LES PROCESSUS DE TRAITEMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS
LES CHOIX POSSIBLES AU CANADA
RECOMMANDATIONS
Après avoir étudié la gamme des modèles possibles qui pourraient être établis au Canada, on recommande le processus général illustré à l'annexe A comme structure de base d'un modèle de traitement des pensions alimentaires pour enfants.
Dès le début du processus, le traitement administratif permet de faciliter l'établissement ou la modification rapide de la pension, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux méthodes de règlement des conflits dans les cas qui peuvent être traités de façon plus simple. Ce type de processus pourrait être organisé de telle façon qu'une demande émanant de l'un ou l'autre des parents puisse être acceptée et administrée. Les régimes existants, comme ceux qui sont en place dans l'État de Washington et en Oregon, offrent une façon de communiquer avec le parent débiteur de façon plus informelle pour tenter d'arriver à un règlement relativement au montant qu'il convient de fixer pour la pension alimentaire pour enfants à une étape peu avancée du processus. Comme on l'a constaté, ce type d'approche exige qu'à l'étape de l'ouverture du dossier, les renseignements financiers pertinents puissent être obtenus de façon efficace auprès des parents.
Les mécanismes judiciaires existants offrent le meilleur moyen connu à ce jour d'obtenir des renseignements des parties qui refusent de collaborer. Toutefois, lorsque le parent débiteur est disposé à collaborer, les renseignements financiers pourraient être recueillis de manière efficace au début, par la voie d'un état financier rempli et retourné par chacun des deux parents. Il pourrait alors être possible d'effectuer le calcul de la pension alimentaire pour enfants, d'en communiquer le montant proposé aux parties et de tenir pour acquis qu'elles l'acceptent si aucune d'elles ne le conteste.
À cette étape du processus, le montant déterminé de la pension alimentaire pour enfants devrait être confirmé au moyen d'une forme quelconque de révision de la recommandation. Si la révision était infructueuse, le recours éventuel serait alors, bien entendu, d'intenter une demande de contrôle judiciaire. Pour cette catégorie de cas, la recommandation initiale serait rédigée par n'importe lequel des membres du personnel travaillant à l'administration des pensions alimentaires pour enfants.
Le régime de traitement administratif devrait mener aux autres mécanismes de règlement des conflits, lorsque la situation s'y prête. D'une part, certains dossiers soulevant des questions multiples se prêteraient peut-être mieux à la médiation rattachée au tribunal et à des services d'évaluation connexes qui pourraient éventuellement trancher la question de la pension alimentaire pour enfants. Toutefois, le personnel devra faire preuve de prudence à cette étape (que ce personnel fasse partie du service de médiation même ou non), parce que tous les litiges ne se prêtent pas à la médiation; on pense, en particulier, aux affaires mettant en cause un prestataire de l'aide sociale, à celles où il existe une relation de violence et à celles où une décision concernant la pension alimentaire pour enfants est requise d'urgence.
D'autre part, il pourrait être possible à cette étape de tenter plutôt de négocier avec le débiteur alimentaire, avec sa participation directe ou non. Cette partie du processus diffère de la médiation en ce sens qu'elle n'est ni confidentielle ni de caractère conciliatoire, mais qu'elle est plutôt axée sur l'obtention du consentement du débiteur à verser un certain montant de pension alimentaire pour enfants lorsque c'est possible. Cette technique de conciliation convient plus particulièrement aux cas où la seule question à trancher est celle de la pension alimentaire pour enfants, comme cela se produit souvent lorsqu'il s'agit de modifier celle-ci. Le membre du personnel qui préside cette séance informelle de médiation ne devrait pas nécessairement être un médiateur qui a reçu une formation, mais plutôt une personne qui peut négocier de façon efficace et faire preuve d'empathie à l'égard de points de vue divergents. En outre, il serait utile que cette personne ait participé au traitement du dossier dès le début du processus.
Le personnel qui interviendrait à cette étape du processus comprendrait des employés de bureau et des enquêteurs qui seraient chargés de communiquer avec les parties et de mener des négociations, lorsque la situation s'y prête.
Si les tentatives de conciliation se révélaient infructueuses, la cause serait alors réorientée vers le processus d'audition accélérée. En règle générale, l'expérience acquise dans d'autres territoires révèle que des personnes ayant reçu une formation juridique et qui possèdent une certaine expertise et une expérience pertinentes sont considérées comme les plus aptes à assumer la fonction d'agent d'audition; toutefois, cette tendance générale souffre des exceptions qui, comme nous l'avons mentionné, ont également été intégrées avec succès à ce type de régime. Encore une fois, il s'est avéré utile dans différents modèles existants de continuer, à cette étape, de mettre l'accent sur une tentative de conciliation, facilitée en l'occurrence par l'agent d'audition. L'instance qui mènerait l'audition constituerait l'instance définitive pour arriver à un consensus ou à une réconciliation, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à une instance contradictoire complète semblable à un procès. Bien sûr, toutes les causes ne se prêtent pas à cette approche, de sorte que le pouvoir discrétionnaire et le jugement de l'agent d'audition joueront un rôle capital.
