Stratégie nationale antidrogue évaluation

Sommaire

1. Contexte de la Stratégie

Le gouvernement du Canada a annoncé la Stratégie nationale antidrogue (la Stratégie) le 4 octobre 2007, pour honorer son engagement électoral « d’adopter une stratégie canadienne antidrogue visant particulièrement les jeunes ». La Stratégie est une initiative horizontale de 12 ministères et organismes fédéraux, menée par le ministère de la Justice du Canada (Justice Canada), dotée d’un budget d’environ 513,4 millions de dollars destiné à couvrir des activités pendant cinq ans, de 2007-2008 à 2011-2012. La Stratégie englobe 20 composantes regroupées dans le Plan d’action sur la prévention (quatre composantes), le Plan d’action sur le traitement (six composantes) et le Plan d’action sur l’application de la loi (dix  composantes). Collectivement, les trois plans d’action et les activités associées à la législation sur la peine minimale obligatoire ont pour objet de rendre le milieu communautaire plus sûr et plus sain grâce à des efforts concertés de prévention de la consommation de drogue, de traitement de la toxicomanie et de réduction de la production et de la distribution de drogues illicites. Le budget du Plan d’action sur l’application de la loi s’élève à 205,9 millions de dollars (40 % du budget total), alors que les budgets du Plan d’action sur le traitement et du Plan d’action sur la prévention s’élèvent à 190,5 millions de dollars (37 %) et 117 millions de dollars (23 %) respectivement. Un montant supplémentaire de 67,7 millions de dollars a été bloqué pour les quatre composantes relevant des peines minimales obligatoires. Les ministères concernés sont désormais en mesure d’accéder à ces fonds, notamment depuis que le projet de loi a reçu la sanction royale à la mi-mars 2012 Note de bas de page 1 .

La structure de gouvernance de la Stratégie comprend le Comité directeur des sous-ministres adjoints (CDSMA) et quatre groupes de travail sur la prévention et le traitement, sur l’application de la loi, sur les politiques et le rendement, et sur les communications.

Objet de l’évaluation

L’objet de la présente étude consiste à évaluer la Stratégie, conformément aux exigences du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) établies dans sa directive sur la fonction d’évaluation de 2009. L’évaluation était axée sur la pertinence et le rendement (efficacité, efficience et économie) de la Stratégie et de ses trois plans d’action. La portée de l’évaluation couvrait la période de 2007-2008 à 2010-2011.

Méthodologie

La Stratégie est une initiative horizontale complexe comportant de vastes objectifs, une palette étendue d’activités, de nombreux ministères et un grand nombre de composantes. La méthodologie adoptée pour évaluer la Stratégie s’est largement inspirée des données de rendement, des évaluations, des documents, des fichiers et autres données compilées par rapport aux diverses composantes et aux plans d’action. Ces données secondaires ont été complétées par d’autres éléments de preuve afin de faire en sorte que chaque composante de la Stratégie comporte des données primaires et secondaires utilisables à des fins d’analyse. Ces éléments de preuve étaient les suivants  :

Principales constatations et conclusions

Tous les éléments de preuve tendent vers un besoin continu manifeste de la Stratégie.

La consommation de drogues illicites est une préoccupation constante pour les Canadiens, en particulier compte tenu de l’implication des jeunes et d’autres populations vulnérables, des coûts économiques, des préoccupations concernant les nouveaux enjeux, et du désir de voir émerger des collectivités plus saines et plus sécuritaires. Le taux d’utilisation de drogues chez les jeunes â gés de 15 à 24 ans demeure nettement plus élevé que celui déclaré chez les adultes de 25 ans et plus. L’âge moyen de la première exposition à la drogue est d’à peine 15,7 ans Note de bas de page 2 . Le rapport de 2008 de Justice Canada sur Les coûts de la criminalité au Canada Note de bas de page 3 estimait que les coûts associés à la consommation de drogues illicites dans le pays s’élevaient à 1,3 milliard de dollars en frais de soins de santé supplémentaires apportés aux utilisateurs de drogues illicites, 2 milliards de dollars en frais de justice (services de police, tribunaux, services correctionnels) et 5,3 milliards de dollars en pertes de productivité chez les utilisateurs de drogues illicites. Les enjeux émergents tels que l’utilisation illicite de produits pharmaceutiques, la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, et les problèmes majeurs liés à la drogue à l’échelle locale (p. ex., installations de culture de marijuana [ICM], clubs de compassion et migration des gangs) ont été mentionnés comme autant de secteurs nécessitant une attention immédiate. Par ailleurs, le Canada a un rôle à jouer au niveau du renforcement de la collaboration internationale et de l’intervention dans le domaine de la production et du trafic de drogues illicites, en particulier de la marijuana et des drogues synthétiques. Un consensus s’est dégagé parmi les personnes interrogées dans le cadre de l’évaluation, selon lequel on observe un besoin continu de programmes qui contribuent à une réduction de la demande de drogues illicites et à la perturbation sécuritaire des activités liées aux drogues illicites, tout en ciblant les organisations criminelles à l’échelle nationale comme internationale.

