Les effets des programmes de justice réparatrice : Analyse documentaire sur la recherche empirique
4. LACUNES DE LA BASE DE CONNAISSANCES
Le nombre des programmes de justice réparatrice en cours d’exécution dans le monde a nettement augmenté au cours de la dernière décennie. Un nombre considérable de projets de recherche et d’évaluations sont également en cours. Il existe cependant à l’heure actuelle plusieurs lacunes manifestes dans la documentation sur la justice réparatrice. Il y a également un manque d’études contrôlées ainsi qu’une absence d’utilisation régulière de mesures d’efficacité. On peut attribuer le manque de recherche expérimentale sur « ce qui fonctionne » dans les programmes de justice réparatrice en partie à leur mise en œuvre relativement récente et à l’évaluation à venir de nombreux programmes. Ce manque est toutefois également dû au simple fait qu’il n’y a ni examen ni évaluation des programmes. Qui plus est, il n’existe aucune norme d’efficacité. Dans la recherche sur le système de justice traditionnel, il suffit tout simplement de déterminer la nature des interventions qui font baisser le taux de récidive. Dans le domaine de la recherche sur la justice réparatrice, les moyens utilisés pour déterminer la meilleure façon d’évaluer les programmes ne sont pas assez complexes.
4.1 Lacunes dans les connaissances au sujet des participants
4.1.1 Récidive
Rien ne permet d’affirmer que la justice réparatrice est plus efficace que le système de justice traditionnel en ce qui a trait à la réduction de la récidive. Les résultats préliminaires sont toutefois prometteurs. Il faudra néanmoins pousser la recherche plus loin pour obtenir une idée plus claire des effets de la justice réparatrice sur le comportement futur des délinquants. Même s’il est difficile d’utiliser l’échantillonnage aléatoire pour créer des groupes témoins et des groupes de traitement, c’est le moyen le plus rigoureux dont on dispose pour déterminer les effets de cette forme de justice sur la récidive. Quand il est impossible d’utiliser des échantillons aléatoires, on peut utiliser en rétrospective des échantillons appariés, en se servant de variables telles que l’âge, le sexe, la gravité de l’infraction et les antécédents criminels. Les techniques de métaanalyse constituent un moyen supplémentaire plus définitif, pourraiton dire, de comprendre les effets d’un programme sur la récidive. L’état actuel de la recherche ne permet cependant pas d’y recourir. Il faudra encore plusieurs années pour créer un recueil approprié de documents de recherche comparative.
4.1.2 Effets sur la collectivité
Il existe un manque de données sur les effets des programmes de justice réparatrice sur la collectivité en tant que composante de la triade. Plusieurs questions importantes demeurent sans réponse. L’élaboration et la réalisation continue d’un programme de justice réparatrice ont-elles des effets notables sur la collectivité? Même si tout effort en vue d’opérationaliser le concept de « collectivité » soulèvera des discussions, il est néanmoins important pour l’élaboration de politiques de tenter de comprendre la justice réparatrice de ce point de vue. Comment les programmes de justice réparatrice influentils sur les niveaux de bénévolat et de développement communautaire? Les programmes de justice réparatrice réduisentils la peur du crime au sein de la collectivité? Ontil des effets sur la façon dont les membres de la collectivité perçoivent le système de justice pénale?
4.1.3 Variables modératrices
Comme on l’a vu plus haut (voir le tableau no3.2), il existe une foule de variables modératrices dont il y a lieu d’améliorer la compréhension. Comment la gravité de l’infraction influetelle sur le processus et son issue? Une relation qui existait déjà entre la victime et le délinquant modifietelle l’issue d’un programme de justice réparatrice? Les programmes de justice réparatrice conviennentils mieux aux jeunes contrevenants qu’aux délinquants adultes? Le recours à des médiateurs ayant reçu une formation augmentetil le niveau de satisfaction des participants et la probabilité qu’on en arrive à une entente de dédommagement équitable? Le point d’entrée du programme influetil sur le niveau de satisfaction des victimes? Les concertations communautaires qui incluent une vaste gamme de participants membres de la collectivité sontelles plus susceptibles de faire baisser le taux de récidive que les séances de médiation mettant en cause un seul médiateur? Le tableau mentionné plus haut n’énumère pas la liste exhaustive des variables possibles. Il existe un nombre infini de facteurs modérateurs susceptibles d’influencer l’issue d’un programme de justice réparatrice.
4.2 Lacunes des connaissances au sujet du système
4.2.1 Coûtsavantages
Le fonctionnement des programmes axés sur le recours à des bénévoles issus de la collectivité devrait être moins coûteux que celui des structures traditionnelles plus élaborées du système des tribunaux et des services correctionnels. Il arrive cependant fréquemment qu’on intègre les programmes de justice réparatrice au système plutôt que de les utiliser comme solution de rechange. Les problèmes liés à l’élargissement du filet peuvent eux aussi faire augmenter les coûts. Par contre, il faudrait plus qu’une simple analyse financière pour apprécier pleinement les coûtsavantages de la justice réparatrice. Il est difficile de mettre un prix sur l’augmentation importante de la satisfaction des victimes et la guérison psychologique qui pourrait résulter de la médiation. Même s’il est possible de prouver que la diminution du nombre d’incarcérations et celle du nombre de cas de probation permettent de réduire les coûts, il est difficile d’évaluer les coûts et les avantages réels de la justice réparatrice. Il est néanmoins important que les chercheurs se penchent sur la question. Quand il est justifié, le soutien politique et financier soutenu des approches « de rechange » telles que la justice réparatrice requiert souvent des données empiriques et financières.
4.2.2 Système de justice pénale
Il existe un manque évident de connaissances au sujet des effets de la justice réparatrice sur le système de justice pénale canadien et ce, aux quatre points d’entrée du système. En général, on devrait chercher à comprendre l’évolution du rôle de la police comme premier agent d’intervention, compte tenu du nombre croissant de programmes de déjudiciarisation avant la mise en accusation. Les policiers possèdentils la formation nécessaire pour être en mesure de faire le meilleur choix et pour le délinquant et pour la collectivité? La question se pose à chacun des quatre points d’entrée. Les procureurs de la Couronne ou les juges saventils quels sont les délinquants dont il convient le mieux de renvoyer le cas à un programme de justice réparatrice plutôt que de les mettre en probation ou de leur faire les mises en garde d’usage? Les coûts de l’aide juridique diminuerontils à mesure que de moins en moins de délinquants auront besoin d’être représentés par un avocat? Ou bien, au contraire, augmenterontils parce que les avocats de service devront participer à des séances de justice réparatrice de quatre heures plutôt que de plaider devant un juge pendant cinq minutes?
4.2.3 Collecte de données
Fautil mettre au point des méthodes plus perfectionnées de collecte de données, compte tenu du nombre grandissant de programmes communautaires qui fonctionnent à l’extérieur du système de justice pénale officiel? Souvent, dans les « systèmes de justice communautaire », on n’a pas mis en place de méthodes isées de collecte d’information . Il ne sera pas possible de compiler des statistiques exactes sur le crime à partir des données traditionnelles provenant des tribunaux et de la police. Il faudra procéder à d’autres études pour déterminer s’il y a lieu d’élargir les pratiques actuelles de collecte de données.
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