Étude sur le déménagement des parents après le divorce ou la séparation

2.0 Analyse documentaire

La question de savoir si un parent peut déménager avec son enfant après une séparation et s'éloigner du lieu où vivaient les deux parents, perturbant ainsi la relation entre l'enfant et le parent qui ne déménage pas, est l'une des questions les plus contestées devant les tribunaux de la famille. Habituellement, la question en litige porte sur le déménagement futur d'un parent et d'un enfant à un endroit qui se trouve à une certaine distance du parent qui ne déménage pas. Au plan international, il existe de plus en plus de documentation portant sur les répercussions du déménagement et du litige sur les enfants. Cette documentation permet aux responsables de décisions politiques, aux juges, aux avocats et aux parents de mieux comprendre la nature et la dynamique de ces cas. Toutefois, loin de proposer des règles simples pouvant être élaborées en vue de résoudre ces litiges, cette documentation en révèle plutôt la complexité et le caractère incertain. Par ailleurs, elle ne s'applique pas facilement aux cas particuliers.

Dans le présent chapitre, nous cernons les thèmes et analysons les principaux articles de la documentation portant sur le déménagement. Faute d'espace (et de temps pour exécuter ce projet), la présente ne saura constituer une analyse exhaustive de toute la documentation sur le déménagement; tout particulièrement, nous n'avons pas inclus d'extraits de la documentation secondaire se limitant à faire le résumé ou la critique d'études de recherche primaires. Le chapitre commence par une brève analyse de la documentation juridique qui cerne les grandes questions de droit relatives aux cas de déménagement et les diverses approches en matière de déménagement dans divers pays. Nous avons ensuite analysé une partie de la documentation décrivant les défis rattachés au règlement de litiges causés par le déménagement. Par la suite, le chapitre se consacre à l'examen des études en sciences sociales les plus importantes portant sur le déménagement. Nous étudierons d'abord les recherches traitant des effets du déménagement sur les enfants, puis les études récentes, provenant de divers pays, qui portent sur des familles concernées par un litige en matière de déménagement. Nous conclurons par un résumé des principales conclusions et tendances de la documentation et ferons des commentaires sur la valeur et les limites de la documentation existante, en sciences sociales, qui a pour sujet le déménagement.

2.1 La nature des litiges causés par le déménagement et les approches juridiques divergentes

Les cas de déménagement de parents sont le reflet d'une réalité : après une séparation, il existe souvent d'importantes raisons économiques et sociales faisant en sorte que d'anciens conjoints veulent quitter le lieu où ils partageaient une résidence (Bala et Harris, 2006). L'augmentation du nombre de cas de déménagement est également le reflet de l'augmentation graduelle, mais soutenue, de l'engagement des pères dans leur rôle en tant que parent au sein de familles intactes et de leur désir d'être engagés de façon active dans la vie de leurs enfants après la séparation (Parkinson, 2011). Les changements technologiques ont aussi eu un effet intéressant sur les problèmes causés par le déménagement; les appels interurbains sont peu coûteux, et les courriels et les caméras web peuvent faciliter la communication entre parents et enfants. En outre, l'Internet joue un rôle en permettant à un plus grand nombre de personnes de trouver de nouveaux partenaires qui habitent loin d'eux et en créant le désir de déménager afin de poursuivre ces relations entamées à distance.

Il existe un certain nombre d'approches juridiques très différentes visant à résoudre les litiges causés par le déménagement, et toutes encouragent le bien-être des enfants. Dans le cadre de certaines de ces approches, on allègue qu'il devrait exister une présomption permettant que le parent gardien (généralement la mère) puisse déménager, car, en tant que principal responsable du bien-être de l'enfant, favoriser son propre bien-être social et économique favorisera habituellement le bien-être de l'enfant (par exemple, Wallerstein et Tanke, 1996). Certains États ont adopté cette approcheNote de bas de la page 1. Dans le cadre d'autres approches, on soutient qu'une présomption contre le déménagement d'un enfant est plus appropriée étant donné que les enfants bénéficient généralement de la stabilité et du maintien des relations, lesquelles seront inévitablement touchées si le parent gardien déménage avec l'enfant (Braver, Ellman et Fabricius, 2003; Warshak, 2003). Quelques États ont adopté cette approcheNote de bas de la page 2.

Depuis l'arrêt Gordon c. GoertzNote de bas de la page 3,rendu en 1996 par la Cour suprême du Canada, les juges canadiens doivent suivre l'approche axée sur « l'intérêt de l'enfant » qui, en théorie du moins, exige une évaluation individuelle de chaque cas, sans qu'une présomption ou un fardeau particulier ne soit imposé. Bien qu'elle soit loin d'être acceptée de façon unanime aux États-Unis, la tendance dominante dans ce pays repose également sur une approche axée sur l'intérêt supérieur, sans présomption en faveur ou contre le déménagement. Cette approche est utilisée également en Australie et en Nouvelle-Zélande.

La réalité des cas de déménagement est la suivante : bien que le critère utilisé, dans des cas particuliers, par les tribunaux canadiens pour fonder leurs décisions vise à promouvoir l'intérêt supérieur des enfants concernés, les juges sont tenus de choisir parmi un nombre restreint d'options, chacune d'entre elles pouvant faire en sorte que l'enfant se retrouve, à certains égards importants, moins bien nanti qu'avant le commencement du litige. Les options sont généralement radicales et risquent toutes d'avoir un effet négatif sur l'enfant (Waldron, 2005). La cour n'a souvent que deux choix :

Dans certains cas, il existe d'autres options moins communes. Une troisième option se présente lorsque le parent gardien affirme qu'il ne déménagera pas sans l'enfant si la cour n'autorise pas de déménagement. Toutefois, si cette option est exercée, elle pourrait entraîner des répercussions négatives sur le bien-être de l'enfant. Dans certains de ces cas, le bien-être de l'enfant sera touché directement si, par exemple, il est privé de l'occasion d'avoir un meilleur niveau de vie. Ce résultat peut également entraîner indirectement des répercussions sur l'enfant étant donné que le refus de permettre au parent gardien de déménager occasionnera fort probablement, pour ce dernier, un certain mécontentement et, dans certains cas, peut être l'élément déclencheur d'une dépression clinique (Henaghan, 2011). On redoute que le parent dans cette situation risque inconsciemment de « blâmer » l'enfant de l'avoir privéNote de bas de la page 4 d'une certaine perspective sociale ou économique. Selon certaines décisions canadiennes, il n'est pas convenable que le tribunal attribue de l'importance à la réponse du parent qui désire déménager lorsqu'on lui demande ce qu'il fera si sa demande de déménagement est refuséeNote de bas de la page 5.

