Analyse des lacunes dans les documents de recherche sur les enjeux concernant les jeunes de la rue

5. Programmes à l'intention des jeunes de la rue

L'un des champs d'intérêt retenu pour cette étude est l'examen de l'étendue des programmes d'aide offert aux jeunes de la rue. L'étendue et le caractère opportun de cette étude ne nous permettaient pas d'examiner ces points d'intérêt en profondeur; cependant, les auteurs souhaitent émettre deux opinions dans l'espoir de faire progresser la planification d'études futures sur ce sujet complexe que sont les jeunes de la rue.

D'abord, tout examen de cette question demande une typologie fonctionnelle des programmes qui existent. À notre avis, ceci a été fait, et bien fait, par Brannigan et Caputo dans l'étude qu'ils ont réalisée en 1993 sur les fugueurs et les jeunes de la rue au Canada. Ils soulignent qu'une topologie fonctionnelle doit pouvoir comporter des catégories mutuellement exclusives et exhaustives. Ils ont élaboré une typologie qui a d'abord tenu compte de la durée du temps passé dans la rue, et ensuite de la nature de la participation des jeunes à la culture de la rue. À partir de ce cadre, ils ont défini ce qu'ils appellent un « éventail de services regroupant une panoplie de programmes » (1993, p. 148, passem). La topologie présente le flux suivant :

Des programmes préventifs
(information et éducation sur les risques liés à l'alcool, diverses pratiques sexuelles, décrochage précoce, programmes de fourniture de condoms, échanges de seringues, etc.), aux
programmes d'intervention en cas de crise
(stabilisation des jeunes en état de crise, soins de santé d'urgence, refuges d'urgence, etc.), aux
programmes de maintien
visant à répondre aux besoins continus des jeunes qui vivent dans la rue (argent, hébergement, vêtements, transport, soutien émotionnel, services juridiques et de santé, etc.), aux
programmes de transition
qui visent à aider les jeunes à se retirer de la rue (formation d'apprentissage de l'autonomie fonctionnelle, programmes destinés à l'enfance en difficulté et programmes d'emploi), aux
programmes de neutralisation
qui visent à protéger les jeunes qui représentent un danger pour eux-mêmes ou autrui, ou qui s'adonnent à des activités criminelles et sont « neutralisés » par voie d'incarcération. (Bien que ces programmes soient axés sur la protection, on peut également les considérer comme un moyen d'intervention en cas de crise. S'ils sont reliés à des comportements criminels, ils peuvent comprendre des services de réadaptation pour permettre d'aider les jeunes à ne pas récidiver.)

Il semblerait que tous les programmes analysés dans les documents que nous avons passés en revue pourraient convenir à l'un ou l'autre des segments de la typologie des services de Brannigan et Caputo. Leur typologie constitue une ressource utile qui pourrait être utilisée dans le cadre d'études futures. Cependant, le fait de simplement appliquer cette typologie aux programmes actuels se rapprocherait davantage à un exercice théorique et serait ainsi moins utile pour la planification des études dans les ministères. (Au niveau communautaire, il pourrait toutefois être plus utile de cerner les lacunes en matière de programmes qui devraient être examinées pour faire en sorte qu'un éventail de services adéquats soit offert aux jeunes.)

Cependant, une autre question relative aux programmes est devenue apparente dans le cadre de notre étude. Certaines études fournissent une description de divers programmes, mais peu d'entre elles, si ce n'est aucune, ne les évaluent. Bien que des évaluations puissent avoir été effectuées, celles-ci sont rarement présentées dans des articles publiés[4]. Ainsi, un examen ordinaire de la littérature traditionnelle ne permettra pas de déterminer quels programmes offrent les meilleures chances de succès, ni quelles sont les « pratiques exemplaires » en matière de programmes. Une simple description d'un programme, ou de l'application d'une typologie à des programmes, bien que celle-ci puisse être utile pour conceptualiser clairement certaines questions et cerner de façon systématique les programmes eux-mêmes, ne peut nous aider à évaluer l'efficacité des programmes.

Pour ce faire, il serait nécessaire de relever et de réunir des évaluations de programmes, lesquelles seraient probablement catégorisées selon la typologie de Brannigan et Caputo. On pourrait ensuite procéder à une « méta-analyse » de l'efficacité des programmes. Il va de soi qu'un tel exercice comporterait certaines difficultés. Des questions comme la qualité des études d'évaluation, la comparabilité des méthodologies, la cohérence des données, l'uniformité des analyses des données, etc., devront toutes êtres prises en considération. Toutefois, si on abordait cette tâche de façon méthodique, en reconnaissant les limites sur le plan de la rigueur, son utilité à l'égard de la planification des programmes aux niveaux ministériel, provincial, régional ou local serait considérable. Nous suggérons donc qu'un tel projet soit entrepris à titre de l'une des lacunes en matière de recherche.


[4] En fait, il existe une littérature abondante sur de telles évaluations, qui pourrait être consultée en vue d'obtenir des rapports sur les programmes offerts aux jeunes. Ces rapports seraient d'un grand intérêt, mais il en existe probablement peu. Il est probable que des rapports sur les études d'évaluation puissent être obtenus auprès des ministères ayant financé les programmes et les études en question. Cela est possible mais demanderait naturellement certains efforts de recherche étant donné la nature parfois éphémère de l'archivage de ces documents.