Élargir nos horizons : Redéfinir l'accès à la justice au Canada

Synthèse - Les principaux défis à relever

« Si vous n’avez qu’un marteau, tout ressemble à un clou. » Anonyme Cité

par Gilles Paquet

On a confié à Gilles Paquet la difficile t âche de faire la synthèse des différents commentaires et idées formulés au cours de la journée.

Il a indiqué que le message qui est ressorti de la première séance du colloque était que la situation de l’accès à la justice au Canada n’est pas aussi reluisante qu’on le croit généralement. En résumé, « la ‘forteresse’ qui protège les institutions de la justice officielle, telle qu’elle est définie par les tribunaux traditionnels, n’est pas imprenable, […] il y a même ‘péril en la demeure’ lorsqu’on examine avec soin la ‘maison de la justice’ au Canada ». Les trois membres du comité d’experts ont exprimé des points de vue différents sur les façons d’améliorer l’accès à la justice par une meilleure prévention, des liens plus étroits avec les collectivités et une justice plus réparatrice.

M. Paquet a souligné que, dans un sens, les ateliers opposaient les « barbares » aux « personnes qui oeuvrent au sein du système », en d’autres mots, les gens de l’extérieur aux gens de l’intérieur:

Les trois premiers ateliers étaient bâtis autour des préoccupations qui touchent des groupes de l’extérieur de la forteresse du système de justice officiel. Ils se concentraient sur les aspects suivants: 1) les citoyens et les collectivités 2) la diversité des groupes formant le tissu social du Canada et ceux qui s’intéressent au bien-être de ces groupes; 3) le point de vue des économistes sur le système de justice dans ce qui le distingue de celui des avocats. Le quatrième atelier portait sur l’examen de nouveaux mécanismes et de nouveaux partenariats susceptibles de faciliter l’accès à la justice.

Il était évident que les gens de l’extérieur du système voulaient y entrer. Les participants croyaient fermement que « les profanes et l’ensemble des citoyens [devraient] participer non seulement au processus de création du droit, mais aussi à celui de mise en œuvre de la justice. ».

Voici l’essentiel de certains des messages tirés de chaque atelier par M. Paquet :

Citoyens et collectivités

Le débat a porté principalement sur la difficulté de définir ce qu’est une collectivité, de mettre en pratique le rôle des citoyens et des collectivités et de veiller à la mise en place de l’infrastructure nécessaire pour permettre aux citoyens et aux collectivités de fonctionner efficacement dans un monde 1) où les tribunaux ne sont pas les seuls forums auxquels les citoyens doivent avoir accès et 2) où les circonstances empêchent le recours à une stratégie universelle.

Diversité

Le système traditionnel a endossé avec une ardeur particulière l’argument selon lequel l’accès à la justice doit être assuré par le biais d’un traitement égal. Bien que les tribunaux aient réalisé des « progrès » à cet égard, le système officiel n’a pas vraiment réussi à mettre sur pied des mécanismes de prestation qui permettent de réaliser la promesse d’accro ître réellement la reconnaissance du « droit à l’égalité ».

Économique

L’importance de la recherche et de l’évaluation aux fins de la détermination de l’affectation des ressources est manifestement reconnue. De plus, la proposition selon laquelle l’évaluation des résultats pourrait fournir des chiffres susceptibles de traduire la même chose que le mécanisme des prix dans le secteur privé est raisonnable. Toutefois, dans les débats, on n’a pas toujours réussi à échapper à la tentation d’attribuer trop de pouvoir au modèle rationnel ou de porter aux nues les exercices quantophréniques.

Nouveaux mécanismes et nouveaux partenariats

Les participants ont admis dès le départ que la diversité de la population canadienne et la répartition inégale non seulement des revenus et des richesses, mais aussi de l’accès au pouvoir, rendent impossible de croire qu’un système universel pourrait fonctionner.

Les participants aux différents ateliers ont souligné la nécessité de disposer de plus de ressources ou de ressources différentes, en particulier pour la justice réparatrice. Ils ont également mis en lumière l’inertie fondamentale du système de justice officiel. Un aspect important de ce système réside dans la nature de son infrastructure financière, c’est- à-dire la manière dont les avocats et les autres personnes qui oeuvrent dans ce système sont rémunérés et dans l’efficacité et l’efficience relatives de la répartition actuelle des ressources. Finalement, le système actuel a tendance à mettre l’accent sur les droits et à ne pas accorder suffisamment d’attention aux besoins, ce qui empêche de résoudre les problèmes sans recourir aux tribunaux.

Les nombreuses pressions exercées sur le système de justice ont donné naissance à des situations paradoxales. Par exemple :

Il est difficile de voir comment cet appel à l’égalité matérielle et à l’uniformité peut être concilié avec l’idée de justice locale ou d’application de normes différentes, adaptées aux circonstances. Ce paradoxe atteint le cœur même du système de justice officiel et attaque son incapacité actuelle à susciter suffisamment de remises en question.

En outre, les demandes d’inclusion et de participation peuvent mettre à l’épreuve les caractéristiques fondamentales de notre démocratie parce qu’« on considère souvent [qu’elles] nuisent considérablement à l’application régulière de la loi ».

M. Paquet a terminé son exposé en faisant quelques suggestions au sujet des démarches qui pourraient être entreprises pour améliorer l’accès à la justice à court terme. D’abord, il faudrait définir, à tout le moins en termes de valeurs, quelle sorte de justice nous voulons.

En deuxième lieu, il était également évident qu’en définissant un système amélioré d’accès à la justice il est impossible d’examiner les possibilités d’alliances avec d’autres groupes et les différents mécanismes de rechange envisageables sans une meilleure connaissance des expériences déj à menées au Canada ou ailleurs et de la mesure de leur succès. Il n’existe aucun ouvrage répertoriant ces expériences. Il semblerait fondamental de veiller à ce qu’un tel document soit immédiatement préparé.

En troisième lieu, des efforts sérieux doivent être faits pour favoriser « la réalisation du plus grand nombre possible d’expériences et de mesures innovatrices destinées à assurer un meilleur accès à la justice ».

Ces simples moyens pourraient paver la voie à des changements plus profonds.

Janice Charette, sous-ministre adjointe principale du Secteur des politiques du ministère de la Justice du Canada, a prononcé le mot de la fin. Mme Charrette a indiqué que, durant toute la journée, les participants avaient mis en lumière la nécessité d’élargir le concept d’accès à la justice de façon qu’il englobe les nouvelles approches communautaires (p. ex. l’accès à la justice assurée dans le cadre d’un système holistique comprenant également la politique en matière de santé et la politique sociale). Elle a également souligné que de nombreux participants favorisaient la réalisation de plus de recherches et un meilleur partage des connaissances, et que les nouvelles initiatives en matière d’accès à la justice doivent être durables et tenir compte du fait qu’il ne peut y avoir de système universel. Mme Charrette a terminé son exposé en remerciant les participants d’avoir fait du colloque un succès.