D'autres options moins communes prévoient que les deux parents déménagent au nouvel endroit ou que le nouveau conjoint du parent gardien déménage à l'endroit où vit ce dernier.

Les juges peuvent imposer (et parfois choisissent de le faire) des conditions aux parents autorisés à déménager dans le but de favoriser le bien-être des enfants concernés. Toutefois, peu importe le résultat, il y a une forte probabilité que les enfants se retrouvent, après la procédure, dans une situation moins enviable que celle dans laquelle ils vivaient avant elle. En théorie, bien que le tribunal rende une décision fondée sur l'évaluation de « l'intérêt supérieur » de l'enfant, en réalité, le juge choisit souvent « l'option la moins nuisible ».

Il est important de comprendre que ce n'est que lorsque le parent gardien (généralement la mère) désire déménager et que l'autre parent s'y oppose que le tribunal interviendra. Il n'est pas rare que les parents non gardiens (habituellement les pères) déménagent après la séparation, ce qui entraîne une baisse de la communication avec leurs enfants et, parfois, leur quasi-disparition de la vie de leurs enfants. La décision unilatérale du parent non gardien (habituellement le père) de déménager a souvent un effet négatif sur le bien-être de ses enfants, mais les tribunaux ne régissent pas les déménagements de ce genre. Par ailleurs, si les parents non gardiens veulent maintenir une relation avec leurs enfants, ils seront, eux aussi, limités dans leurs choix d'endroit où vivre. Or, il existe des éléments probants laissant savoir que bon nombre de parents séparés considèrent leurs enfants comme étant des « points d'ancrage » qui les gardent relativement près de leur ancienne maison familiale et de l'un et l'autre (Parkinson, 2011).

2.2 Le défi rattaché au règlement de litiges causés par le déménagement

Dans le cadre de leur étude consacrée aux difficultés d'arriver à un règlement dans les cas de déménagement, Parkinson et Cashmore (2009) ont déclaré qu'environ 6 % des cas de droit de la famille doivent être tranchés par une instance judiciaire en Australie. À l'opposé, les auteurs ont conclu que 59 % des litiges causés par le déménagement devaient être tranchés par un tribunal. Une étude néo-zélandaise a conclu que 51 % des cas de déménagement devaient être réglés par l'intervention du tribunal (Taylor, Gollop, et Henaghan, 2010). De plus, parmi les cas de déménagement qui sont réglés avant qu'un tribunal n'ait à trancher, bon nombre sont résolus une fois le litige assez avancé ou même après le début du procès.

Une des principales raisons justifiant le faible taux de règlement de ces cas sans l'intervention du tribunal est qu'il n'y a généralement pas de terrain d'entente permettant d'aboutir à un compromis (Parkinson, Cashmore, et Single, 2010). Dans ces cas, les deux parties s'opposent complètement : le parent ayant la garde principale (généralement la mère), qui souhaite déménager, déménagera ou non; et le père choisira de déménager au même endroit que la mère et l'enfant, ou non. Les possibilités de négocier et de faire des compromis sont fréquemment quasi-inexistantes lorsqu'on fait face à des options aussi incompatibles. De plus, la jurisprudence d'appel confère aux juges une grande discrétion, faisant en sorte qu'il soit plus difficile de prévoir le résultat si l'affaire se rend à un procès, et compromettant davantage les possibilités de règlement.

Les cas dans lesquels les parents sont séparés et dans lesquels l'un d'eux cherche à déménager avec les enfants posent de grands défis aux juges et aux avocats, ainsi qu'aux parents et enfants concernés. Tout comme en Australie et en Nouvelle-Zélande, au Canada, on a tendance à contester ce type de cas plus violemment que les autres dossiers de droit de la famille, car il n'y a pas de terrain d'entente donnant ouverture à un compromis. Une part importante de l'ensemble des dossiers de droit de la famille se rendant à procès a comme question centrale le déménagement. Par ailleurs, le critère selon lequel les tribunaux canadiens décident s'ils autorisent le déménagement d'un parent avec les enfants, « l'intérêt supérieur de l'enfant », confère aux juges de première instance une grande discrétion au moment de l'étude et de l'évaluation de l'ensemble des circonstances d'un cas, faisant en sorte qu'il soit difficile d'en prévoir les résultats et d'en négocier un règlement (Bala et Harris, 2006; Henaghan, 2011).

2.3 Les études portant sur les effets du déménagement

Bien que les litiges ayant trait au déménagement d'un parent comptent parmi ceux qui, en droit de la famille, sont les plus contestés, ce sujet n'a pas fait l'objet de nombreuses recherches en sciences sociales. Il existe de plus en plus, bien qu'encore peu, de documentation en sciences sociales qui porte sur les effets du déménagement sur les familles intactes et sur les familles séparées. Toutefois, la majeure partie de ces recherches se penche sur les répercussions du déménagement dans un contexte général de changement de résidence plutôt que dans un contexte spécifique d'éclatement de la famille (Taylor et coll., 2010). Il existe deux grandes approches méthodologiques applicables à l'étude plus directe du déménagement : l'une est rétrospective et axée sur les enfants (ou les jeunes adultes) ayant vécu une séparation parentale ou un déménagement; l'autre est axée de façon plus spécifique sur les cas de déménagement contestés (ou ayant été contestés). Le reste du présent chapitre examine la documentation en sciences sociales existante qui traite du déménagement des parents, en regroupant les études selon leur approche méthodologique.

