Analyse des lacunes dans les documents de recherche sur les enjeux concernant les jeunes de la rue

3. Conditions et expériences liées à la vie dans la rue

3. Conditions et expériences liées à la vie dans la rue

Une multitude de facteurs contribuent à la dureté et à l'instabilité de la vie quotidienne des jeunes de la rue. Dans les pages qui suivent, nous examinerons la mesure dans laquelle la pauvreté chez les jeunes de la rue, reconnaissable par le manque d'emploi, de ressources financières, d'hébergement et de nourriture, est traitée dans la littérature. Les résultats concernant des facteurs situationnels comme les problèmes de santé, le racisme, l'homophobie et d'autres formes de victimisation sont ensuite présentés. Dans la mesure du possible, l'incidence de ces facteurs sur les jeunes de la rue sera examinée en lien avec le sexe, l'orientation sexuelle et l'ascendance autochtone.

3.1 Pauvreté

De nombreuses études ont été réalisées sur la pauvreté des jeunes qui vivent dans la rue (p. ex. Baron, 1999; Brannigan et Caputo, 1993; Caputo, Weiler et Kelly, 1994a, 1994b; Fizgerard, 1995; McCarthy, 1995; McCarthy et Hagan, 1992; Webber, 1991). À titre d'exemple, McCarthy note qu'une fois dans la rue, la plupart des jeunes de Vancouver passent une grande partie de leur temps à chercher de la nourriture, un abri et du travail. Malheureusement, ces recherches sont souvent infructueuses, et la plupart des jeunes de la rue souffrent souvent de la faim et dorment dans des lieux non sécuritaires. Ces expériences en ont laissé plus d'un « secoué et apeuré… » (McCarthy, 1995, p. 47).

Webber (1991, p. 14) décrit les privations d'ordre économique dans ces termes très évocateurs :

La vie dans la rue est une existence de pilleur de poubelles, une quête sans repos pour de l'argent ou n'importe quoi pouvant se transformer en de l'argent, un lit, un repas ou de la drogue capable de soutenir le malheureux jusqu'au lendemain… la tombée de la première neige n'est pas le signal qu'il est temps d'apporter les manteaux doublés de plumes d'oie chez le nettoyeur. Plutôt, elle provoque la peur : du froid ankylosant, de la fatigue constante parce qu'il est trop risqué de s'endormir au froid. (1991, p. 14)

3.1.1 Revenus et chômage

Nous n'avons découvert aucune étude canadienne ou américaine offrant une analyse systématique approfondie de la façon dont les jeunes de la rue trouvent de l'argent ou un emploi et utilisent leurs revenus. Vu cette lacune, on doit s'attendre à trouver peu d'analyses fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle ou l'ascendance autochtone. Ce qui existe sont des descriptions d'une vie quotidienne chaotique vécue dans des conditions de dénuement extrême, mais où les facteurs économiques sont examinés principalement dans le contexte de leurs liens avec l'usage de drogues et d'alcool (Baron, 1999). Dans des études antérieures, les chercheurs situent les facteurs économiques en relation avec les comportements criminels. À titre d'exemple, Baron et Hartnagel (1998, p. 184) indiquent que les revenus faibles sont « le seul facteur prédictif constant qui est associé à quatre types de crimes violents ». (Ces quatre types de crimes sont le vol qualifié, les voies de faits graves, les bagarres en bandes et les voies de faits simples.) (Voir également Baron et Hartnagel, 1998 et McCarthy et Hagan, 1992)

Dans une étude réalisée sur les jeunes de la rue à Ottawa, seulement 15,4 % des jeunes répondants de la rue ont indiqué à Caputo et coll. (1994b, p. 32) que le manque d'argent était le problème le plus important auquel ils étaient confrontés. Cependant, dans le cadre de l'examen que l'équipe de recherche a effectué sur les occasions d'emploi pour les jeunes de la rue à Ottawa, celle-ci prédit qu'en raison de leur manque d'étude et de compétences valables sur le marché du travail et de leur style de vie peu propice à l'occupation d'un emploi stable, « …la plupart des fugueurs et des jeunes de la rue ne poursuivront jamais une carrière dans le sens traditionnel du terme. La plupart transiteront entre des emplois marginaux peu rémunérateurs du secteur des services et le recours à une forme ou une autre d'aide sociale » (1994a, p. 17).

Dans une étude réalisée en 1995 sur les jeunes de la rue à Vancouver, McCarthy (p. 23) identifie la mendicité, l'aide sociale et le crime comme étant leurs trois sources principales de revenu. Il décrit également les types d'emploi non spécialisés qui sont typiquement offerts aux adolescents dans le secteur des services. Ceux-ci comprennent la restauration, l'entretien ménager et la vente au détail. Il mentionne également des emplois dans certains secteurs moins typiquement associés aux adolescents, comme les corps de métier et le travail de bureau. Les répondants ont indiqué avoir reçu de l'aide sociale au moins une fois pendant qu'ils vivaient dans la rue. Soixante-et-quinze pour cent des jeunes interrogés ont dit avoir mendié, mais la plupart ont précisé qu'il s'agissait d'une source de revenu très modeste, la plupart des jeunes de la rue recueillant « considérablement moins » que la somme de 30 $ à 50 $ par jour qu'un petit nombre affirmait tirer de cette source (McCarthy, 1995, p. 24). De plus, 80 % des répondants n'avaient occupé aucun emploi depuis qu'ils avaient commencé à vivre dans la rue. Webber (1991, p. 167) explique que « …la plupart des jeunes interrogés ne travaillaient qu'à l'occasion, et pour un salaire qui ne suffisait pas à leur assurer nourriture et logement ».

