Recueil des recherches sur les victimes d'actes criminels, no 4
Enquête sociale générale de 2009 sur la victimisation dans les territoires : leçons apprisesNote de bas de la page 1
- Luke Pelot, chef, Statistique du travail, Statistique Canada
- Catherine Allan, gestionnaire de projet, Enquêtes sociales générales, Statistique Canada
- Jodi‑Anne Brzozowski, chef, Enquêtes sociales générales, Statistique Canada
- Patrick St‑Cyr, méthodologiste principal, Méthodes d'enquêtes auprès des ménages, Statistique Canada
Le programme de l'Enquête sociale générale (ESG) de Statistique Canada, qui a été instauré en 1985, mène des enquêtes téléphoniques dans les dix provinces. L'Enquête sociale générale est reconnue comme un outil qui assure la collecte continue de données transversales permettant l'analyse de tendances et qui fournit de l'information sur des questions précises de politique sociale présentant un intérêt actuel ou nouveau.
En 2009, Statistique Canada a effectué le cycle de l'ESG sur la victimisation pour la cinquième fois. L'objectif de l'enquête est de recueillir auprès des Canadiens de l'information sur la nature et l'étendue de la victimisation. De plus, elle examine les facteurs de risque liés à la victimisation, les taux de signalement d'incidents à la police et les perceptions des Canadiens à l'égard de la criminalité et du système de justice pénale.
L'échantillon principal de l'enquête de 2009 était réparti dans les dix provinces, et une enquête supplémentaire a été effectuée dans les trois territoires au cours de l'automne 2009. Le présent article donne un aperçu de la stratégie de collecte des données adoptée pour le Nord, présente les résultats de l'évaluation de la qualité des données et fait des recommandations sur l'utilisation et les limites des données.
Introduction
Les gouvernements territoriaux soulignent depuis de nombreuses années l'importance d'inclure leur population dans l'ESG sur la victimisation autodéclarée. Depuis longtemps, les territoires ont dû se contenter des seules statistiques officielles provenant de la police et des tribunaux pour guider leurs décisions stratégiques en matière de justice. Outre ces sources d'information, peu de données existaient sur la nature et l'étendue de la victimisation dans le Nord.
Comme la réalisation d'enquêtes dans le Nord comporte des difficultés particulières, les collectes antérieures de données sur la victimisation ont donné des résultats modestes. Dans le but d'améliorer la qualité des données relatives aux territoires dans le cadre de l'ESG de 2009, des méthodes novatrices ont été élaborées, dont le recours à plusieurs enquêtes pour chacun des échantillons et à des entretiens particuliers là où le service téléphonique était insatisfaisant.
L'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie a nécessité la participation de partenaires internes et externes issus de divers domaines, qui ont donné des conseils sur les problèmes de méthodologie, sur l'élaboration du contenu ainsi que sur la planification et la surveillance de la collecte des données.
Contexte
Étant donné qu'il est prioritaire pour les gouvernements territoriaux de comprendre la victimisation dans les territoires, on a tenté au cours de cycles antérieurs de recueillir des données à ce sujet dans les territoires au moyen d'enquêtes pilotes. Les résultats ont varié. La collecte de données au Yukon, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest pose des difficultés uniques, et par conséquent, l'obtention d'un échantillon représentatif dans chacun de ces territoires se révèle plus difficile qu'ailleurs au Canada. Voici certaines de ces difficultés :
- service téléphonique restreint (p. ex. certaines personnes n'ont pas de téléphone conventionnel);
- fardeau de réponse élevé à cause de la faible population;
- barrières linguistiques;
- accès difficile aux petites collectivités éloignées à cause des services de transport limités et des conditions météorologiques;
- grande mobilité de la population et nombreux changements aux inscriptions téléphoniques;
- manque de fiabilité des relais de télécommunication dans certaines régions.