Wallerstein et Tanke (1996) ont publié l'un des premiers rapports examinant la question du déménagement des parents après la séparation. Cette étude était fondée sur un mémoire d'amicus curiae datant de 1995 déposé par Wallerstein dans le cadre d'une affaire de déménagement qui a eu lieu en Californie, In re Marriage of Burgess. En se fondant sur d'anciennes théories sur l'attachement selon lesquelles les enfants ont besoin de l'effet favorable du lien solide avec le parent ayant la garde principale (par exemple, Goldstein, Freud et Solnit, 1973), Wallerstein et Tanke (1996) ont fait valoir qu'il devrait y avoir, dans les cas où le parent ayant la garde principale (habituellement la mère) souhaite déménager avec ses enfants, une présomption autorisant le déménagement, car la perturbation du lien principal d'attachement est nuisible pour les enfants concernés. Toutefois, Wallerstein et Tanke (1996) notent que, dans les cas où les deux parents ont participé étroitement à l'éducation des enfants, les préoccupations à régler peuvent se révéler moins nettes.

La position de Wallerstein et Tanke (1996) a été critiquée pour des motifs méthodologiques et théoriques (par exemple, Pasahow, 2005; Warshak, 2000, 2003). Warshak (2000) a fait remarquer que la position de Wallerstein et Tanke (1996) défendant le déménagement de parents gardiens se fondait sur seulement dix sources, dont sept avaient été publiées par l'équipe de recherche de Wallerstein. De plus, la recherche empirique de Wallerstein ne portait que sur six familles ayant vécu un déménagement au moment de l'étude, faisant en sorte que les données directement liées au déménagement étaient peu nombreuses. En revanche, Warshak (2000) affirme que son examen de plus de 75 études en sciences sociales suggère que l'intérêt supérieur d'un enfant est de conserver un accès facile aux deux parents. L'examen de Warshak se fondait sur des études traitant des conséquences du déménagement sur les enfants de familles intactes et de familles ayant connu un divorce, ainsi que sur des études portant sur les effets de la participation des parents sur le développement psychologique des enfants, les effets de l'absence parentale, les répercussions du divorce, les effets des diverses conditions de garde et les effets du remariage. Warshak (2000) soutient que la position de Wallerstein [traduction] « ne tient pas compte de l'ample consensus d'opinions professionnelles, fondé sur un grand ensemble d'éléments probants, selon lequel les enfants créent habituellement des liens étroits avec les deux parents et se portent mieux lorsqu'ils ont la chance d'établir et de conserver ces liens » (p. 85).

Par ailleurs, Warshak fait valoir que la plupart des études servant à appuyer l'importance du lien d'attachement entre les principaux responsables des soins et les enfants signalent que ces relations sont corrélationnelles plutôt que causales. Selon Warshak (2000), [traduction] « lorsque l'adaptation du parent et celui de l'enfant vont de pair, nous devons également tenir compte de la possibilité que ce soit l'adaptation de l'enfant qui influe sur celui du parent, ou qu'un troisième facteur agisse en tant qu'agent causal qui lie ensemble les deux facteurs » (p. 88). De plus, de nombreuses études se sont limitées à interroger la mère lors de leur collecte de données au sujet du bien-être de l'enfant; cela [traduction] « peut exagérer la corrélation entre l'adaptation de la mère et celui de l'enfant en raison de l'influence de l'état émotif de la mère sur la perception qu'a cette dernière de ses enfants » (p. 88).

Un courant d'opinions divergeant de celui de Wallerstein et de ses collègues soutient que, dans la plupart des familles, les enfants créent des liens étroits avec les deux parents et non seulement avec le gardien principal et que, afin de diminuer les risques associés à l'échec de la relation entre les parents, il est important de poursuivre, à la suite d'une séparation, une communication continue et fréquente avec les deux parents (Kelly, 2000, 2007; Kelly et Lamb, 2003; Stahl, 2006; Warshak, 2000, 2003). Selon ce point de vue, l'intérêt supérieur d'un enfant en particulier doit être le critère prépondérant au moment de prendre une décision relative au déménagement plutôt qu'une présomption selon laquelle il devrait être permis au parent ayant la garde principale de déménager s'il le veut.

L'un des exposés de la situation les plus pertinents en ce qui concerne les effets du déménagement sur les jeunes enfants a été présenté par les professionnels de la santé mentale américains, Joan Kelly et Michael Lamb, dans un article datant de 2003. Ils ont fait naître des inquiétudes en cherchant à savoir si un enfant qui n'a pu voir un parent de façon régulière pendant les premières années de sa vie sera en mesure de créer un attachement psychologique approprié envers ce parent. Dans un passage, cité par certains juges canadiens, ils ont écrit :

[traduction] Les liens d'attachement sont plus fragiles aux premiers stades de leur développement et c'est pourquoi les jeunes enfants sont susceptibles d'être plus vulnérables aux perturbations entraînant des répercussions sur la création et la consolidation des liens d'attachement. Lors de l'évaluation des risques psychologiques possibles liés au déménagement […] par conséquent, il est essentiel de tenir compte de l'âge de l'enfant et du stade du processus d'attachement au moment où le parent qui ne déménage pas participait à l'éducation de l'enfant, même s'il ou elle ne faisait que passer une journée ou deux avec l'enfant depuis la séparation. Il serait idéal de pouvoir convaincre les parents divorcés souhaitant déménager d'attendre que leurs enfants aient deux ou trois ans avant de le faire, car les enfants disposeraient alors des habiletés cognitives et des compétences linguistiques nécessaires pour conserver des relations à distance, surtout lorsqu'une très grande distance les sépare de l'un des parents (p. 196)Note de bas de la page 6.

Ils suggèrent en outre que si les parents vivent à plus d'une heure de route l'un de l'autre, il sera difficile de maintenir une communication fréquente et un lien parent-enfant solide. D'autres professionnels de la santé mentale font naître des inquiétudes semblables en ce qui concerne la perturbation, causée par un déménagement, de l'attachement du jeune enfant envers le parent qui ne déménage pas et la détresse vécue par l'enfant si la situation engendre la rupture d'un lien solide et positif avec un modèle parental. Cependant, d'autres auteurs ont également signalé que s'il n'y a pas d'attachement solide envers le parent qui ne déménage pas, le déménagement en bas âge est moins perturbant pour un enfant, car pour ce groupe d'âge, l'attachement à la collectivité et aux pairs est d'une importance moins grande (Taylor et coll., 2010; Waldron, 2005).