McCarthy et Hagan (1992, p. 623) se sont penchés sur ce qu'ils appellent les facteurs « d'avant-plan » qui contribuent à la délinquance criminelle. Par cette expression, ils entendent les conditions et les situations propres au milieu de la rue plutôt que les antécédents familiaux. Ils se sont rendu compte que le chômage, en particulier chez les adolescentes, avait dans une large mesure un seul résultat pour conséquence : la prostitution. D'autres études (p. ex. Greene et coll., 1999; Moon et coll., 2000; Sullivan, 1996) établissent une distinction entre la prostitution et l'échange de faveurs sexuelles à des fins de subsistance. « Cette dernière forme de prostitution comprend l'échange de faveurs sexuelles en vue de se procurer un abri, de la nourriture, de la drogue ou de l'argent, et entraîne les répercussions les plus néfastes chez les jeunes de la rue »

(Greene et coll., 1999, p. 1406). Toutefois, il existe peu d'informations sur cette source de revenus qui permettraient de comparer les tendances relatives à ce mode de vie avec le sexe ou l'orientation sexuelle, autres que les données qui font état de cette forme de prostitution chez les adolescents et les adolescentes.

3.1.2 Recherche d'un abri

Chez les sources analysées, on retrouve beaucoup d'information sur les difficultés qu'ont les jeunes de la rue à se trouver un abri, les types de refuges qu'ils trouvent et les dangers associés aux refuges. Caputo, Weiler et Kelly (1994c, p. 30) ont effectué une étude de cas des jeunes de la rue à Saskatoon dans laquelle il est mentionné que 18,3 % des répondants étaient confrontés à des « conditions de vie marginales et vivaient…dans des refuges temporaires, avec des soi-disant amis, ou dans la rue ».

Près de 40 % des répondants vivaient avec un ou deux parents ou avec d'autres membres de leur famille, tandis que les autres avaient leur propre logement ou vivaient dans un foyer d'accueil. Toutefois, comme le soulignent les auteurs, le nombre élevé de jeunes logés de façon relativement stable s'explique par le fait que la plupart des répondants étaient des Autochtones et, comme nous l'avons mentionné plus tôt, les jeunes Autochtones de la rue sont rarement chassés par leurs parents ou les membres de leur famille, et ils n'ont pas tendance à rompre tous les liens avec leur famille lorsqu'ils vivent dans la rue. Cette situation est généralement différente chez les jeunes de la rue non-Autochtones. Cependant, on a dit aux chercheurs que pour les jeunes Autochtones de la rue, « vivre avec des parents ou des membres de la famille pouvait signifier simplement avoir une place à coucher », et que les jeunes d'ascendance autochtone trouvaient, semble-t-il, l'idée de vivre à la maison « intolérable », à l'instar des non-Autochtones. Les auteurs signalent que les donneurs de service qu'ils ont interrogés à Saskatoon interprétaient cette tendance à vivre tour à tour au foyer, dans la rue et chez d'autres membres de la famille comme étant un reflet de la solidité des liens et des responsabilités chez les peuples autochtones. Ils estiment que ce mode de vie peut être associé à la tradition de campement des Autochtones plutôt qu'à une situation de fugue (Caputo, Weiler et Kelly, 1994c, p. 31). Il importe également de noter que les refuges d'urgence pour les itinérants, comme l'Armée du Salut, étaient rarement utilisés par les jeunes d'ascendance autochtone ou non visés par l'étude, et que plus de la moitié des répondants ont indiqué ne pas connaître l'emplacement d'aucun refuge de ce genre.

Dans une étude sur Vancouver, McCarthy fournit un compte rendu détaillé des endroits où les jeunes de la rue cherchent refuge. Il souligne qu'aucun centre pour jeunes itinérants n'existait dans la ville au moment des entrevues, et que de ce fait les jeunes vancouverois dormaient le plus souvent « …sur des balcons, sur des toits, dans des encoignures de portes, dans des centres pour itinérants et à divers d'autres endroits ».

Quatre-vingt pour cent des répondants arpentaient souvent les rues toute la nuit; d'autres passaient la nuit dans des cafés ouverts la nuit, des automobiles vides ou des immeubles abandonnées, où ils restaient quelque fois un mois ou deux. Certains couchaient dans des parcs, habituellement en compagnie d'un ou deux amis car les parcs sont considérés comme étant des lieux très peu sécuritaires pour les jeunes de la rue, la nuit tombée (McCarthy, 1995, p. 26-27).

