Mieux comprendre l’établissement et l’impact des Centres d’appui aux enfants (CAE)

5. Clients et cas

Les chercheurs se sont penchés sur 1 804 dossiers de cas. Les tableaux suivants font état des résultats selon deux catégories :

  1. les victimes, et
  2. les clients (y compris les victimes, les témoins et les membres de la famille) parce qu’un site n’a été en mesure de fournir que des données globales sur l’ensemble des clients.

Renseignements démographiques

Les victimes étaient principalement de sexe féminin (67 %) (tableau 7).

Tableau 7 : Sexe des clients
Sexe VictimesNote de table **
(n=978)Note de table *
Tous les clients
(n=1782)Note de table *
n % n %
Féminin 651 67 % 1137 64 %
Masculin 327 33 % 645 36 %

Presque la moitié des victimes avaient 8 ans ou moins. L’âge moyen était de 9,4 ans (tableau 8).

Tableau 8 : Âge des clients
Âge VictimesNote de table **(n=957)Note de table * Tous les clients
(n=1715)Note de table *
n %Note de table *** n %
Moins de 6 ans 233 24 % 382 22 %
6 à 8 ans 230 24 % 428 25 %
9 à 11 ans 195 20 % 354 21 %
12 à 14 ans 185 19 % 359 21 %
Plus de 14 ans 114 12 % 192 11 %

Plus de la moitié des victimes étaient de race blanche (56 %) (tableau 9). Le deuxième groupe en importance était celui des Autochtones (17 %).

Bien que l’on ne possède pas de données sur la prestation de services d’interprétation linguistique à l’égard de 348 cas, on sait que des services d’interprétation ont été offerts à 14 clients. Dans un site, les Services d’immigration ont mis à contribution des interprètes, quoiqu’ils n’aient pas fait partie de l’équipe multidisciplinaire.

Tableau 9 : Origine ethnique des clients
Origine ethnique VictimesNote de table **
(n=928)Note de table *
Tous les clients
(n=1227)Note de table ***
n % n %
Blancs 518 55 % 715 58 %
Autochtones 162 17 % 202 16 %
Autres (c.-à-d. Asiatiques du sud, Noirs) 136 15 % 183 15 %
Inconnus 112 12 % 127 10 %

Les infractions étaient principalement de nature sexuelle (72 %) (tableau 10). Les agressions physiques constituaient le deuxième type d’infraction alléguée le plus courant (28 % des infractions).

Tableau 10 : Types d’infractions présumées
Infraction présumée VictimesNote de table **
(n=1189)Note de table *
Tous les clients
(n=2036)Note de table *
n % n %
Agression sexuelle 378 32 % 691 34 %
Agression physique 329 28 % 617 30 %
Autres (c.-à-d. contact sexuel, leurre d’enfants par Internet, invitation à des attouchements sexuels, exploitation sexuelle) 478 40 % 683 34 %
Inconnus 4 0.3 % 4 0.1 %
Sans objet 0 0 % 41 2 %

Les accusés étaient principalement des membres de la famille (64 %) (tableau 11). C’était en majorité des hommes adultes.

Tableau 11 : Relation entre l’accusé et le client
Relation entre l’accusé et la victime VictimesNote de table **
(n=966)Note de table *
Tous les clients
(n=1717)Note de table *
n % n %
Membre de la famille (parent, belle-mère/beau-père, oncle/tante, fratrie) 615 64 % 1090 64 %
Connaissance de la personne ou de la victime, mais pas un membre de la famille (c. à-d. ami, connaissance) 161 17 % 365 21 %
Inconnu de la personne ou de la victime 109 11 % 144 8 %
Autres (p. ex. frère ou sœur plus âgé d’un ami) 81 8 % 118 7 %

Les services de police et les organismes de protection de l’enfance étaient les deux sources d’aiguillage les plus courantes (ensemble ils représentaient 94 % des cas) (tableau 12). Ces données correspondent au fait que la majorité des enquêtes (71 %) étaient menées conjointement par les services de police et de protection de l’enfance.

Tableau 12 : Source d’aiguillage pour les clientsNote de table *
Source d’aiguillage Victimes
(n=645)
Tous les clients
(n=824)
n % n %
Police 396 61 % 520 63 %
Services de protection de l’enfance 209 32 % 257 31 %
Services d’aide aux victimes 9 1 % 9 1 %
Autres (varie selon le site) 26 4 % 31 4 %
Inconnue 5 1 % 7 1 %

Pendant l’étude, le type le plus courant de renseignements fournis aux clients était de l’information générale sur le système de justice (37 %), ce qui souligne l’importance du rôle du défenseur des droits des victimes pour aider les clients à s’y retrouver dans le système de justice pénale. En effet, les données des dossiers de cas révèlent que 79 % des victimes avaient reçu l’aide d’un défenseur des droits des victimes.

