La nature des gangs urbains au Canada et l'utilisation qu'ils font des armes à feu : recension des écrits et enquête auprès de services policiers
3. Résultats de l'enquête auprès des services policiers
On demande souvent aux services policiers de décrire les caractéristiques du « gang type » ou de citer des statistiques concernant la « tendance nationale » à l'égard de certains aspects des activités des gangs, comme l'utilisation d'armes à feu. Le problème inhérent aux questions de cette nature tient au fait qu'il n'y a pas de « moyenne » ni de « tendance » qui tienne à l'échelle nationale. Les caractéristiques et les activités des gangs sont très rattachées aux régions et aux villes. Pour compliquer davantage les choses, à l'intérieur d'une même ville, la diversité des gangs nous empêche de saisir des mesures univoques des tendances centrales.
Certains services de police participants n'ont pu fournir de réponses quant au nombre de gangs urbains ni au nombre estimatif de membres, en particulier dans les plus grandes régions métropolitaines où ces valeurs changent quotidiennement.
Nous avons envoyé des questionnaires aux services policiers accompagnés de la définition ci-dessous de « gangs urbains/gangs de rue » :
Des individus dans une région urbaine qui s'affilient officiellement ou officieusement à un groupe commun particulier et qui expriment leur appartenance par un comportement antisocial allant jusqu'à la perpétration d'infractions. Les gangs criminels organisés sont exclus.
Les renseignements fournis ici résument les réponses au questionnaire des services policiers et ils sont destinés à donner un instantané général de la nature des gangs urbains et de leurs activités. Une grande partie de l'information est commune aux villes, mais il y a également des particularités régionales. L'une des caractéristiques communes aux gangs urbains des six villes tient au fait que leur champ d'activités principal met en jeu des stupéfiants. Les actes criminels commis en rapport aux stupéfiants comprennent des infractions contre les biens, le vol qualifié, les voies de fait et l'homicide. Cependant, il ne faut pas en déduire que toutes les infractions de cette nature commises à la grandeur du pays sont attribuables aux gangs urbains.
3.1 Vancouver
Les activités du crime organisé et des gangs urbains sont présentes à la grandeur de la ville, mais deux secteurs de Vancouver surtout vivent des problèmes importants liés aux gangs : l'Eastside, où la plupart des infractions relatives aux stupéfiants ont tendance à être commises, et le centre-ville, où les actes de violence plus graves sont habituellement perpétrés. Malgré ces concentrations, il semble que les gangs urbains de Vancouver ne sont pas territoriaux et qu'ils s'identifient plutôt suivant des axes ethniques et de spécialisation criminelle plutôt que suivant des limites géographiques. En particulier, plusieurs gangs peuvent être actifs dans le même secteur géographique, mais peut-être en raison de la nature des actes criminels commis ou des groupes ethniques auxquels ils appartiennent, les guerres de territoire sont rares.
La plupart des gangs urbains de Vancouver peuvent être identifiés en fonction de leur composition ethnique. Il s'agit essentiellement de gangs asiatiques, indo-canadiens (Indes orientales) et des Premières nations (Autochtones). La plupart des gangs urbains asiatiques actifs sont liés au crime organisé. Les membres de gangs sont exclusivement masculins et leur âge varie d'environ 12 ans à l'âge adulte. Les activités des gangs urbains couvrent toute la gamme des infractions, allant des méfaits simples et de la distribution de stupéfiants aux voies de fait et, plus rarement, à l'homicide. L'activité criminelle, y compris la violence, mise sur le gain économique (c'est-à-dire qu'elle est liée aux affaires). Les activités criminelles principales des gangs urbains asiatiques touchent surtout la production, la distribution et le trafic de stupéfiants.
Les gangs indo-canadiens de Vancouver sont exclusivement masculins. L'appartenance aux gangs semble liée à une expression antisociale des castes ou des clans, ce qui signifie que ces gangs peuvent être subdivisés selon les origines indo-ethniques. Parmi les différentes catégories ethniques des gangs urbains de Vancouver, le gang indo-canadien semble se livrer plus souvent à des crimes de violence que les autres gangs urbains, en particulier en ce qui concerne les fusillades. Les offenses, les injures et le manque de respect envers un gang indo-canadien peut provoquer des représailles violentes et se solder par un conflit violent entre les gangs. Les infractions typiques perpétrées par ces gangs touchent la distribution de stupéfiants, la fraude et les voies de fait. L'activité criminelle vise un gain économique, mais la plupart des crimes de violence opposent des gangs indo-canadiens d'origines culturelles différentes.