Ayerst explique (1999, p. 570) comment la nécessité de se chercher un abri sûr peut conduire à des stratégies négatives d'adaptation, où les jeunes de la rue « …consomment le plus souvent des amphétamines pour demeurer éveillés toute la nuit afin de ne pas être agressés (agression physique ou vol) pendant leur sommeil ». Smart et Walsh (1993, p. 51-52) formulent une conclusion semblable. En effet, selon eux, le temps que passe un jeune dans la rue dans un centre pour itinérants est fortement associé à la dépression, car il est possible que les jeunes de la rue qui ont une très faible estime de soi soient « …moins capables de composer avec le problème d'hébergement et plus susceptibles d'avoir recours à des centres pour itinérants, qui quelque fois sont malpropres, bruyants, dangereux et surpeuplés », ce qui aggrave leur dépression. Par suite d'une entrevue menée avec un jeune de la rue, Webber (1991, p. 140) juge que les « centres pour itinérants semblent être des endroits particulièrement dangereux où dormir : c'est le genre d'endroit où les gens se mettent facilement en colère…vous devez dormir avec tous vos vêtements ou par-dessus toutes vos possessions, sinon vous vous les faites voler ».

Webber (1991, p. 159) considère les centres pour itinérants comme des « entrepôts décrépits de la misère. D'un certain point de vue, ils vous aident dans un moment de détresse, d'un autre point de vue, ils vous punissent pour vos échecs ».

Nos recherches ne nous ont pas permis de trouver des études évaluant le caractère approprié des refuges comme les centres pour jeunes itinérants. Cependant, McCarthy et Hagan soulignent que les problèmes liés à l'hébergement et aux tentatives de se trouver un abri sont sans aucun doute des facteurs qui incitent les jeunes à commettre des vols importants et à se prostituer simplement pour survivre (1992, p. 597).

3.1.3 Recherche de nourriture

McCarthy et Hagan (1992, p. 614) établissent une forte association entre la recherche d'un logement et de nourriture chez les jeunes de la rue et la participation de ces derniers à des crimes de la rue. Ils soulignent également que « …la faim en elle-même a une incidence importante et statistiquement significative sur le vol de nourriture » dans les magasins. Dans l'étude que McCarthy a réalisée en 1995 sur les jeunes de la rue à Vancouver, il mentionne encore la faim, notant que 75 % des jeunes de la rue « …s'étaient passés de nourriture des jours complets [à quelques occasions] ou [ souvent] ».

Bien que les jeunes avaient parfois la possibilité d'obtenir de la nourriture auprès d'organismes de services sociaux, ils fouillaient souvent dans les conteneurs à déchet, et 80 % ont admis avoir volé de la nourriture (1995, p. 25).

Antoniades et Tarasuk analysent le problème de la faim et de la quête de nourriture plus en détail. Ils ont interrogés un échantillon de 88 jeunes de la rue, dont 49 jeunes de sexe masculin et 39 jeunes de sexe féminin, au sujet « des pratiques d'obtention de nourriture, des préoccupations touchant la nourriture, et des obstacles perçus quant à l'obtention d'une quantité suffisante de nourriture » (1998, p. 371). Ils ont trouvé, par exemple, que les « jeunes qui vivaient dans la rue ou s'installaient comme squatteurs, ainsi que ceux dont la principale source de revenu était le lavage de pare-brises ou la mendicité, semblaient les plus vulnérables au manque de nourriture » (1998, p. 373). Les auteurs attribuent cette vulnérabilité au fait que ces jeunes étaient ceux qui avaient le moins de contacts avec des parents ou des amis susceptibles de les nourrir. Antoniades et Tarasuk ont également demandé aux jeunes qui avaient indiqué avoir de la difficulté à obtenir suffisamment de quoi manger ce qui pourrait les aider à mieux se nourrir. La plupart des répondants ont indiqué qu'un revenu adéquat, un accès à des outils de cuisson et un logement stable étaient essentiels, « …mais plusieurs jeunes ont aussi indiqué qu'un meilleur accès à des programmes alimentaires gratuits pourrait les aider » (1998, p. 373-374). Toutefois, Webber indique que les jeunes de la rue considèrent cette source de nourriture comme étant de la « nourriture de pauvre », de la « …nourriture déficiente, concentrée en féculents et en sucre et faible en protéines, minéraux et vitamines ». Des jeunes de la rue lui ont dit que chaque fois que c'était possible, ils évitaient la nourriture des banques alimentaires, et « …piquaient à la place des sandwichs que les restaurants-minutes jetaient dans leur cour une fois qu'ils avaient perdu leur fraîcheur du fait d'avoir passé trop de temps sous les lampes chauffantes ». Elle conclut que dans l'ensemble, les jeunes de la rue mangent « peu souvent et mal » (Webber, 1991, p. 161).

L'étude de Antoniades et Tarasuk est également intéressante du fait que cinq des jeunes femmes de l'échantillon étaient enceintes ou allaitaient. Fait intéressant, aucune des cinq jeunes femmes n'a indiqué avoir manqué sérieusement de nourriture, et l'une seule d'entre elles a dit d'avoir eu faim pendant cette période (Antoniades et Tarasuk, 1998, p. 373).