En 1999, l'ESG a comporté une enquête pilote visant à recueillir des données d'essai grâce à la méthode de composition aléatoire. Il s'agit de la même méthode d'échantillonnage que celle utilisée pour l'ESG dans les dix provinces. À la suite d'une évaluation détaillée des résultats, il a été recommandé de ne pas divulguer les données de cette enquête pilote portant sur les populations du Nord en raison du biais lié au sous‑dénombrement considérableNote de bas de la page 2.
Une deuxième enquête pilote a été réalisée en 2004. La collecte des données a de nouveau été effectuée par téléphone, mais pour améliorer le champ d'observation de l'enquête, l'échantillon a été composé à partir des répondants à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2003. Les données pouvaient être divulguées, sous réserve de mises en garde, mais le taux de réponse global dans chacun des territoires était inférieur à celui des provinces. En outre, les Autochtones et les personnes vivant dans les collectivités éloignées étaient sous‑représentées dans l'échantillon Note de bas de la page 3.
En prévision de l'ESG de 2009 sur la victimisation, la question de la collecte des données dans les territoires a de nouveau été examinée avec des coordonnateurs statistiques territoriauxNote de bas de la page 4, des méthodologistes de Statistique Canada, des spécialistes du domaine et de la réalisation d'enquêtes ainsi qu'avec les bureaux régionaux. À la lumière des résultats des premiers essais dans le Nord, il a été convenu qu'il fallait poursuivre les efforts en vue d'améliorer la qualité des données dans les territoires et que, pour ce faire, il fallait adopter une stratégie de listage à partir de sources multiples et réaliser des entretiens particuliers.
Aperçu de la stratégie de collecte des données
La collecte des données dans le Nord en 2004 et en 2009 a révélé que les interviews téléphoniques ne suffisaient pas pour produire des estimations fiables. Le taux de pénétration du service téléphonique est plus faible dans les territoires que dans les provinces, particulièrement au Nunavut, où au moins 20 % des ménages n'avaient pas de téléphone conventionnel en 2005.
Comme la composition aléatoire n'avait pas bien fonctionné par le passé, on a jugé qu'une base aréolaireNote de bas de la page 5 serait une meilleure approche pour obtenir une couverture d'enquête adéquate, en plus des efforts visant à communiquer avec les ménages sans téléphone. Autrement, les résultats de l'enquête risquaient d'être faussés. En outre, des entretiens particuliers seraient nécessaires en plus des interviews téléphoniques. Certaines associations inuites ont fortement recommandé de privilégier les entretiens particuliers aux interviews téléphoniques, car ils sont plus appropriés dans le Nord. C'est également ce qui s'est avéré au moment des enquêtes postcensitaires.
En 2009, la stratégie de collecte des données dans les territoires a donc consisté dans des interviews téléphoniques dans les régions où le service téléphonique était acceptable et dans des entretiens particuliers dans les autres régions. Statistique Canada, le ministère de la Justice du Canada et le Groupe de données pour la recherche sur les politiques (GDRP) ont contribué au financement de cette autre approche de collecte des données.
Population
La population cible du cycle de l'ESG dans le Nord consiste dans tous les résidents des territoires de 15 ans et plus ne vivant pas en établissement. L'enquête visait les ménages, dont un membre admissible a été sélectionné au hasard par l'application informatique, après la création de la liste, pour répondre au questionnaire.
Taille de l'échantillon
Le budget de l'ESG permet de sonder environ 25 000 personnes (interviews achevées) dans les provinces. Dans le cadre de l'ESG de 2009, les ressources permettant de sonder 1 500 personnes (interviews achevées) ont été réaffectées des provinces aux territoires. Cette cible de 1 500 enquêtés était fondée sur les résultats des cycles précédents et visait à obtenir de bonnes estimations des taux de victimisation pour chacun des territoires.
Les méthodologistes de l'ESG, de concert avec l'équipe chargée de l'enquête, ont prévu que 80 % des interviews se feraient par téléphone et les autres 20 %, en personne, les entretiens particuliers devant être menés dans les collectivités où le service téléphonique était médiocre et où les enquêtes antérieures avaient révélé un sous‑dénombrement de certaines sous‑populations.