Les gangs urbains des Premières nations sont essentiellement composés de jeunes qui ont quitté les réserves. Ces jeunes ont tendance à avoir de la difficulté à établir des rapports prosociaux et ils semblent avoir trouvé une parenté parmi les membres du gang. Les gangs sont en grande partie masculins et comptent relativement peu de membres de sexe féminin. Il semble que la plupart des gangs des Premières nations sont plus dynamiques et moins structurés que certains autres gangs à composition ethnique, puisque leurs membres ont tendance à déménager plus souvent. On peut attribuer à ces gangs un vaste éventail d'infractions, notamment des crimes contre les biens et des voies de fait. Entre autres activités, la plus notable est le recrutement d'adolescentes autochtones dans le monde de la prostitution.
Il semble y avoir peu de gangs urbains réservés aux Blancs dans la région de Vancouver. Les Blancs qui appartiennent à des gangs urbains ont tendance à faire partie de gangs à la composition ethnique plus diversifiée. Un des gangs de rue principaux, les Nations unies, compte des membres de différentes origines ethniques. On rapporte qu'ils ne sont motivés que par l'appât du gain, se spécialisant dans l'importation et l'exportation de stupéfiants et d'armes à feu illégales, mais leurs membres ont été associés à un éventail d'infractions, dont les méfaits, les infractions contre les biens et des crimes de violence dont les voies de fait et l'homicide. En générale, les crimes de violence ont tendance à viser les membres d'autres gangs et ils peuvent être directement liés à la concurrence dans le milieu de l'exportation illégale. Ce gang est probablement le plus structuré de tous les gangs urbains de Vancouver, même s'il est formé depuis moins de deux ans (vers 2004). Il semble que ce gang jouit d'un statut élevé et qu'il a même sa propre ligne de vêtement affichant son nom bien en évidence.
En général, les membres de gangs urbains de Vancouver portent des couteaux mais pas des armes à feu. Cependant, ils semblent avoir accès à des armes à feu et ils semblent les utiliser habituellement à des fins de représailles et d'intimidation. En entrevue, les policiers disent qu'il y a comparativement peu d'incidents de violence mettant en jeu des armes à feu, mais la situation est peut-être en trains de changer. Une fois que des armes à feu sont introduites dans la sous-culture par l'élément criminel, la plupart des gangs urbains semblent s'adapter au changement pour rester sur le même pied que les gangs rivaux.
En s'inspirant d'études menées dans d'autres administrations et d'un examen complet de ses politiques, pratiques et résultats antérieurs, le service de police de Vancouver est en voie de remanier la façon dont il lutte contre les gangs et les armes à feu dans la collectivité. La planification stratégique actuelle comporte l'amélioration de la collecte et de la communication de renseignements; l'examen de pratiques exemplaires ciblant l'environnement, la personne et le comportement; et un examen approfondi des programmes et des activités d'autres administrations. Parmi les mesures stratégiques particulières découlant du plan, mentionnons des recommandations relatives à l'affectation de spécialistes du renseignement (p. ex. des enquêteurs sur les armes à feu); des méthodes assurant un traitement systématique et éclairé des délinquants dans l'ensemble du système de justice; la mobilisation de la collectivité, en particulier en ce qui concerne les stratégies de sortie des membres de gangs; et l'examen de l'effet des changements de la politique officielle.
Dans le cadre de son examen, la police de Vancouver a extrait les données sur les infractions commises au cours des dix dernières années et recensé les infractions impliquant directement des membres de gangs. Ces données serviront de repère pour évaluer les effets des nouveaux programmes et des nouvelles activités.