Kelly et Lamb expriment leurs préoccupations concernant le déménagement avec un peu plus de vigueur que le font d'autres professionnels de la santé mentale. En effet, la plupart des chercheurs soulignent que les risques rattachés au déménagement pour tout enfant doivent être évalués en fonction des avantages pour cet enfant en particulier. La plupart des récentes publications rédigées par des professionnels de la santé mentale ne défendent pas une présomption légale à l'encontre de l'autorisation de déménager, mais préconisent plutôt une approche « axée sur l'enfant » (Austin, 2008; Stahl, 2006). Même Kelly et Lamb (2003) insistent sur le fait qu'il existe un prix à payer ainsi que des avantages dans tous les cas éventuels de déménagement et que ces derniers doivent être comparés et évalués lors de la détermination de la façon de mieux servir l'intérêt supérieur des enfants :

[traduction] Lorsque le déménagement procure de meilleures perspectives en matière de travail, d'éducation ou de mariage à un parent gardien qui est compétent, engagé et en bonne santé mentale […] il est probable que ses enfants bénéficieront de l'amélioration du bien-être psychologique du parent, surtout s'ils parviennent à conserver, grâce à des rapports constants, une relation importante avec un parent qui ne déménage pas, mais demeure concerné et compétent. Si les enfants concernés ont une relation fragile, inexistante ou profondément perturbée avec le parent qui ne déménage pas […] il est probable que les avantages du déménagement l'emporteront sur le prix à payer, et le déménagement peut être souhaitable. 

Norford et Medway (2002) ont étudié l'adaptation sociale de 408 élèves américains de l'école secondaire qui appartenaient à l'un des trois groupes suivants : les personnes qui déménagent souvent (six à treize déménagements); les personnes qui ne déménagent pas très souvent (trois à cinq déménagements); et les personnes qui ne déménagent pas. Dans le cadre de l'étude, on a également recueilli des données sur le principal motif des déménagements et interviewé les mères des 67 élèves appartenant au groupe de personnes qui déménagent souvent. Les conclusions ont indiqué que les élèves ayant déménagé en raison de la séparation ou du divorce de leurs parents participaient à un nombre beaucoup moins élevé d'activités parascolaires; ce nombre était inversement proportionnel à celui des déménagements survenus. La situation n'était pas la même chez les élèves ayant déménagé pour des raisons autres que la séparation ou le divorce des parents. Toutefois, aucun lien important entre le déménagement suivant l'échec de la relation entre les parents et une mauvaise adaptation sur les plans social et émotif n'a été noté. Au lieu de cela, on a constaté que l'attitude de la mère au sujet du déménagement était liée à l'adaptation psychologique des élèves : les élèves qui déménageaient souvent et dont la mère faisait preuve d'une attitude négative envers le déménagement risquaient davantage de souffrir de dépression. Toutefois, il convient de noter que, dans cette étude, la distance causée par le déménagement, les changements de statut socioéconomique en raison de l'échec de la relation et la nature de la relation entre les élèves et le parent n'ayant pas déménagé n'ont pas été pris en compte. Par conséquent, les répercussions des changements dans la nature de cette relation sur l'adaptation sociale et émotive des élèves n'ont pas été examinées. En outre, l'étude ne présentait rien en ce qui concerne les élèves ayant déménagé une ou deux fois; ainsi, il est impossible de se prononcer sur les répercussions des déplacements peu fréquents.

Dans une étude (2003), Braver, Ellman et Fabricius ont tenté d'examiner, en effectuant une enquête auprès d'étudiants du 1er cycle inscrits à un cours d'introduction à la psychologie et dont les parents avaient divorcé à un moment donné pendant leur enfance, les répercussions à long terme du déménagement sur l'adaptation et le bien-être des enfants ainsi que la relation à long terme entre ces derniers et leurs parents. Dans certains cas, les parents ont vécu non loin l'un de l'autre à la suite du divorce; les réactions d'élèves ayant rapporté de telles circonstances ont été comparées à celles de jeunes adultes ayant rapporté qu'au moins un parent avait déménagé, après le divorce, à plus d'une heure de route de leur ancienne résidence. Le dernier échantillon était composé de 602 étudiants du 1er cycle dont les parents avaient divorcé à un moment donné pendant leur enfance. Les personnes interrogées étaient classées dans l'un des cinq groupes suivants : (1) aucun parent n'a déménagé à plus d'une heure de la maison familiale à la suite du divorce; (2) la mère a déménagé à plus d'une heure de la maison familiale et l'enfant a déménagé avec elle; (3) la mère a déménagé à plus d'une heure de la maison familiale et l'enfant est resté avec le père; (4) le père a déménagé à plus d'une heure de la maison familiale et l'enfant a déménagé avec lui; ou (5) le père a déménagé à plus d'une heure de la maison familiale et l'enfant est resté avec la mère. Dans les cas où les deux parents avaient déménagé à plus d'une heure de la maison familiale, on a demandé aux personnes interrogées quel parent avait déménagé en premier.

Braver et ses collaborateurs (2003) ont constaté que les jeunes ayant rapporté que l'un des parents avait déménagé à au moins une heure de la maison familiale à la suite du divorce (avec ou sans l'enfant) connaissaient de moins bons résultats en termes de bien-être financier, psychologique, social ou émotif. Plus précisément, comparativement aux personnes interrogées dont aucun des parents n'avait déménagé à plus d'une heure de la maison familiale, les étudiants dont les parents avaient déménagé (avec ou sans eux) ont reçu moins d'aide financière de la part de leurs parents, ont vécu plus d'hostilité dans leurs relations avec les autres, ont rapporté avoir connu une plus grande détresse en raison du divorce de leurs parents, considéraient que leurs parents étaient de moins bons modèles et de moins bonnes sources de soutien social, ont indiqué que la nature de la relation entre leurs parents était pire et considéraient que leur propre santé physique, leur satisfaction de vivre et leur capacité d'adaptation étaient mauvaises. En se basant sur ces conclusions, Braver et ses collaborateurs (2003) se sont opposés à la présomption voulant que les parents gardiens aient le droit de déménager avec leurs enfants.

