La nature des gangs urbains au Canada et l'utilisation qu'ils font des armes à feu : recension des écrits et enquête auprès de services policiers

4. Résumé

Utilisation d'armes à feu

Nous pouvons faire quelques comparaisons générales concernant les armes à feu confisquées par les policiers dans le cadre d'activités de gangs. La violence liée aux armes à feu à Vancouver et dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique est comparable à celle de n'importe quel autre grand centre au Canada, y compris la région métropolitaine de Toronto. Parmi les provinces de l'Ouest, le plus faible taux d'utilisation illégale d'armes à feu est enregistré à Regina. Comme nous l'avons vu plus haut, la police d'Halifax n'a pas eu de cas où des membres de gangs de rue auraient utilisé des armes à feu lors de la perpétration d'infractions.

La catégorie d'armes à feu utilisée par les gangs de rue varie aussi d'une région à une autre. À Vancouver, des armes à feu de grande qualité, comme des pistolets semi automatiques, semblent privilégiées. Elles sont faciles à cacher et sont munies de chargeurs de forte capacité. Les membres de gangs possèdent habituellement ces armes à feu pour se protéger contre les membres d'autres gangs et pour se livrer à des activités criminelles dans lesquelles ils sont impliqués, comme des vols qualifiés, l'intimidation et l'extorsion. Le type d'armes à feu peut aussi être vu comme une marque de statut. En Saskatchewan et au Manitoba, les carabines et fusils à canon tronqué semblent privilégiés. Ces armes à feu sont faciles d'accès et très difficiles à retracer puisque la plupart d'entre elles ne sont pas enregistrées.

Définitions

L'un des principaux problèmes relatifs à l'étude des gangs et de leurs différents synonymes touche la définition. Plusieurs termes sont employés pour parler des gangs.

Il n'y a pas de définition législative des gangs au Canada mais l'article 467.1 du Code criminel définit comme suit une organisation criminelle :

467.1(1) « organisation criminelle » Groupe, quel qu'en soit le mode d'organisation :

  1. composé d'au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l'étranger;
  2. dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer – ou procurer à une personne qui en fait partie – , directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier.

La présente définition ne vise pas le groupe d'individus formé au hasard pour la perpétration immédiate d'une seule infraction.

Plusieurs services de police sondés emploient une définition commune de « gang » qui a été rédigée lors d'une réunion conjointe des chefs de police en 2005.

Au moins trois personnes, dans une structure formelle ou informelle, se livrant à un ensemble d'activités criminelles qui créent une atmosphère de peur et d'intimidation au sein d'une collectivité, qui peuvent avoir un nom commun ou un signe ou un symbole d'identification qui peut constituer une organisation criminelle au sens du Code criminel du Canada.

Tandis que le service de police d'Halifax utilise la définition similaire ci-dessous :

Un gang est un groupe organisé d'au moins trois personnes qui utilisent l'intimidation collective, la violence et des actes criminels pour acquérir du pouvoir et une reconnaissance et/ou le contrôle de certains domaines d'activités illégales.

La police de Winnipeg utilise une autre définition :

Un groupe de personnes qui se réunissent pour se livrer à des activités illégales.

Pour déterminer si un individu est membre d'un gang urbain, les services de police font presque consensus. Un individu est réputé être un membre ou un affilié d'un gang s'il remplit un certain nombre des critères ci-dessous :

  1. On dispose de renseignements en ce sens d'une source fiable (p. ex. membre du gang/membre d'un gang rival, ressources communautaires légitimes, c'est-à-dire écoles, entreprise, citoyen).
  2. Des renseignements policiers sont fournis par suite d'une association observée avec d'autres membres de gangs connus (c.-à-d. par surveillance).
  3. L'individu admet appartenir à un gang.
  4. Il y a implication (directe/indirecte) dans un acte criminel lié à un gang.
  5. Une décision judiciaire antérieure identifie cette personne comme un membre d'un gang.
  6. La personne porte des identificateurs de gang communs et/ou symboliques, comme des attirails (tatouages, armes, poèmes, vêtements) ou participe à des rituels d'initiation.

Programmes policiers

Une constatation commune à tous les services policiers ayant participé à l'enquête est la réponse positive aux demandes d'information et de soutien provenant des écoles et de la collectivité sur des questions se rapportant aux gangs. De plus, l'une des mesures les plus courantes dans toutes les villes est la tenue par les policiers de réunions internes de façon assez régulière à des fins d'éducation, de communication d'information et d'élaboration de stratégies. Les conférences nationales et régionales avec les divisions provinciales et nationales du Service des renseignements criminels fournissent également une tribune d'information et d'éducation. Aucun des services policiers participant à l'enquête n'a fait état de programmes destinés à traiter explicitement les membres de gangs, mais bon nombre d'entre eux ont des unités spéciales spécialisées dans la lutte contre les gangs et ils établissent des rapports avec des partenaires locaux pour s'attaquer au problème des gangs. Bon nombre de services policiers ont des programmes de prévention et d'intervention. Nous n'avons pas la place ici pour énumérer tous ces programmes mais nous en décrirons quelques-uns pour donner des exemples du type d'activités antigang des services policiers.

La police de Vancouver s'employait à revoir toutes les facettes de ses programmes de lutte contre les gangs d'un point de vue empirique, pour déterminer « ce qui fonctionne », avec des résultats quantifiables et comparables. La police de Regina a mis en œuvre un modèle pluridimensionnel et plurimodal pour déterminer les meilleures stratégies à mettre en œuvre dans la collectivité. La police de Winnipeg a établi les rapports avec la collectivité et en particulier avec les jeunes à risque dans un vaste modèle d'intervention communautaire intégrée. Le police de Toronto a mis en œuvre un programme destiné aux jeunes à risque pour leur offrir des rapports prosociaux, renforcer des valeurs positives et leur donner la chance de tirer un revenu d'un travail prosocial.