Comme on le voit à l'annexe A, il existe plusieurs niveaux d'options possibles pour le règlement des conflits, et ces différentes options (dont des exemples ont été donnés dans le présent rapport) peuvent être intégrées à différentes étapes du modèle de traitement des pensions alimentaires pour enfants qui est recommandé. Ces options sont exposées à l'annexe B sous la forme d'un continuum.
À une extrémité du continuum, au niveau le plus formel, se trouve le modèle purement juridictionnel dans le cadre duquel un décideur unique entend les deux parties au litige lors d'une audition. Cette approche est évidente dans le rôle traditionnel du juge dans les régimes juridiques occidentaux et constitue actuellement le pivot de l'administration de la justice au Canada.
Le modèle juridictionnel comporte à la fois des avantages et des inconvénients.
- Avantages :
- un décideur unique constitue idéalement une instance plus décisive où un décideur totalement impartial et compétent rend une décision en se fondant sur la preuve recevable et sur la primauté du droit : la logique, la raison et l'impartialité règnent;
- ce modèle élimine de façon plus efficace tout signe de déséquilibre de pouvoir entre les parties;
- il s'agit d'une approche couramment acceptée qui est valable dans de nombreux cas;
- il convient bien aux dossiers comportant des questions de fait et de droit, en particulier lorsque ces facteurs sont en conflit.
- Inconvénients :
- ce modèle n'est pas conçu pour traiter les aspects émotifs d'une affaire donnée;
- il fait souvent partie d'un processus plus complexe qui n'est pas aussi accessible aux parties en litige; par exemple, les règles de preuve et les renseignements juridiques sont parfois d'un maniement difficile pour les parties au litige;
- il n'est pas suffisamment bien adapté à tous les cas, par exemple lorsque d'autres questions sont en jeu en plus des questions de fait et de droit (ce qui revêt une importance particulière dans le domaine du droit de la famille);
- il peut occasionner des dépenses considérables aux parties.
Au niveau suivant, et légèrement moins formel, on trouve la notion de l'arbitrage exécutoire allié à des tentatives préliminaires de résoudre au moins une partie des questions en litige par la médiation ou par la conciliation. Cette approche se répand déjà de plus en plus au Canada face à certaines des lacunes du modèle purement juridictionnel. Les modèles qu'on élabore dans ce sens comprennent ceux qui comportent une intervention rapide du juge et ceux dans lesquels on renvoie les parties à d'autres services connexes, lorsque c'est à propos. Comme on l'a mentionné, les juges participent de plus en plus à des rencontres non contradictoires avec les parties en litige et leurs avocats avant les auditions; ils essaient alors d'arriver à une entente quelconque avant que l'affaire soit portée au niveau suivant. Le juge peut par ailleurs décider plutôt de déférer les parties au litige à des services de médiation avant la tenue d'une audition formelle. Ces approches sont de plus en plus considérées comme légitimes dans le domaine du droit de la famille, où il existe souvent beaucoup de questions d'ordre émotif et de préoccupations chez les parties quant à la nécessité d'entretenir une forme quelconque de rapports à l'avenir. Voici certains des avantages et inconvénients qu'il y aurait à intégrer dans un modèle ces tentatives initiales de conciliation :
- Avantages :
- ce modèle fait place aux questions d'ordre émotif qui, autrement, ne seraient peut-être jamais réglées, mais plutôt escamotées dans un processus contradictoire;
- il fournit un recours approprié pour les causes qui se retrouvent devant les tribunaux, alors qu'elles n'auraient peut-être pas dû en arriver là;
- il légitime le rôle de la médiation et des programmes comparables en tant que parties intégrantes du système de justice existant reconnu;
- il permet aux parties d'exprimer des opinions susceptibles de leur être très préjudiciables dans le cadre d'une audition plus formelle; autrement dit, ces approches facilitent la discussion et l'échange de vues entre les parties;
- il réduit les coûts élevés associés aux auditions formelles, dans la mesure où il donne des résultats.
- Inconvénients :
- il ajoute une étape procédurale additionnelle et susceptible d'allonger l'instance dans les causes qui doivent se rendre à procès;
- il pose un problème dans les cas où les renseignements fournis à l'étape préliminaire (par exemple, des documents financiers) sont insuffisants, car ils risquent alors de ne pas être pris en compte;
- il pourrait éventuellement permettre à celle des deux parties qui a la plus forte influence de compromettre la situation de l'autre, à défaut de mécanismes d'équité procédurale destinés en partie à protéger les deux parties à l'étape de l'audition (cette préoccupation vaut particulièrement dans les cas de relations de violence ou d'écart économique important entre les parties, surtout si l'une d'elles, ou les deux, ne sont pas représentées par avocat).
Plus loin dans le continuum, on trouve l'arbitrage avec pouvoir de recommandation, généralement appelé « médiation-arbitrage ». Cette approche est évidente dans un certain nombre de programmes existants examinés dans le présent rapport et s'est révélée fructueuse dans la plupart des cas.
