LES ENJEUX DE LA BIOTECHNOLOGIE ET LA POLITIQUE PUBLIQUE
5. Cadre politique
Au cours des deux dernières décennies, que ce soit au sujet des transplantations d'organes, des techniques de reproduction ou de la génétique humaine, quatre approches ont été mises de l'avant, que nous décrirons ici sommairement. Par sa portée générale, l'approche constitutionnelle axée sur les droits de la personne permet de circonscrire les applications des nouvelles technologies qui, autrement, pourraient favoriser les pratiques discriminatoires ou stigmatisantes. L'approche législative ponctuelle, au contraire, préconise l'adoption de lois au cas par cas pour répondre aux incidences des progrès scientifiques par le biais d'interdictions, de restrictions ou de moratoires. La troisième approche, de type administratif et réglementaire, met l'accent sur l'assurance de la qualité, la normalisation et la surveillance, par l'intermédiaire d'organismes gouvernementaux ou professionnels. Enfin, l'approche libérale axée sur le marché prétend que les bonnes pratiques professionnelles finissent toujours par l'emporter et que, de toute façon, les nouvelles techniques sont soumises aux restrictions imposées par le processus du recours en justice.
Au cours des deux dernières décennies, que ce soit au sujet des transplantations d'organes, des techniques de reproduction ou de la génétique humaine, quatre approches ont été mises de l'avant…. Chacune de ces quatre approches a des avantages et des inconvénients.
Chacune de ces quatre approches a des avantages et des inconvénients. L'approche constitutionnelle se fonde sur les instruments existants de protection des droits de la personne pour interpréter les applications des nouvelles techniques. Les décisions de nature politique rendues par les tribunaux supérieurs, renforcées par le statut d'intervenant souvent reconnu aux groupes d'intérêt public, servent à faire ressortir les valeurs publiques, à clarifier les enjeux et à établir des précédents gros de conséquences. Par contre, de par sa nature ponctuelle et du fait qu'elle n'entre en jeu qu'après qu'une technologie donnée a été intégrée à la recherche et aux soins de santé, cette approche est lourde et coûteuse; et si, par ailleurs, les tribunaux se montrent timorés et refusent de se prononcer sur autre chose que les faits ou les questions en litige, elle n'offre finalement qu'un recours limité.
L'approche législative ponctuelle offre l'avantage de la certitude, de la clarification et de la précision immédiates, en plus d'être l'expression d'un consensus politique. Un danger demeure toutefois : elle peut en effet n'avoir qu'une portée limitée en dehors des enjeux immédiats et risque, en coupant court au débat public, de favoriser la complaisance. Enfin, en adoptant ainsi rapidement de tels règlements à la chaîne, on risque de se retrouver avec des positions et des définitions contradictoires.
Au contraire, l'approche de type réglementaire axée sur la normalisation permet d'élaborer progressivement des codes de conduite professionnelle et, au besoin, de mettre en place des mécanismes d'accréditation, de surveillance et d'assurance de la qualité par l'entremise de règlements adoptés en vertu de lois générales sur la santé déjà en vigueur. Axée sur les professions et les procédures, cette approche, en assurant l'adhésion des intéressés, est efficace et s'intègre facilement à la pratique. Son caractère progressif comporte cependant certains inconvénients. On « administre » ainsi en effet les techniques, mais sans énoncer explicitement les choix de valeur qui en sous-tendent l'acceptation ou sans expliquer pourquoi les codes et les normes imposent certaines restrictions à leur accès, à leur utilisation ou à certaines formes de recherche.
Enfin, l'approche libérale axée sur les forces du marché est, nous dit-on, la plus souple et la plus favorable à la recherche scientifique. Le progrès technologique dépend de l'investissement, et l'aide provient soit du secteur public, soit du secteur privé. L'investissement est cependant soumis au lobbying exercé par des groupes d'intérêts restreints, dont certains cherchent à profiter financièrement de l'investissement public ou de l'absence de contrôle public, alors que d'autres, pour diverses raisons, considèrent certaines techniques comme potentiellement néfastes ou contraires à leurs valeurs. L'incapacité de ces groupes d'en arriver à un compromis sur la place publique empêche la formation du consensus nécessaire à une supervision efficace par le gouvernement, laissant ainsi les technologies se développer au gré des caprices du marché, des effets paralysants des recours en justice et des choix des consommateurs.
Le choix entre ces diverses approches ou le choix d'une combinaison de ces approches dépend bien sûr de la confiance dont fait preuve la population à l'égard de la crédibilité et de l'efficacité de ces outils, mais aussi de l'état du débat.
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