Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, Évaluation
Sommaire
1. Introduction
Le gouvernement fédéral a lancé, en 2003, le Plan d'action pour les langues officielles dans le but de réitérer son engagement envers la dualité linguistique, l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) et la promotion de l'utilisation des deux langues officielles au sein de la société canadienne. Le Plan d'action a accordé au ministère de la Justice une somme de 45,5 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer la mise en oeuvre de la Loi sur la réédiction des textes législatifs, la mise en œuvre de la Loi sur les contraventions et l'amélioration de l'accès au système de justice dans les deux langues officielles. C'est dans la poursuite de ce troisième objectif que le Ministère a mis sur pied le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Le ministère de la Justice a entrepris une Évaluation du Fonds d'appui et le présent document constitue le rapport final de cette évaluation.
2. Description du Fonds d'appui
Le Fonds d'appui vise à renforcer la capacité des intervenants œuvrant dans le domaine de la justice d'offrir des services dans les deux langues officielles et de participer à une sensibilisation des communautés de langue officielle à l'égard de leurs droits en cette matière. Plus spécifiquement, le Fonds d'appui vise à accroître la capacité des intervenants à élaborer des solutions innovatrices aux questions de justice d'actualité liées à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, ainsi qu'à sensibiliser la communauté juridique et les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l'exercice de leurs droits et aux questions liées à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
À cette fin, le Fonds d'appui finance trois types d'activités :
- Il appuie financièrement et administrativement les comités consultatifs suivants :
- Le Comité consultatif – Justice en langues officielles, qui a pour mandat d'assurer un lien entre les intervenants des milieux juridiques et communautaires de langue officielle et le ministère de la Justice.
- Le Sous-comité sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, qui regroupe des représentants du ministère de la Justice, des organismes porte-parole des communautés de langue officielle, des centres de jurilinguistique, des facultés de droit, ainsi que des responsables des affaires francophones dans les provinces et les territoires.
- Le Groupe de travail fédéral-provincial et territorial sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, lequel réunit des représentants du ministère de la Justice (Francophonie, Justice en langues officielles et dualisme juridique, Groupe du droit des langues officielles et Contraventions), de même que des gouvernements provinciaux et territoriaux.
- Il accorde un financement de base aux associations de juristes d'expression française. À cette fin, le Ministère est appelé à signer des ententes de contribution avec la Fédération nationale des associations de juristes d'expression française (FAJEF), ainsi qu'avec chacune des sept associations membres de la FAJEF au plan provincial.
- Finalement, il accorde un financement à des organismes admissibles pour la mise en œuvre de projets sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Les types de projets financés se regroupent essentiellement sous trois catégories :
- Projets appuyant la pratique du droit dans la langue de la minorité.
- Projets sensibilisant les communautés de langue officielle.
- Projets visent à accroître la capacité des organisations non gouvernementales à répondre aux besoins des Canadiennes et des Canadiens, incluant les membres des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire, sur les questions d'accès à la justice dans les deux langues officielles.
3. Méthodologie
L'évaluation du Fonds d'appui repose sur quatre méthodes de recherche principales :
- Une revue documentaire
- Une analyse des dossiers de projets (un total de 106 dossiers fermés ont été analysés)
- Des entrevues avec des responsables du Fonds d'appui, des membres des comités consultatifs, ainsi qu'avec des représentants du Commissariat aux langues officielles et du Secrétariat des langues officielles. Un total de 30 entrevues ont été réalisées.
- Des sondages auprès de juristes et de bénéficiaires du Fonds d'appui.
4. Pertinence
Le Plan d'action est un des véhicules par lequel le ministère de la Justice aborde les priorités fédérales en matière de langues officielles. Selon le Plan d'action, le gouvernement fédéral s'engage à accroître l'accès à la justice en français et en anglais. Le Fonds d'appui, découlant directement du Plan d'action, permet au ministère de la Justice d'appuyer, et ainsi d'accroître, la prestation de services de justice dans les deux langues officielles. Il s'agit d'un mécanisme structuré de façon à répondre aux objectifs du Plan d'action et aux besoins en matière d'accès à la justice dans les deux langues officielles qui y sont énoncés.