Dans l'ensemble, après l'examen de la littérature traitant du problème de l'alimentation chez les jeunes de la rue, il ne semble pas y avoir de différences notables quant à l'accès à de la nourriture chez les jeunes de sexe masculin et féminin, et les auteurs ne mentionnent pas l'origine ethnique ou raciale des répondants.

3.2 Problèmes de santé

La détermination de l'état de santé des jeunes de la rue est une tâche complexe et vaste. La littérature porte aussi bien sur les problèmes de santé physique que de santé mentale. Hwang (2001) a cerné une panoplie de problèmes de santé physique qui affligent les adultes et les jeunes de la rue au Canada, dont les risques d'infection au HIV/SIDA, les autres MTS (particulièrement la gonorrhée et la chlamydia), l'infection virale à l'hépatite B, la consommation de diverses substances et l'accoutumance à celles-ci, l'asthme, la tuberculose et d'autres infections respiratoires, l'anémie, les déficiences en vitamine et d'autres problèmes d'alimentation, les infections de la peau et les infestations, ainsi que les problèmes dentaires et les problèmes de pied. Les problèmes d'ordre émotionnel ou mental sont également courants chez les jeunes de la rue. Parmi ceux-ci, citons la dépression et les tendances suicidaires, les problèmes de personnalité comme les comportements obsessifs-compulsifs, et les psychoses comme la schizophrénie (Busen et Beech, 1997, p. 317).

En outre, les jeunes de la rue sont davantage prédisposés à des blessures et à des accidents mortels, ainsi qu'à des agressions violentes, au suicide et à la maladie. Selon Roy, Boivin et coll. (1998, p. 32), le taux de mortalité chez les jeunes de la rue à Montréal est « excessivement élevé » lorsqu'on le compare à celui des jeunes qui ont une situation familiale stable.

L'un des aspects concernant la santé des jeunes de la rue qui ne semble pas avoir été examiné dans aucun des écrits analysés est celui des jeunes de la rue ayant des handicaps. La raison pour ceci est obscure, mais il est possible que ce soit là un reflet de l'invisibilité sociale généralisée des personnes ayant un handicap. Comme nous le mentionnerons d'ailleurs plus loin, ceci devrait faire l'objet de recherches futures, sur les handicaps visibles aussi bien qu'invisibles. Les difficultés d'apprentissage et le syndrome d'alcoolisme fœtal et d'abus de stupéfiants constitueraient de bons exemples de ces derniers.

Le taux inquiétant d'infections au VIH/SIDA et à l'hépatite B chez les jeunes Canadiens de la rue est bien documenté et est relié au « taux élevé d'abus sexuel dont les jeunes fugueuses sans-abri disent avoir été victimes dans leur foyer » (Ahtey, 1991, p. 520), aux comportements sexuels à haut risque (p. ex. Brannigan et Caputo, 1993; Hwang, 2001; Roy, Lemire et coll., 1998; Sullivan, 1996) comme les relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires, particulièrement chez les gais, les lesbiennes et les jeunes bisexuels, et l'usage de drogues injectées (Haley et coll., 1998; Hwang, 2001; Roy, Lemire et coll., 1998). Cependant, il semble que très peu d'études ont été réalisées concernant ces infections chez les jeunes Autochtones de la rue. Si l'on considère qu'un nombre élevé de jeunes de la rue sont des Autochtones, ainsi que les risques particuliers en matière de santé auxquels sont exposés les groupes autochtones, il s'agit-là, incontestablement, d'une lacune dans le domaine de la recherche.

Plusieurs auteurs ont analysé le facteur de risque que représentait la consommation de diverses substances dans la vie des jeunes de la rue au Canada (p. ex. Baron et Hartnagel, 1998; Brannigan et Caputo, 1993; Caputo, Weiler et Kelly, 1994b, 1994c; Fitzgerald, 1995; Hwang, 2001; Webber, 1991). Fait intéressant, toutes ces études démontrent que la consommation d'alcool et de drogue fait partie d'un groupe de facteurs interreliés qui contribuent, d'une part, aux problèmes de santé chez les jeunes gens, et, d'autre part, aux comportements à problèmes comme les activités criminelles et la violence. Toutefois, Baron et Hartnagel nous préviennent que même si les voies de faits simples sont liées à la consommation d'alcool, cette forme de violence est également le produit « …d'une association avec des pairs criminels et de difficultés liées à la pauvreté » (1999, p. 185).

