Élargir nos horizons : Redéfinir l'accès à la justice au Canada
Conclusion
De façon générale, ce colloque d’une journée au cours duquel on a assisté à des échanges extraordinaires a permis d’apprendre que, peut-être maintenant plus que jamais, les acteurs du système de justice et d’autres secteurs d’activités sont très déçus du système de justice officiel. Il y a chez ce groupe éclectique de penseurs renommés un immense désir de changement, un appui considérable à une nouvelle conception du système de justice traditionnel et une impatience à expérimenter de nouvelles façons de faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à la justice. Il reste cependant beaucoup de travail à faire. Le colloque constitue seulement le début d’un important processus de réexamen de l’accès à la justice et des moyens de la réaliser.
Les participants au colloque n’ont pas proposé de recette pour faciliter l’accès à la justice, mais ils ont cerné un ensemble de thèmes qui peuvent orienter les efforts menant à la création d’un meilleur système de justice et d’un système de justice plus accessible. En voici un aperçu :
- La justice réparatrice a souvent été discutée au cours du colloque. De façon générale, elle représente une tentative de restaurer les dimensions relationnelles du processus de justice en reconnaissant le rôle de la collectivité et l’importance des interactions humaines. Elle constitue un processus de rétablissement et de spiritualité et non simplement de déjudiciarisation. De nombreux participants ont réfléchi aux leçons que la collectivité non autochtone pouvait tirer des programmes de justice réparatrice.
- D’emblée, des participants ont fait valoir que l’accès au système de justice n’est pas synonyme d’accès à la justice. Comme Roderick Macdonald l’a soutenu dans son exposé,
« [n]ous en venons à nous attacher à l’« accès » à la justice plutôt qu’ à la « justice » elle-même; et bien que nous proclamions que l’« accès à la justice » est un but, ce que nous visons réellement, c’est l’« accès au droit ». Les préoccupations les plus importantes des Canadiens au sujet de la justice ont peu à voir avec les droits fondamentaux au sens strict : elles concernent plutôt la reconnaissance et le respect. »
De nombreux participants ont plaidé en faveur d’un changement conceptuel de la culture de la justice dans le but faciliter une meilleure compréhension de la différence existant entre l’accès au système de justice et l’accès à la justice. Cependant, Lois Gander, de l’Université de Calgary, a fait valoir que« [d]e nouvelles conceptions de la justice ne sont possibles que si nous sommes disposés à abandonner ce que nous connaissons bien pour un moment et à adopter des solutions de rechange, même si celles-ci peuvent sembler irréalistes à première vue. De ces solutions de rechange peut jaillir une idée qui méritera d’être exploitée. »
- Un message ressortait implicitement de bon nombre des discussions : on peut parler de justice lorsqu’une solution satisfait toutes les parties à un différend. Cet énoncé traduit une approche résolument non contradictoire. De nombreux participants ont indiqué que la justice est, de par sa nature, une activité sociale orientée vers la recherche de solutions qui ne cadre pas facilement dans des règles juridiques étroitement définies.
- De nombreux participants croyaient fermement que l’accès à la justice est subordonné à la reconnaissance des divers besoins des Canadiens – il n’existe pas de système universel. Les questions de sexe, de race et de classe ont évidemment été sous-jacentes aux différentes discussions et ont fait ressortir la difficulté d’assurer l’accès à la justice aux groupes minoritaires, marginalisés et désavantagés.
- De l’avis de nombreux participants, le système de justice traditionnel ne dispose pas de moyens de répondre aux besoins de la collectivité et la capacité de résoudre les problèmes exige en fait des programmes et des initiatives communautaires en matière de justice. Bon nombre de participants s’interrogeaient toutefois sur les moyens de réaliser ce processus. On ignore toujours comment encourager la création de notions locales de justice et comment concilier celles-ci avec les demandes relatives
« à l’égalité matérielle et au traitement identique »
.
En plus du rôle de la collectivité, on a également discuté des partenariats entre les collectivités et les différents ordres de gouvernement. Dans quelle mesure le gouvernement devrait-il participer aux initiatives communautaires en matière de justice? La justice « communautaire » a-t-elle pour but de dissimuler le fait que le gouvernement se décharge de ses responsabilités en matière de services?
En outre, de nombreux participants ont formulé une mise en garde contre le danger de négliger le rôle du système de justice traditionnel.« Ne jetez pas au panier le système de justice civile traditionnel »
, a demandé Carol McEwon, en soulignant que de nombreux groupes communautaires commencent tout juste à apprendre comment utiliser le système à leur avantage. Pour eux, la loi est un outil puissant de protection des droits et de promotion du changement. - Le fait qu’il est tout aussi important de satisfaire les besoins que de protéger les droits a été souligné tout au long du colloque. Notre système de justice actuel repose sur la protection des droits. La réflexion menée lors du colloque a mis en relief également l’importance de répondre aux besoins des individus qui tentent d’avoir accès à la justice. De nombreux participants ont fait valoir que la seule manière de comprendre les divers besoins est de mener des consultations auprès de la collectivité et de réaliser des recherches approfondies.
- La question du partage du pouvoir et des ressources afin de réaliser l’accès à la justice a été soulevée à plusieurs reprises au cours du colloque. Les dépenses annuelles de l’ensemble du système de justice dépassent les neuf milliards de dollars. Les membres des groupes défavorisés doivent jouer un rôle important dans la conception du nouveau système de justice, et les ressources actuelles doivent être partagées afin de permettre la mise à l’essai de nouveaux mécanismes facilitant l’accès à la justice.
Il s’agit d’un survol rapide des différents thèmes clés du colloque et de leurs incidences sur la politique en matière de justice. La Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada continuera d’examiner la profusion de renseignements découlant du colloque dans une série de rapports plus analytiques. Il reste beaucoup de travail à faire cependant. Pendant le colloque, des penseurs canadiens renommés ont échangé de l’information et partagé leurs points de vue sur l’accès à la justice. Cette information et ces points de vue constituent une source abondante d’idées qui serviront à la réalisation de recherches sur les politiques et à l’élaboration de celles-ci.
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