Traitement par la justice pénale des homicides commis par un partenaire intime par opposition aux autres types d'homicides
4. Résultats (suite)
4.1 Résultats d'une analyse bidimensionnelle visant la relation intime et la justice : examen préliminaire (suite)
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variable | (N=866) | (N=185) | (N=681) |
Durée de la peine | |||
2 ans ou moins | 17 % (151) | 20 % (36) | 17 % (115) |
Entre 2 ans et 10 ans | 37 % (316) | 32 % (59) | 38 % (257) |
10 ans | 17 % (148) | 18 % (33) | 17 % (115) |
Entre 10 ans et 24 ans | 20 % (171) | 21 % (39) | 19 % (132) |
25 ans | 9 % (80) | 10 % (18) | 9 % (62) |
Nota : Il n'y avait pas de différences significatives entre les types d'homicides sur le plan de la durée de la peine
On trouve dans le tableau 4.3 la distribution des homicides au cours de trois périodes données et en fonction du facteur sexe. En examinant les résultats relatifs à ce dernier, on constate que, conformément aux données nationales (CCSJ, 2003a), les hommes forment la majorité (89 %) des accusés dans les deux types d'affaires d'homicides, mais qu'ils sont beaucoup moins susceptibles d'être inculpés lorsque la victime est un partenaire intime que lorsqu'elle appartient à une autre catégorie de personnes. De façon plus particulière, précisons que, dans 92 % des affaires d'homicides commis par une personne autre qu'un partenaire intime, l'accusé était un homme, contre 78 % dans les cas d'homicides perpétrés par un partenaire intime. De la même façon, les hommes constituent la majorité des victimes dans le cas des deux types d'homicides, et la victime est plus souvent un homme lorsqu'il s'agit d'un homicide commis par une personne autre qu'un partenaire intime (82 %), comparativement aux cas d'homicides dont l'auteur est un partenaire intime (27 %). Les recherches récentes montrent que la combinaison de sexes qui existe entre la victime et l'accusé constitue également un facteur important (Whaley et Messner, 2002) qui distingue les deux types d'homicides – ceux qui sont commis par un partenaire intime et ceux dont l'auteur n'est pas un partenaire intime – et on le constate en consultant le tableau 4.3.
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Entre 1974 et 1983 | 38 % (430) | 43 % (99) | 37 % (330) |
Entre 1984 et 1996 | 51 % (578) | 48 % (111) | 51 % (467) |
Entre 1997 et 2002 | 11 % (130) | 9 % (20) | 12 % (110) |
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Accusé de sexe masculin | 89 % (1,011) | 78 % (179)*** | 92 % (832) |
Victime de sexe masculin | 71 % (806) | 27 % ( 62)*** | 82 % (744) |
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Accusé et victime de sexe masculin | 62 % (701) | 5 % (11)*** | 76 % (690) |
Accusé de sexe masculin/victime de sexe féminin | 27 % (310) | 73 % (168)*** | 16 % (142) |
Accusé de sexe féminin/victime de sexe masculin | 9 % (105) | 22 % (51)*** | 6 % (54) |
Accusé et victime de sexe féminin | 2 % (21) | -- | 2 % (21) |
Nota : * p< 0,05 ** p < 0,01 *** p < 0,001
D'autres associations statistiques significatives entre les variables de contrôle et le type d'homicide viennent corroborer les résultats d'études antérieures indiquant que les homicides commis dans le cadre d'une relation intime se distinguent des autres formes de violence mortelle (Silverman et Kennedy, 1993). Par exemple, au chapitre des facteurs judiciaires, les personnes accusées d'avoir tué un partenaire intime ont moins souvent des antécédents criminels liés à des crimes sans violence que celles inculpées d'un autre type d'homicide (35 % contre 45 %), comme le montre le tableau 4.4. Nous n'avons cependant noté aucune différence dans les antécédents criminels découlant de crimes de violence. En outre, les personnes accusées d'avoir tué un partenaire intime étaient plus souvent le contrevenant principal (98 %) que celles accusées d'un autre type d'homicide (82 %). Ce résultat tient au fait que seuls 3 % des homicides commis par un partenaire intime mettaient en cause plusieurs agresseurs, comparativement à 19 % pour les autres types d'homicides.
