Les effets des programmes de justice réparatrice : Analyse documentaire sur la recherche empirique
3. RÉSULTATS DE LA RECHERCHE EMPIRIQUE
Un grand nombre de programmes de justice non traditionnels ont été mis en œuvre aux ÉtatsUnis, au Canada, en Europe, en Afrique, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Plusieurs de ces programmes ne respectent pas entièrement les principes de justice réparatrice, même si on considère qu’ils sont de nature réparatrice. Le présent document ne porte que sur les programmes fondés sur les principes mentionnés plus haut. Autrement dit, les résultats empiriques dont il est question dans la présente section proviennent de programmes qui cherchent à rétablir la relation entre la victime, la collectivité et le délinquant, en plus de chercher à réparer le tort causé par le crime.
3.1 Enjeux de la recherche
Vu la rapidité de l’évolution de l’environnement actuel de la justice pénale, la recherche est essentielle au succès de tout nouveau mouvement ou « vague » tel que la justice réparatrice (Bonta, Wallace-Capretta et Rooney, 1998; La Prairie, 1999). Malheureusement, on encourage rarement la vérification empirique des résultats produits par ce genre de mouvement. Que saiton réellement de l’efficacité des programmes de justice réparatrice? Comment savoir s’ils donnent de bons résultats?
Il existe plusieurs définitions évidentes d’un programme efficace. Premièrement, le programme doit chercher à réduire le taux de récidive, puisque la sécurité du public demeure la préoccupation prépondérante du système de justice pénale. La plupart des gens s’entendraient pour dire qu’un programme qui ferait au contraire augmenter les chances de nouveaux comportements criminels ne serait pas efficace. Deuxièmement, il doit répondre adéquatement aux besoins de la victime. On peut aisément mesurer ce facteur en procédant à des expériences contrôlées pour vérifier le niveau de satisfaction des victimes dans le système traditionnel, en comparaison de celui obtenu dans le cadre d’un programme de justice réparatrice. Troisièmement, on doit également prendre en compte les effets du programme sur la collectivité. Par exemple, le programme réduitil la peur du crime et augmentetil la perception de sécurité dans un quartier?
Les effets de la justice réparatrice ne se limitent pas seulement aux participants. Le système de justice pénale peut lui aussi être touché de façon significative par la prolifération des pratiques de justice réparatrice. En premier lieu, quels sont les coûts financiers liés aux programmes de justice réparatrice, par comparaison à ceux liés aux façons classiques de réagir face à la criminalité? En deuxième lieu, comment le rôle des acteurs au sein du système de justice estil modifié? Il est par exemple raisonnable de supposer que les choix qui s’offrent actuellement au policier ou au procureur de la Couronne qui traite avec un délinquant ne sont plus les mêmes compte tenu de l’existence de programmes de justice réparatrice de plus en plus accessibles. Il est également raisonnable de supposer que le rôle de l’avocat de service sera modifié, vu la déjudiciarisation d’un grand nombre de cas. Les responsables des décisions de libération conditionnelle serontils plus susceptibles d’accorder une libération aux délinquants qui ont participé à un programme de justice réparatrice avant leur libération? Cela doitil être un facteur? Il ne fait aucun doute que la collecte des statistiques criminelles seront modifiées par le nombre grandissant des solutions de rechange dont disposent les délinquants à l’étape antérieure à l’action judiciaire. À l’heure actuelle, les statistiques criminelles sont compilées surtout à partir des résultats d’enquêtes officielles menées auprès des tribunaux et des données sur les accusations portées par la police. L’exactitude des données officielles devient discutable au fur et à mesure que de plus en plus de cas de comportements criminels sont traités à l’extérieur du système. Il est donc utile de structurer les résultats à l’aide du cadre global suivant:
AU NIVEAU DU PARTICIPANT | Victimes Délinquants Membres de la collectivité | Satisfaction Récidive, satisfaction Peur du crime, sentiment de sécurité |