3.2 Regina
Selon le service de police, les cinq gangs urbains suivants sont actifs dans la ville de Regina : Native Syndicate, Indian Posse, Crips, Saskatchewan Warriors et Redd Alert. Le plus gros,le Native Syndicate, est constitué d'environ 200 membres âgés de 17 à 35 ans, dont environ dix à vingt femmes. Tous les membres sont de descendance autochtone. Le deuxième plus gros est l'Indian Posse, qui compte environ 75 hommes et quelques femmes, exclusivement d'origine autochtone, âgés de 17 à 35 ans. Les Crips comptent environ 50 membres, dont environ une douzaine de sexe féminin, dont l'âge varie de 12 à 17 ans et ils sont également tous de descendance autochtone.
Un autre gang de rue apparaît sporadiquement à Regina, les Crazy Dragons. Ce groupe est lié au groupe criminel organisé asiatique et il est composé essentiellement de Blancs. Lorsqu'il est actif dans la ville, ce gang emploie la violence et l'intimidation pour tenter de s'accaparer un marché exclusif de la distribution de stupéfiants dans la rue. Grâce à la collecte de renseignements et à des mesures ciblées, la police de Regina a réussi à empêcher ce gang de s'établir dans la collectivité.
On trouve la plus forte concentration de gangs urbains dans les secteurs socioéconomiques faibles ou à haut taux de chômage de la ville qui sont essentiellement des quartiers autochtones. Le trafic de stupéfiants et la violence entourant le contrôle du territoire semblent incessants. L'intimidation de victimes et de témoins est devenue un problème grave. Au cours des deux dernières années, les policiers ont fait enquête sur un homicide lié aux gangs et sur plusieurs tentatives de meurtre liées aux gangs et mettant en jeu des armes à feu de même que plusieurs fusillades en voiture. On pense que ces incidents étaient liés à des activités relatives aux stupéfiants. La police a également saisi des tenues pare-balles à plusieurs occasions au cours des deux dernières années.
Malgré les guerres de territoire, on sait que certains gangs coopèrent dans des entreprises criminelles à court terme, comme le trafic de stupéfiants. Il semble n'y avoir aucun lien entre les gangs urbains et les gangs de motards criminalisés, mais tout indique que certains gangs urbains ont des liens avec les groupes criminels organisés asiatiques et d'autres groupes criminels organisés, en particulier pour ce qui concerne l'approvisionnement en stupéfiants.
Comme dans d'autres villes canadiennes, les gangs urbains de Regina semblent avoir trouvé des gains financiers dans l'activité criminelle et du pouvoir dans le nombre, ce qui favorise l'intimidation et la violence. Les infractions commises par des membres de gangs vont des infractions contre les biens et du trafic de stupéfiants aux voies de fait armées et à l'homicide. On estime qu'environ 60 % des membres portent une quelconque arme (couteaux, coups-de-poing américains). Bien que la plupart des membres de gangs urbains ne portent pas d'armes à feu dans leur vie de tous les jours, il y a eu quelques incidents où des individus qui semblent affiliés à un gang ont été trouvés en possession d'armes à feu. En Saskatchewan, les carabines et fusils à canon tronqué sont les armes à feu de choix. Elles sont faciles d'accès et très difficiles à retracer puisque la plupart d'entre elles ne sont pas enregistrées. Toutefois, des renseignements portent à croire que les gangs urbains de Regina ont également accès à des armes de poing.
Des problèmes relatifs aux gangs urbains à Regina ont commencé à faire surface en 1996. Dès 1998, le service de police de Regina avait ciblé des chefs de gangs, un projet qui a abouti à plusieurs condamnations et incarcérations. On croit que ce processus continue à contribuer à faire en sorte qu'aucun gang n'a réussi à conserver la prédominance dans la ville.
