Profil des contrevenants et récidive chez les auteurs d'actes de violence conjugale en Ontario
9. Discussion et limites
La présente étude visait à examiner la différence entre un échantillon de contrevenants condamnés en Ontario pour infraction de violence conjugale dans un ressort doté d'un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale et un échantillon de contrevenants condamnés dans des ressorts non dotés d'un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale, en ce qui concerne les caractéristiques des infractions, les antécédents criminels et la récidive. La présente étude portait sur l'incidence des antécédents criminels, ainsi que des caractéristiques des condamnations pour violence conjugale et des peines afférentes sur la probabilité de récidive. L'analyse a permis de constater certaines différences importantes entre les deux types de tribunaux et de fournir des renseignements sur la récidive qui ne sont pas inconnus dans le domaine. Il est important de noter que les données présentées dans le présent rapport ne peuvent pas servir à établir de relation de cause à effet entre les différentes variables. Dans certains cas, cette relation n'a pas été jugée solide entre les variables sélectionnées et la probabilité de récidive.
Dans la mesure où il existe des différences entre les caractéristiques des infractions dans les cas des contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale et devant les autres tribunaux de l'Ontario, quelques rares variables ont montré des différences significatives entre les contrevenants ayant comparu devant les deux types de tribunaux. Les contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale étaient en général plus âgés que ceux qui avaient comparu devant d'autres tribunaux de l'Ontario. Ils étaient plus susceptibles d'avoir été condamnés, en ce qui concerne la condamnation pour violence conjugale répertoriée, d'actes moins violents. Les contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale étaient plus susceptibles d'être condamnés à une peine d'emprisonnement, mais la peine d'emprisonnement médiane était plus courte comparativement aux contrevenants ayant comparu devant d'autres tribunaux de l'Ontario.
On a enregistré quelques différences entre les contrevenants des deux types de tribunaux à l'examen de leurs antécédents criminels. Bien qu'un nombre semblable de contrevenants, dans les deux types de tribunaux, aient eu des condamnations antérieures figurant dans leur casier judiciaire et que des proportions semblables de contrevenants aient reçu des condamnations pour violence grave ou infraction avec violence, les contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale étaient moins susceptibles d'avoir obtenu une condamnation antérieure pour violence conjugale, comparativement aux contrevenants ayant comparu devant d'autres tribunaux de l'Ontario. De plus, ils étaient aussi plus susceptibles que les contrevenants ayant comparu devant d'autres tribunaux de l'Ontario d'avoir reçu une peine d'emprisonnement comme peine la plus grave pour des condamnations antérieures.
On a aussi constaté des différences entre les contrevenants ayant comparu devant les deux types de tribunaux, une fois pris en compte les nouvelles condamnations des contrevenants après la condamnation pour violence conjugale répertoriée. Bien qu'un nombre semblable de contrevenants des deux types de tribunaux aient été condamnés de nouveau après la condamnation pour violence conjugale répertoriée, les contrevenants ayant comparu dans un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale étaient moins susceptibles d'être condamnés de nouveau pour une infraction grave avec violence ou une infraction de nature conjugale. Ils étaient cependant plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement pour la nouvelle condamnation. Enfin, la période écoulée entre la condamnation pour violence conjugale répertoriée et la nouvelle condamnation était légèrement moins longue dans le cas des contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale.
En ce qui concerne l'incidence de différentes variables sur la récidive, les résultats n'étaient pas surprenants. Le sexe, l'âge, l'existence d'un casier judiciaire antérieur, la gravité de la condamnation antérieure, la peine pour condamnation antérieure, la peine pour la condamnation pour violence conjugale répertoriée, la durée de la peine d'emprisonnement pour la condamnation pour violence conjugale répertoriée, le nombre total de condamnations à vie et le nombre total d'accusations sans condamnation semblent tous jouer un ròle statistiquement significatif sur la probabilité de récidive. Toutefois, la gravité de la condamnation pour violence conjugale répertoriée ne semblait pas jouer un ròle statistiquement significatif sur la récidive.
