Analyse des lacunes dans les documents de recherche sur les enjeux concernant les jeunes de la rue

2. Antécédents familiaux

2. Antécédents familiaux

La plupart des sources examinées citent pratiquement tous les mêmes antécédents familiaux en ce qui a trait aux adolescents sans-abri, que ce soit au Canada ou aux États-Unis : pauvreté, négligence, violence physique, émotionnelle ou sexuelle de la part d'un ou des deux parents, parents qui consomment de l'alcool ou des drogues, parents ayant été reconnu coupables d'actes criminels, et milieux familiaux généralement conflictuels et destructeurs (voir les sources canadiennes : Baron, 1999; Brannigan et Caputo, 1993; Caputo, Weiler et Kelly, 1994; Hagan et McCarthy, 1994; McCarthy, 1995; McCreary Society, 2001; Weber, 1991; et les autres sources américaines : Busen et Beach, 1997; Clatts et coll., 1999, 1998; Fitzgerald, 1995; Kaufman et Widom; Kipke, Palmer et coll.; Rotheram-Borus, Mahler et coll., 1996; Whitbeck, Hoyet et Ackley, 1999).

Selon Fitzgerald (1997, p. 718), la vie des jeunes de la rue et des jeunes sans-abri qui habitent aux États-Unis « …reflète les effets continus et à long terme de leurs milieux malsains et destructeurs ». Selon McCarthy (1995, p. 47), les données canadiennes démontrent également que, comparativement aux jeunes qui viennent d'un milieu familial stable, les jeunes qui vivent dans la rue « …affichent des niveaux disproportionnés d'abus physiques et sexuels dans leur famille et ont de parents qui sont aux prises avec des problèmes de consommation ». En outre, une étude réalisée auprès de jeunes de la rue à Toronto suivant un traitement de désintoxication présente les antécédents d'abus sexuels comme une caractéristique des participants (Smart et Ogborne, 1994, p. 739). Dans une étude plus récente, Whitbeck, Hoyt et Ackley (1997, p. 526) mentionnent que « le portrait familial qui se dégage fait état de relations familiales dysfonctionnelles souvent caractérisées par l'exploitation sexuelle, les agressions mutuelles et la violence », ce qui confirme les résultats issus d'autres études.

2.1 Antécédents et sexe

Il est intéressant de noter que peu d'études effectuent une analyse des jeunes de la rue en fonction de leur sexe, même si ceux-ci risquent d'être contraints à la prostitution et qu'il est généralement reconnu que la plupart de ceux qui s'adonnent à la prostitution sont de sexe féminin. Bien que Caputo, Weiler et Kelly soulignent que 25 % des jeunes vivant à Ottawa (1994, p. 30) ont quitté leur foyer en raison d'abus physiques ou sexuels, et 18,3 % des jeunes de Saskatoon (1994, p. 30) parce qu'ils avaient été « victimes d'abus sous une forme ou une autre », il n'existe aucune analyse effectuée selon le type d'abus ou le sexe. Dans une étude portant sur les enfants prostitués à Vancouver, Webber note (1991, p. 98) que 80 % des filles et 17 % des garçons avaient été victimes d'abus sexuel dans leur foyer. Les enfants prostitués se situent toutefois plus loin sur la trajectoire de vulnérabilité et d'exploitation que les jeunes de la rue qui sont le sujet de cette étude. Un certain nombre d'études américaines (p. ex. Rotheram-Borus, Mahler et coll., 1996; Terrell, 1997; Whitbeck et Simons, 1990) indiquent que les adolescentes qui vivent dans la rue sont beaucoup susceptibles d'avoir été victimes d'abus sexuel dans leur foyer. Pourtant, cette répartition des résultats selon le sexe demeure l'exception plutôt que la règle.

2.2 Antécédents et orientation sexuelle

Les jeunes lesbiennes, gais et bisexuels signalent avoir été victimes de réactions et de violence attribuables à l'homophobie, tant à la maison qu'à l'école (Hunter, 1990, p. 299, Kruks, 1991, p. 516; Sullivan, 1996, p. 59). Dans son étude réalisée sur les jeunes de San Francisco (1996, p. 59), Sullivan observe que « …bon nombre de jeunes gais et bisexuels deviennent des enfants laissés pour compte, qui sont chassés de leur foyer et laissés prématurément à eux-mêmes ».

2.3 Antécédents et ascendance autochtone

Les résultats concernant les liens entre les jeunes Autochtones de la rue et leurs familles soulignent l'importance de tenir compte des traditions ethniques ou culturelles dans les expériences des jeunes de la rue et les interventions menées à leur endroit. À titre d'exemple, une étude sur les jeunes Autochtones de la rue de Saskatoon démontre qu'il n'y a pas de frontière stricte entre le foyer et la rue. En effet, un jeune peut avoir quitté la maison sans que l'on considère qu'il se soit enfuit dans le sens habituel du terme. En fait, le jeune « …reste en contact avec sa famille et, de façon intermittente, avec des établissements comme les écoles »

(Caputo, Weiler et Kelly, 1994a, p. 10). Bien que les conflits familiaux et les abus sont mentionnés (p. 30) comme des raisons pour avoir quitté la maison, l'étude de Saskatoon n'offre pas d'information spécifique sur les types d'abus vécus à la maison par les jeunes Autochtones. À cet égard, on pourrait examiner des rapports isolés et des articles récents parus dans les médias concernant l'importance des abus sexuels dans les familles autochtones, qui sont souvent le résultat d'expériences vécues dans les pensionnats. Les rapports et articles suggèrent l'existence de liens entre ce phénomène et les antécédents familiaux des Autochtones. Les raisons pour lesquelles les jeunes Autochtones de la rue de Saskatoon demeurent en contact avec leurs amis et leur foyer, alors que les jeunes de la rue non-Autochtones qui ont été abusés sexuellement ne le font pas, ne sont analysées nulle part dans la littérature.

Pour ce qui est de l'utilisation des services, les écrits s'accordent pour noter l'absence de services et de ressources sensibles à la culture des jeunes Autochtones qui vivent dans la rue (p. ex. Caputo, Weiler et Kelly, 1994a, p. 11). Il serait utile de réaliser des études tenant compte des différences culturelles dans les familles en vue d'élaborer des services plus appropriés sur le plan culturel et donc, sans doute, plus efficaces.