Les objectifs du Fonds d'appui correspondent aux objectifs plus généraux du Programme des langues officielles. Grâce à ses activités, soit l'appui aux comités consultatifs, le financement de base aux associations de juristes d'expression française et le financement de projets, le Fonds d'appui contribue à l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
5. Structure et mise en oeuvre
Les rôles du Comité consultatif, du sous-comité et du groupe de travail F/P/T sont clairs et pertinents. Le ministère de la Justice a établi, en collaboration avec les membres des divers comités, les mandats et les responsabilités de chacune de ces structures. Les mandats et les responsabilités sont documentés et ils sont présentés aux membres lors des rencontres annuelles des comités.
Ces trois comités consultatifs permettent de rassembler les principaux intervenants impliqués dans l'accès à la justice dans les deux langues officielles, et ainsi, facilitent la concertation et l'échange d'information entre eux. Cette concertation permet aux intervenants d'identifier et de discuter des besoins en matière d'accès à la justice dans les deux langues officielles et d'élaborer des pistes d'action pertinentes.
Le processus lié à la demande de financement et à la sélection de projets est clair et transparent. Le soutien offert aux organismes qui soumettent des demandes de financement, par le ministère de la Justice, constitue une des principales forces du Fonds d'appui. Le Ministère offre de l'information concernant le processus de demande sur son site Web et les responsables du Fonds d'appui sont disponibles pour guider les organismes tout au long du processus. Les responsables du Fonds d'appui communiquent efficacement les décisions relatives à la sélection de projets, accompagnées, au besoin, d'explications.
Dans l'ensemble, les activités financées par le biais d'ententes de contribution et de subvention ont été réalisées tel que prévu. Bien qu'il arrive parfois que des modifications mineures doivent être apportées aux activités ou aux échéanciers, ces modifications sont toujours communiquées aux responsables du Fonds d'appui et n'entraînent généralement pas de changements aux résultats attendus.
La mesure du rendement des activités mises en œuvre par le biais du Fonds d'appui s'effectue de façon inégale et vise plutôt la mesure des extrants que des résultats. Les données recueillies servent essentiellement à permettre au Ministère de faire état de ses activités et de planifier le renouvellement potentiel du Fonds d'appui.
6. Efficacité
Les membres de chacun des trois comités consultatifs se réunissent annuellement. Dans l'ensemble, les membres ont participé activement aux rencontres et sont bien engagés dans les travaux de leur comité respectif. Le niveau de participation et de collaboration des provinces et des territoires est important et constitue une des réalisations notables du Fonds d'appui.
Les intervenants de la communauté anglophone du Québec n'ont cependant pas été aussi actifs dans les comités que les intervenants des communautés francophones. Non seulement leur nombre est peu élevé, mais leur participation est moins régulière.
Les comités réunissent les intervenants concernés par l'accès à la justice dans les deux langues officielles, leur donnant la possibilité d'échanger sur leurs activités, leurs besoins et leurs défis, de tisser des liens et de former des partenariats solides. En outre, les rencontres sensibilisent les membres aux besoins et aux enjeux qui existent au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ainsi qu'à la capacité du ministère de la Justice d'intervenir. Des réseaux importants se sont formés et les intervenants des divers milieux (communautaire, juridique, gouvernemental) ont la possibilité de participer à l'identification et à la mise en œuvre de pistes d'action réalisables.
Notons qu'à la lumière du plus faible taux de participation des représentants de la communauté anglophone, les travaux des divers comités n'ont pas eu le même impact sur les intervenants anglophones du Québec.
En ce qui a trait plus spécifiquement au financement de base offert par le Fonds d'appui, il a permis aux associations de juristes d'expression française de mieux remplir leur fonction de représentation et de revendication, et d'offrir des services pertinents à leurs membres et à la communauté. Ce financement assure la permanence administrative des associations de juristes d'expression française, leur permettant ainsi de concentrer leurs efforts sur la gestion de projets, l'offre de services et la participation aux divers comités et tables de concertation. Les associations de juristes d'expression française sont devenues des groupes de pressions visibles et crédibles, ainsi que des ressources importantes au sein de leur communauté.
En ce qui a trait au financement de projets, les catégories de projets financés par le Fonds d'appui à ce jour sont :
- Des projets qui appuient la pratique du droit dans la langue de la minorité
- Des projets qui sensibilisent les communautés de langue officielle en situation minoritaire aux droits linguistiques en matière de justice et aux services disponibles
- Des projets structurants
Les projets financés par le Fonds d'appui répondent directement aux besoins identifiés en matière d'accès à la justice dans les deux langues officielles puisque les critères de sélection sont basés sur les résultats de la recherche sur l'état des lieux, qui identifiait les besoins à cet égard. Le type de projets financés répond aux besoins de sensibilisation, de formation, d'outils et de ressources jurilinguistiques, ainsi qu'au besoin de réseautage.