La Stratégie concorde avec les rôles et priorités du gouvernement du Canada ainsi qu’avec ses responsabilités.

Presque tous les représentants ministériels (98 %; n=50) ont confirmé que les objectifs de la Stratégie concordent avec les résultats stratégiques et les priorités du gouvernement du Canada. La pertinence de la Stratégie et sa concordance avec les priorités gouvernementales ont été démontrées dans les récents discours du Trône (2011, 2010 et 2007) ainsi que dans la détermination du gouvernement fédéral à s’attaquer au crime et à créer des collectivités plus saines et sécuritaires. Le rôle du gouvernement fédéral est reconnu dans les textes de loi fondamentaux ainsi que dans les conventions et protocoles internationaux dans les secteurs se rapportant aux activités de la Stratégie.

Chacun des trois plans d’action a observé des progrès considérables par rapport à leurs résultats escomptés, en particulier les résultats immédiats.

Le Plan d’action sur la prévention de la Stratégie a observé des progrès en matière d’accroissement de la sensibilisation aux drogues illicites et à leurs conséquences, de renforcement des mesures de soutien pour les populations à risque, et d’amélioration des connaissances dans les collectivités. En particulier, la campagne médiatique de masse et le Service de sensibilisation aux drogues et au crime organisé ont généré des retombées notoires en matière d’accroissement de la sensibilisation et de la compréhension des drogues illicites. Les fonds réorientés du Centre national de prévention du crime (CNPC) et du Fonds des initiatives communautaires de la Stratégie antidrogue (FICSA) ont appuyé des projets qui aident le plus efficacement les jeunes, les parents, les soignants et les populations à risque à prendre des dé cisions éclairées au sujet de la consommation de drogues illicites. Des connaissances ont été acquises et retransmises dans le cadre de diverses activités du Plan d’action sur la prévention, bien que d’autres efforts doivent être déployés pour encourager l’assimilation de ces connaissances dans les collectivités. Les participants à l’évaluation ont mentionné qu’une évolution manifeste dans l’opinion et le comportement du public ne sera observable qu’au-delà de la période d’observation initiale de trois ou quatre ans.

Les composantes du Plan d’action sur le traitement sont suffisamment intégrées de sorte à appuyer l’atteinte des objectifs de la Stratégie visant à mettre au point des approches novatrices et collaboratives pour le traitement des toxicomanies. Toutes les composantes du Plan d’action sur le traitement ont permis de consolider les capacités de planification et d’exécution des programmes et des services de traitement. Bien que la mise en œuvre du Programme de soutien au financement du traitement de la toxicomanie (PSFTT) se soit révélée plus lente que prévu, le programme a néanmoins permis de financer le renforcement des systèmes de traitement et des services de traitement dans six provinces et un territoire. Le Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones (PNLAADA) a renforcé les capacités des services et programmes de traitement dans les collectivités des Premières Nations et inuites, alors que le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie (PFTTT) a contribué à la réduction des comportements toxicomanes et de la récidive criminelle par rapport aux interventions classiques du système de justice dans les six établissements financés. La recherche sur des modèles de traitement de la toxicomanie des IRSC, le PNLAADA et le PSFTT ont été reconnus comme autant de composantes qui mettaient l’accent le plus marqué sur la collaboration comme moyen d’améliorer les interventions et d’échanger les connaissances au sujet des problèmes de traitement. Le Plan d’action sur le traitement a renforcé l’engagement des provinces et des territoires dans certains secteurs, mais des préoccupations demeurent parmi les bénéficiaires de fonds et les représentants ministériels au sujet de la durabilité des projets financés, une fois que le financement de la Stratégie arrivera à échéance. Les participants à l’évaluation ont exprimé leurs préoccupations concernant l’adoption éventuelle de projets pilotes concluants et de pratiques exemplaires par les systèmes de traitement. Le Plan d’action sur le traitement s’est également heurté à certaines difficultés à ses débuts, notamment en matière d’établissement de partenariats et de collaborations.