---|---|---|
AU NIVEAU DU SYSTÈME | Analyse des coûts-avantages Collecte de données Système de justice pénale | Coûts financiers, élargissement du filet Statistiques criminelles Police, avocats, tribunaux, système correctionnel |
Il existe aussi des variables modératrices susceptibles d’influer sur les processus et l’issue des programmes de justice réparatrice, et qu’il faut donc examiner. D’un point de vue idéal, le moyen le plus exhaustif d’effectuer la synthèse de la documentation consisterait à recourir aux techniques de méta-analyse. Malheureusement, il n’existe pas à l’heure actuelle suffisamment d’études utilisant des groupes témoins pour justifier que l’on dépense les ressources nécessaires à un tel travail. Le tableau qui suit met en évidence un certain nombre de variables modératrices qui pourraient faire l’objet d’un examen ultérieur. Chacune de ces variables peut en bout de ligne influer sur l’issue d’un programme. L’âge du délinquant et la gravité de l’infraction pourraient par exemple être liés au taux de récidive ou au taux de satisfaction des victimes. Ou bien, le niveau de formation du médiateur et la participation des membres de la famille pourraient faire augmenter par la suite la peur du crime chez les membres de la collectivité participante.
POINTS D’ENTRÉE | Police | Couronne | Tribunaux | Système correctionnel |
---|---|---|---|---|
MODÈLES DE PRATIQUES | Concertations communautaires | Médiations | Cercles de détermination de la peine | |
VICTIMES | Âge de lavictime | Relation avec le délinquant | Sexe de la victime | |
MÉDIATEUR | Niveau de formation | Bénévole ou rémunéré | Justice ouServices sociaux | |
PARTICIPATION DE LA COLLECTIVITÉ | Médiateur seulement | Participation de la famille | Participation restreinte de la collectivité | Participation ouverte de la collectivité |
INFRACTION | Nature de l’infraction | Violence familiale | Infractions sexuelles | |
DÉLINQUANT | Âge du délinquant | Antécédents criminels | Sexe du délinquant |
3.2 Effets empiriques au niveau du participant
3.2.1 Récidive
À ce jour, il n’y a pas assez d’études portant sur la question de la récidive pour que l’on puisse formuler des conclusions définitives à ce sujet. En fait, les méthodes de recherche utilisées dans la plupart des études manquaient de rigueur et certains auteurs n’ont pas utilisé de groupes témoins créés au hasard. Dans les cas où on a eu recours à une tâche aléatoire, la nature volontaire des programmes produisait quand même un échantillon de volontaires, puisque les sujets pouvaient tout simplement refuser de participer à l’enquête. Ce gauchissement et l’absence subséquente de taux de récidive comparatifs adéquats limitent la possibilité de généraliser les résultats obtenus. Cependant, les constatations disponibles tendent à indiquer une légère réduction du taux de récidive chez les délinquants ayant participé à un programme de justice réparatrice, en comparaison du taux observé dans le système traditionnel. Les données qui suivent représentent un échantillon des résultats empiriques que l’on retrouve dans la documentation.
- Les résultats d’une méta-analyse effectuée par Bonta, Wallace-Capretta et Rooney (1998) indiquaient une légère baisse du taux de récidive chez les délinquants qui participaient à un programme prévoyant le recours au service communautaire, à la réparation ou à la médiation, comparativement au taux observé chez les participants à des programmes qui n’utilisaient aucun de ces outils. Ces résultats indiquent bien la possibilité d’une diminution du taux de récidive dans le cas des programmes axés sur la réparation, même si l’analyse n’avait pas directement pour but d’évaluer les programmes de justice réparatrice.
- Morris et Maxwell (1998) ont observé un taux de nouvelles condamnations de 26% lors d’une étude sur les concertations de groupes familiaux mettant en cause de jeunes contrevenants en Nouvelle-Zélande. Il s’agit d’un résultat encourageant, étant donné que le programme avait trait à des infractions de gravité modérée ou élevée; les auteurs de l’étude n’ont toutefois utilisé aucun groupe témoin permettant de mettre les résultats en contexte.