En plus du travail exécuté au sein d'une unité antigang spécialisée et des ressources investies par l'intermédiaire des agents des unités de relations culturelles et de ressources scolaires, le service de police de Regina, en partenariat avec des organismes locaux, le ministère des Services correctionnels et de la Sécurité publique de la Saskatchewan et Saskatchewan Learning mettent au point une initiative visant à prévenir et à lutter contre les gangs dans les vieux quartiers de Regina. L'objectif principal consisteà éduquer le grand public pour aider à prévenir l'établissement de liens avec les gangs; encourager les jeunes vulnérables à s'adresser à des services compétents et à favoriser des stratégies de protection et de sortie. L'initiative se déroule en deux phases : la première phase consiste à examiner les publications portant sur les gangs et à tenir des groupes de discussion avec des fournisseurs de services, des enseignants et des administrateurs scolaires, des jeunes qui sont membres de gangs et ceux qui sont à risque de le devenir et les parents/aidants naturels. L'information recueillie servira à produire deux vidéos en vue de faire connaître les constatations à la collectivité dans son ensemble. La deuxième phase consiste à concevoir, élaborer et diffuser une trousse d'éducation et de communication complète adaptée à chaque population cible.
Des documents de référence seront présentés à des jeunes de quatrième à sixième années par l'intermédiaire du système scolaire et des documents complémentaires seront proposés aux parents et aux professionnels. La première phase doit se terminer en octobre 2006 et la deuxième phase, en mars 2007. On pense que l'évaluation détaillée des besoins particuliers et des recommandations de la collectivité et des jeunes membres de gangs de rue contribuera à mettre en œuvre les stratégies pertinentes qui seront les plus bénéfiques.
3.3 Winnipeg
Le nombre de gangs urbains dans la région de Winnipeg a fluctué, mais il y a actuellement trois principaux gangs actifs : Manitoba Warriors, Indian Posse et Duce. Les membres de ces gangs sont exclusivement autochtones et essentiellement de sexe masculin. Il y a plusieurs groupes satellites, des gangs associés à l'un des trois groupes principaux, dont au moins un exclusivement composé de femmes. Il y a aussi un gang urbain composé de membres de différentes origines ethniques, le gang Mad Cow. Il est impossible d'estimer le nombre de personnes appartenant aux gangs urbains de Winnipeg, en raison de la tendance à entrer et sortir des gangs et de la grande mobilité entre les différentes administrations.
S'il est difficile d'évaluer le nombre total de membres des gangs urbains à Winnipeg, il est possible d'en fournir les caractéristiques générales. Il semble y avoir un grand écart d'âge dans les gangs urbains de Winnipeg, d'aussi jeune que 11 ans jusqu'à 50 ans ou plus. La plupart des membres sont susceptibles de provenir des secteurs socioéconomiquement faibles de la ville ou de s'installer dans ces secteurs en arrivant d'une autre administration. Les nouveaux membres sont habituellement des jeunes socialement défavorisés, laissés sans supervision, qu'on recrute au cœur de la ville. Pour ces jeunes, l'appartenance à un gang peut offrir approbation, acceptation, statut et protection. Les membres des gangs plus établis et plus anciens portent souvent les couleurs du gang et peuvent avoir des tatouages propres au gang sur la poitrine, le cou ou les bras.
Comme on l'a vu dans d'autres villes canadiennes, les gangs urbains de Winnipeg peuvent être responsables d'un vaste éventail d'actes criminels, allant des infractions contre les biens et du trafic de stupéfiants aux cambriolages à domicile et à l'homicide. Le « tagging » est courant puisque les membres marquent leur territoire au moyen de graffitis aux couleurs du gang. Il y a une compétition incessante entre les différents gangs pour le contrôle d'un territoire, une compétition qui peut déclencher des combats en règle, y compris au couteau et à la fusillade. On soupçonne que les gangs plus récents peuvent être responsables d'un nombre considérable d'infractions contre les biens, de cambriolage à domicile et de voies de fait. Il semble que ces membres de gangs plus jeunes pensent que tout leur est permis et ils se sentent justifiés d'agir ainsi. Les gangs urbains plus anciens sont plus structurés et ont tendance à se livrer plutôt à l'importation et à la distribution de stupéfiants. Quant aux armes, on rapporte que beaucoup d'individus portent une arme, habituellement un couteau et bien que peu d'entre eux portent une arme à feu dans le cadre de leurs activités quotidiennes, les membres semblent avoir accès à des armes à feu.