La police de Montréal offre aux parents des collectivités à risque de l'information et du soutien pour composer avec leurs enfants qui sont membres d'un gang urbain ou qu'on soupçonne de l'être. Enfin, la police d'Halifax examine actuellement les méthodes exemplaires en matière d'exécution de programme qui satisferont aux besoins de leurs collectivités. Les programmes soulignés ici ne sont peut-être pas propres à chaque ville, mais ils représentent un échantillon des initiatives policières visant à prévenir et à lutter contre les gangs urbains.

Dans l'ensemble

Les études décrites ici utilisent différentes définitions des gangs urbains. Les répondants à l'enquête utilisaient également des définitions différentes. Toutes ces définitions avaient deux concepts en commun : « groupe » et « acte criminel » . La portée du présent rapport ne permet pas de déterminer si l'élaboration d'une définition universelle permettant d'établir des comparaisons directes est une option viable, mais cette possibilité devrait être envisagée dans des projets de recherche futurs.

Les études recensées ici et les caractéristiques démographiques rapportées par les participants à l'enquête illustrent l'écart des âges et en particulier la jeunesse des membres de gangs de rue. Le fait que les programmes de prévention/intervention des services de police s'adressent aux jeunes est commun à toutes les villes.

L'étude a également illustré la diversité de la représentation ethnique dans les gangs urbains du Canada. Dans les villes où des groupes ethniques particuliers sont surreprésentés au sein de gangs urbains, il serait préférable d'adapter les programmes de lutte antigang à ces groupes particuliers pour satisfaire aux besoins de ces individus. Il est essentiel de mettre en œuvre des programmes comme ceux de Winnipeg où des policiers entrent en rapport avec des Autochtones et des membres d'autres cultures, pour saisir les besoins propres aux différents groupes ethniques et prendre des mesures pour élaborer des interventions s'adressant à des groupes particuliers.

Plusieurs études mentionnent des taux élevés d'infractions liées aux stupéfiants et d'infractions de violence et les répondants des services policiers ont rapporté eux aussi des taux similaires. Qu'il s'agisse d'importation de cocaïne ou des précurseurs chimiques de drogues illégales, d'exploitation de cultures de marijuana, de distribution de stupéfiants à des revendeurs ou de vente dans la rue, il est clair que les activités liées aux stupéfiants représentent un point de mire principal de l'activité des gangs de rue et une grande partie de la violence attribuable à des membres de gangs de rue s'inscrit dans leurs activités liées aux stupéfiants. Les études révèlent que la participation à ces activités progresse avec l'âge et que la prévention est le meilleur investissement pour réduire la criminalité. Beaucoup de membres de gangs de rue apprennent tôt dans la vie que l'activité illégale, bien que risquée, peut être rentable. En offrant des possibilités positives à des jeunes à risque, des programmes comme le projet d'embauche de la police de Toronto, offrent à des jeunes des expériences prosociales et des récompenses pour un comportement prosocial.

Toutes les études constatent que les gangs offrent souvent une famille substitut à ses membres. C'est ce qu'ont aussi déclaré les policiers qui ont participé à notre enquête. En guise de moyen d'aider des familles de Montréal, le service de police a mis en œuvre un programme pour leur fournir non seulement de l'information mais également un soutien direct. En offrant ce programme dans des secteurs où le besoin est grand et d'une façon qui s'adapte aux horaires des parents, les policiers montrent qu'ils ne s'occupent pas uniquement de répression, mais qu'ils sont également des partenaires dans la collectivité.

D'après les écrits recensés à la présente enquête, il y a peu d'activités des gangs de rue à Halifax comparativement à d'autres régions du pays. Néanmoins, la police d'Halifax a pris l'initiative de se documenter sur les programmes mis en œuvre dans d'autres villes et d'élaborer leurs propres interventions régionales.

5. Conclusion

Dans l'ensemble, il y a de nombreuses similitudes entre les caractéristiques des gangs urbains décrites dans les rapports de recherche canadiens et rapportées par la police. Toutefois, il semble y avoir des différences d'une région à l'autre du Canada, qui comprennent des variations en fonction de la représentation ethnique, de la nature de l'activité criminelle et de l'utilisation des armes à feu. Cette spécificité régionale peut être un signe qu'il faut mener des projets de recherche plus ciblés, par ville, dans l'ensemble du Canada puisque les seuls écrits publiés sur les gangs urbains portent sur Vancouver et Montréal.

Il serait également utile d'élaborer une définition universelle de « gang de rue » ou de « gang urbain » et d'autres types de gangs. La définition devrait comporter non seulement des descriptions du groupe mais également de la nature des activités auxquelles les groupes se livrent et plus particulièrement de leurs activités criminelles. L'adoption d'une telle définition universelle permettrait d'établir des comparaisons directes entre des administrations, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale, de même que chronologiques, et elle aiderait à mieux illustrer les liens entre les gangs de rue et les groupes criminels organisés. Un autre point à considérer pour évaluer l'efficacité des programmes tient à l'application de mesures quantitatives ou qualitatives des résultats ou d'évaluations pré-post similaires aux programmes mis en œuvre. Cette normalisation des résultats pourrait permettre de comparer des programmes et de déterminer l'investissement le plus efficace des ressources.

Enfin, il conviendrait de reconnaître le dévouement et la débrouillardise dont les services policiers font preuve en mettant en œuvre leurs programmes. Les services policiers ayant participé à la présente enquête sont allés au-delà du travail policier conventionnel de collecte de renseignements et de répression pour forger des alliances avec des partenaires locaux pour régler le problème communautaire que les gangs urbains représentent.

Références