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime |
Autre type d'homicides |
|
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Facteurs judiciaires | |||
Antécédents criminels non entachés de violence chez l'accusé |
43%(488) | 35% (81)** | 45%(407) |
Antécédents criminels entachés de violence chez l'accusé |
13% (149) | 11% (21) | 14%(124) |
Accusé principal | 85% (969) | 98%(225)*** | 82%(744) |
Accusés multiples | 16%(182) | 3% (6)*** | 19%(176) |
Victimes multiples | 4% (48) | 5%(11) | 4%(37) |
Note: * p< .05 ** p < .01 *** p < .001
Lorsqu'on examine les facteurs non judiciaires, on constate qu'un certain nombre des caractéristiques de l'accusé distinguent les homicides commis par un partenaire intime des autres types d'homicides, comme l'indique le tableau 4.5. Par exemple, au chapitre de l'âge, soulignons que les accusés qui n'avaient pas eu de relation intime avec la victime étaient plus jeunes que ceux qui en avaient eu une (42 % et 10 %, respectivement, avaient entre 18 et 24 ans). En revanche, la proportion d'accusés plus âgés dans les affaires d'homicides mettant en cause des partenaires intimes s'avérait beaucoup plus importante que dans les autres types d'affaires d'homicides. Globalement, l'âge moyen des personnes accusées d'homicide contre un partenaire intime se situait à 38 ans, alors qu'il était de 29 ans chez les personnes accusées d'un autre type d'homicide. Enfin, trois autres caractéristiques de l'accusé différencient les deux types d'homicides : la situation d'emploi, l'état matrimonial et les antécédents psychiatriques. En résumé, les personnes accusées d'avoir tué un partenaire intime étaient plus susceptibles d'avoir un emploi, d'être mariées et d'avoir des antécédents psychiatriques[28].
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Caractéristiques de l'accuséa | |||
Race blanche | 56 % (573) | 54 % (119) | 57 % (454) |
Avait entre 18 et 24 ans | 35 % (403) | 10 % (24)*** | 42 % (379) |
Avait entre 25 et 34 ans | 36 % (411) | 34 % (79) | 37 % (332) |
Avait entre 35 et 44 ans | 17 % (196) | 30 % (70)*** | 14 % (126) |
Avait entre 45 et 54 ans | 8 % (89) | 17 % (38)*** | 6 % (51) |
Avait 55 ans ou plus | 3 % (38) | 8 % (19)*** | 2 % (19) |
Âge moyen des accusés | 31 ans | 38 ans*** | 29 ans |
En emploi | 30 % (289) | 50 % (107)*** | 24 % (182) |
Marié | 41 % (421) | 76 % (172)*** | 31 % (249) |
Antécédents psychiatriques | 10 % (101) | 17 % (36)*** | 8 % (65) |
Nota : * p < 0,05 ** p < 0,01 *** p < 0,001
a Dans certains cas, il n'y avait pas d'information au sujet des variables suivantes : race/groupe ethnique, situation d'emploi, état matrimonial et antécédents psychiatriques. Par conséquent, les pourcentages présentés dans ce tableau pour ces variables sont fondés sur l'ensemble des affaires pour lesquelles ces renseignements étaient disponibles. Voir l'annexe C pour de plus amples détails sur les données manquantes.
