Toutes les voix comptent : les répercussions des problèmes juridiques graves chez les jeunes de 16 à 30 ans de la communauté noire
Aperçu de la méthodologie
La collecte des données s’est déroulée en deux étapes. Les participants, qui ont été recrutés par les partenaires communautaires du ROEJ, ont d’abord été invités à remplir un sondage en ligne qui visait à recueillir des données démographiques sur leur âge et leur identité raciale autodéclarée afin de confirmer leur appartenance au groupe cible de la recherche. Le sondage comprenait également des questions démographiques axées sur l’emploi, la structure familiale, le logement et l’utilisation de produits financiers, en phase avec la section démographique de l’Enquête canadienne sur les problèmes juridiques. Les participants au sondage devaient également indiquer s’ils avaient fait face à différents types de problèmes juridiques graves au cours des trois années précédentes. Les participants qui ont indiqué avoir été aux prises avec des problèmes juridiques graves et qui satisfaisaient aux critères d’admissibilité ont été invités à participer à des groupes de discussion en ligne. Trente-quatre personnes ont répondu au sondage en ligne et, à l’exception d’une seule, toutes satisfaisaient aux critères de l’âge et de l’identité raciale. Vingt-six personnes ont participé aux groupes de discussion. Certains des répondants au sondage en ligne qui satisfaisaient aux critères d’admissibilité n’ont pas pu participer à un groupe de discussion en raison d’un conflit d’horaire. Les questions du sondage en ligne sont présentées en annexe.
Quatre séances de discussion de groupe ont été tenues en ligne au moyen d’une plateforme de vidéoconférence (Zoom). Les groupes de discussion ont réuni des jeunes qui avaient déjà participé à des programmes offerts par les organismes communautaires partenaires. Les chercheuses ont proposé des sujets de discussion organisés par thème. Cette discussion de groupe a permis d’explorer des problèmes juridiques interreliés. Elle a également permis aux jeunes qui se demandaient si ce qu’ils avaient vécu était bien un problème juridique d’entendre des expériences similaires vécues par leurs pairs. Cette méthodologie a offert aux participants la possibilité de mettre leur expérience en contexte, tout en tenant compte du fait que certains participants, en raison de leur âge ou de leur inexpérience, étaient moins à l’aise de nommer leur problème juridique ou d’en parler dans le cadre d’une discussion de groupe.
Chacune des séances de discussion a été animée par au moins deux des chercheuses. Le fonctionnement du groupe de discussion a été expliqué aux participants, qui ont également été informés que les séances seraient enregistrées. Une fois l’enregistrement commencé, on a demandé à tous les participants d’allumer leur caméra pendant la lecture de leur lettre de consentement à la participation. Après chacun des énoncés, les participants devaient signifier leur consentement de façon visuelle ou sonore. Pendant le reste de la séance, les participants étaient libres de garder leur caméra allumée ou de la fermer. Ils ont répondu aux questions de vive voix ou au moyen de la fonction de clavardage.
Considérations d’ordre éthique
La présente recherche repose sur les principes reconnus de l’éthique de la recherche. Des mesures ont été prises afin de maximiser les avantages et minimiser les préjudices (rapport risque-avantage). Nous avons veillé à obtenir le consentement éclairé des participants, à protéger leur vie privée et à éviter tout malentendu, et nous leur avons donné le droit de se retirer de l’étude à tout moment.
Notre approche était fondée sur la volonté de mieux comprendre la vie des jeunes en la mettant en contexte, mais également en prenant des mesures spéciales pour protéger leurs intérêts. Les considérations éthiques de la recherche sur l’expérience des jeunes allient les questions liées aux risques et aux avantages – qui sont courantes dans le contexte de la recherche sur les adultes – avec la nécessité d'accorder une attention accrue à l’inexpérience des jeunes au sein des systèmes et au fait qu’ils ont une connaissance limitée de leurs droits et des recours qui s’offrent à eux. Les animatrices ont mis les participants en garde contre des descriptions trop détaillées de leurs problèmes juridiques et sont intervenues pour rappeler l’importance de préserver l’anonymat des personnes concernées afin de protéger leur vie privée. Il n’y a pas eu de cas de divulgation détaillée ou d’aveux relatifs à des accusations existantes, ni d'autres situations qui auraient justifié d’intervenir immédiatement et/ou de solliciter un avis juridique.
