Perceptions du public en ce qui concerne la criminalité et la justice au Canada : Examen des sondages d'opinion
8. Questions relatives à la justice pour les jeunes (suite)
- 8.3 Connaissance et perception qu'ont les étudiants de la Loi sur les jeunes contrevenants
- 8.4 Données concrètes à propos de la criminalité chez les jeunes
- 8.5 Récapitulatif
8. Questions relatives à la justice pour les jeunes (suite)
8.3 Connaissance et perception qu'ont les étudiants de la Loi sur les jeunes contrevenants
Un rapport de 1996 du ministère de la Justice (Peterson-Badali, 1996) a examiné la connaissance et la perception qu'avaient les étudiants de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce rapport s'est appuyé sur des questionnaires et des entrevues semi-dirigées pour évaluer comment un nombre limité d'étudiants canadiens comprenaient le système de justice visant les jeunes. Il s'est avéré que les étudiants connaissaient bien la terminologie juridique, puisque 61 % savaient ce qu'était le droit d'avoir recours immédiatement à l'assistance d'un avocat. On observe une différence en fonction de l'âge : les élèves de 10 à 13 ans étaient moins nombreux à répondre correctement que les étudiants de 14 à 18 ans et plus.
On a également demandé aux étudiants d'attribuer une cote à la sévérité des dispositions visant les jeunes contrevenants. Sur une échelle de un à cinq, allant de presque toujours trop sévères à presque toujours trop peu sévères. Trente-sept pour cent des étudiants ont indiqué que ces dispositions étaient à peu près correctes et souvent trop peu sévères, et 20 % les ont qualifiées de presque toujours trop peu sévères.
Il est intéressant de noter que, plus les étudiants sont âgés, plus ils ont le sentiment que les dispositions visant les jeunes sont trop laxistes. L'auteur du sondage attribue ce résultat au fait qu'en vieillissant, les jeunes sont plus exposés à la perception qu'a le grand public des dispositions juridiques visant les jeunes (il les juge trop peu sévères), et à la volonté de punir les jeunes en général.
En ce qui concerne la connaissance des limites d'âge, moins de la moitié des étudiants ont pu indiquer que la limite d'âge minimale était de douze ans. Lorsqu'on leur a demandé à quel âge il fallait abaisser cette limite inférieure, la moyenne des répondants a suggéré onze ans. Les étudiants du groupe des 14-15 ans souhaitaient que l'on abaisse cette limite beaucoup plus que les 10/11 ans.
Tout comme les adultes, les étudiants surestiment le pourcentage de crimes violents commis par des jeunes. Les filles pensent en effet que le taux de criminalité chez les jeunes est de l'ordre de 50 à 69 %, tandis que les garçons l'évaluent entre 40 et 59 %. Le pourcentage réel de crimes violents commis par des jeunes était de 18 % en 1994 (Centre canadien de la statistique juridique, 1999).
Le rapport examine également quelles connaissances les jeunes peuvent acquérir grâce à l'éducation juridique. Il s'avère que l'éducation juridique a peu d'effets notables sur la connaissance et la perception qu'ont les étudiants du système de justice. Ceux qui savent déjà certaines choses à propos de ce système sont plus susceptibles de répondre correctement aux questions portant directement sur la loi. On n'a observé aucune différence entre les jeunes qui avaient une certaine éducation juridique et ceux qui n'en avaient aucune en ce qui concerne la perception de la criminalité chez les jeunes.
Une étude effectuée par Jane Sprott en 1998 tente de comprendre le mécontentement du public et pourquoi celui-ci trouve que le système judiciaire en général fait preuve de laxisme envers les jeunes contrevenants. Jane Sprott s'est intéressée au lien entre la volonté de punir les jeunes (qui influe sur les préférences des répondants dans des cas précis) et la croyance générale selon laquelle le système de justice visant les jeunes est inefficace. On a interrogé 1 006 résidents de l'Ontario à propos de la criminalité chez les jeunes et chez les adultes. Tout comme l'avait révélé le sondage national Gallup, cette étude indique que 64 % des répondants sont opposés ou fortement opposés à un système de justice distinct pour les jeunes, et que 36 % y sont favorables. Parmi les opposants à un tel système, 93,3 % pensent que les tribunaux de la jeunesse ne sont pas assez sévères et 72,9 %, que les peines prononcées à l'encontre des jeunes devraient être aussi sévères que pour les adultes. Parmi ceux qui sont favorables à un système distinct, 71,1 % pensent que les peines ne sont pas assez sévères et 52,1 %, qu'elles devraient être aussi sévères que pour les adultes. Cependant, 82,6 % des personnes opposées à un système distinct ne sont pas favorables à ce que l'on incarcère les jeunes dans les mêmes établissements que les adultes.