Échantillonnage
Pour l'enquête sur la victimisation dans les territoires, on a choisi l'échantillon à partir d'une base aréolaire de ménages ayant répondu à l'ESCC de 2007‑2008 ou à l'Enquête sur la population active (EPA) de 2007‑2009. Cette décision a été prise en fonction des résultats de l'enquête pilote de 1999 sur la victimisation dans les territoires, de l'ESG de 2004 sur la victimisation dans le Nord ainsi que des constatations contenues dans le rapport A Proposed Territorial Strategy for Households préparé par le groupe de travail mixte fédéral-provincial de Statistique Canada. Ce dernier rapport a souligné que l'ESG n'avait pas donné des résultats acceptables, mais que les résultats de la deuxième phase de l'enquête par téléphone s'étaient révélés positifs. L'unité d'échantillonnage était le logement, comme dans le cas des deux enquêtes sources.
Il convient de noter qu'en raison des difficultés d'ordre opérationnel inhérentes aux régions éloignées, seules les dix collectivités les plus grandes au Nunavut ont été visées par l'ESCC. Comme l'échantillon de l'ESG est fondé en partie sur l'ESCC, il a également été limité à ces mêmes collectivités.
Entretiens particuliers et interviews
Le changement le plus important à l'ESG de 2009 dans les territoires a été d'avoir des entretiens particuliers en plus des interviews téléphoniques. Cette décision était fondée, d'une part, sur la recommandation du rapport précité selon laquelle les entretiens particuliers constituent le mode de collecte privilégié dans les territoires et, d'autre part, sur les résultats de l'enquête pilote de 2004.
Conseils des partenaires
Étant donné qu'il s'agissait d'une nouvelle approche pour l'enquête dans le Nord, on a obtenu les commentaires et les conseils de l'équipe chargée de l'enquête ainsi que ceux de partenaires au sein et à l'extérieur de Statistique Canada tout au long des phases d'élaboration, de collecte et d'exécution. Les partenaires externes étaient les principauxministères fédéraux responsables de l'élaboration des politiques, les coordonnateurs statistiques territoriaux et les intervenants du système de justice des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut. Tous ont participé aux consultations sur le contenu de l'enquête durant toute la période de l'élaboration de cette dernière.
Période de collecte des données
Selon les coordonnateurs statistiques territoriaux, la meilleure période pour la collecte des données dans le Nord était de septembre à décembre 2009. On a estimé qu'en raison des conditions météorologiques, les mois de janvier et février se prêtaient mal aux entretiens particuliers et que la période d'avril à juin n'était pas propice elle non plus à l'enquête, car bon nombre de répondants potentiels seraient partis sur les terres à ce moment-là. La collecte a donc été effectuée du 31 août au 31 décembre 2009.
Recommandations
Les principales recommandations de l'analyse qualitative de la stratégie de collecte des données comprennent les suivantes.
- Selon l'expérience de l'ESG, les enquêtes dans le Nord devraient comporter des entretiens particuliers, surtout au Nunavut où le taux de réponse a été le plus faible et où, par conséquent, peu d'estimations ont été publiables.
- On devrait envisager de prolonger la période de collecte des données pour augmenter les chances d'entrer en communication avec des répondants.
- Pour les prochains cycles sur la victimisation, les coordonnateurs statistiques territoriaux devraient participer plus tôt lors des étapes de consultation et d'élaboration du contenu. Ceci permettrait de répondre aux besoins de données pertinentes des territoires.
Analyse quantitative de l'ESG de 2009 dans le Nord
Une analyse quantitative de l'approche adoptée pour la collecte des données, des mesures de la qualité des données et de la représentativité de l'échantillon a été effectuée. Les paramètres et les mesures de la qualité des données qui ont été étudiés comprennent la répartition des interviews téléphoniques et des entretiens particuliers, les taux de réponse, de non‑réponse et de glissement, l'ajustement de la pondération pour améliorer la représentativité et le calage. Les taux de réponse des enquêtes de 2004 et de 2009 sont présentés au tableau 1.