Bien que les données rapportées par Braver ses collaborateurs (2003) prouvent l'existence d'un lien entre le déménagement des parents à la suite du divorce et les conséquences négatives sur les enfants, il est important de noter que ces conclusions sont plutôt corrélationnelles que causales. Il est impossible de conclure que le déménagement d'un parent à la suite d'un divorce soit la cause de conséquences négatives subséquentes sur l'enfant, mais la possibilité que d'autres facteurs soient responsables du déménagement des parents et des effets négatifs sur les enfants doit être prise en compte. Comme Braver ses collaborateurs (2003) l'indiquent [traduction] « des facteurs préexistants semblent vraisemblablement jouer ce rôle : un niveau de fonctionnement bas chez l'un des parents ou chez les deux, l'incapacité de l'un de parents ou des deux d'accorder la priorité aux besoins de l'enfant plutôt qu'aux leurs et une relation très conflictuelle entre les parents antérieure au déménagement... » (p. 214-215). Une autre limite de cette recherche a trait à la participation d'étudiants du 1er cycle à la présente étude. On ne peut présumer qu'un échantillon d'étudiants du 1er cycle soit représentatif de l'ensemble des jeunes adultes ayant vécu le divorce de leurs parents. De façon générale, il est fort probable que ces étudiants représentent un groupe qui est plus fortuné et mieux éduqué que l'ensemble de la population visée. C'est pourquoi il est possible que ce groupe soit formé de personnes étant probablement plus tolérantes aux évènements défavorables de la vie.

Austin (2008) a fait valoir que les premiers travaux de Wallerstein et de ses collègues, axés sur les liens d'attachement entre les enfants et les personnes qui en ont la garde, n'ont pas tenu compte des conclusions de recherche d'études démographiques représentatives et à grande échelle ayant fourni des preuves à l'appui du fait que le déménagement peut avoir des répercussions sur les enfants, même dans des familles intactes, et que ces répercussions sont probablement exagérées au sein de familles qui ne sont pas intactes. Selon Austin (2008), les effets négatifs du déménagement comprennent [traduction] « des troubles du comportement à l'école, [un manque de] réussite scolaire, des taux...d'obtention du diplôme [inférieurs], [plus de] grossesses chez les adolescentes, un âge de la première activité sexuelle [plus jeune], [une diminution du] bien-être de l'enfant et [une plus grande quantité] de temps inactif » (p. 140). Ces effets négatifs ont été constatés même après le contrôle du revenu familial. Austin a fondé son examen sur des comptes rendus de recherche qui permettent de mieux comprendre les questions complexes qui entourent le déménagement et les décisions relatives à la garde. Il a cité des études portant sur le déménagement en général et sur les répercussions du déménagement sur l'adaptation des enfants, et il a examiné l'idée selon laquelle la mobilité constitue l'un des nombreux facteurs de stress à survenir après l'échec d'une relation. Les enfants issus de familles séparées ou divorcées sont potentiellement plus à risque de souffrir de problèmes psychologiques ou de troubles d'adaptation; quant au déménagement, il représente un des facteurs de risque pouvant engendrer d'autres répercussions sur la vie des enfants (Austin, 2008; Waldron, 2005). Il est important de noter qu'Austin a tenu compte du fait que, dans ce domaine, la recherche n'en est qu'à ses débuts et qu'elle nous a mis en garde contre la surinterprétation des conclusions de recherche existantes. Il a affirmé :

[traduction] En raison des questions de politique sociale saillantes entourant les cas de déménagement, il serait illogique d'utiliser la recherche que nous examinons comme étant la base d'une présomption ou d'une partialité au détriment du déménagement d'un enfant avec un parent qui aspire à déménager. Les litiges causés par le déménagement sont essentiellement motivés par les faits en cause et par les précisions relatives au contexte familial (p. 147).

2.4 Des études de cas de déménagement

Quelques études récentes du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande ont porté sur l'expérience des parents et des enfants ayant joué un rôle important dans des litiges causés par le déménagement.

Dans le cadre d'une étude qualitative menée récemment au Royaume-Uni (Freeman, 2009), 36 parents, visés par des cas de déménagement ayant été réglés grâce à une entente des parties ou à une décision judiciaire, ont été interviewés. Dans deux cas, les deux parties ont été interviewées; ainsi, l'échantillon était formé de 34 cas distincts dont 33 concernaient des déménagements internationaux. Vingt-cinq des entrevues ont été menées auprès de pères (deux d'entre eux souhaitaient déménager avec leurs enfants) et 23 d'entre eux s'opposaient au déménagement demandé par leur ancienne conjointe. Les onze entrevues menées auprès de mères concernaient toutes des cas dans lesquels la mère souhaitait déménager avec ses enfants. Dans 22 des 34 cas, le déménagement demandé a été autorisé.

Selon l'étude à petite échelle de Freeman (2009), même dans des cas où des dispositions formelles ont été prises au moment du déménagement afin qu'il y ait une communication continue avec le parent non gardien, cette communication était dans de nombreux cas établie avec difficulté. Les coûts et la logistique liés aux voyages internationaux ont souvent fait en sorte qu'il était difficile pour les pères de garder le contact; les ententes convenues au moment du déménagement n'étaient souvent pas respectées. Les pères dont les enfants avaient déménagé ont rapporté leur désarroi et celui de leurs propres parents en raison de la perte de contact régulier. Il convient de noter que, dans de telles études, les personnes satisfaites du résultat de leur cas de déménagement risquent d'être moins enclines à se porter volontaire pour participer, ce qui met en doute la représentativité de l'échantillon d'études. Cette partialité possible est également appuyée par la prépondérance de pères dont les enfants ont été autorisés à déménager avec leur mère; ce groupe est souvent insatisfait du résultat de leur cas.