- Dans une étude effectuée à Saskatoon par Nuffield (1997) et qui portait sur la médiation entre des victimes adultes et des délinquants, le taux de récidive chez le groupe de délinquants qui avaient participé à la médiation était légèrement plus élevé que celui des membres du groupe témoin. Nuffield a toutefois remarqué que le groupe des délinquants qui avaient participé à la médiation comptait un nombre plus élevé de personnes ayant des antécédents judiciaires, ce qui constitue un important facteur de prévision de récidive.
- L’évaluation du Restorative Resolution Project (projet de solutions réparatrices) exécuté au Manitoba (Bonta, Wallace-Capretta et Rooney, 1998) utilisait des groupes témoins appariés et les auteurs ont constaté une importante réduction du taux de récidive chez les participants au projet.
- Prenzler et Wortley (1998) ont observé un très faible taux de récidive (7%) chez les participants au projet de concertations communautaires pour les jeunes contrevenants du Queensland. Il n’y avait toutefois aucun groupe témoin et la période de suivi servant à mesurer le taux de récidive était relativement courte.
- On a examiné la récidive à quatre endroits aux ÉtatsUnis où l’on a eu recours à la médiation entre la victime et le délinquant; on a comparé des groupes témoins constitués de délinquants dont le cas avait été renvoyé à la médiation, mais qui n’avaient pas pris part au processus, et de délinquants dont le cas n’avait pas été renvoyé à la médiation. Dixhuit pour cent des délinquants qui avaient participé à la médiation ont récidivé au cours de l’année, comparativement à 27% pour les délinquants qui n’avaient pas participé au processus (Umbreit, Coates et Kalanj, 1994). De plus, 41% des nouvelles infractions commises par les délinquants ayant pris part à la médiation étaient classées comme « moins sérieuses », comparativement à 12% pour le groupe de ceux qui n’avaient pas participé au processus.
- McCold et Wachtel (1998) ont évalué un projet de concertation de groupes familiaux, mené par la police, mettant en cause des jeunes contrevenants. Les chercheurs ont utilisé un groupe témoin aléatoire et constaté que le taux de récidive chez les participants au projet était de 20% après 12mois, comparativement à 48% pour les délinquants qui avaient refusé de participer à l’expérience. McCold et Wachtel ont toutefois également observé que le groupe témoin des délinquants dont le cas n’avait pas été renvoyé, soit l’échantillon aléatoire, présentait un taux de récidive de 35%, ce qui suggère que le traitement a eu peu d’effet, mis à part un effet de participation volontaire.
Il faut de toute évidence mieux comprendre les effets des programmes de justice réparatrice sur la récidive. Même si nous disposions de données sur les programmes de médiation entre la victime et le délinquant et sur les programmes de concertation communautaire, nous n’avons pu trouver aucune information sur le taux de récidive des délinquants qui ont participé à un cercle de détermination de la peine. Les concertations communautaires ont souvent lieu au point d’entrée avant la condamnation, tandis que les cercles de détermination de la peine ont souvent lieu à une étape subséquente à la condamnation. L’expérience vécue par les délinquants et leur degré d’intégration dans le système traditionnel sont donc différents. Si l’on doit considérer les programmes de justice réparatrice comme une solution de rechange raisonnable à certains aspects du système de justice pénale officiel, on devra faire d’autres recherches sur leurs effets à long terme, aux quatre points d’entrée.
