La conduite automobile sous l’influence de drogues : recueil d’études de recherche
Introduction
La conduite avec facultés affaiblies à cause d’une consommation abusive de drogues illicites ou licites est, chaque année, la cause de blessures et de décès gratuits sur les routes canadiennes. Dans le rapport du ministère de la Justice Canada intitulé Renforcer le processus d'enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, on souligne ceci :
Les consommateurs de stupéfiants sont impliqués de manière disproportionnée dans des accidents mortels. Une étude menée par la Société de l'assurance automobile du Québec a conclu que plus de 30 p. 100 des accidents mortels dans la province étaient dus à l'absorption de drogues ou d'une combinaison de drogues et d'alcool [1].
Un sondage de la Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada, mené en 2002, a révélé que près de 20 p. 100 des conductrices et conducteurs canadiens avaient conduit dans les deux heures après avoir absorbé une drogue pouvant affaiblir leurs facultés (que ce soit un médicament grand public, un médicament sur ordonnance ou une drogue illicite). En 2003, selon un sondage sur la consommation de drogues chez les étudiants en Ontario, près de 20 p. 100 des conductrices et conducteurs du secondaire ont signalé qu'ils avaient conduit dans l'heure suivant la consommation de cannabis au moins une fois au cours de l'année précédente [2].
Il est clair que la conduite avec facultés affaiblies par les drogues est un problème répandu et grave qui exige, pour le contrer, des mesures efficaces. L’éventail des solutions est large, allant de méthodes strictement préventives à des actions strictement punitives. Si on envisage le problème à la lumière des mesures prises dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, il est probable que ce soit une combinaison de mesures préventives et punitives qui donne les meilleurs résultats[3]. Quoiqu’il en soit, la présente bibliographie annotée est principalement consacrée aux études portant sur le repérage de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues et sur les poursuites que cela entraîne. En outre, elle est centrée sur les études portant sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues plutôt que par l’alcool.
Comme on le verra au chapitre suivant, un grand nombre d’études ont été menées à travers le monde sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Cependant, rares sont les travaux de recherches qui regroupent les données provenant de ces diverses sources. Il faudra, pour évaluer les mérites de futures modifications législatives et pour définir les diverses solutions à envisager, s’appuyer sur des données à jour, tirées de la documentation la plus récente concernant la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
La présente bibliographie annotée a pour vocation de combler cette lacune en fournissant une liste des travaux de recherche portant sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues publiés en anglais depuis 1999[4]. Cela englobe les recherches qualitatives et quantitatives, les sondages et autres documents relatifs à la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
Cette bibliographie annotée est le fruit de recherches entreprises par la Fondation de recherches sur les blessures de la route (FRBR) et Sherilyn A. Palmer du ministère de la Justice Canada. La FRBR est un institut indépendant à but non lucratif qui mène régulièrement des recherches sur les causes des accidents de la route. Elle s’est également donné pour mission de mettre au point des programmes et des politiques de prévention efficaces, axés sur la sécurité routière au Canada, et d’en faire la promotion[5].
Sur le plan de la structure, les données que l’on trouve dans cette bibliographie sont regroupées sous le nom du pays où la population conduisant avec des facultés affaiblies par les drogues a été étudiée (plutôt que sous le nom du pays où les données ont été analysées, publiées ou présentées). Les recherches effectuées dans plusieurs pays et sur plus d’un continent sont regroupées sous la rubrique « Études internationales », et celles qui ont été menées dans plusieurs pays d’Europe, sous la rubrique « Études européennes ». Viennent ensuite les recherches concernant un seul pays, groupées sous le nom des divers pays classés par ordre alphabétique[6]. Sous chacune de ces rubriques, on trouvera une liste des études classées également par ordre alphabétique, en fonction du nom de famille du premier auteur.
Plutôt que d’adopter le format traditionnel, nous proposons un résumé analytique où les études sont citées et où leur description succincte est suivie d’un bref résumé des données et des constatations des chercheurs. Cette méthode permet de repérer rapidement et facilement les études et leur contenu, et d’avoir une idée des pays où des études sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues ont été faites, ainsi que des questions sur lesquelles les recherches ont porté.
Nous espérons que cette bibliographie annotée sera, pour les professionnels de la justice pénale, les chercheurs, les artisans de la politique, les législateurs et le public, en général, une source de renseignements utiles sur les travaux de recherche concernant la conduite avec facultés affaiblies par les drogues au Canada et à travers le monde.