Tableau 13 : Type de renseignements fournis (n= 614)Note de table *
Type n %Note de table **
Renseignements généraux sur le système de justice 229 37 %
Services de counseling 223 36 %
Renseignements propres à un cas 133 22 %
Préparation à la comparution 21 3 %
Aides au témoignage 8 1 %

Pendant l’étude, le service le plus souvent offert a été l’entrevue judiciaire (obtenue par 96 % des victimes). En comparaison, seulement 11 % des victimes ont subi un examen médico-légal. Ces chiffres illustrent la disponibilité des services sur place, puisque cinq CEA offraient des entrevues judiciaires sur place, tandis qu’un seul offrait des examens médicaux sur place.

Les clients ont le plus souvent été orientés vers les services suivants à l’extérieur du site : services de counseling, de thérapie et de santé mentale (n=67), services de police, procureurs ou tribunaux (n=51) et services d’aide aux victimes, coordonnateurs des témoins des victimes et service d’indemnisation des victimes (n=33). Par conséquent, les CAE qui cherchent à accroître leur capacité sur place pourraient envisager d’offrir ces services, en particulier les services de santé mentale.

La police a porté des accusations dans 16 % des cas mettant en cause des victimes (n=160). Dans un site, voici la nature des décisions faisant suite aux accusations d’agression sexuelle : déclaration de culpabilité (n=4), plaidoyers de culpabilité (n=11, dont 10 avant le procès préliminaire) et sursis (n=7). Les décisions propres aux accusations de contacts sexuels étaient les suivantes : sursis (n=15). Les décisions liées aux accusations de voies de fait simples étaient les suivantes : plaidoyers de culpabilité (n=2, dont un avant le procès préliminaire) et sursis (n=3).

Le délai moyen entre le premier contact avec le CAE et la fermeture du dossier était de 187,7 jours, la médiane étant de 126,5 jours. Puisque les clients demeuraient en contact plus de six mois avec un CAE, le maintien en poste du personnel, en particulier le défenseur des droits des victimes qui se veut la principale personne-ressource de la famille, était essentiel au maintien de la confiance et des relations.

Entrevue et résultats du sondage

Satisfaction globale des clients à l’égard des services offerts par le CAE

« Ils [Les employés du CAE] sont un cadeau du ciel. Je suis contente qu’ils soient ici. Il est impératif que ces services demeurent disponibles. Ils sont extraordinaires. C’est comme si toute une équipe était derrière vous, même quand vous venez tout juste de rencontrer ces gens » (parent-tuteur).

Presque toutes les victimes et les parents ou tuteurs innocents ont apprécié les services reçus; ils ont indiqué qu’ils se sentaient les bienvenus et qu’ils étaient traités équitablement et sans jugement (tableau 14). Les pièces adaptées pour les enfants étaient très populaires, tout comme le fait que les policiers de quatre sites aient été habillés en civil au lieu de porter l’uniforme. Par conséquent, les victimes ne se sentaient pas sous pression : « les enfants l’aimaient beaucoup [agente de la GRC]. Elle était très amicale » (parent-tuteur).

Tableau 14 : Expériences vécues par les enfants et les adolescents victimes et les parents-tuteurs innocents dans les CAE
Expérience dans les CAE Yes
Victime Parent-tuteur innocent
n % n %
Se sentait en sécurité durant l’entrevue (n=26) 22 85 % --Note de table * --Note de table *
L’enfant se sentait en sécurité durant l’entrevue (n=64) --Note de table * --Note de table * 54 84 %
Le personnel du CAE s’arrangeait pour que vous vous sentiez le bienvenu (victime n=24) (parent-tuteur n=70) 24 100 % 66 94 %
Le personnel du CAE s’arrangeait pour que votre enfant se sente le bienvenu (n=68) --Note de table * --Note de table * 57 84 %
Le personnel du CAE était juste (ne portait pas de jugement/ouverture d’esprit) lorsqu’il vous parlait (victime n=23) (parent-tuteur n=73) 22 96 % 69 95 %
Tableau 15 : Satisfaction des parents-tuteurs à l’égard des services et du soutien offerts par les CAE
Question : Êtes-vous/avez-vous été satisfait des services de soutien suivants reçus au CAE ou par son entremise? Oui
n %
Soutien à leur égard (parents-tuteurs innocents) (n=65) 65 100 %
Soutien reçu par leur enfant (n=60) 60 100 %
Information communiquée (n=62) 56 90 %
Wait times for services (n=57) 52 91 %