L’équipe de recherche était prête à orienter des participants vers l'aide juridique ou des services d’assistance et d’information juridiques, en prenant les mesures requises pour protéger leurs droits. Il n’y a pas eu de cas nécessitant un renvoi à des services de soutien juridique.
Les données démographiques et les données relatives aux groupes de discussion ont été recueillies à l’aide des pseudonymes choisis par chaque participant.1 On a demandé aux participants d’utiliser leur pseudonyme pour se connecter à l’appel vidéo. Les chercheuses et les autres participants ont ensuite pu s'adresser les un(e)s aux autres en utilisant ces pseudonymes, qui s’affichaient au bas de l’écran chaque fois qu’un participant tapait un message dans la zone de clavardage. Cette approche a réduit le risque que des personnes puissent être identifiées dans le cadre de l’analyse des données et a renforcé la confiance des participants à l'égard du processus. Elle a permis de tenir des discussions s'apparentant à des conservations sans connaître ni utiliser le nom des participants.
Une série de consignes applicables aux discussions de groupe a été présentée au début de la séance puis répétée à la fin, afin de rappeler aux participants leur engagement à respecter et à protéger la vie privée des autres participants.
À la fin des séances de discussion, les participants se sont vu offrir deux avantages. Ils ont reçu une carte Amazon de 40 $, qui leur a été transmise par voie électronique dans les 24 heures. Ils ont également été informés qu’ils pouvaient assister à une séance d’éducation juridique publique du ROEJ et ainsi acquérir des connaissances qui leur permettraient de composer plus efficacement avec les conséquences graves des conflits d’ordre juridique auxquels ils font face au cours de leur vie.
Les participants potentiels ont reçu un courriel de la part du partenaire communautaire, qui contenait une fiche d’information décrivant le but de la recherche et la méthodologie utilisée. Ils ont rempli un formulaire de consentement en ligne, puis ont à nouveau signifié leur consentement, de façon visuelle ou sonore, à l'égard de chacun des énoncés du formulaire de consentement au début de la séance de discussion de groupe.
Le résumé des résultats et le rapport final ont été transmis directement aux participants ainsi qu’aux partenaires communautaires. Le résumé des résultats est présenté en annexe.
Géographie
La présente étude a été organisée avant la pandémie de COVID-19 et devait, à l’origine, porter uniquement sur des participants de la région de Toronto, pour des raisons de proximité avec les chercheuses. Toutefois, compte tenu de l’interdiction qui visait les rassemblements sociaux, la méthodologie a été adaptée de façon à ce que l'étude puisse être menée en ligne. Compte tenu de cette adaptation, il a fallu tenir compte de différentes questions liées au consentement en ligne, à l’enregistrement des discussions et à la protection de la vie privée. Cette adaptation a également permis d’élargir la région d’origine des participants et d’inclure des personnes vivant à Ottawa.
Recrutement des participants
Les participants ont été recrutés par les partenaires communautaires du ROEJ. Les travailleurs des services à la jeunesse et le personnel des programmes ont assuré la liaison avec les jeunes participant ou ayant participé aux programmes des divers organismes. Les membres du personnel de ces organismes ont transmis une description de la recherche à des personnes qui appartenaient au groupe d’âge et à l’identité raciale ciblés par l’étude. Une liste d’exemples de problèmes juridiques graves, tirée de l’Enquête canadienne sur les problèmes juridiques, a été communiquée aux participants potentiels à la recherche. On a demandé aux participants d’indiquer d’eux-mêmes s’ils avaient fait face à un problème juridique grave, d'après la liste leur ayant été fournie. Dans le cadre du sondage en ligne, ils ont indiqué leur âge et ont fourni des renseignements démographiques, y compris leur identité raciale et le type de problème juridique rencontré. Trente-trois personnes ont répondu au sondage et, de ce nombre, 26 ont participé aux groupes de discussion, soit celles qui correspondaient aux paramètres de la recherche et qui étaient disponibles.