Territoire | Nombre de réponses | Taux de réponse | ||
---|---|---|---|---|
2004 | 2009 | 2004 | 2009 | |
Yukon | 450 | 355 | 66,1 % | 54,4 % |
T.N.-O. | 595 | 536 | 62,8 % | 54,7 % |
Nunavut * | 245 | 203 | 44,8 % | 38,7 % |
Total | 1 290 | 1 094 | 59,3 % | 50,7 % |
*Les dix collectivités les plus grandes au Nunavut.
Voici les constatations et les recommandations sur la qualité des données ainsi que sur leur utilisation et leurs limites.
Constatations
- L'évaluation révèle que, grâce à la révision du plan d'échantillonnage et à la nouvelle approche de collecte, les données recueillies en 2009 sont en général plus représentatives de la population des territoires que celles recueillies en 2004, même si le taux de réponse a été plus faible en 2009.
- Bien que certains segments de la population se soient révélés sous‑représentés dans l'échantillon de 2009 dans les territoires, les ajustements nécessaires ont été effectués pour corriger cette sous‑représentation. Grâce à ces derniers, l'échantillonnage est dépourvu de biais lorsque les trois territoires sont regroupés.
- Grâce aux ajustements visant à corriger la sous‑représentation de certains segments de population, l'échantillonnage est dépourvu de biais au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.
- Même avec des ajustements, les dix collectivités les plus grandes au Nunavut témoignent toujours d'un certain biais d'échantillonnage causé par le faible taux de réponse et la sous‑représentation de la population inuite.
Recommandations
- Étant donné les différences importantes dans la collecte des données, la méthode d'échantillonnage et la qualité des résultats entre les enquêtes de 2004 et de 2009 dans le Nord, les résultats de ces deux enquêtes ne sauraient être comparés.
- En raison des différentes périodes et méthodes de collecte des données et de la sous‑représentation de la population inuite, la comparaison des résultats de l'ESG de 2009 dans les territoires et de l'ESG de 2009 dans les provinces ne doit être faite qu'avec circonspection.
- Des estimations sur l'ensemble des trois territoires peuvent être diffusées conformément aux lignes directrices qui ont été établies par Statistique Canada concernant la qualité et la diffusibilité.
- Des estimations sur le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest peuvent être diffusées conformément aux lignes directrices qui ont été établies par Statistique Canada concernant la qualité et la diffusibilité.
- Les estimations globales sur les dix collectivités les plus grandes au Nunavut doivent être diffusées avec circonspection en raison de la sous‑représentation de la population inuite.
- Il est recommandé, en outre, que les rapports comportant des analyses des données sur les territoires contiennent également l'énoncé suivant :
L'ESG de 2009 sur la victimisation a été effectuée au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut au moyen d'interviews téléphoniques et d'entretiens particuliers. La réalisation d'enquêtes dans les territoires, en comparaison des autres régions du Canada, comporte des difficultés particulières, comme le service téléphonique restreint, les barrières linguistiques, la grande mobilité de la population et l'éloignement de nombreuses collectivités.
La collecte des données dans les dix collectivités les plus grandes au Nunavut a été particulièrement difficile et s'est traduite par une sous‑représentation de la population inuite et des taux de réponse inférieurs à ceux obtenus au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Par conséquent, les résultats du Nunavut doivent être utilisés avec circonspection.
Conclusion
Si bon nombre des difficultés liées à la collecte des données et présentées dans ce rapport persisteront dans les territoires canadiens, il est à espérer que les leçons tirées de la collecte des données au cours de l'ESG de 2009 serviront aux prochaines enquêtes sur la victimisation et aux autres enquêtes sur les ménages dans le Nord.
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