Parmi les 36 victimes qui ont attribué une note globale au CAE, 83 % ont indiqué que leur expérience avait été « bonne » ou « excellente », tandis que les deux victimes qui ont indiqué que leur expérience avait été « mauvaise » provenaient du même site. L’une ne voulait pas être filmée pendant l’entrevue judiciaire tandis que l’autre craignait que le délinquant ne soit présent. Aucune victime n’a indiqué que l’expérience avait été « terrible ».

Dessins des CAE

Entrevues judiciaires

Parmi les 75 parents ou tuteurs interrogés au sujet de l’expérience de leur enfant, 91 % (68 d’entre eux) ont déclaré que leur enfant avait subi une entrevue judiciaire. Parmi les 45 parents ou tuteurs dont l’enfant avait subi une entrevue judiciaire dans un local adapté aux enfants, 76 % (34 parents ou tuteurs) ont déclaré que leur enfant était à l’aise dans le local.

Le défenseur des droits des victimes offre également du soutien aux parents ou tuteurs pendant l’entrevue judiciaire de l’enfant. On ne permet habituellement pas aux parents d’assister à l’entrevue, afin de réduire au minimum les sources de stress possible pour l’enfant et de veiller à ce que l’entrevue se déroule en terrain neutre. Puisque cela peut être stressant pour les parents ou tuteurs, le défenseur des droits des victimes les rencontre souvent avant, pendant et après l’entrevue pour leur expliquer le but et les règles de l’entrevue et pour répondre à leurs questions ou préoccupations.

Les victimes éprouvaient des sentiments contradictoires à l’égard de l’entrevue judiciaire. Bien que beaucoup d’entre elles se soient senties mal à l’aise au début, elles se sont souvent senties soulagées par la suite comme si « un poids avait été enlevé de mes épaules », d’autres étaient « bouleversées à cause de ce qui s’était passé, mais soulagées du fait que [les travailleurs du CAE] prendraient leur cas au sérieux ». Bien que la plupart des victimes aient déclaré que les gens étaient gentils avec eux pendant l’entrevue (85 %), seulement certaines personnes ont été informées de ce qui allait se passer par la suite (27 %) (Tableau 16). Les parents ou tuteurs étaient plus susceptibles que les jeunes victimes de recevoir des mises à jour sur leur cas et de savoir avec qui communiquer au CAE. Les enfants et les adolescents victimes ont déclaré vouloir plus de détails et plus d’explications.

La satisfaction des parents ou des tuteurs à l’égard des entrevues judiciaires était également mitigée. Quelques parents se sont dits déçus de n’avoir pas pu suivre l’entrevue de leur enfant :

« Je ne crois pas que c’est juste que les parents ne soient pas présents dans la salle. Je ne savais rien. Je ne savais pas comment ou sur quoi réagir après le fait...Ils doivent faire participer les parents pour déterminer ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas » (parent-tuteur).

Services les plus fréquents et les plus importants

Ce sont les parents ou tuteurs et les jeunes victimes qui ont le plus souvent reçu de l’aide du défenseur des droits des victimes. Quatre-vingt-treize pour cent des répondants ont mentionné que le soutien qu’ils ont reçu de tous les professionnels leur avait été utile. Les parents ou les tuteurs ont également mentionné que le défenseur des droits des victimes représentait le service le plus important qu’ils recevaient eux mêmes (46 %), tandis que le counseling et la thérapie constituaient les services les plus importants offerts à leurs enfants (33 %).

« [La conseillère] était excellente –formidable. Je pouvais m’ouvrir à elle, elle était une épaule sur qui je pouvais pleurer... elle comprenait et c’était facile de parler avec elle » (adolescent).

Emplacement et accessibilité des services

Les parents ou tuteurs, pour la plupart, estimaient que l’emplacement du CAE était pratique (84 %), que les services à leur égard étaient faciles d’accès (86 %), au même titre que les services offerts à leurs enfants (79 %).