Le Plan d’action sur l’application de la loi a observé d’importants progrès au niveau de l’élargissement des partenariats, des capacités et de la sensibilisation des intervenants de la lutte antidrogue et des autres impliqués dans ce domaine, et a amélioré les activités visant à réduire la production et le mouvement des drogues illicites à l’échelle nationale et internationale. La Stratégie a augmenté la capacité à lutter contre les drogues et à intensifier les poursuites contre les producteurs et distributeurs de drogues illicites, à recueillir et échanger des renseignements, à analyser les preuves et à contrôler et surveiller les substances contrôlées. Par ailleurs, le Plan d’action sur l’application de la loi a amélioré la sensibilisation aux drogues illicites et aux problèmes liés aux produits chimiques précurseurs chez les agents d’application de la loi au Canada comme à l’étranger, dans le cadre d’ateliers, de séances de formation et d’information ainsi que d’efforts concertés en matière d’application de la loi. Il a en outre contribué aux efforts internationaux visant la réduction de l’offre, grâ ce à son engagement dans des consultations et réunions bilatérales et multilatérales, ainsi qu’au sein de forums internationaux d’élaboration de politiques antidrogue. La Stratégie a contribué à améliorer la sécurité autour du démantèlement des opérations de drogues illicites au moyen de soutien fourni au cours des activités de démantèlement, de séances de formation des policiers et autres individus participant aux opérations de démantèlement, ainsi qu’en améliorant la sensibilisation du grand public. Une réalisation particulièrement importante découlant de ce plan d’action est l’élaboration de partenariats ad hoc parmi les participants; par exemple, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) se sont attelées à un projet conjoint visant à renforcer leur capacité de renseignements, alors que l’ ASFC, Santé Canada, Sécurité publique Canada, la GRC et Justice Canada ont mené des discussions visant à établir des politiques et des procédures pour faire progresser l’efficacité de la surveillance, de la manipulation et de la destruction des produits chimiques précurseurs saisis. On constate néanmoins des difficultés visant à mesurer les retombées de ce plan d’action, étant donné que les enquêtes prennent du temps et que les résultats ne sont pas toujours quantifiables. Il est par ailleurs difficile pour les partenaires d’isoler les retombées des fonds de la Stratégie par rapport à d’autres sources de financement disponibles pour leurs activités. En outre, les organismes partenaires d’application de la loi ont mentionné que le système mis en place pour la modification des règlements en ce qui a trait au contrôle des produits chimiques précurseurs n’est pas suffisamment expéditif pour permettre aux équipes d’application de la loi d’intervenir en temps opportun. Enfin, il a été mentionné que le fait de s’attaquer à la manufacture et à la production de drogues illicites nécessitera des efforts concertés sur une longue durée.

Plusieurs facteurs ont contribué à l’efficacité de la Stratégie ou l’ont limitée.

La Stratégie a profité de l’approche en trois volets qui produit un assortiment approprié de politiques, de programmes et de services. Elle s’est inspirée de ressources existantes et a ajouté de nouveaux programmes visant à combler certaines lacunes. La Stratégie adopte une démarche claire, ciblée et coordonnée, assortie d’une structure de gouvernance efficace, d’un leadership solide et d’une forte mobilisation, ainsi que d’un niveau élevé de communication parmi les ministères participants et les autres organismes et intervenants. Les composantes individuelles ont été en mesure d’utiliser de façon efficace les ressources disponibles en obtenant des fonds auprès d’autres sources, en utilisant des approches rentables, et en collaborant de façon étroite avec les autres ministères et intervenants.

À court terme, l’efficacité de la Stratégie a été limitée par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels les difficultés associées à la création d’une initiative aussi large et complexe que celle-ci, ainsi que les délais de démarrage associés à l’établissement de nouvelles composantes ou à l’augmentation des capacités des activités existantes. L’efficacité a également été limitée par un certain nombre de questions réglementaires (p. ex., restrictions réglementaires sur l’échange de renseignements, processus liés à la mise en oeuvre des modifications), les priorités conflictuelles, et la disponibilité limitée de services complémentaires dans certaines régions ou collectivités. La faible visibilité de la Stratégie pourrait avoir eu une incidence sur son efficacité en réduisant la participation des intervenants ainsi que leur intérêt dans la Stratégie.

Les personnes interrogées ainsi que les participants aux groupes de discussion ont formulé des suggestions quant à la manière d’améliorer l’efficacité et l’atteinte des objectifs de la Stratégie. Les principaux thèmes se rapportent à l’amélioration de la collaboration dans tous les plans d’action, la coordination et le renforcement des activités de transfert des connaissances, le recours plus systématique à une démarche fondée sur des preuves, et le renforcement des liens avec les intervenants internationaux.