Behrens, Smyth et Kaspiew (2009) ont mené une étude qualitative rétrospective auprès d'un certain nombre de parents australiens ayant connu un litige causé par le déménagement. L'étude comportait une analyse des 200 cas de déménagement contestés au tribunal de la famille australien de 2002 à 2004 et des entrevues approfondies auprès d'un échantillon de 38 parents sélectionnés à partir de ces cas (27 pères et 11 mères). L'analyse des décisions rendues par le tribunal a permis de tirer les conclusions suivantes :

Selon Behrens et Smyth (2010), les grands thèmes qui sont ressortis des entrevues approfondies menées auprès des 38 parents étaient entre autres :

Il convient de noter que l'échantillon et, par conséquent, les conclusions des entrevues menées aux fins de cette étude ne comprenaient pas les mesures d'adaptation de l'enfant. Deux fois plus de personnes interrogées avaient été impliquées dans un litige ayant donné lieu à une ordonnance autorisant le déménagement, et la majorité des personnes interviewées étaient des pères. Ainsi, la majorité de l'échantillon de personnes interviewées était des pères ayant contesté sans succès une demande de déménagement, ce qui laisse croire que l'échantillon examiné ne devrait pas être considéré comme étant représentatif des litiges causés par le déménagement en général. De plus, l'échantillon d'entrevues n'incluait dans aucun des cas les deux parents. Donc, dans tous les cas, les chercheurs n'ont pu obtenir que les renseignements d'un des deux côtés du litige.

Une étude néo-zélandaise récente fait partie de l'un des quelques projets de recherche portant sur le déménagement des parents qui visent à examiner le point de vue des deux parents, ainsi que celui des enfants concernés par un litige causé par le déménagement. Taylor et ses collaborateurs(2010) ont examiné 100 familles néo-zélandaises touchées par un litige causé par le déménagement. Comme dans les autres études de familles concernées par ce type de litige, les parents ont été recrutés par leur avocat; l'échantillon de l'étude présente donc un biais en faveur des cas de déménagement utilisant la procédure judiciaire contrairement à d'autres cas dans lesquels les parents ont effectué leurs démarches sans avoir eu recours au tribunal. Pour environ la moitié des familles, le litige causé par le déménagement a été réglé par le tribunal. Quant aux autres cas, ils ont été réglés après l'introduction de l'instance mais avant le procès. Les chercheurs ont mené des entrevues approfondies auprès de 114 parents (73 mères et 41 pères) et de 44 enfants âgés de 7 à 18 ans. Douze à dix-huit mois après la première entrevue, ils ont mené des entrevues de suivi auprès de 102 parents de l'échantillon initial dans le but de déterminer quelles étaient les répercussions du déménagement à long terme et si des changements quelconques avaient été apportés aux ententes familiales et en matière de contacts personnels.

Les objectifs de ce projet étaient les suivants :

Dans leur rapport, Taylor et ses collaborateurs(2010) ont présenté les résultats préliminaires de l'étude et se sont concentrés sur les conclusions des entrevues menées auprès des enfants. Dans les prochains rapports, on prévoit examiner en détail les données relatives aux parents.

De façon générale, les entrevues menées auprès des enfants ont révélé qu'ils avaient accepté le déménagement ou qu'ils étaient satisfaits de celui-ci. Les facteurs qui ont aidé les enfants à s'adapter au déménagement comprenaient :

L'étude néo-zélandaise a révélé un schéma fluide de situations qui sont survenues après le procès, dont quelques cas dans lesquels les mères ont été autorisées par le tribunal à déménager avec leurs enfants et l'ont fait, mais ont choisi par la suite de retourner à l'endroit initial. Quant aux cas dans lesquels les mères n'ont pas été autorisées par le tribunal à déménager, la majorité d'entre elles n'ont pas déménagé et ont indiqué que leurs enfants semblaient relativement satisfaits. Toutefois, un certain nombre de ces femmes avaient l'intention d'attendre que leurs enfants soient plus vieux et en mesure de « décider eux-mêmes » et de déménager à ce moment-là. De façon générale, elles présument que leurs enfants vont vouloir déménager avec elles.

Le déménagement des enfants avec la mère a souvent donné lieu à une relation beaucoup moins forte entre l'enfant, son père et la famille élargie de ce dernier. Dans certains cas, cette relation est devenue inexistante. Certains des enfants qui voyaient leur père régulièrement se plaignaient de la désorganisation causée par le déplacement et du temps passé au loin de leur nouvelle collectivité afin de voir leur père. Cette étude concernait des déménagements nationaux (62 %), ainsi que des déménagements internationaux (38 %).

Un grand nombre d'enfants ont continué de communiquer avec leur père, et certains ont même rapporté que la relation entre eux et leur père s'était améliorée, car la tension entre les parents avait diminué en raison du déménagement. Les auteurs de cette étude (Taylor et Freeman, 2010) offrent une conclusion provisoire :

[traduction] Dans l'ensemble, les enfants et les jeunes étaient relativement heureux, bien adaptés et satisfaits en ce qui a trait à l'aboutissement de leur situation et de celle de leur famille. Cela ne signifie pas que l'expérience du déménagement était sans difficultés ni traumatismes pour certains, mais plutôt qu'ils semblaient s'être adaptés et être passés à autre chose. Cela était particulièrement vrai dans le cas d'enfants ou de jeunes ayant vécu le déménagement quelques années plus tôt (p. 141).

Dans l'étude néo-zélandaise, les pires résultats ont été observés au sein du nombre relativement petit de cas dans lesquels la demande de déménagement de la mère a été refusée (ou abandonnée par cette dernière) et dans lesquels la mère a tout de même déménagé, laissant les enfants à la garde du père qui avait probablement peu pris part auparavant à la vie de ses enfants et qui, bien souvent, avait une nouvelle famille et d'autres enfants. Bien que certains de ces changements de garde aient réussi, près de la moitié se sont déroulés de manière stressante ou traumatisante pour les enfants. Dans plusieurs cas, les pères ont fait en sorte que les enfants retournent vivre chez leur mère.