- Avantages :
- la réunion des deux fonctions dans le même processus peut optimiser l'utilisation des ressources;
- le processus pourrait réduire le double emploi, car on peut penser que le médiateur devenu arbitre connaîtra assez bien le dossier pour rendre une décision éclairée.
- Inconvénients :
- il peut être difficile de trouver des personnes qualifiées pour mener la médiation et l'arbitrage de front (on suppose ici que ces deux fonctions seraient assumées par la même personne; il existe, bien sûr, des variantes de cette approche de base);
- il est possible que la fonction de « recommandation » soit excessivement influencée par les séances de médiation préalables;
- le fait que les parties savent que le « médiateur » sera ensuite la personne qui fera la recommandation pourrait influer sur l'efficacité de la médiation.
Au niveau le moins formel, enfin, on trouve les variantes du modèle de la médiation, soit médiation avec pouvoir de recommandation, médiation faisant appel à l'opinion du médiateur et médiation confidentielle. Les modèles alliant la médiation soit à la formulation d'une recommandation, soit à l'expression d'une opinion quant à l'issue probable du litige, présentent certaines des mêmes caractéristiques que le modèle de la médiation-arbitrage, exposées ci-dessus, mais à un degré moindre. La médiation est très controversée dans le domaine des pensions alimentaires pour enfants et comporte les avantages et inconvénients qui suivent.
- Avantages :
- on peut avancer qu'une médiation efficace coûtera moins cher qu'un processus plus contradictoire;
- la médiation peut éviter que le maintien de l'hostilité entre les parties ne vienne entraver leurs rapports futurs en ce qui a trait aux besoins des enfants;
- dans certains cas, elle peut donner une plus grande maîtrise de la situation aux parties en leur permettant de prendre leurs propres décisions;
- elle serait probablement plus utile et plus efficace dans les cas où il y a plusieurs questions en litige qui se prêtent à la négociation.
- Inconvénients :
- la médiation peut avoir des conséquences graves, et peut-être dangereuses, pour les parties dans les cas où elle ne se penche pas sur les déséquilibres de pouvoir, la dynamique de violence et les autres situations qui posent des problèmes;
- elle peut ne pas être opportune dans les cas où la pension alimentaire pour enfants est la seule question à trancher;
- la nature des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants laisse moins de place à la négociation, et le processus devrait probablement tenir compte de ce fait dans une certaine mesure.
Différents dossiers pourront comporter différentes questions à trancher et devront être acheminés vers l'instance la plus appropriée. Toutefois, cette proposition n'exclut pas la corrélation entre les différentes approches, dans une certaine mesure. Par exemple, si la pension alimentaire pour enfants ne constitue que l'une des questions litigieuses et n'a pas été réglée par la médiation, elle pourrait en définitive être renvoyée à un processus d'audition accéléré, soit automatiquement, soit à la suite d'un renvoi par le tribunal. On pourrait adopter à cette fin le modèle du comté d'Alameda, que nous avons examiné; selon celui-ci, les droits de garde et d'accès font d'abord l'objet de médiation, puis la question de la pension alimentaire pour enfants est renvoyée à une autre instance aux fins d'une évaluation financière. Le Bureau de l'ami de la cour du Michigan applique une approche semblable.
À l'inverse, lorsque le processus administratif de traitement des pensions alimentaires pour enfants est d'abord enclenché et qu'il s'avère que d'autres questions de droit de la famille doivent être réglées, l'affaire pourrait être acheminée vers la médiation dans les cas où il n'y a pas de violence ni d'autres circonstances aggravantes. Dans de nombreux territoires, on constate que les débiteurs alimentaires sont insatisfaits de cette approche, qui est conçue pour régler la question de la pension alimentaire pour enfants isolément et tout à fait à part de certaines de leurs préoccupations dont, plus particulièrement, le droit d'accès. Certains critiques ont laissé entendre que, si l'on ne s'attaque pas aux frustrations du débiteur alimentaire, celui-ci aura le sentiment d'être exclu du processus et pourrait être moins disposé à respecter l'ordonnance alimentaire pour enfants qui sera prononcée.
Il est primordial que les ressources appropriées soient très bien intégrées. À cet égard, et compte tenu des contraintes financières qui limitent les ressources, la centralisation des services est recommandée dans toute la mesure du possible, que ce soit par l'intermédiaire des tribunaux ou d'un bureau qui leur soit étroitement rattaché. Un lien direct donnant accès aux renseignements dont dispose le tribunal serait très utile. Cette centralisation créerait aussi moins de confusion chez le public et permettrait d'accroître l'intégration des services avec le temps et avec l'évolution des idées à la lumière de l'expérience.
Pour l'instant, l'expérience acquise varie d'une province à l'autre; en conséquence, les ressources et les sources d'expertise sur lesquelles on peut s'appuyer diffèrent d'un endroit à l'autre. Il n'existe probablement aucun régime administratif idéal de traitement des pensions alimentaires pour enfants qui serait parfaitement adapté à chaque province. Tout comme les phénomènes sociaux, tels la culture locale, le droit et le régime politique des pays étrangers, créent un contexte déterminant pour l'administration des pensions alimentaires pour enfants, de même, des différences existent d'une province à l'autre au Canada même.
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