Néanmoins, on note que le manque de visibilité du Fonds d'appui au sein de la communauté anglophone du Québec fait en sorte qu'il ne rejoint pas suffisamment cette population cible et ne répond pas adéquatement à ses besoins. Ce constat découle, en partie, de la participation limitée de cette communauté aux travaux des comités consultatifs, une dynamique qui reflète les limites organisationnelles de cette communauté.
Dans l'ensemble, les activités financées par le Fonds d'appui ont contribué à accroître l'accès à des services de justice dans les deux langues officielles, dans la mesure où elles ont permis d'accroître la capacité des intervenants dans le domaine de la justice à offrir ces services. Le Fonds d'appui a permis aux associations de juristes d'expression française de mieux remplir leur mandat, a contribué au développement d'outils jurilinguistiques et à la formation des juristes, et a permis de rassembler divers intervenants pour que ceux-ci puissent concerter leurs efforts. De plus, les principaux intervenants sont sensibilisés aux besoins en matière d'accès à la justice et sont engagés dans l'identification et la mise en œuvre de pistes d'action.
Toutefois, puisque le Fonds d'appui se limite au domaine du droit pénal et aux questions de compétence fédérale, de nombreux besoins liés à l'accès à la justice dans les deux langues officielles n'ont toujours pas été abordés. De plus, les besoins identifiés, et traités par le Fonds d'appui, sont continus et doivent être poursuivis. Enfin, compte tenu de la faible visibilité du Fonds d'appui au sein de la communauté anglophone du Québec, la capacité du Fonds d'appui à accroître l'accès à des services de justice en anglais pour cette communauté est limitée.
Les activités entreprises par le biais du Fonds d'appui ont mené à d'importantes réussites. Premièrement, bien qu'on s'attendait à ce que des partenariats s'établissent entre les intervenants concernés, la force des réseaux et de la collaboration qui ont émergé était inattendue. Deuxièmement, les associations de juristes d'expression française occupent une plus grande place dans leurs réseaux communautaires respectifs et sont des organismes de revendication crédibles. Troisièmement, les centres de jurilinguistique ont pu développé une expertise reconnue sur le plan international dans leur domaine.
L'évaluation des impacts futurs du Fonds d'appui requière d'abord du Ministère de la Justice qu'il précise les aspects du Fonds d'appui qu'il désire mesurer à long terme. Il apparaît que la mesure des résultats à court et à moyen termes du Fonds d'appui soit celle qui réponde le plus adéquatement aux besoins de gestion du Fonds d'appui. On peut en effet penser que la mesure des résultats à long terme dans lesquels le Fonds d'appui s'inscrit ainsi que la mesure de la contribution relative du Fonds d'appui à ces résultats – une entreprise colossale – seraient en fait peu utiles à la gestion du Fonds d'appui.
Une fois que le Ministère aura précisé les aspects du Fonds devant faire l'objet d'une mesure à long terme, il pourra modifier sa stratégie actuelle de mesure de performance de façon à permettre la cueillette de données pertinentes sur une base continue.
7. Rentabilité
Le niveau de ressources actuel a permis au Fonds d'appui de contribuer à l'atteinte de ses objectifs et de répondre, dans une certaine mesure, aux besoins identifiés. Comme les besoins sont grands, continus et à long terme, on peut s'attendre à ce que les besoins en ressources demeurent et que des pressions soient exercées pour les rehausser de façon à répondre plus adéquatement et de façon plus complète aux besoins identifiés et aux nouveaux besoins qui émergent.
Des groupes au sein du ministère de la Justice, ainsi que plusieurs de ses partenaires externes, ont contribué aux activités mises en œuvre par le Fonds d'appui. Certains des autres programmes au sein du ministère de la Justice ont offert leur expertise et ont contribué financièrement à quelques-uns des projets du Fonds d'appui. Certains ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux/territoriaux et des intervenants communautaires ont aussi contribué aux projets du Fonds d'appui. Le type de contribution varie de contributions financières à des contributions en ressources humaines et en matériel ou en équipement de bureau.
Bien que certaines améliorations puissent être apportées au Fonds d'appui, il ne semble pas y avoir de solutions de rechange qui seraient plus efficaces et moins coûteuses. Le Fonds d'appui est un mécanisme efficace et approprié pour répondre aux besoins identifiés.
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