La consommation de drogues et d'alcool est présentée comme étant un moyen fréquemment utilisé pour composer avec la multitude d'expériences pénibles et stressantes auxquelles font face les jeunes de la rue (Fitzgerald, 1995, p. 722). La plupart d'entre nous conviendrait, avec Webber (1991, p. 225), que :

Plus que les adolescents typiques, les enfants de la rue sont confrontés à de lourdes difficultés, qu'elles proviennent de leur foyer ou de la rue. Ils ont, plus que la moyenne, besoin d'échapper à la réalité. La drogue leur offre un attrait des plus irrésistibles, soit celui d'anéantir leur douleur. La dépendance est le produit naturel du mode de vie du monde de la rue, car certains enfants ne peuvent survivre aux outrages faits à leur corps qu'en les oubliant. La drogue leur offre… de l'illusion. (Webber, 1991, p. 225)

Les résultats de ces stratégies de fuite sur le plan mental et physique menacent souvent leur vie même. Hwang (2001, p. 231) note que la dépression, les tendances suicidaires et les autres formes de maladie mentale sont associées à la consommation de drogue et d'alcool, bien que dans leur étude sur les jeunes de la rue à Toronto, Smart et Walsh (1993, p. 51) soutiennent que « les meilleurs indices d'une dépression sont la faible estime de soi et le temps passé dans les centres pour itinérants ». Les risques que présentent les drogues injectées pour la santé, notamment les infections virales ou VIH/SIDA et à l'hépatite B sont bien documentés en ce qui a trait aux jeunes (p. ex. Haley, Roy et coll., 1998; Roy, Haley et coll., 1999). En plus de leur incidence sur la mortalité attribuable aux maladies, la consommation d'alcool et de drogues s'inscrit également dans une spirale de problèmes liés aux activités criminelles, à la violence et à la possibilité très réelle d'une mort prématurée (Baron et Hartnagel, 1998; Hwang, 2001; Roy, Lemire et coll., 1998).

Le taux élevé de dépression chez les jeunes de la rue est traité dans au moins deux études canadiennes récentes (Ayerst, 1990; Smart et Walsh, 1993). Ces deux études relient les niveaux de dépression plus élevés chez les jeunes sans-abri à la faible estime de soi et à des agents stresseurs comme des abris peu sécuritaires et potentiellement violents et l'absence d'un réseau de soutien stable. À titre d'exemple, Crowe et Hardill (1993, p. 21) ont trouvé qu'au cours d'une période d'une année, à Toronto, 21 % des femmes sans-abri avaient été agressées sexuellement. Bien que l'étude ne distingue pas les victimes selon leur âge, cette information démontre clairement les risques posés au bien-être mental et physique des jeunes femmes. L'occurrence d'une agression sexuelle peut fort bien être l'une des sources de dépression chez les jeunes femmes de la rue. Ceci reste toutefois à analyser.

En outre, aucune étude d'envergure n'a été réalisée sur la façon dont la dépression chez les jeunes de la rue était liée au sexe, à l'ascendance autochtone ou à l'orientation sexuelle.

Un anthropologue médical a réalisé une étude très intéressante sur les attitudes et les idées qu'avaient les jeunes Américains de la rue au sujet de l'information sur le VIH/SIDA qui leur était distribuée (Sobo et coll., 1997). Les résultats révèlent beaucoup de sceptisime et d'idées fausses, particulièrement chez les jeunes filles de la rue et les jeunes afro-américains de la rue, vis-à-vis des conseils prodigués par les spécialistes du SIDA. Ces résultats ont amené les chercheurs à se questionner sur l'efficacité de la documentation préventive distribuée aux jeunes de la rue. Leurs résultats suggèrent qu'il serait utile d'entreprendre une étude d'envergure axée sur l'origine ethnique au Canada à laquelle participeraient de nombreux jeunes de la rue, afin de comprendre quelle sorte de documents d'information sur le HIV/SIDA seraient plus adaptés à la culture et dont tiendraient davantage compte les jeunes de la rue à haut risque. Aucune analyse n'a été effectuée en vue de déterminer s'il existait des différences dans les niveaux d'acceptation ou de rejet de ces types de documents d'information en fonction du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'ascendance autochtone ou d'autres groupes ethniques ou culturels.

Les services de soins de santé qui s'adressent aux jeunes de la rue à Vancouver, à Saskatoon et à Ottawa ont fait l'objet de diverses études. Chand and Thompson (1997, p. 16, 18, 20) notent que la nécessité d'un plus grand nombre de centres et de programmes de désintoxication, de services de santé mentale, et de cliniques médicales et dentaires situées près des endroits où les jeunes de la rue passent leur journée. En outre, ils soulignent que l'un des principaux obstacles à l'utilisation des services médicaux est la confusion des jeunes de la rue quant à leur admissibilité aux soins en question (1997, p. 19). Dans l'étude qu'ils ont réalisée sur les jeunes de la rue à Saskatoon, Caputo, Weiler et Kelly (1994c, p. 22) mentionnent que les services de soins de santé pour les jeunes Autochtones qui sont offerts dans cette ville ne sont pas sensibles à leurs cultures et ne tiennent pas compte des traditions des Autochtones en matière de traitement. Il serait utile d'effectuer des études supplémentaires dans d'autres villes canadiennes afin de déterminer si le problème existe ailleurs et de cerner les méthodes de traitement qui seraient appropriées pour les jeunes Autochtones de la rue.