Bien que le projet néo-zélandais soit l'une des plus grandes études menées à ce jour sur le déménagement des parents et qu'une très grande quantité de renseignements en ce qui concerne le point de vue des parents et des enfants concernés par un litige causé par le déménagement ait été recueillie, il conviendrait de noter quelques contraintes relatives aux données. Premièrement, la majorité des familles participant à l'étude ont été recrutées par l'entremise d'avocats du secteur privé, ce qui signifie que les parties représentées par des avocats du personnel de l'aide juridique et les personnes se représentant elles-mêmes n'y participaient pas. Ainsi, on ne peut considérer l'échantillon de parents inclus dans l'étude comme étant forcément représentatif des personnes vivant un litige causé par le déménagement. Deuxièmement, les parents d'enfants ayant vécu une expérience difficile ou traumatisante en lien au déménagement avaient tendance à ne pas laisser leurs enfants prendre part au projet; par conséquent, on ne peut considérer les enfants participant à l'étude comme étant représentatifs de tous les enfants ayant vécu un litige causé par le déménagement.

Une étude qualitative et quantitative qui est longitudinale et prospective et qui porte sur le déménagement est en cours à l'Université de Sydney en Australie (Parkinson et coll., 2010). L'échantillon principal de cette étude comprend 80 parents (40 pères, 39 mères et une grand-mère qui est la principale responsable des soins). L'échantillon contient également neuf anciens couples; l'étude comprend donc 71 cas distincts. Les personnes interrogées ont été sélectionnées à l'aide d'avocats spécialisés en droit familial, en Australie, auxquels on a demandé de proposer des cas de déménagement de leur cabinet ayant été réglés au cours des six derniers mois. Les chercheurs ont mené des entrevues initiales auprès des participants, ainsi que des entrevues de suivi 18 mois plus tard. Ils ont également mené des entrevues auprès de 19 enfants vivant de tels cas.

Sur les 40 participantes, 39 souhaitaient déménager avec les enfants, alors qu'une mère n'ayant pas la garde contestait le déménagement avec les enfants demandé par le père. Les 40 pères participant à l'étude contestaient le déménagement demandé par leur ancienne conjointe. Lorsqu'on leur a demandé pourquoi elles demandaient l'autorisation de déménager, les femmes interrogées ont fourni diverses raisons. Les raisons les plus communes étaient : (1) pour retourner à leur domicile d'origine ou pour se rapprocher de leur famille élargie ou de leurs amis (63 %); (2) pour des raisons de mode de vie (y compris des raisons financières) (37 %); (3) pour prendre un nouveau départ dans un nouvel endroit (29 %); (4) pour échapper à la violence (11 %); (5) pour le travail ou pour occuper un nouvel emploi (11 %); et (6) pour offrir à leurs enfants des possibilités en matière d'éducation (8 %). Fait intéressant : lorsqu'on a demandé aux pères ce qu'ils croyaient être les raisons pour lesquelles leur ancienne conjointe désirait déménager, les principales raisons qu'ils ont données étaient : pour des raisons de mode de vie ou financières, pour vivre avec un nouveau conjoint ou pour occuper un nouvel emploi. Cependant, déménager dans le but d'être plus près de leur famille ou de leurs amis a été mentionné moins souvent par les pères que par les mères. Aucun des pères n'a mentionné « échapper à la violence » comme étant une raison pour demander un déménagement (Parkinson et coll., 2010).

Sur les 71 cas faisant l'objet de cette étude, 42 ont en fin de compte été réglés par une décision judiciaire. Les 29 autres cas ont été réglés par consentement, bien que Parkinson et ses collaborateurs (2010) signalent que le terme « consentement », dans de tels cas, est souvent trompeur. Dans certains de ces cas, une solution mutuellement acceptable a été atteinte. Toutefois, un résultat beaucoup plus fréquent était celui selon lequel une des parties a simplement « laissé tomber ». Dans 21 des 29 cas résolus sans décision rendue par un tribunal, ce sont les pères qui ont accepté le déménagement à contrecœur et non les mères qui ont laissé tomber leur intention de déménager. Certains des pères ayant au bout du compte accepté le déménagement ont affirmé avoir laissé tomber leurs propres souhaits pour faire profiter de ce qu'ils croyaient être l'intérêt supérieur des enfants. D'autres pères ont affirmé avoir laissé tomber leur cause lorsqu'ils se sont rendu compte qu'ils n'allaient probablement pas obtenir gain de cause ou qu'ils n'avaient plus les moyens de poursuivre les procédures du litige. Dans sept cas, la question a été réglée lorsque la mère a laissé tomber ses intentions de déménager avec les enfants. Dans deux de ces cas, la mère a déménagé et a laissé les enfants avec le père.

2.5 Résumé : les défis relatifs à l'application de la recherche et des prévisions

Il importe que tous ceux qui se préoccupent des cas de déménagement soient au fait du nombre croissant de publications en sciences sociales sur le sujet, mais il est également nécessaire de connaître les limites et les défis quant à leur application à des cas particuliers.

La recherche portant sur les cas de déménagement devant les tribunaux indique que ces cas sont difficiles à régler et qu'ils risquent davantage de nécessiter une résolution judiciaire que les autres types de litiges entre parents concernant la garde, les visites ou les enfants de façon générale (Parkinson et coll., 2010; Taylor et coll., 2010). Ces litiges peuvent également être très coûteux, et de nombreux parents n'ont pas les moyens de se rendre au procès. Les parents concluent donc un accord sur lequel ils ne se seraient pas entendus si ce n'était que pour éviter de se présenter devant le tribunal.

Dans les années 1990, quelques professionnels de la santé mentale se sont concentrés sur l'importance de la relation existant entre l'enfant et le gardien principal et ont plaidé en faveur de la présomption des principaux responsables des soins de déménager avec leurs enfants (Wallerstein et Tanke, 1996). Toutefois, la plupart des chercheurs reconnaissent désormais que le déménagement après la séparation constitue un « facteur de risque » pour les enfants et que, dans certains cas, les enfants qui déménagent après la séparation éprouvent généralement plus de difficultés que les enfants qui ne déménagent pas (Austin, 2008; Kelly et Lamb, 2003; Kelly, 2007; Stahl, 2006; Waldron, 2005). Par ailleurs, il n'existe aucune recherche démontrant que des résultats négatifs sont causés par le déménagement ou que les enfants ayant effectivement déménagé auraient connu de meilleurs résultats s'ils n'avaient pas déménagé. Le déménagement après la séparation comprend de nombreux facteurs, et les facteurs économiques ou sociaux sont souvent ceux qui distinguent les personnes qui déménagent de celles qui ne déménagent pas. Les études portant sur les enfants et les jeunes adultes ayant déménagé n'ont pas examiné si la possibilité de ne pas déménager existait et ont encore moins essayé de déterminer quelles auraient été les répercussions si le déménagement n'avait pas eu lieu.