3.2.2 Satisfaction des victimes et perceptions d’équité
Il est clair que les victimes semblent tirer satisfaction de leur participation à un programme de justice réparatrice. C’est peutêtre là l’élément d’information probante le plus essentiel à l’appui de l’élaboration d’approches réparatrices. Les programmes fondés sur les principes de justice réparatrice permettent d’atteindre l’objectif central qui consiste à prendre en compte les besoins des victimes. Il est également probable, quoique dans une moindre mesure, que la satisfaction des victimes dans le système de justice traditionnel soit inférieure à celle des victimes qui participent à un programme de justice réparatrice. Ici encore, on doit tenir compte de la question de la participation volontaire. Il faut également noter que la façon dont certains cas ont été traités a eu pour effet de mécontenter la victime. L’insatisfaction était toutefois due en grande partie au fait que le délinquant n’avait pas respecté l’entente intervenue au sujet de la réparation et ne fait pas douter de l’utilité ou de la réussite du processus de réparation.
- Umbreit, Coates et Kalanj (1994) ont observé que 79% des victimes qui avaient participé à la médiation étaient satisfaites de la façon dont leur cas avait été traité, comparativement à 57% dans le cas des victimes comprises dans un échantillon de cas traités par les tribunaux. Celles qui avaient participé à la médiation étaient aussi plus susceptibles d’avoir l’impression que le système de justice avait traité leur cas équitablement (83% contre 62%).
- Dans leur rapport provisoire sur un programme de concertation entre la victime et le délinquant à l’intention des jeunes contrevenants dans le comté de Washington, au Minnesota, Umbreit et Fercello (1997a) ont constaté que toutes les victimes étaient satisfaites du traitement de leur cas et de son dénouement. De plus, 100% des victimes ont jugé que l’entente concernant la réparation était équitable pour elles et 80% d’entre elles ont jugé qu’elle était juste pour les délinquants.
- Une évaluation de la satisfaction et de la perception d’équité des victimes, effectuée à 12 endroits différents où des concertations de groupes familiaux avaient lieu au Minnesota, a permis de constater que le niveau de satisfaction face au processus et à l’issue de ce dernier se situait entre 93% et 95% (Fercello et Umbreit, 1998).
- Prenzler et Wortley (1998) ont constaté que la grande majorité des victimes ayant participé à un projet pour jeunes contrevenants étaient satisfaites du processus de concertation et des ententes concernant la réparation.
- Une étude portant sur des victimes qui avaient participé à des concertations de groupes familiaux a révélé que seulement 49% d’entre elles étaient satisfaites du programme. Le fait de ne pas avoir reçu de réparation appropriée était la raison la plus souvent invoquée par les victimes mécontentes (Morris et Maxwell, 1998).
- Un certain nombre d’études ont révélé que la grande majorité des victimes étaient prêtes à refaire l’expérience du processus de justice réparatrice et à le recommander à d’autres (Chatterjee, 1999; Coates et Gehm, 1989; Umbreit, Coates, Kalanj, Lipkin, et Petros, 1995; Umbreit et Fercello, 1997a; Umbreit et Fercello, 1997b).
3.2.3 Satisfaction des délinquants et perception d’équité
Certains faits portent à croire qu’il se pourrait qu’en permettant aux délinquants de vivre une expérience plus satisfaisante au sein du système de justice, on contribue à faire baisser le taux de récidive (Strang, Barnes, Braithwaite et Sherman, 1999). Le système de justice traditionnel « professionnalisé » offre très peu d’occasions aux délinquants de contribuer au déroulement du processus judiciaire et leur permet rarement de s’amender en offrant une réparation raisonnable. Par ailleurs, les programmes de justice réparatrice favorisent un cadre qui permet à toutes les parties, y compris le délinquant, de jouer un rôle utile et de trouver ensemble une solution en matière de réparation. On a effectué passablement de recherche sur les délinquants qui avaient participé à des programmes de justice réparatrice, dans le but d’évaluer leur niveau de satisfaction et l’impression qu’ils avaient d’avoir été traités équitablement. La grande majorité des études indiquent qu’un pourcentage élevé des délinquants sont satisfaits des programmes et les perçoivent comme équitables. La recherche révèle également que les délinquants jugent ces programmes plus satisfaisants et plus équitables que le système de justice pénale traditionnel.