Contexte législatif
L'article 253 du Code criminel distingue deux types précis d'infractions en matière de conduite avec des facultés affaiblies. En vertu de l'alinéa 253 a) du Code criminel, commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire lorsque sa capacité de conduire un tel véhicule est affaiblie par l'alcool ou par une drogue. (Cette disposition vise aussi l'affaiblissement des facultés par l'effet combiné d'une drogue et de l'alcool, même lorsque la consommation d'une seule de ces substances n'a pas pour effet d'affaiblir les facultés). Deuxièmement, aux termes de l'alinéa 253 b) du Code criminel constitue une infraction le fait de conduire un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire avec un taux d'alcoolémie dépassant 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang[7]. Le fait que le Code criminel ne fixe pas de « limite légale » dans le cas d'une drogue, autre que l'alcool, rend très problématiques au Canada le repérage de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues et les poursuites que cela devrait entraîner.
Le manque de mesures législatives claires et efficaces pour contrer la conduite avec facultés affaiblies par les drogues est depuis longtemps jugé préoccupant. En 1999, par exemple, on soulignait dans un rapport produit par le ministère de la Justice Canada :
Le Comité permanent de la Chambre des communes sur la justice et les droits de la personne a examiné les dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies et a entendu les témoignages de la police ainsi que de la communauté scientifique affirmant que la conduite avec facultés affaiblies par les drogues constituait un problème grave [mais évitable] sur les routes du Canada. Dans son rapport intitulé Vers l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies, le Comité permanent recommandait aux fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux d'examiner comment améliorer les dispositions du Code criminel ayant trait aux enquêtes sur les infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.[8]
Au niveau fédéral, plusieurs projets de loi ont été déposés au Parlement pour réformer les dispositions législatives et contrer la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. On trouve sur le site Internet du Parlement des résumés de ces projets de loi et des détails sur les raisons pour lesquelles ils ne sont pas devenus lois.
Le plus récent rapport parlementaire sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues a été publié par le Comité spécial de la Chambre des communes sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments (projet de loi C-38) à l’automne 2003.[9]Les auteurs recommandaient au Parlement d’élaborer une stratégie relative à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues après avoir examiné le projet de loi C-17.Le 26 avril 2004, le projet de loi C-32[10] a été déposé à la Chambre des communes et a ensuite été renvoyé au Comité pour étude avant la deuxième lecture. À bien des égards semblable [au plus récent] projet de loi C-16, le projet de loi C-32 devait apporter au Code des modifications relatives à la conduite avec facultés affaiblies, mais il est mort au Feuilleton en mai 2004 avec le déclenchement des élections [qui ont eu lieu le 28 juin 2004][11].
Par la suite, les projets de loi C-16[12] et C-17[13] sont également morts au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous et que la campagne menant aux élections du 23 janvier 2006 a été lancée.
Le 21 novembre 2006, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-32 actuel à la Chambre des communes. Le projet de loi C-32 vise à rendre les rues du Canada plus sûres en sévissant contre les personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies par les drogues. Les mesures législatives proposées s’attaqueront à la conduite avec facultés affaiblies par les drogues et consistent notamment à :
- imposer un test physique de sobriété le long de la route s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue dans l'organisme;
- ordonner la tenue d’une évaluation de reconnaissance de drogues au poste de police s’il y a des motifs raisonnables de croire que conducteur a commis une infraction de conduite avec des facultés affaiblies par les drogues;
- ordonner le prélèvement d’un échantillon d'une substance corporelle servant à déceler la présence d’une drogue.
Le refus d’obtempérer à un ordre constitue une infraction criminelle qui entraîne les mêmes peines que celles imposées pour conduite avec facultés affaiblies. La structure des enquêtes sur la conduite avec facultés affaiblies en application de l’alinéa 253 a) est semblable à celle qui existe déjà pour les enquêtes concernant le taux d’alcoolémie en application de l’alinéa 253b).
Étant donné que ces réformes législatives n’ont pas encore été adoptées, les questions mentionnées ci-dessus concernant le repérage des conducteurs dont les facultés sont affaiblies par des drogues, la collecte d’éléments probants et l’engagement de poursuites ne peuvent être réglées. Dans ce contexte, la présente bibliographie annotée a pour but de fournir des sources, des données et des informations utiles sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues qui ont pu être recueillies dans des études menées au Canada et à l’étranger.
- [1] Voir Gouvernement du Québec, site Internet de la Société de l’assurance automobile, Le rôle de l’alcool et des autres drogues dans les accidents mortels de la route au Québec : Résultats finaux, www.saaq.gouv.qc.ca/publications/dossiers_etudes/drogue_fr.pdf (consulté le 1er avril 2006).