De plus, la santé reproductrice des jeunes femmes de la rue soulève des préoccupations. Aucune analyse systématique n'a été effectuée concernant le taux de grossesse de cette cohorte, mais selon Hwang, « des rapports isolés suggèrent que les grossesses sont fréquentes chez les jeunes de la rue au Canada; dans une étude récente réalisée aux Etats-Unis, 10 % des adolescentes sans-abri âgées de 14 à 17 ans étaient enceintes » (2001, p. 231). Fitzgerald (1995, p. 718) présente les jeunes sans-abri au Canada comme étant « …une nouvelle classe d'intouchables…qui sont fonctionnellement illettrés, débranchés des études, dépressifs, enclins à consommer de la drogue et à s'adonner prématurément à des activités criminelles, et un jour ou l'autre, les parents d'enfants non planifiés et non désirées » (italique ajouté). Greene et Ringwalt (1998, p. 370) ont comparé les taux de grossesse chez trois cohortes de jeunes de la rue aux États-Unis et ont trouvé que les jeunes de la rue avaient des taux de grossesse quatre fois plus élevés que les jeunes femmes vivant dans un foyer stable.

Greene et Ringwalt offrent plusieurs explications pour ces taux excessivement élevés, notamment : des antécédents d'abus sexuels à la maison ayant pu avoir mené à une grossesse; des partenaires multiples; des pratiques sexuelles dites de survivance/prostitution; l'incapacité de se procurer des contraceptifs efficaces; la vulnérabilité aux agressions sexuelles; et un accès limité à des services médicaux et des services de planification familiale. Ils ont également indiqué (1998, p. 375) que les grossesses chez les adolescentes de la rue étaient susceptibles d'être sous-estimées si les jeunes femmes ne savaient pas qu'elles étaient enceintes ou qu'elles étaient réticentes à admettre leur état de grossesse, ou surestimées si elles étaient mal nourries ou d'un poids inférieur à la normale, consommaient de la drogue ou souffraient de stress, ces facteurs pouvant être interprétés par les jeunes femmes comme une absence de règles attribuable à une grossesse. Les chercheurs terminent en présentant des recommandations en matière de politique à l'intention des jeunes de la rue. Celles-ci comprennent l'élaboration de programmes liés à la prévention des grossesses et aux pratiques sexuelles sécuritaires, à la distribution de condoms et à la prestation de services prénataux près des centres où l'on trouve des sans-abris, ainsi que la création de projets d'éducation sur les soins à donner aux nourrissons et de programmes de formation d'emploi et d'autonomie fonctionnelle pour les jeunes filles de la rue ayant des nourrissons (Greene et Ringwalt, 1998, p. 376).

Chand et Thompson (1997, p. 21, 31) recommandent également des ressources en matière de soins d'enfants dans le cadre de programmes éducatifs destinés aux jeunes de la rue, ainsi que des programmes de soutien aux parents pour les jeunes parents qui vivent dans la rue. Ils suggèrent également que les jeunes de la rue qui sont parents soient consultés pour l'élaboration, le développement, la dotation et la prestation des services de soins aux enfants. Cependant, il importe de noter que dans une étude pilote réalisée par Goldman (1998, p. 1041) auprès de 50 jeunes de la rue à Toronto, près de la moitié des adolescentes croyaient courir peu de risques ou aucun de devenir enceinte, même si huit d'entre elles l'étaient. Un tiers seulement des jeunes filles utilisaient une méthode de contrôle des naissances fiable et régulière. Ce déni a été également noté pour les maladies transmises sexuellement.

Cette tendance aux « idées fausse », qui mène clairement à la conception, semble corroborer les conclusions de Sobo et coll. (1997) concernant les idées fausses au sujet du SIDA chez les fugueurs adolescents. D'autres études devraient être réalisées à cet égard. De plus, non seulement n'existe-t-il aucune étude appronfondie relativement aux taux de grossesses chez les jeunes femmes de la rue, mais il semble également y avoir de graves lacunes dans les documents de recherche quant aux façons dont les adolescentes sans-abri et les adolescentes de la rue, qu'elles soient des Autochtones ou non, tentent de prévenir les grossesses, de faire face à leur grossesse, de prendre soin d'elles-mêmes pendant leur grossesse, et de prendre soin de leur nourrisson. En outre, on connaît peu de chose sur les tentatives de former des familles biparentales ou « étendues », que celles-ci soient composées de couples hétérosexuels ou homosexuels, ou encore de liens fraternaux fictifs.

3.3 Victimisation

Les jeunes de la rue présentent souvent des risques de divers types de victimisation., dont les effets négatifs du racisme, de l'homophobie et de diverses formes de harcèlement et de violence directe. Il n'est pas rare que des jeunes de la rue soient victimes d'autres jeunes de la rue. Dans les prochaines sections (3.3.1 – 3.3.4), nous aborderons plus en détail plusieurs facteurs de complication liée à la victimisation des jeunes de la rue – racisme, homophobie, auto-destruction et activités criminelles.