Un programme de diversité culturelle de la police de Winnipeg établit des partenariats entre les groupes ethniques et les services policiers pour aider à lutter contre les gangs urbains. Étant donné le nombre élevé de jeunes Autochtones parmi les membres des gangs de rue de Winnipeg et le fait que ces jeunes arrivent souvent des réserves, le programme de diversité culturelle s'étend au-delà de la ville de Winnipeg pour joindre les secteurs périphériques. Un agent de liaison autochtone affecté à temps plein se rend dans les réserves et établit des relations avec des partenaires et des individus de la collectivité. L'agent présente des communications aux jeunes sur les choix de carrière et de vie. Il y est question des avantages et des inconvénients des gangs et des solutions de rechange à l'adhésion à un gang du point de vue du jeune, de la famille, de la collectivité et de la police.
Ces communications comprennent de la documentation sur les programmes de sensibilisation aux gangs et de mentorat offerts par la police et les services communautaires. En travaillant au sein d'une équipe avec les écoles et les groupes communautaires, l'agent de liaison encourage les jeunes à être dynamiques et à penser aux aspects positifs et négatifs de leurs choix.
3.4 Toronto
En plus des méthodes de renseignement conventionnelles, la police de Toronto surveille l'activité des gangs au moyen d'une base de données informatisée qui a été conçue spécialement pour stocker des renseignements sur les individus associés à des gangs. La base de données est mise à jour à mesure que de nouveaux renseignements deviennent disponibles et des fonctions de recherche permettent de consulter facilement des rapports individuels ou collectifs. Elle renferme des données sur des membres de gangs connus et des individus affiliés, c'est-à-dire qui remplissent deux des sept critères de l'implication dans un gang, de même que sur des individus considérés « à risque » de devenir membres ou affiliés, c'est-à-dire ceux qui ne remplissent qu'un critère. Les critères de l'implication dans un gang sont les suivants :
- participation directe/indirecte à l'activité d'un gang;
- appartenance avouée par l'individu;
- information d'une source fiable;
- association observée avec des membres connus;
- identificateurs symboliques du gang;
- décision judiciaire;
- preuve matérielle.
À l'époque de l'étude (printemps 2006), la base de données de la police de Toronto comptait 83 gangs de rue mais en raison de la nature fluide de ces gangs, dont beaucoup ne possèdent pas la structure ni l'organisation qu'on voit dans d'autres groupes criminels organisés, il est difficile de déterminer exactement le nombre de gangs de rue à un moment donné. De plus, deux des gangs les plus violents ont récemment été perturbés parce que leurs chefs sont incarcérés et sont en instance de procès après avoir été arrêtés dans le cadre d'interventions policières ciblant les gangs.
Plus de 3 000 individus sont enregistrés dans la base de données sur les gangs mais beaucoup d'entre eux (environ 50 %) sont classés comme des individus « à risque » et non des membres ou des affiliés de gangs. Dans les gangs urbains, le nombre de membres et d'associés varie de quelques individus à environ cent. Moins de 10 % des membres sont de sexe féminin.
La base de données comptait moins de dix jeunes de moins de 15 ans et moins de 50 jeunes de moins de 16 ans. La plupart des membres d'un gang urbain et leurs affiliés sont dans la jeune vingtaine et il y avait plusieurs membres âgés de plus de 40 ans. En fait de composition ethnique, le point commun entre beaucoup de gangs urbains est le fait qu'ils soient plus rattachés à un quartier qu'à une origine ethnique. Dans plusieurs cas, le nom du gang renvoie à la communauté ou à une rue particulière. Dans d'autres cas, les membres vivent hors de la ville elle-même mais ils continuent d'être actifs dans la ville et les environs. Une tendance actuelle fait que des membres de gangs de rue de la région de Toronto se rendent quotidiennement dans de plus petites villes et municipalités pour vendre des stupéfiants. Les membres de gangs semblent préférer des « cités universitaires » relativement proches, comme Kingston ou Waterloo.
Dans certains gangs urbains, les membres s'identifient en portant des couleurs, des vêtements ou des marquages symboliques particuliers. Ils peuvent se livrer à du marquage pour annoncer leur présence dans un secteur, à la fois par bravade et pour avertir d'autres gangs urbains de ne pas s'approcher. D'autres gangs urbains, en particulier les plus établis, ont tendance à ne pas annoncer leur présence par marquage, mais ils peuvent porter des bijoux ou des tatouages symboliques.