- Umbreit, Coates, et Kalanj (1994) ont constaté que les délinquants qui avaient participé à une médiation étaient plus susceptibles d’être satisfaits du processus (87% contre 78%) et de le percevoir comme équitable (89% contre 78%) que ceux qui n’avaient participé à aucune médiation. Un fort pourcentage des délinquants ayant pris part à une médiation ont aussi exprimé leur satisfaction face à l’issue du processus (90%) et perçu l’entente de réparation comme équitable (88%).
- Une étude effectuée par Umbreit, Warner, Kalanj, et Lipkin (1996) à deux endroits où il existait un programme de médiation en Angleterre a révélé que le groupe des délinquants qui avaient participé à la médiation était plus susceptible d’être satisfait du système de justice pénale (79% contre 55%) et de le percevoir comme équitable (89% contre 56%) que le groupe formé de délinquants qui n’avait participé à aucune médiation.
- Une étude effectuée en Nouvelle-Zélande a permis de constater que 84% des délinquants étaient satisfaits de l’issue des concertations de groupes familiaux (Morris et Maxwell, 1998). Les chercheurs ont fait valoir que le niveau élevé de satisfaction pouvait être dû au soulagement ressenti par les délinquants en voyant qu’on leur infligeait une peine moins sévère que celle à laquelle ils s’attendaient. Cette conclusion était justifiée par des données empiriques qui montraient que les délinquants ayant reçu une peine plus sévère étaient trois fois plus susceptibles d’être mécontents de l’issue du processus.
- Strang, Barnes, Braithwaite et Sherman (1999) ont découvert des éléments probants indiquant que les délinquants du Reintegrative Shaming Experiment (expérimentation de l’utilisation de la honte comme instrument de réinsertion) en Australie percevaient les programmes de justice réparatrice comme plus équitables que l’appareil judiciaire. Soixantedouze pour cent des délinquants qui ont participé à une concertation communautaire ont jugé équitable l’issue du processus, comparativement à 54% dans le cas des délinquants qui ont eu affaire aux tribunaux.
3.2.4 Effets sur la collectivité
Même si, dans les documents théoriques portant sur la justice réparatrice, on décrit habituellement celleci comme un processus faisant intervenir la victime, le délinquant et la collectivité, il n’existe que très peu d’information sur la collectivité en tant que composante de cette triade. On a trouvé dans la documentation des données sur les effets positifs de la justice réparatrice sur les parents de jeunes contrevenants, les policiers et les dirigeants scolaires qui participent au processus. Il ya également lieu de croire que l’expérience de la justice réparatrice facilite le resserrement des relations entre les participants et crée un sentiment de contrôle et de sécurité plus grand au sein des collectivités. Il est néanmoins clair qu’il s’agit là d’une lacune capitale de la recherche. On sait en fait très peu de choses sur les effets à court et à long terme des programmes de justice réparatrice sur les membres de la collectivité qui participent au processus, notamment sur leur sentiment de sécurité, leur perception du système de justice pénale et leur peur du crime.
- Roberts (1995) a constaté que les victimes amélioraient leurs relations avec parents et amis à la suite d’une médiation entre la victime et le délinquant. L’étude a aussi révélé que tous les participants disaient avoir une perception moins négative du crime et de la victimisation.
- À la suite de la réalisation d’un projet de concertation de groupes familiaux par la police de Bethlehem, en Pennsylvanie, les policiers n’ont pas changé d’attitude face au crime, mais ont tout de même mentionné qu’ils avaient adopté dans leur travail une approche davantage axée sur la participation de la collectivité et la résolution de problèmes (McCold et Wachtel, 1998).