3.3.1 Expériences liées au racisme

Le sujet du racisme dans la sous-culture des jeunes Canadiens de la rue est très peu présent dans la littérature. Bien qu'il y ait des jeunes de toutes races qui vivent dans la rue, le groupe le plus évident et surreprésenté est celui des jeunes Autochtones. Cependant, nous n'avons pu trouver qu'une seule étude qui aborde de façon détaillée les jeunes Autochtones de la rue (Caputo, Weiler et Kelly, 1994c). Une minorité importante (20 %) des répondants autochtones vivant dans la rue ont affirmé que les policiers de Saskatoon étaient « racistes »(Caputo, Weiler et Kelly, 1994c, p. 33). Des commentaires obtenus de jeunes et de chefs de la collectivité autochtone démontrent que ces derniers percoivent le racisme dirigé contre les Autochtones comme étant généralisé et institutionnalisé, et ils demandent que des mesures soient prises à cet égard. À titre d'exemple, les chefs ont demandé à ce que la collectivité autochtone puisse participer davantage à la conception, au développement et à la prestation des services destinés aux jeunes de la rue, et à ce « …qu'il y ait une plus grande sensibilisation envers les intérêts autochtones au sein du système de justice applicable aux jeunes » (p. 44-45).

La demande pour une augmentation du nombre d'agents de la paix autochtones au sein du service de police de Saskatoon pour s'occuper des jeunes autochtones de la rue, et pour des groupes consultatifs autochtones au sein de divers secteurs du système de justice confirme le point de vue des Autochtones sur la nature structurelle et institutionnelle du racisme. Toutes les recommandations présentées dans l'étude de cas sur Saskatoon sont axées sur la nécessité de fournir aux jeunes des services appropriés à la culture afin de :

…tenir compte des réalisés historiques des jeunes autochtones et de leurs familles, des défis toujours plus grands auxquels sont maintenant confrontés les Autochtones vivant en milieu urbain, et des mesures qui permettent de cerner efficacement le développement individuel, familial et communautaire chez les peuples autochtones (Caputo, Weiler et Kelly, 1994c, p. 38-45).

Une autre étude aborde la question du racisme dans la rue au Canada, soit l'analyse de Baron (1997) des skinheadsde sexe masculin qui vivent dans la rue à Edmonton qui sont perçus comme « …des racistes extrêmistes violents envers les minorités raciales, ethniques et sexuelles » (Baron, p. 125). Baron souligne que les groupes skinheadsfont l'objet d'interprétations et de représentations contradictoires, et que la plupart des écrits portant sur les skinheads viennent de journalistes, de groupes d'intérêts spéciaux et d'organismes d'application de la loi, dont les travaux sons susceptibles de comporter des préjugés et « …de ne pas avoir la rigueur qu'exigent les recherches en sciences sociales » (Baron, 1997, p. 126). Il conclut que « la violence entre les skinheads et les membres d'une minorité raciale existait mais était plutôt rare », en partie parce que mis à part les jeunes Autochtones de la rue, « …il y a peu de jeunes appartenant à une minorité visible à victimiser ». Il poursuit en affirmant qu'à Edmonton, « …c'était plutôt les Autochtones qui étaient les durs, le groupe dominant de la sous-culture », et qu'en résultat, ils n'étaient l'objet que d'une « faible victimisation » (Baron, 1998, p. 142). Bien que Hunter (1990, p. 295) souligne que les « jeunes appartenant à un groupe minoritaire [Noirs et latinophones] courent un plus grand risque d'être fréquemment victimes de comportements discriminatoires violents que les jeunes Blancs » aux États-Unis et que de nombreuses études sur le racisme chez les jeunes Américains de la rue ont été réalisées, nous n'avons trouvé, aux fins de la présente étude, aucune source canadienne axée sur les jeunes de la rue appartenant à des groupes raciaux non autochtones, comme les jeunes asiatiques ou hispaniques. En fait, la mesure dans laquelle les membres de minorités ethniques autres que les Autochtones sont présents dans la sous-culture de la rue dans les villes canadiennes n'est pas bien documentée. (Dans une ville comme Vancouver, cependant, les médias parlent souvent des « bandes de jeunes asiatiques » ou des « jeunes latinophones qui font le commerce de la drogue », et voici quelques années, des programmes sociaux étaient offerts aux « jeunes asiatiques susceptibles d'enfreindre la loi »[2].)

3.3.2 Homophobie

Les effets négatifs de l'homophobie dont sont victimes les jeunes de la rue gais, lesbiennes et bisexuels dans leur milieu familial ont été mentionnés dans les pages précédentes. Nous avons tenté, sans succès, de trouver des études canadiennes de cas d'homophobie vécus par des jeunes de la rue gais, lesbiennes et bisexuels. Il semblerait qu'aucune étude n'ait été réalisée à ce sujet.