En ce qui concerne la perception globale de la criminalité chez les jeunes, les opposants à un système distinct sont plus nombreux que les partisans de cette option à estimer que les jeunes ont tendance à récidiver. Les premiers ont plus peur de se promener seuls à la nuit tombée, pensent que la criminalité est en augmentation dans leur province et dans leur quartier, et croient que le nombre de jeunes accusés de meurtre a augmenté.
Lorsqu'on leur présente le cas concret d'un jeune coupable d'avoir volé une télévision et un magnétoscope dans une maison privée, les opposants à un système distinct sont 31,7 % à préférer une peine de prison au service communautaire. En comparaison, 20,5 % des partisans d'un système séparé préfèrent que l'on envoie le jeune en prison. Là encore, les opposants à un système distinct semblent réclamer des sanctions plus sévères.
Par contre, lorsqu'on interroge les répondants sur l'efficacité des ordonnances de service communautaire (OSC), les opposants à un système distinct croient que les jeunes ne s'acquitteront pas des travaux qui leur sont imposés, qu'ils n'en tireront rien de positif et que l'OSC ne les responsabilisera pas. Les partisans d'un système distinct ne sont pas nombreux à partager cette opinion.
Par ailleurs, 79 % des répondants (favorables et opposés à un système distinct) souhaitent que l'on investisse dans des solutions autres que l'incarcération au lieu de construire plus de prisons. De la même façon, 89 % souhaitent que les autorités investissent dans la prévention plutôt que dans les prisons. Cela vaut également pour les partisans et les opposants à un système distinct.
Jane Sprott (1998) a conclu au terme de son étude que la volonté d'un grand nombre de punir sévèrement les jeunes n'explique pas le point de vue de certains autres. Il existe un lien complexe entre l'opposition à des systèmes distincts et la volonté de punir les jeunes contrevenants. Les gens peuvent être favorables à des peines sévères en théorie, mais se montrer plus laxistes dans des cas précis. Ils ne s'intéressent pas seulement à l'aspect punitif, mais craignent également que le système de justice visant les jeunes ne parvienne pas à trouver des sanctions autres que les peines d'emprisonnement. Pour plus de détails sur cette question, voir Doob, A. 2000; Sprott & Doob, 1997; et Doob, Marinos et Varma, 1995.
8.4 Données concrètes à propos de la criminalité chez les jeunes
Le nombre total de jeunes condamnés pour avoir commis une infraction visée au Code criminel a diminué, poursuivant ainsi une tendance amorcée il y a sept ans (Centre canadien de la statistique juridique, 1999). Alors qu'en 1991, 6 259 jeunes par tranche de 100 000 habitants étaient condamnés pour une infraction au Code criminel, ils étaient 4 363 en 1998.
Plus de la moitié des infractions commises par des jeunes visent des biens (51 %), alors que c'est le cas de seulement 37 % des infractions commises par des adultes. Tandis que 29 % des adultes condamnés l'ont été pour un crime violent, c'était le cas de 20 % des jeunes. D'autres infractions au Code criminel comme les méfaits et les infractions contre l'administration de la justice représentent les 29 % restants, contre 34 % pour les adultes.
Il semble que le nombre d'infractions avec violence ait considérablement augmenté depuis dix ans; il y a dix ans, 68 % des jeunes condamnés l'étaient pour des infractions contre les biens et 10 %, pour des infractions avec violence. Par contre, ce changement est largement imputable à l'augmentation des accusations pour voies de fait simples (de niveau 1) et à la diminution du nombre d'accusations pour vol avec effraction.
En 1998, le nombre de jeunes condamnés pour une infraction avec violence a légèrement diminué en 1998 (- 1 %), le nombre de vols et d'agressions sexuelles a baissé (- 6% et - 4 %, respectivement), et le nombre d'homicides et d'agressions a augmenté (+ 3 % et + 1 %, respectivement). Le nombre global d'infractions avec violence commises par des jeunes demeure considérablement plus élevé qu'il y a dix ans (+ 77 %).
8.5 Récapitulatif
Il n'est pas sûr que les Canadiens soient vraiment préoccupés par la situation des jeunes contrevenants, puisque les statistiques révèlent que le nombre d'infractions au Code criminel commises par des jeunes diminue régulièrement depuis sept ans. Plus de la moitié de ces infractions sont des infractions contre des biens, et seules quelques-unes sont de nature violente. Malgré le petit nombre de délinquants violents, les Canadiens sont de plus en plus favorables à la comparution obligatoire des jeunes devant des tribunaux pour adultes et à l'imposition de peines d'emprisonnement dans des prisons pour adultes aux jeunes condamnés pour une infraction avec violence, par exemple un vol à main armé, une agression, un viol ou un meurtre.
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