Comme l'indique le tableau 4.6, on observe également des différences significatives entre les deux types d'homicides par rapport aux caractéristiques de la victime. Par exemple, dans le cas des homicides commis par un partenaire intime, la victime était moins souvent une personne jeune (entre 18 et 24 ans) que dans les autres cas d'homicides (13 % contre 20 %). De plus, il y avait beaucoup plus de victimes ayant entre 25 et 44 ans lorsque l'accusé était un partenaire intime (65 %, comparativement à 42 %, si l'on regroupe les victimes qui avaient entre 25 et 34 ans et celles qui avaient entre 35 et 44 ans). Dans l'ensemble, la moyenne d'âge des victimes dont l'agresseur présumé était un partenaire intime était de 37 ans, contre 34 ans chez celles dont l'agresseur n'appartenait pas à cette catégorie. Comme dans le cas des accusés, les victimes étaient plus nombreuses à avoir un emploi et à être mariées dans les affaires d'homicides commis par un partenaire intime. Pour ce qui touche les antécédents criminels, les victimes d'un partenaire intime étaient beaucoup moins susceptibles d'avoir de tels antécédents que les autres victimes (22 % contre 33 %). Enfin, en ce qui concerne les caractéristiques de l'infraction, les homicides commis par un partenaire intime avaient moins tendance à se produire dans un lieu public (10 %, comparativement à 42 % dans le cas des autres types d'homicides) et étaient moins susceptibles d'être perpétrés avec une arme à feu (13 % contre 27 %), comme le montre le tableau 4.7.
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Caractéristiques de la victime | |||
Race blanche | 58 % (589) | 58 % (127) | 58 % (462) |
Avait entre 0 et 17 ans | 9 % (106) | -- | 12 % (105) |
Avait entre 18 et 24 ans | 19 % (211) | 13 % (30)* | 20 % (182) |
Avait entre 25 et 34 ans | 26 % (290) | 34 % (79)*** | 23 % (211) |
Avait entre 35 et 44 ans | 22 % (245) | 31 % (72)*** | 19 % (173) |
Avait entre 45 et 54 ans | 13 % (142) | 12 % (28) | 13 % (114) |
Avait 55 ans ou plus | 13 % (143) | 9 % (21) | 14 % (122) |
Âge moyen des victimes | 35 ans | 37 ans* | 34 ans |
En emploi | 40 % (379) | 48 % (94)** | 38 % (285) |
Mariée | 45 % (432) | 76 % (171)*** | 35 % (261) |
Antécédents psychiatriques | 6 % (27) | 5 % (6) | 6 % (21) |
Antécédents criminels | 31 % (238) | 22 % (35)** | 33 % (203) |
Note: * p < .05 ** p < .01 *** p < .001
a Dans certains cas, il n'y avait pas d'information au sujet des variables suivantes : race/groupe ethnique, situation d'emploi, état matrimonial, antécédents psychiatriques et antécédents criminels. Par conséquent, les pourcentages présentés dans ce tableau pour ces variables sont fondés sur l'ensemble des affaires pour lesquelles ces renseignements étaient disponibles. Voir l'annexe C pour de plus amples détails sur les données manquantes.
Échantillon total | Homicide commis par un partenaire intime | Autre type d'homicide | |
---|---|---|---|
Variables | (N=1,137) | (N=230) | (N=907) |
Caractéristiques de l'infraction | |||
Commise dans un lieu public | 36 % (406) | 10 % (24)*** | 42 % (382) |
Utilisation d'une arme à feu | 24 % (270) | 13 % (30)*** | 27 % (240) |
Consommation de drogues/d'alcool chez l'accusé | 55 % (333) | 51 % (78) | 56 % (255) |
Consommation de drogues/d'alcool chez la victime | 45 % (363) | 45 % (89) | 46 % (274) |
Nota : * p < 0,05 ** p < 0,01 *** p < 0,001
a Dans certains cas, il n'y avait pas d'information au sujet des variables suivantes : consommation de drogues/d'alcool chez l'accusé et consommation de drogues/d'alcool chez la victime. Par conséquent, les pourcentages présentés dans ce tableau pour ces variables sont fondés sur l'ensemble des affaires pour lesquelles ces renseignements étaient disponibles. Voir l'annexe C pour de plus amples détails sur les données manquantes.
