La reconnaissance préalable de culpabilité

Terminologie

La « négociation de plaidoyer » est un sujet dont il a été beaucoup discuté au cours des dernières décennies. Au Canada, le débat a surtout porté sur la nature exacte du procédé et sur l'appellation qu'il convient de lui donner[1]. En 1975, la Commission de réforme du droit du Canada définissait la négociation de plaidoyer comme « toute entente en vertu de laquelle l'accusé consent à plaider coupable, en échange de la promesse d'un avantage quelconque »[2]. Mais on vit apparaître au fil des ans d'assez fortes réticences à l'égard d'une expression qui donnait à entendre que la justice pouvait s'acheter. Cela conduisit à favoriser des expressions plus neutres comme « discussions sur le plaidoyer », « ententes sur le plaidoyer » ou « discussions de règlement ». Cette évolution de la terminologie correspond d'ailleurs à une évolution du mécanisme lui-même, puisque ce dernier recouvre bien d'autres choses que la simple reconnaissance de culpabilité en échange d'une réduction de peine. Quoi qu'il en soit nous utiliserons surtout pour les fins de ce texte l'expression « reconnaissance préalable de culpabilité ». Il convient toutefois de noter que celle-ci reste assez vague et a à peu près le même sens que les autres termes précédemment mentionnés.

La reconnaissance préalable de culpabilité, nous l'avons dit, englobe en fait plusieurs types de discussions, dont celles sur les accusations, sur la procédure, sur la peine ou sur les faits reprochés, ainsi que celles visant à restreindre le nombre de questions en litige afin d'accélérer les procédures. Les discussions considérées se déroulent entre l'avocat de la poursuite et celui de la défense, mais le juge peut à l'occasion avoir à y prendre part.

Les discussions sur les accusations peuvent porter sur les sujets suivants :

Les discussions sur la procédure peuvent avoir notamment pour objet les questions suivantes :

Les discussions sur la peine peuvent quant à elles avoir pour objet d'en arriver à un accord avec la poursuite pour qu'elle :

Lorsque la personne poursuivie reconnaît sa culpabilité, la poursuite devrait informer le juge qui prononcera la peine des faits qui auraient pu être prouvés si l'affaire avait donné lieu à un procès. Pour que le tribunal homologue la reconnaissance de culpabilité, l'accusé doit reconnaître la réalité des faits qui lui sont reprochés et ceux-ci doivent être suffisants pour constituer au regard de la loi l'infraction dont il s'agit. Les discussions sur les faits peuvent notamment donner lieu à un accord selon lequel les parties utiliseront une déclaration de faits conjointe ou la poursuite renoncera à faire état de faits gênants ne présentant qu'un intérêt secondaire pour les fins de l'accusation.

Une affaire devant être déférée au tribunal peut également donner lieu à des discussions qui, cette fois, viseront à restreindre les points en litige[11]. Il convient de rappeler qu'au Canada, la charge de la preuve repose entièrement sur la poursuite. Celle-ci doit établir hors de tout doute raisonnable la réalité des faits imputés à l'accusé. Ce dernier n'a pas à démontrer son innocence. Le procès pénal peut donc être long et exigeant. Des discussions peuvent être engagées avec la défense afin d'amener celle-ci à faciliter la tâche de la poursuite en reconnaissant certains points juridiques. Au nombre de ces points peuvent figurer des questions non contestées, telles que la compétence du tribunal, l'identité de l'auteur des faits ou le caractère volontaire des déclarations que l'accusé a effectuées aux autorités[12]. Exceptionnellement, par exemple dans le cas d'une demande visant à exclure certains éléments de preuve, la défense peut être requise par la loi de prouver ce qu'elle avance[13]. C'est alors à la poursuite qu'il appartiendra de faire s'il y a lieu des concessions dans l'intérêt de la célérité des procédures. Les discussions peuvent enfin avoir pour objet de s'entendre sur les personnes qu'il ne sera pas nécessaire d'appeler à témoigner lors du procès.

Tout cela pour dire que la notion de reconnaissance préalable de culpabilité est en réalité plutôt floue. Une définition qui nous semble refléter assez bien l'étendue de la méthode est celle proposée par le Directeur du service des poursuites de la province de la Saskatchewan, selon qui la reconnaissance préalable de culpabilité est :

Une méthode qui consiste pour des avocats compétents et bien informés à discuter librement des éléments de preuve relatifs à une affaire pénale en vue d'en arriver à un résultat qui servira raisonnablement les intérêts de la justice.[14]