De plus, les recherches actuelles suggèrent que la plupart des enfants qui déménagent après la séparation s'adaptent assez bien et qu'ils ne semblent pas subir d'effets négatifs à long terme (Taylor et coll., 2010). Certains enfants concernés par un litige causé par le déménagement subissent des effets négatifs à long terme, mais cela est indépendant du fait qu'ils aient déménagé ou non. L'une des rares études longitudinales portant sur le déménagement laisse entendre que les répercussions les plus néfastes se font probablement sentir chez les enfants qui ne déménagent pas avec le parent principalement responsable des soins et qui restent dans le lieu de la résidence initiale sous la garde du parent qui n'était pas le gardien principal auparavant (Taylor et coll., 2010).

Les professionnels de la santé mentale reconnaissent que les facteurs de développement influent sur toute décision concernant un enfant et recommandent que, si le déménagement a lieu, les plans visant à établir un contact continu avec le parent « qui reste derrière » doivent tenir compte de l'âge de l'enfant et de ses besoins en matière de développement. Chez les jeunes enfants, il est possible que le déménagement perturbe l'attachement psychologique au parent qu'ils ne voient pas de façon régulière. Or, la transition dans une nouvelle maison se fera plus facilement, car les enfants de cet âge ne possèdent pas encore de liens forts avec leurs pairs, leur école et leur collectivité (Taylor et coll., 2010). Chez les enfants plus vieux, il est important de tenir compte du fait que le déménagement risque de perturber les relations avec les pairs, dans la collectivité et à l'école.

La relation avec le parent « qui reste derrière » sera touchée par le déménagement, bien que la nature et l'ampleur des effets dépendent de nombreux facteurs, dont l'âge de l'enfant, la distance qui sépare l'enfant et le parent, les ressources financières du parent permettant des déplacements ainsi que la nature de la relation entre le parent et l'enfant avant la séparation. Si un lien fort et positif avec le parent qui ne déménage pas est perturbé, cela aura des répercussions sur l'enfant. Si le parent qui ne déménage pas a participé peu ou pas du tout à l'éducation de l'enfant avant le déménagement, l'enfant risque d'être peu touché par le déménagement. Si l'enfant entretient une mauvaise relation avec le parent en raison, par exemple, de problèmes de violence ou de maltraitance, il est probable que l'enfant profite du fait qu'il voit ce parent peu souvent (ou pas du tout).

Le déménagement risque de perturber l'important contact avec le parent qui ne déménage pas. Il est possible que cette relation dépérisse si un déménagement a lieu et si la séparation des parents a été très conflictuelle ou s'il y avait de la violence familiale ou des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie chez les parents (Behrens et Smyth, 2010; Taylor et coll., 2010). Le coût des déplacements par rapport aux moyens des parents est un autre facteur important qui entraîne la perte de contact avec le parent qui ne déménage pas.

Les publications les plus récentes de chercheurs en santé mentale reconnaissent que le déménagement présente des risques pour les enfants, mais aussi des avantages. Par conséquent, elles proposent que ces risques et avantages soient évalués en fonction de chaque cas (Austin, 2008; Kelly et Lamb, 2003; Kelly, 2007; Stahl, 2006; Waldron, 2005). Ces auteurs reconnaissent également l'importance de tenir compte de l'opinion des enfants plus vieux au moment de prendre des décisions relatives au déménagement.

Comme il a été mentionné dans ce chapitre, l'ensemble des recherches portant sur le déménagement et ses répercussions sur les enfants comporte d'importantes limites méthodologiques en raison du fait que les groupes de personnes étudiés sont petits et souvent peu représentatifs. En outre, pour des raisons éthiques, pratiques et méthodologiques, il n'a jamais été possible d'effectuer des essais pratiques et aléatoires en matière de contrôle portant sur les résultats d'un groupe d'enfants ayant déménagé par rapport aux résultats d'un groupe d'enfants semblable n'ayant pas déménagé. Appliquer la recherche à un cas individuel posent certains défis en raison de la complexité des facteurs d'interaction et de l'imprévisibilité inhérente de l'action de déménager (ou de ne pas déménager) en ce qui concerne les enfants et leurs parents.

Il y a environ dix ans, le psychologue Richard Warshak, l'un des auteurs américains les plus importants ayant traité des effets de la séparation sur les enfants, a reconnu que :

[traduction] Le déménagement procure aux enfants certains avantages, et comporte des risques... Peser et intégrer tous ces facteurs est une œuvre de taille. Même les décisions qui semblent à première vue faciles à trancher peuvent entraîner des conséquences inattendues (Warshak, 2003, p. 381).

Dans son récent article sur le déménagement, l'éminent juriste néo-zélandais Mark Henaghan a fait des commentaires sur les limites de la recherche en sciences sociales portant sur le sujet :

[traduction] En sciences sociales, il est possible de rapporter l'expérience des enfants et des parents suivant la séparation et la manière dont les enfants composent avec la situation. La difficulté est de décider quelles variables seront déterminantes quant à l'établissement des résultats selon chaque enfant. Les variables tiennent compte, entre autres, des ressources internes propres à l'enfant, de l'environnement physique et économique dans lequel il vit et des relations entre lui et ses parents, pairs et autres personnes dans sa vie. Déterminer quelle variable ou quelle combinaison de variables mène à tel ou tel résultat n'est pas une question de sciences exactes. Nous ne pouvons tout simplement pas savoir ce qui aurait été différent dans la vie de l'enfant s'il avait ou n'avait pas déménagé (Henaghan, 2011, p. 235).

La difficulté que présente l'application de la recherche existante en sciences sociales à des cas individuels a incité ce juriste néo-zélandais à proposer l'adoption d'un cadre pour la prise de décisions présomptive. Au cinquième chapitre, nous discuterons de la question visant à déterminer si, dans le cas d'une prise de décisions relative au déménagement, les cadres présomptifs sont utilesNote de bas de la page 7.