À la lumière de ces résultats, on constate qu'il existe certaines différences entre les deux types d'homicides examinés et entre les protagonistes. Dans le cadre de notre analyse, la question qui importe le plus est celle de savoir si les personnes accusées d'avoir tué un partenaire intime sont traitées différemment des autres accusés dans les affaires d'homicides, et ce, une fois qu'on a fait entrer en jeu des variables de contrôle visant à évaluer certains facteurs qui distinguent les deux types d'homicides et pourraient avoir une incidence sur les décisions prises dans le cadre du processus pénal. En d'autres termes, si les tribunaux réservent un traitement différent aux affaires d'homicides commis par un partenaire intime, il importe de déterminer si cette différence est attribuable à la nature de la relation entre la victime et l'accusé ou aux diverses caractéristiques de ce type d'homicide. Par exemple, si les personnes accusées d'avoir tué un partenaire intime ont moins souvent des antécédents criminels, tel que démontré ci-dessus, on peut s'attendre à ce qu'elles reçoivent des peines différentes, car les antécédents criminels constituent un facteur judiciaire susceptible d'influer sur la sévérité de la peine. En outre, il faut se rappeler que, d'après les études antérieures, il existe une croyance généralisée selon laquelle les homicides commis dans un lieu public méritent des peines plus sévères parce qu'ils représentent une menace à l'ordre social (Lundsgaarde, 1977). Si les homicides commis par une personne autre qu'un partenaire intime sont plus susceptibles d'avoir lieu dans un endroit public, comme on le voit le ci-dessus, il est alors logique de penser que les personnes accusées dans ce genre d'homicide se voient imposer des peines plus sévères.[29] Permettant de vérifier ces aspects ainsi que d'autres, l'analyse multidimensionnelle dont les résultats sont présentés ci-dessous examine de façon isolée les effets indépendants de la relation intime sur les résultats du processus pénal.
- [28] Dans notre échantillon, dans la mesure où l'information pertinente était disponible, nous avons pu déterminer que 10 % des accusés avaient des antécédents psychiatriques, ce qui est légèrement moins que l'estimation pour l'ensemble du pays, à savoir 13 %(CCSJ, 2003a). Il importe cependant de souligner que les données nationales, tout comme les résultats fournis dans le présent rapport, doivent être interprétées avec circonspection, car l'information sur ce sujet n'est peut-être pas toujours fondée sur des évaluations médicales.
- [29] La validité de ce point de vue - la croyance voulant que les homicides commis par un partenaire intime ne représentent pas une aussi grande menace à l'ordre social que les autres types d'homicide - peut être mise en doute. Toutefois, il s'agit là d'une question qui déborde le cadre de notre étude. Des études récentes indiquent cependant qu'on peut s'inquiéter de cette idée selon laquelle une personne qui victimise un ou une partenaire intime ne constitue pas une menace pour le public. En effet, Moffit et ses collaborateurs (2000) ont non seulement établi que ce type de personnes représentaient une menace pour leurs futurs partenaires intimes, mais ils ont également montré qu'il existait un lien entre la violence entre partenaires intimes et le crime « en général », c'est-à-dire que les personnes susceptibles de commettre un type de crime risquent également de perpétrer d'autres types de crimes. Par conséquent, l'impression selon laquelle les personnes qui victimisent des gens avec qui elles partagent une certaine intimité, en particulier des partenaires intimes, ne commettent pas d'autres types de crimes (que ce soit des crimes avec ou sans violence) est fausse. Ces personnes se livrent également à des actes de violence à l'égard de gens autres que des intimes et commettent divers crimes sans violence. Il est donc justifié de mener des recherches plus poussées sur les idées préconçues que nous venons d'aborder ainsi que sur d'autres qui ont cours au sujet de la relation intime et de la violence interpersonnelle.
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