- [2] Gouvernement du Canada, ministère de la Justice, site Internet Salle des nouvelles, Document d’information, Renforcer le processus d'enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues(consulté le 1er avril 2006) www.justice.gc.ca/fr/news/nr/2004/doc_31280.html (citant le Sondage sur la sécurité routière 2002 – Les drogues et la conduite, publié sur le site Internet de la Fondation de recherches sur les blessures de la route. www.trafficinjuryresearch.com/publications/PDF_publications/RSM_02_drouges_et_la_conduite.pdf.
- [3]Par exemple, l’organisme à but non lucratif Les mères contre l’alcool au volant (MADD) s’est donné deux pôles d’action : il utilise des campagnes de publicité et d’information pour sensibiliser la population canadienne aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, et il a également réussi, grâce à ses activités de lobbying, à faire adopter des lois plus sévères pour sanctionner l’ivresse au volant.
- [4] La conduite avec facultés affaiblies par l’alcool n’est pas visée par cette bibliographie annotée, même si l’alcool peut également être considéré comme une drogue.
- [5] Voir le site Internet de la FRBR : www.trafficinjuryresearch.com (consulté le 27 mars 2006).
- [6] Voir la Table des matières.
- [7] Dans un rapport du ministère de la Justice intitulé Conduite avec facultés affaiblies par les drogues – Document de consultation, il est également souligné : « Les articles 254, 256 et 258 du Code criminel établissent de façon exhaustive les procédures permettant à un agent de la paix de recueillir des éléments de preuve dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et de soumettre ces éléments de preuve à un tribunal en vue de prouver que le prévenu a commis une infraction à l'alinéa 253b) du Code. Le policier peut demander à la conductrice ou au conducteur de fournir un échantillon d'haleine dans un "appareil de détection approuvé" lorsqu'il soupçonne, avec raison, la présence d'alcool dans son organisme. S'il a des motifs raisonnables de croire que la conductrice ou le conducteur a commis une infraction aux termes de l'article 253 dans les trois heures précédentes, le policier peut lui demander de fournir un échantillon d'haleine dans un "alcootest approuvé". Si la conductrice ou le conducteur est incapable de fournir un échantillon d'haleine dans l'alcootest approuvé, le policier peut lui demander de fournir un échantillon de sang. Si un échantillon de sang est prélevé aux fins de l'analyse de l'alcoolémie, l'échantillon peut aussi être analysé pour y détecter la présence de drogue. Comme le recommandait le Comité permanent, le législateur a modifié l'article 256 du Code criminel en 2000 afin de permettre à un policier de demander un mandat ordonnant le prélèvement d'un échantillon de sang d'une conductrice ou d'un conducteur inconscient s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction de conduite avec facultés affaiblies par la drogue prévue à l'article 253 a été commise dans les quatre heures précédentes et qu'il est impliqué dans un accident ayant causé des lésions corporelles ou la mort. Avant cette modification, ce genre de mandat ne pouvait être décerné qu'en rapport avec l'alcoolémie. Gouvernement du Canada, ministère de la Justice, Conduite avec facultés affaiblies par les drogues – Document de consultation, Renseignements généraux et propositions législatives visant à améliorer les enquêtes sur les infractions de conduite avec facultés affaiblies par la drogue prévues dans le Code criminel, octobre 2003, p. 3-4.
- [8] Ibid, p. 3.
- [9] Note de bas de page 2, Gouvernement du Canada, site Internet de la Bibliothèque du Parlement (consulté le 1er avril 2006), www.parl.gc.ca/LEGISINFO/index.asp?Language=F&query=4184&Session=12&List=ls#2, citant « Premier rapport, projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ».
- [10] Gouvernement du Canada, site Internet de la Bibliothèque du Parlement (consulté le 1er avril 2006), www.parl.gc.ca/38/1/parlbus/chambus/house/bills/summaries/c16-3.htm.
- [11] Gouvernement du Canada, site Internet de la Bibliothèque du Parlement, Projet de loi C-32 : Loi modifiant le Code criminel (drogues et conduite avec facultés affaiblies) et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois (consulté le 2 avril 2006), http://.parl.gc.ca/38/1/parlbus/chambus/house/bills/summaries/c16-f.htm et www.parl.gc.ca/LEGISINFO/index.asp?Lang=F&query=4184&Session=12&List=toc.
- [12] Gouvernement du Canada, site Internet de la Bibliothèque du Parlement, Projet de loi C-16 : Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (consulté le 2 avril 2006), www.parl.gc.ca/LEGISINFO/index.asp?Lang=F&query=4292&Session=13&List=toc.
- [13] Gouvernement du Canada, site Internet de la Bibliothèque du Parlement, Projet de loi C-17 : Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (consulté le 2 avril 2006), www.parl.gc.ca/LEGISINFO/index.asp?Lang=F&query=4293&Session=13&List=toc.
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