En général, les gangs urbains sont territoriaux et les guerres de gangs ne sont pas rares. Toutefois, on a vu des gangs urbains qui se disputent un territoire collaborer de temps à autre, mais cette coopération est souvent de courte durée. Les tentatives d'élimination de concurrents ou les règlements de comptes peuvent impliquer des fusillades. La justification des fusillades est souvent fondée sur la violation d'une « chasse gardée » ou des activités liées aux stupéfiants. C'est aussi vrai de la majorité des autres actes criminels commis par des gangs urbains, qui peuvent comprendre des infractions contre les biens, la distribution et le trafic de stupéfiants, le vol qualifié, le cambriolage à domicile, les voies de fait et l'homicide. Les principaux stupéfiants en jeu sont la cocaïne, le crack et la marijuana.
Quant aux armes, les membres ont généralement accès à des couteaux et à des armes artisanales et beaucoup de membres en portent. Il semble que peu de membres portent des armes à feu à moins qu'ils prévoient les utiliser, mais la plupart des membres semblent avoir accès à des armes à feu, notamment des armes de poing automatiques et semi automatiques. On rapporte qu'une partie de ces armes proviennent de cambriolages et d'autres sont fournies par des groupes criminels plus organisés.
La police de Toronto a investi dans plusieurs programmes de prévention et d'intervention. En plus de présentations interactives à l'école et dans la collectivité, le service de police est très actif dans des programmes d'intervention directe. Dans l'un de ces programmes baptisé « Troop », des jeunes de 12 à 18 ans sont jumelés à un agent et font une retraite dans la nature. Cela offre un modèle positif en plus de favoriser des rapports prosociaux. Un nouveau programme qui doit commencer en 2006 s'adresse aux jeunes identifiés « à risque » d'adhérer ou de s'affilier à un gang. Le service de police embauchera une centaine de ces jeunes au cours de l'été et ceux-ci travailleront avec les policiers dans un éventail de tâches. On prévoit que ce programme renforcera le développement prosocial et offrira aux jeunes l'avantage de travailler dans la collectivité tout en gagnant de l'argent. Ces programmes visent à travailler avec l'individu. Un indicateur de succès sera le moment où cet individu ne sera plus à risque de devenir membre ou affilié d'un gang de rue.
En plus de cibler des individus, les collectivités à risque reçoivent également une attention spéciale. La stratégie d'intervention contre la violence de Toronto (TAVIS, pour Toronto Antiviolence Intervention Strategy) est un nouveau programme de prévention et d'intervention. Trois équipes de 18 policiers participent directement à ce programme. Les services du renseignement identifieront une collectivité donnée et une patrouille constituée de ces agents spécialisés créera une présence très visible dans cette collectivité. On prévoit que l'activité des gangs urbains dans ces secteurs diminuera.
En novembre 2005, la police de Toronto a participé à un programme d'amnistie à l'égard des armes à feu. Les armes à feu qui ont été remises aux policiers dans le cadre du programme étaient surtout de vieilles armes provenant de propriétaires privés et elles n'avaient pas été utilisées pour commettre des actes criminels, mais elles représentent une réduction du nombre d'armes qui pourraient tomber entre les mains de criminels lors de vols.
3.5 Montréal
À Montréal, il est y a environ 25 gangs de rue connus réunissant quelque 1 250 membres. Environ 80 % des membres de gangs de rue fréquentent l'école. En maintenant une présence dans les écoles, ces gangs ont la possibilité de recruter des membres et de surveiller les efforts de recrutement d'autres gangs. Les méthodes de recrutement peuvent être subtiles, notamment en faisant étalage de la richesse matérielle qui vient de l'appartenance à un gang urbain (p. ex. porter des vêtements ou des bijoux à la mode, se munir de technologies coûteuses ou inviter des jeunes à des fêtes débridées), suscitant ainsi l'intérêt et le désir. Le statut d'étudiant procure également un accès commode et légitime à des populations de jeunes qui peuvent aussi être la clientèle visée pour la vente de stupéfiants.