Partenaires communautaires
Les organismes communautaires ont manifesté de l’intérêt pour la recherche et ont encouragé leurs clients à y participer, car il s’agissait pour eux d’une occasion de parler de leurs expériences. Les partenaires communautaires étaient impatients de connaître les résultats de la recherche et étaient généralement heureux de voir que des chercheurs s’intéressaient spécifiquement aux expériences des jeunes de 16 à 30 ans de la communauté noire. Voici quelques uns des organismes communautaires qui ont contribué au recrutement des participants:
- Centre catholique pour immigrants / Catholic Centre for Immigrants
- Ville de Toronto, Parks and Recreation
- Massey Centre
- St. Stephen’s Community House
- West End Youth Motivators
- Bureau des services à la jeunesse d’Ottawa
Questions et thèmes de discussion
Le sondage en ligne comprenait des questions adaptées à l’âge inspirées de la section démographique de l’Enquête canadienne sur les problèmes juridiques.
Les discussions de groupe s'articulaient autour de quatre thèmes. Pour chaque thème, un ensemble cohérent de questions a été posé. Les thèmes étaient les suivants :
- Problèmes juridiques liés à l’argent (dettes, achats, emploi, poursuites au civil)
- Problèmes juridiques liés à une situation à la maison (logement, expulsions, éclatement de la famille, enfants)
- Problèmes juridiques liés à la précarité ou au traitement reçu (harcèlement, discrimination, immigration, aide sociale)
- Problèmes juridiques liés à la sécurité personnelle (menaces, interactions avec la police)
Exemples de scénarios
Au début de chaque discussion thématique, les chercheuses ont présenté une série d’exemples destinés à faciliter l’interprétation du thème et ont invité les participants à discuter de leurs expériences cadrant avec les questions de la recherche.
Scénarios liés à l'argent :
Un problème juridique grave lié à l’argent pourrait correspondre à l’un des scénarios suivants :
- Ne pas pouvoir respecter les conditions d’un contrat de téléphone cellulaire et être incapable de payer la facture ou d’obtenir un nouveau téléphone.
- Devoir traiter avec une agence de recouvrement ou avoir des problèmes d’endettement.
- Être assigné à comparaître en raison d’un problème d’argent, y compris devant une cour des petites créances.
- Être congédié du travail.
- Ne pas obtenir suffisamment de quarts de travail ou être traité différemment au travail.
- Travailler clandestinement.
- Avoir des problèmes fiscaux.
Scénarios liés à une situation à la maison :
Un problème juridique grave lié à une situation à la maison pourrait correspondre à l’un des scénarios suivants :
- Être obligé de déménager souvent.
- Trouver un bel appartement en ligne, rencontrer le locateur, puis subir un traitement défavorable.
- Faire l’objet de plaintes liées au bruit plus souvent que les autres voisins.
- Avoir du mal à payer le loyer ou des réparations.
- Vivre un changement de la structure familiale (séparation, divorce, remariage).
- Devoir composer avec des modifications à une entente relative à la pension alimentaire ou à la garde des enfants.
- Ne pas avoir d’entente en ce qui concerne la pension alimentaire ou la garde des enfants.
Scénarios liés à la précarité / au traitement reçu :
Un problème juridique grave lié à la précarité ou au traitement reçu pourrait correspondre à l’un des scénarios suivants :
- Être traité différemment à l’école, dans un magasin ou lors de l’obtention d’un service public en raison de votre race, de votre sexe ou d’un autre aspect de votre identité.
- Vivre de l’incertitude relativement à votre statut d’immigrant, comme réfugié, immigrant, résident permanent ou travailleur sans papiers.
- Obtenir une forme quelconque d’aide gouvernementale, ou avoir de la difficulté à obtenir une aide gouvernementale, telle que des prestations d’invalidité ou d’aide sociale ou la Prestation canadienne d’urgence (PCU).
- Être traité différemment dans un bureau du gouvernement ou dans un établissement d’enseignement.
- Être victime de harcèlement (c.-à-d. traitement négatif qui n’est pas discriminatoire, mais qui constitue quand même un problème).
