciaire. Cette solution serait réalisable si les avocats de la Couronne et les avocats de l'aide juridique se rendaient la veille dans les localités des circuits.

La mise en place d'un programme de formation systématique devrait également s'accompagner d'une vision commune plus claire du rôle que devraient jouer les conseillers parajudiciaires. Là encore, la tâche sera complexe, car les Premières nations ont peut-être chacune leur propre vision de ce rôle. Certains conseillers parajudiciaires se sentent déjà tenus de répondre aux demandes de renseignements des justiciables qui ne sont pas représentés par un avocat, tant au criminel qu'au civil, et qui n'ont pas droit à l'aide juridique. Si les cours des juges de paix intensifient leurs activités à l'avenir et qu'il n'y a pas de ressources pour l'aide juridique ou les conseils d'un avocat de service à ce niveau, il pourrait y avoir plus de pression sur les conseillers parajudiciaires pour qu'ils répondent aux demandes d'assistance devant les tribunaux.