Une étude empirique sur la maltraitance des aînés : Un examen des dossiers de la Section contre la violence à l’égard des aînés, du Service de police d’Ottawa

4. Discussion et conclusion

La présente analyse a permis de relever certaines tendances générales dans les affaires examinées par les enquêteurs entre 2005 et 2010. En particulier, chez les personnes accusées de maltraitance des aînés, les femmes étaient légèrement plus nombreuses que les hommes (52% de femmes en comparaison avec 48% d’hommes). Cette constatation contraste avec les plus récentes données de Statistique Canada sur la criminalité chez les femmes, qui indiquent qu’en 2009 les femmes représentaient moins du quart (22%) des accusés d’âge adulte (pour tous les types d’infractions).Note de bas de la page 23

Chez les victimes, la proportion des femmes était plus élevée que celle des hommes (70% des victimes étaient des femmes). Cela contraste avec les données policières sur les victimes de la criminalité, selon lesquelles les femmes représentaient à peu près la moitié des victimes en 2010 (pour tous les types de crimes).Note de bas de la page 24 Ce résultat est probablement attribuable au fait que les femmes constituent un segment disproportionné de la population aînée (particulièrement au sein des groupes d’âge les plus élevés). En fait, selon les données du recensement de 2006, les femmes représentent plus de 69% des personnes âgées de 85 ans ou plus, 58% des personnes âgées de 75 à 84 ans, et de 52% des personnes ayant de 65 à 74 ans. De plus, la recherche indique que les hommes hésitent à signaler la maltraitance des aînés, et ce, pour diverses raisons. Les hommes ne se voient pas comme étant des victimes; ils ont honte; ils souhaitent demeurer avec leurs familles; et les hommes sont plus fréquemment abandonnés que les femmes.Note de bas de la page 25

Il convient de noter que seule une faible proportion d’enquêtes menées par la police d’Ottawa a abouti au dépôt d’accusations (17%). En comparaison, Statistique Canada signale que la proportion des enquêtes menées par la police qui ont entraîné des accusations en 2010 était de 26%.Note de bas de la page 26 Selon des policiers qui travaillent sur le terrain, la volonté de maintenir les relations familiales, les craintes et angoisses liées à l’institutionnalisation et à la perte d’autonomie, ainsi que des facteurs tels que la dépendance financière, l’invalidité ou la maladie sont des facteurs qui peuvent expliquer la faible proportion des affaires de maltraitance des aînés qui mènent au dépôt d’accusations. De plus, la nature de bon nombre des incidents de maltraitance des aînés est telle qu’il serait inapproprié ou impossible de porter des accusations criminelles (p. ex., les personnes qui acceptent d’importantes sommes d’argent à titre de cadeaux). Il est également important de noter que la stratégie utilisée par la Section contre la violence à l’égard des aînés – qui consiste à accorder la priorité aux besoins de la victime (p. ex., l’aiguiller vers les services communautaires) – peut également contribuer à diminuer le nombre d’accusations qui sont portées.

La présente étude met en lumière l’importance d’obtenir des données sur les raisons pour lesquelles aucune accusation n’est portée dans des affaires de maltraitance des aînés, ainsi que sur les mesures prises par la police à titre de solutions de rechange au dépôt d’accusations. Dans de nombreux cas, aucune accusation n’a été déposée à cause de l’insuffisance de la preuve ou du refus de la victime de coopérer avec la police. De plus, les dossiers de la police indiquent que, dans la moitié des cas, il y avait des obstacles à l’enquête, dont bon nombre sont caractéristiques des affaires de maltraitance des aînés (p. ex., les troubles mentaux, les déficiences physiques). Les dossiers indiquent aussi que les policiers aiguillent souvent les gens vers des services communautaires et fournissent des conseils aux victimes, notamment au chapitre de la sécurité.

La présente étude apporte un éclairage précieux sur les caractéristiques des cas portés à l’attention de la police d’Ottawa. Les points vulnérables qui font en sorte que les aînés sont plus susceptibles d’être victimisés peuvent aussi devenir des obstacles aux enquêtes criminelles et à l’intervention du système de justice pénale. Il serait utile d’étudier davantage les obstacles auxquels font face les policiers lorsqu’ils enquêtent sur des affaires de maltraitance des aînés, car ils sont confrontés à des défis uniques dans ces affaires. Par exemple, l’ajout au personnel policier d’un spécialiste à temps plein de la maltraitance des aînés pourrait atténuer les obstacles aux enquêtes criminelles et, en même temps, libérer des agents pour faire enquête sur les facettes criminelles des affaires de maltraitance des aînés. Un autre exemple serait de veiller à ce que les organismes ressources et les programmes qui assurent un soutien et une assistance aux victimes âgées soient adéquatement financés. Enfin, il serait utile de reprendre la présente étude dans d’autres unités policières consacrées à la maltraitance des aînés à l’échelle du pays afin de vérifier si les tendances relevées dans le présent document sont propres à Ottawa ou communes aux affaires de maltraitance des aînés qui surviennent ailleurs.