Scénarios liés à la sécurité personnelle :
Un problème juridique grave lié à la sécurité personnelle pourrait correspondre à l’un des scénarios suivants :
- Des interactions avec la police ou avec des constables spéciaux dans les transports en commun ou à l’école s’étant soldées par une interception, une détention ou une arrestation, ou avoir dû traiter avec la police à titre de victime ou de témoin d’un événement.
- Être menacé ou ne pas se sentir en sécurité (et ne pas appeler la police).
- Être menacé par la police ou ne pas se sentir en sécurité à cause de la police.
- Ne pas se sentir en sécurité en raison d’introductions par effraction ou d'actes de vandalisme survenus dans le voisinage.
Pour chaque thème, les participants devaient répondre aux questions suivantes :
- Avez-vous vécu un problème juridique lié à [thème]? [Les participants qui ont répondu par l’affirmative ont décrit leur problème juridique.]
- Quelles répercussions ce problème a-t-il eues sur votre vie? À titre d’exemple, a-t-il eu des répercussions sur votre santé, vos finances, ou vos relations avec votre famille, vos amis ou vos collègues de travail?
- Votre problème juridique est-il résolu?
- Si oui, dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la résolution?
- Qu’avez-vous fait pour résoudre votre problème?
- Qui avez-vous consulté pour obtenir de l’aide? À titre d’exemple, avez-vous parlé à un ami, à un travailleur communautaire ou à une personne ayant une formation juridique? Avez-vous retenu les services d’un avocat, résolu le problème vous-même ou simplement fait abstraction du problème? Si possible, énumérez toutes les mesures que vous avez prises.
- Discussion : Qu’aimeriez-vous nous dire au sujet des répercussions que votre problème juridique lié à [thème] a eues dans votre vie?
[Des exemples ont été fournis pour chaque type de répercussions (santé, finances, relations)]
Les chercheuses ont animé la discussion en sollicitant l’intervention des participants qui avaient indiqué avoir eu un problème juridique et en donnant suite aux commentaires qui suggéraient des recoupements entre les problèmes juridiques ou des répercussions entrecroisées.
Analyse des données
Les conversations des groupes de discussion ont été réécoutées et les problèmes juridiques courants ont été classés selon le type de répercussions ou d’expériences. Les résultats du sondage en ligne ont été compilés et intégrés aux données agrégées. Les répercussions sur la vie des participants mentionnées au cours des quatre séances ont été regroupées en fonction de leurs similitudes. Le présent rapport analyse en détail ces points communs afin de dresser un portrait qualitatif des répercussions des problèmes juridiques graves dans la vie des jeunes de 16 à 30 ans de la communauté noire.
Observations sur la participation aux discussions de groupe
Pendant les discussions de groupe, les participants étaient souvent peu bavards au début, indiquant qu’ils n’avaient pas fait face à un problème juridique lié au thème en question. Mais, après que d'autres aient commencé à parler de leurs expériences, certains participants qui avaient initialement indiqué ne pas avoir eu de problèmes juridiques de ce genre ont finalement fait part d’expériences très similaires. Nous pensons qu’il en a été ainsi à la fois parce que ces participants n’avaient pas initialement classé leur expérience dans la catégorie des problèmes juridiques et parce que le fait d’entendre une autre personne raconter son histoire leur a rappelé qu’ils avaient vécu une situation similaire.
Les participants sont également devenus plus à l’aise au fur et à mesure que la séance avançait. En effet, certains participants qui avaient été plus discrets lors de la discussion sur le premier thème sont par la suite intervenus pour décrire des problèmes se rapportant à ce thème.
Certains participants ont indiqué avoir fait face à l’un des types de problèmes juridiques graves, mais ne pas vouloir parler des répercussions de ce problème dans leur vie. Dans certains cas, la personne réticente a expliqué qu’il était trop difficile pour elle de parler des répercussions ou que celles-ci étaient trop personnelles.
Notes de bas de page
1 On a demandé à chaque participant de choisir un nom de ville comme pseudonyme. Il n’y a pas eu de cas où les participants d’un même groupe de discussion ont choisi le même nom de ville.
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