Sensibilité culturelle et langues des services

La plupart des jeunes victimes (79 %) et des parents ou tuteurs (91 %) ont reçu des services adaptés à leur culture. Comme l’a expliqué un parent ou un tuteur, le directeur du CAE « comprenait notre culture et notre religion et a agi comme intermédiaire entre la famille et la Couronne ». Un autre CAE qui desservait une importante population sikhe avait embauché un défenseur des droits des victimes sud-asiatiques, initiative qu’un membre de l’équipe multidisciplinaire a qualifiée d’« importante ». Toutes les jeunes victimes et la plupart des parents ou tuteurs (98 %) ont reçu des services dans la langue de leur choix, bien qu’un parent ou tuteur était d’avis que les services auraient dû être offerts en français. Bien que le besoin de services adaptés à la culture ait été élevé parmi les CAE dans cette étude du fait qu’ils desservaient des populations diversifiées (y compris des communautés autochtones et immigrantes), ce besoin pouvait varier d’un CAE à l’autre.

Satisfaction à l’égard du système de justice pénale

Le sondage élaboré par Proactive et examiné par le Ministère pour mesurer la satisfaction des clients à l’égard du système de justice pénale n’a pas été utilisé à grande échelle. Bien que les répondants aient reçu une enveloppe de retour affranchie et adressée, un seul questionnaire a été retourné. Cela peut s’expliquer par le fait que les cas prennent tellement de temps à être traités que seules quelques personnes ont été en mesure d’exprimer leur opinion au cours de la période visée par l’étude. Le seul répondant était un parent ou tuteur d’un enfant de sept ans. Il s’est dit satisfait des renseignements fournis et de l’accompagnement au tribunal. Le représentant de la Couronne était disponible et a expliqué les rôles du parent ou du tuteur dans le processus judiciaire. L’enfant n’a pas eu à témoigner devant le tribunal et ni le parent ni l’enfant n’ont présenté de déclaration de la victime. Bien que le parent ait été satisfait de la durée du procès et de l’appui du CAE, il se disait insatisfait de la négociation de plaidoyer, de la décision du tribunal et de la peine. Le répondant a qualifié son expérience avec le CAE de « très bonne » et celle avec le processus judiciaire de « bonne ». L’enfant a déclaré qu’elle avait eu peur avant de se présenter au tribunal, mais qu’elle était heureuse par la suite.

Les entrevues auprès des clients ont permis d’obtenir des renseignements supplémentaires. Autant les parents ou les tuteurs que les adolescents victimes éprouvaient de la frustration envers le système, en particulier la longueur des enquêtes et les retards rattachés au procès qui expliquent leur stress accru.

Le système était aussi stressant pour les parents ou les tuteurs dont beaucoup d’entre eux étaient « épuisés » du fait que l’affaire « s’éternise » :
« Personne ne m’a dit que l’enquête durerait six mois. Personne ne vous parle pendant cette période. On a le sentiment que chaque semaine dure un mois. »
« Le CAE m’aide pour ma comparution devant le tribunal, mais la date ne cesse d’être reportée. Je crois que c’est beaucoup trop long » (victime).
« Le plus gros problème, c’est le système de justice pénale canadien, il a fallu tellement de temps! » (parent-tuteur).

Bien que les CAE atténuent de nombreux problèmes, ils ne sont pas conçus pour éliminer la plus grande plainte des clients : le système de justice pénale, y compris les fréquents ajournements de tribunaux. De nombreux clients estiment que des résolutions plus rapides réduiraient les difficultés : « obtenir enfin une condamnation serait le début d’un long cheminement vers la guérison » (parent-tuteur). Cependant, bien que les CAE aident aux enquêtes et à la préparation à comparaître, ils ne peuvent pas contrôler les retards ou les décisions des tribunaux. Mis à part peut-être la collecte de meilleurs éléments de preuve, les CAE ne peuvent obtenir plus de condamnations ou de peines plus sévères, et ce, même si certains chercheurs se sont penchés sur la question à savoir si la présence des CAE aboutit à de telles décisions.Note de bas de page 29 Comme un parent ou tuteur a fait observer, « [le CAE] est excellent, mais à la fin, ce n’est pas une question de gens, mais une question de système. Le système ne protège pas les enfants. » Le personnel du CAE, comme le défenseur des droits des victimes, devrait informer les clients dès le départ que, même s’il peut aider de bien des façons (p. ex. l’utilisation d’un chien à des fins thérapeutiques pour l’accompagnement au tribunal), il ne peut pas contrôler le système de justice pénale.