Étant donné qu'aucune étude canadienne ne traite de cette question, nous ferons brièvement mention de quelques études américaines qui pourraient être utiles dans le cadre de futures études canadiennes qui pourraient être entreprises dans ce domaine. Aux États-Unis, l'homophobie prend diverses formes, allant du harcèlement verbal aux agressions violentes. À titre d'exemple, parmi les jeunes interrogés par Hunter (1990, p. 297) qui ont signalé avoir été victimes d'agressions physiques violentes, 46 % ont affirmé que les agressions étaient liées au fait qu'ils étaient gais. Hunter (p. 299) suggère que la violence émotionnelle et verbale de nature homophobe est probablement encore plus courante, et il conclut que des agressions homophobes violentes semblent être liées aux fréquentes tentatives de suicide chez les lesbiennes et les gais participant à son étude. Kruks souligne que les préjugés, la discrimination et l'homophobie envers les gais étaient monnaie courante dans la société américaine moderne et étaient la cause de nombreux problèmes pour les gais et les lesbiennes fugueurs sans-abri, dont une augmentation des tentatives de suicide et du sentiment d'isolement. Étant donné que les jeunes gais et lesbiennes sont souvent acceptés et soutenus pour la première fois par leurs pairs dans la rue, il suggère qu'il est plus difficile pour eux de quitter ce milieu pour cette raison (Kruks, 1991, p. 515-517).

Berrill a réalisé l'étude (1990, p. 282) sur la violence commise envers les gais par des adultes, dans le cadre de laquelle il observe que les comportements anti-lesbiens peuvent être difficiles à distinguer de la violence plus générale à l'égard des femmes, particulièrement si les agresseurs ne fournissent pas « …d'indications verbales explicites ». Il cite une observation peu rassurante émise par une activiste lesbienne, à savoir que :

Comme beaucoup de femmes, les lesbiennes sont tellement conditionnées à s'attendre à subir de la violence dans leur vie en raison de leur sexe, elles sont tellement habituées à accepter la menace de la violence, que lorsqu'elles sont agressées, il ne leur vient même pas à l'idée de se demander pourquoi.

La signification de ces résultats pour les très jeunes femmes de la rue devrait être analysée davantage.

3.3.3 La victimisation liée à la l'autodestruction

Dans leurs tentatives de catégoriser la violence chez les jeunes, Caputo, Weiler et Kelly (1994b, p. 103) cernent « …un large éventail de comportements ou d'actes (verbaux, psychologiques ou physiques) qui ont pour résultat de blesser, d'intimider ou de menacer autrui ». Ils ajoutent que « le comportement autodestructeur devrait être considéré comme de la violence qui s'exprime intérieurement ». Ayerst (1999, p. 573) énumère diverses formes d'autovictimisation, par exemple « …se faire des éraflures, se couper, se cogner la tête, se brûler et rouvrir des vieilles blessures », comme des exutoires et des stratégies d'adaptation communs chez les jeunes de la rue qui ont « …des antécédents familiaux caractérisés par le stress et les conflits ».

3.3.4 La victimisation liée aux activités criminelles

La participation des jeunes de la rue à des activités criminelles représente un autre type de victimisation qui est caractéristique au milieu de la rue. Cette forme grave de victimisation touche les jeunes de deux façons, soit en tant que victimes et en tant qu'auteurs. Ainsi, une étude de Baron et Hartnagel (1999, p. 185) révèle que la participation à des activités criminelles chez les pairs augmente la propension à la violence juvénile. Baron (1999, p. 7) souligne également que les recherches indiquent « …qu'une haute proportion de consommateurs de drogue qui vivent dans la rue sont fortement impliqués dans des crimes contre les biens, des crimes violents et le commerce de la drogue ». Il émet la conclusion suivante (1999, p. 19) :

…il arrive souvent que les jeunes sans-abri qui s'installent dans la rue ont des antécédents qui favorisent la consommation de drogues et d'alcool. Cependant, une fois dans la rue, le risque qu'ils consomment de la drogue et de l'alcool est aggravé par les situations qu'ils vivent, qui comprennent l'encouragement à la consommation de drogues et d'alcool, la consommation de drogues par les pairs, et l'adoption d'un style de vie criminel propre à financer une consommation importante de drogues.

L'étude sur les causes du crime chez les jeunes de la rue à Toronto réalisée par McCarthy et Hagan (1992, p. 614) relie le crime à la faim et au besoin d'hébergement et fournit une analyse selon le sexe qui relie les garçons au vol et les filles à la prostitution. Le lien est résumé ainsi : « …il existe des preuves constantes que la faim mène au vol de nourriture, les problèmes liés à la faim et à l'hébergement aux vols importants, et les problèmes de chômage et d'hébergement à la prostitution » (1996, p. 597). À partir d'entrevues menées auprès de jeunes de la rue à Vancouver, McCarthy fournit la preuve que les activités criminelles comme la consommation de drogues, le commerce occasionnel de la drogue, le vol, le vol avec effraction et la violence font « …partie intégrante du milieu de la rue », et que leur incidence augmente en fonction du temps passé dans la rue (McCarthy, 1995, p. 32).


[2] L'un des auteurs de la présente étude a évalué l'un de ces programmes, il y a près de dix ans (Stephenson, CS/RESORS Consulting, pour DRHC, le bailleur de fonds du programme).