LES ENJEUX DE LA BIOTECHNOLOGIE ET LA POLITIQUE PUBLIQUE

2. La génétique humaine

…[L]a nouvelle médecine génétique « post-cartographie » promet : 1) le dépistage génétique… ; ) la connaissance des prédispositions en vue du ciblage de médicaments spécifiques et personnalisés; et 3) des tests génétiques…

Les travaux de séquençage et de cartographie en cours dans le cadre du projet de recherche sur le génome humain pourraient être terminés d'ici l'an 2003, sinon plus tôt. Porteuse d'immenses espoirs fondés sur le pouvoir d'outils diagnostiques et pronostiques perfectionnés et sur les possibilités offertes par les applications de l'informatique en médecine, la nouvelle médecine génétique « post-cartographie » promet :

  1. le dépistage génétique du statut de porteur dans les populations asymptomatiques et la prévention de l'apparition d'affections génétiques;
  2. la connaissance des prédispositions en vue du ciblage de médicaments spécifiques et personnalisés; et
  3. des tests génétiques permettant de faire des choix individuels en matière de traitement, de reproduction et de mode de vie.

Toutes ces techniques pourraient être appliquées avant même l'implantation de l'embryon ou pendant la petite enfance, l'adolescence et la vie adulte. Par contre, tant que l'on n'aura pas trouvé de marqueurs génétiques spécifiques pour une affection donnée, la plupart des informations génétiques de l'ère « post-cartographie » continueront de provenir de la généalogie familiale, nous obligeant à reconstruire la famille « génétique » biologique que l'on avait partiellement abandonnée aujourd'hui en faveur de formes familiales consensuelles et sociales.

Paradoxalement, les réticences soulevées par ce genre d'étude des données sur la population, issues de la crainte d'une utilisation à mauvais escient… nuisent à la transparence et à la supervision publique en détournant vers le secteur privé la recherche en informatique et en génétique.

Bref, l'expression des choix personnels fondés sur l'estimation des risques de maladie ne pourra que s'affirmer et donc devenir plus significative sur le plan personnel avec les progrès de la recherche fondamentale en épidémiologie génétique. Paradoxalement, les réticences soulevées par ce genre d'étude des données sur la population, issues de la crainte d'une utilisation à mauvais escient ou d'une mauvaise compréhension, nuisent à la transparence et à la supervision publique en détournant vers le secteur privé la recherche en informatique et en génétique. Le public a bien accepté la création de banque de données biologiques aux fins de la surveillance des activités criminelles ou moralement répréhensibles, mais il n'accepte pas encore la création et la promotion de banques de données sur la population (qu'il s'agisse d'échantillons ou d'informations génétiques). Pourtant, c'est précisément cette absence de données scientifiques fondamentales au niveau des populations qui accentuera la discrimination actuelle fondée sur un manque de connaissances.

En effet, l'utilisation d'informations inexactes et, par le fait même, non scientifiques aura plusieurs effets fâcheux. Premièrement, le dépistage effectué dans le contexte du travail et de l'assurance, fondé sur des données actuarielles, s'en trouvera faussé. L'absence de grandes bases de données sur la population empêchera non seulement de le démontrer, mais favorisera, si l'on n'y prend garde, les usages illégitimes. Deuxièmement, toute décision d'intégrer des données génétiques dans les programmes de santé publique, de planification, de promotion et de prévention au niveau de l'État sera soit retenue par crainte de l'opinion publique, soit, encore une fois, non scientifique et par conséquent non éthique. Finalement, ces bases de données sur la population pourraient, si on en favorisait la création et si on les utilisait de façon transparente, non seulement faire l'objet d'une surveillance publique, mais aussi intégrer les freins et les contrepoids nécessaires pour se conformer aux objectifs modernes en matière de protection des renseignements personnels (légitimité, authentification, transparence, finalité,…). Il importe donc élaborer une nouvelle approche éthique de l'épidémiologie génétique, approche qui, tout en s'inspirant d'une éthique individualiste et sensible à l'éthique communautaire (les inquiétudes et les notions culturelles de « personnes »), vienne combler le besoin urgent d'une méthodologie adaptée, propre à la santé de la population.