La plupart des gangs de rue de Montréal sont composés de jeunes Haïtiens et Jamaïcains et il y a eu récemment des signes que des groupes latinos sont peut-être en train de se former. D'autres groupes sont d'origines ethniques variées. Ces gangs ont tendance à être territoriaux mais dans certains cas, on les a vus coopérer à court terme dans une entreprise criminelle. Il semble que l'origine ethnique comme telle n'est pas un facteur important de la formation de gangs de rue. Les facteurs les plus pertinents seraient plutôt le quartier, la provenance d'un milieu pauvre et l'exclusion sociale.
Le recrutement peut se faire de plusieurs façons, y compris par ce qui représente essentiellement de la publicité sur Internet. Des gangs urbains ont leurs propres sites Web utilisant une technologie et des outils de commercialisation qui peuvent rivaliser avec ceux d'organisations légitimes. On a aussi observé des liens entre des gangs urbains et la musique populaire. Des affiches et des couvertures de CD montrent des images très provocantes manifestement liées à la vie des gangs. La campagne de marketing peut en fait présenter l'appartenance à un gang urbain comme quelque chose de branché, glorifié et financièrement avantageux.
Des membres de gangs urbains portent des couleurs associées à un gang particulier et d'autres, des tatouages propres à certains gangs tandis que beaucoup de membres utilisent des signes de la main ou une quelconque forme de code.
Des membres de gangs de rue ont commis un éventail d'infractions, dont des infractions contre les biens, de trafic et d'importation de stupéfiants, de fraudes, de vols qualifiés, de voies de fait armées et d'homicide. La principale catégorie d'actes criminels est l'importation de stupéfiants, notamment la cocaïne, le crack et la marijuana, mais tout porte à croire que les gangs importent également des produits chimiques pour produire des psychotropes. Des membres portent des couteaux ou des machettes mais la plupart des décès impliquant des membres de gangs de rue sont attribuables à des fusillades. Malgré les décès, il ne semble pas y avoir un grand nombre d'armes à feu dans la rue. Les armes à feu qui ont été saisies comprennent des armes de poing et des armes d'épaule à canon tronqué. Les membres de ces gangs de rue ne semblent pas se livrer concurrence pour posséder les armes à feu les plus récentes ou les plus impressionnantes. Il a été rapporté que la plupart des armes à feu utilisées semblent avoir été obtenues par l'achat d'importations illégales de réserves autochtones ou en important directement des États-Unis. Quelques armes à feu ont été retracées à des cambriolages de magasins d'armes à feu ou de résidences privées.
Les gangs urbains de Montréal ont été activement associés aux activités de gangs de motards criminalisés, de groupes criminels organisés traditionnels et d'organisations criminelles asiatiques. Ces gangs de rue peuvent être associés à deux de ces groupes ou à tous ces groupes simultanément dans différentes entreprises criminelles. Parmi les catégories d'infractions commises, mentionnons la distribution de stupéfiants et le recrutement de prostituées pour le commerce du sexe. Comme nous l'avons vu dans d'autres villes, les gangs de rue de Montréal semblent devenir plus organisés, plus structurés et sophistiqués dans leurs opérations commerciales, en particulier en ce qui concerne le marketing et la technologie.
Pour le service de police de Montréal, les gangs urbains ne sont pas qu'un problème de police, ils représentent un problème communautaire. Les policiers ont adopté une approche systémique dans toutes les facettes des programmes de lutte contre les gangs urbains. Tous les départements sont représentés au sein d'un comité antigang qui a établi une stratégie sur quatre fronts pour lutter contre les gangs urbains. En s'inspirant d'études empiriques menées à Montréal et dans d'autres villes, cette stratégie vise la répression des activités criminelles; la prévention des gangs de rue; l'efficacité des communications au sein du service de police et entre la police et la collectivité; et des études internes continues. Chaque département a un plan d'action fondé sur la stratégie sur quatre fronts et ces plans font l'objet d'une évaluation quantitative ou qualitative. Par exemple, une méthode d'évaluation des effets des programmes consiste à sonder les membres des collectivités sur leur sentiment de sécurité avant et après la mise en œuvre d'un programme.