Les coefficients de corrélation ont corroboré ces conclusions de sorte que le nombre total de condamnations à vie, le nombre total de condamnations antérieures, la peine pour une condamnation antérieure et le nombre total d'accusations sans condamnation étaient les variables les plus fortement liées à la récidive, quel que soit le type de tribunal. Les antécédents criminels des contrevenants ont aussi obtenu des coefficients forts et significatifs dans la relation avec la récidive. Enfin, la régression logistique a appuyé une fois de plus la conclusion selon laquelle l'existence de condamnations antérieures, une peine d'emprisonnement antérieure, une peine d'emprisonnement pour la condamnation pour violence conjugale répertoriée et l'âge étaient liés à la récidive. Ces mêmes variables ont une incidence importante sur la gravité de l'infraction commise après 2001.
Les conclusions présentées dans le présent rapport n'ont pas démontré l'influence d'un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale sur la réduction de la probabilité globale de récidive. D'après ces données, nous n'avons pas pu établir une solide relation positive entre le fait de comparaître devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale et la récidive. Toutefois, les contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale étaient moins susceptibles que ceux ayant comparu devant d'autres tribunaux de l'Ontario d'être condamnés de nouveau pour une infraction de nature conjugale ou autre infraction avec violence, et ils étaient plus susceptibles d'être condamnés de nouveau pour une infraction de nature administrative. De la même manière, les contrevenants ayant comparu devant un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale étaient plus susceptibles de se voir infliger une peine d'emprisonnement dans le cas d'une condamnation pour violence conjugale répertoriée que les contrevenants ayant comparu devant d'autres tribunaux de l'Ontario, et aussi plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement dans le cas d'une nouvelle condamnation.
Toutefois, les objectifs du Programme de tribunaux pour l'instruction des causes de violence conjugale devraient être rappelés en termes de poursuite et de gestion des causes de violence conjugale, d'intervention précoce, de soutien aux victimes, de sensibilisation du personnel de la justice pénale à la nature et à l'étendue de la violence conjugale et de responsabilisation accrue des contrevenants. Ces objectifs importants du Programme de tribunaux pour l'instruction des causes de violence conjugale en Ontario ne peuvent pas être évalués dans une étude comme celle-ci, mais ils seront étudiés grâce à des évaluations plus approfondies du programme.
La présente étude comporte quelques limites. Comme, dans le présent rapport, l'analyse est fondée sur le casier judiciaire des contrevenants, elle ne montre que l'incidence des éléments sélectionnés liés au casier judiciaire des contrevenants sur la probabilité de récidive. L'incidence de variables liées à la personne, comme l'état matrimonial, la relation de l'intimé avec la victime, le niveau d'éducation, la situation d'emploi, le revenu, le fait de vivre à la ville ou à la campagne, devrait être prise en compte lorsqu'il s'agit de cerner les variables qui influent le plus sur la probabilité de récidive. Ces variables ne figurent pas dans le casier judiciaire des contrevenants faisant partie de l'échantillon et ne sont donc pas incluses à titre de variables explicatives. L'analyse pourrait aussi être bonifiée par une vision à l'échelle nationale dans laquelle pouvait être observée l'incidence de variables comme l'économie, la politique, la démocratie et le développement social sur la probabilité de récidive.
Bien que toutes les condamnations pour violence conjugale répertoriées aient été des infractions de nature conjugale, comme il s'agissait du point de base de la présente analyse, il n'a pas été possible de définir de façon exacte les infractions de nature conjugale antérieures et postérieures, parce que les policiers ne remplissent pas le Victim Screening Initiative (VSI) du fichier des casiers judiciaires de la GRC de la même manière. Cette limite a posé des difficultés dans le recensement des infractions conjugales antérieures ou des nouvelles condamnations de nature conjugale. Des renseignements supplémentaires auraient permis de dresser un portrait plus exact de la réalité sous-jacente à la récidive d'actes violents de nature conjugale. Il se peut que la plupart des nouvelles condamnations soient de nature conjugale, qu'il s'agisse d'un incident réel de violence conjugale ou d'une infraction administrative reliée à la condamnation pour violence conjugale répertoriée, mais il a été impossible d'établir de façon définitive la véritable nature de ces infractions antérieures ou de ces nouvelles condamnations.
Bien que la présente étude ne puisse entièrement expliquer la fréquence de la récidive dans les cas de violence conjugale, elle permet d'éclairer la question et fournir des renseignements sur un tribunal spécialisé créé par une province en vue de traiter la question de la violence conjugale. Les renseignements examinés dans le présent rapport peuvent aider à concevoir les futurs programmes ou services afin de traiter la récidive en matière de violence conjugale et d'en avoir une meilleure compréhension.
- Date de modification :