Victimes vulnérables et effet du traumatisme
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La réalisation d’entrevues avec des personnes ayant vécu des événements traumatiques nécessite une formation spécialisée et une attention particulière à l’effet du traumatisme sur la mémoire (McGoey, 2018; Haskell et Randall, 2019). Les entrevues judiciaires avec des victimes vulnérables doivent être menées de manière à trouver un équilibre entre les besoins de la victime et les exigences relatives à la collecte d’éléments de preuve en vue d’une poursuite pénale.
Les victimes peuvent être vulnérables pour de nombreuses raisons. Par exemple :
- La nature des crimes présumés — infractions sexuelles, infractions violentes mettant en cause des armes, infractions répétitives, notamment le harcèlement criminel, ou chronique, par exemple la maltraitance d’enfants qui dure depuis longtemps.
- Les caractéristiques démographiques de la victime — les enfants ou les personnes âgées sont plus vulnérables; le sexe peut rendre une personne plus vulnérable (p. ex., les personnes non binaires, les femmes); l’identité racisée ou autochtone; le handicap; le fait d’être un nouvel arrivant au Canada ou dans la région; l’instabilité du logement ou la pauvreté; le fait de ne pas parler la langue de la région.
- Les expériences de vie de la victime — avoir fui la violence dans un autre pays, avoir été victime de mauvais traitements dans l’enfance ou avoir déjà été victime d’un crime.
Au Canada, il existe des infractions pour lesquelles la vulnérabilité de la victime est présumée, et il s’agit souvent d’infractions fondées sur le genre, notamment les victimes d’infractions sexuelles, de violence entre partenaires intimes, de harcèlement criminel ou de traite de personnes. La vulnérabilité de la victime est également présumée dans les cas où la victime est un enfant, une personne âgée ou une personne en situation de handicap.
L’effet du traumatisme sur la mémoire
Les entrevues judiciaires peuvent être particulièrement difficiles en raison de la vulnérabilité des victimes et de l’effet du traumatisme. Au cours des dernières décennies, les recherches sur l’effet du traumatisme sur le comportement, la mémoire et les souvenirs ont amené les interviewers à tenir compte de cet effet lors de la conduite des entrevues. Après un événement traumatique, les victimes peuvent subir des changements neurologiques qui rendent difficile la remémoration des détails (Haskell et Randall, 2019; Lonsway, Hopper et Archambault, 2022). Le cortex préfrontal du cerveau est responsable des fonctions exécutives, notamment de la gestion de processus complexes comme la résolution de problèmes, le raisonnement logique, la planification et la mémoire. Lors d’un événement traumatisant, le corps produit des hormones de stress qui peuvent entraîner une perte rapide et importante des capacités cognitives préfrontales, ce qui inhibe la capacité de penser, de planifier et de réfléchir de manière rationnelle. L’amygdale, responsable du traitement des stimuli menaçants, sécrète des hormones de stress pour empêcher le corps d’effectuer des fonctions inutiles (comme la digestion), ce qui permet au cerveau et au corps de consacrer toutes leurs ressources à la défense (Haskell et Randall, 2019). Un événement traumatique peut avoir une incidence sur l’accès à la mémoire à court et à long terme et sur les parties du cerveau responsables de sécréter des hormones et d’emmagasiner des informations.
Les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre sont souvent victimes d’une personne qu’elles connaissent ou en qui elles avaient confiance. Dans un tel cas, l’événement traumatique est alarmant et menaçant, mais aussi extrêmement déroutant. Des femmes ont fait état d’une diversité de réactions émotionnelles et psychologiques lorsqu’elles ont été agressées par une personne qu’elles connaissaient et en qui elles avaient confiance (Haskell et Randall, 2019). Il existe également des mythes et des stéréotypes omniprésents sur les victimes de violence sexuelle et fondée sur le genre et sur la manière dont elles sont censées se comporter (par exemple, paraître extrêmement désemparées, vouloir éviter leur agresseur, etc.) (Groupe de travail du Comité de coordination des hauts fonctionnaires sur l’accès à la justice pour les adultes victimes d’agressions sexuelles, 2018). Lorsque ces réactions au traumatisme ne sont pas comprises par les intervenants du système judiciaire ou si ces derniers adhèrent à des mythes sur la manière dont les victimes sont censées réagir, la police ou les enquêteurs peuvent avoir l’impression que la victime est malhonnête, ce qui entraîne des difficultés supplémentaires dans le processus d’entrevue, qui peuvent finalement avoir une incidence sur la volonté de la victime de parler de l’événement. Les enquêteurs peuvent considérer le langage corporel, l’expression émotionnelle ou l’absence de contact visuel d’une personne interrogée comme des signes de malhonnêteté ou peuvent considérer un manque d’intérêt comme un manque de coopération plutôt que d’y voir les effets physiologiques et neurologiques d’un traumatisme (Lonsway, Hopper et Archambault, 2022).
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