Le soutien de la liaison avec les parents est un exemple de programme de prévention de Montréal. Des policiers présentent des programmes d'information aux parents dans les collectivités haïtiennes et en partenariat avec les églises locales. Reconnaissant le fait que les parents ne peuvent peut-être pas assister aux présentations au cours de la semaine, on présente ces programmes la fin de semaine. Le matériel comprend de l'information sur la façon de reconnaître les signes d'activités liées à un gang de rue chez son propre enfant, les endroits où obtenir des interventions et de l'aide et la façon de s'y prendre. En plus d'informer les parents, ces réunions favorisent la communication au sein de la collectivité et entre ses membres et la police.
3.6 Halifax
Comparativement à d'autres villes canadiennes, la police d'Halifax rapporte qu'elle n'a que récemment commencé à éprouver des problèmes liés aux gangs urbains. Dans cette région, les gangs semblent avoir commencé à une petite échelle mais la nature et la violence des infractions auxquelles ils sont mêlés semblent avoir augmenté. La police d'Halifax a identifié cinq gangs urbains dont les trois plus actifs sont le Northend Dartmouth Gang, le Murda Squad et le Woodside Gang et deux autres, G-Lock et Gaston Road, sont moins présents. Il y a cinq autres groupes plus petits moins structurés. Les gangs sont habituellement constitués d'individus qui vivent dans des quartiers à faible revenu ou dans des logements publics. On a identifié des enfants aussi jeunes que 12 ans comme membres des gangs de rue ou des groupes plus petits et environ 40 % des membres fréquentent l'école.
Le Northend Dartmouth Gang compte entre dix et 15 membres connus et de nombreux associés. Les membres sont généralement des hommes afro-canadiens dont l'âge varie de 16 à 28 ans. Ils portent des couleurs particulières, habituellement des foulards et des t-shirts. Ils ont tendance à être impliqués dans des infractions graves, comme l'introduction par effraction, les vols d'automobiles, le vol ou la possession de propriétés volées, la possession ou le trafic de stupéfiants, la prostitution et des infractions plus violentes comme le vol qualifié, les menaces, l'agression sexuelle et les voies de fait.
Le Murda Squad compte entre dix et 15 membres connus et de nombreux associés. Les membres sont surtout de sexe masculin mais il y a quelques membres de sexe féminin, surtout des Afro-Canadiens ou des Blancs. Ils portent souvent des couleurs et des t-shirts ou gilets en coton ouaté aux couleurs particulières. Ils ont aussi tendance à utiliser des signes de la main pour communiquer. On croit que les aspirants membres doivent endurer une agression collective en guise d'initiation. Si l'initié passe le test sans dire un mot, il est admis dans le gang. Les infractions typiques de ce gang comprennent les méfaits, le vol, le vol qualifié, les infractions relatives aux armes, le trafic, les menaces et les voies de fait.
Le gang de Woodside est apparu en 2002 et il compte actuellement moins de dix membres connus et de nombreux associés. Les membres, de sexe masculin, semblent avoir entre 14 et 18 ans et il s'agit surtout d'Afro-Canadiens ou de Blancs. Ils ne portent pas de vêtements particuliers qui révéleraient leur appartenance à un gang. Ces jeunes sont impliqués dans différentes infractions graves dont l'introduction par effraction, le vol d'automobiles, les vols qualifiés dans la rue et dans des commerces, les infractions relatives aux armes et les voies de fait. Les infractions peuvent être violentes, étant perpétrées avec des armes comme des bâtons de hockey, des bâtons de baseball, des marteaux et des couteaux. Un des gangs de rue a des liens avec un grand groupe criminel plus structuré et certains membres sont mêlés à l'achat et à la distribution de stupéfiants au niveau de la rue.
Ces gangs ont tendance à utiliser l'intimidation en menaçant et en harcelant leurs victimes et ils semblent avoir semé la peur dans la collectivité. Les victimes ont tendance à hésiter à témoigner par crainte de représailles. Les armes les plus courantes sont les couteaux et même si des membres de gangs ont proféré des menaces en faisant allusion à des armes à feu et à des fusillades, on n'a pas vu d'armes à feu.
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