- Cameron et Thorsborne (1998) ont mentionné que la majorité des participants à une concertation en milieu scolaire avaient établi des relations plus étroites avec les autres participants après avoir pris part au programme. En outre, les administrateurs de l’école considéraient que les concertations communautaires servaient à renforcer les valeurs scolaires, créaient une perception positive de l’école au sein des familles des participants et transformaient les pratiques disciplinaires d’une approche punitive en une approche plus réparatrice.
- Les partisans des concertations regroupant à la fois des victimes et des délinquants ont mentionné que les programmes de justice réparatrice procuraient un sentiment accru de contrôle et de sécurité au sein de leur collectivité, en plus de rétablir une certaine harmonie. (Chaterjee, 1999).
3.2.5 Ententes de dédommagement et taux de respect
Les ententes de dédommagement sont un aspect important des programmes de justice réparatrice. Une fois respectée, l’entente est le e visible du fait que le délinquant accepte d’être justiciable pour l’infraction commise et assume activement la responsabilité de réparer le préjudice causé. Les ententes de dédommagement prévoient habituellement une compensation financière, des services communautaires et (ou) des services rendus à la victime. La recherche disponible a indiqué un taux élevé d’ententes de dédommagement négociées et respectées dans le cas des programmes de justice réparatrice. De plus, les études dans lesquelles on compare des cas traités par la justice réparatrice avec des cas traités devant les tribunaux révèlent elles aussi un taux plus élevé d’ententes négociées et respectées dans le cas des programmes de justice réparatrice. Il appert donc que les programmes de justice réparatrice réalisent un autre de leurs principaux objectifs, soit la réparation du tort causé par le crime. Il appert également que la satisfaction des victimes est directement liée à la mesure dans laquelle les ententes sont respectées.
- Morris et Maxwell (1998) ont constaté que 85% des jeunes contrevenants qui avaient participé à des concertations de groupes familiaux en Nouvelle-Zélande avaient accepté l’imposition d’une peine active (du service communautaire, par exemple).
- À quatre endroits différents où un programme de justice réparatrice était en vigueur au Canada, Umbreit, Coates, Kalanj, Lipkin et Petros (1995) ont constaté qu’une entente de dédommagement avait été négociée avec succès dans 93% des cas.
- Dans leur constatations préliminaires à l’occasion d’une comparaison expérimentale entre des cas réglés en concertation et d’autres réglés devant les tribunaux, Strang, Barnes, Braithwaite et Sherman(1999), ont indiqué que 83% des victimes avaient obtenu réparation et des excuses du délinquant dans les cas réglés au moyen d’une concertation, contre 8% pour les cas réglés devant les tribunaux.
- L’évaluation empirique faite par Coates et Gehm (1989) des programmes de réconciliation entre la victime et le délinquant a révélé que 98% des victimes et des délinquants en étaient venus à une entente. Quatre-vingt-deux pour cent des ententes qui prévoyaient un dédommagement de nature financière et 90% de celles qui prévoyaient une prestation de services ont été respectées.
- Dans le cadre d’une enquête d’envergure nationale portant sur 116programmes de médiation entre la victime et le délinquant aux ÉtatsUnis, les employés des programmes ont indiqué au cours de longs entretiens téléphoniques qu’une entente de dédommagement avait été conclue dans 87% des cas et que 99% de ces ententes avaient été respectées (Umbreit, Fercello et Umbreit, 1998).
- Dans une comparaison entre deux programmes de médiation appariés à deux tribunaux, Umbreit, Coates et Kalanj (1994) ont mentionné que l’entente de dédommagement avait été respectée dans 81% des cas qui avaient fait l’objet d’une médiation et dans 58% de ceux qui avaient été réglés devant les tribunaux. Lorsqu’ils ont examiné le type d’ententes de dédommagement conclues, les chercheurs ont constaté que 58% étaient de nature financière, que 13% des ententes prévoyaient la prestation de services personnels à la victime et que 29% d’entre elles comportaient une composante de service communautaire.
- Au cours d’une évaluation préliminaire des programmes de médiation en Californie, les chercheurs ont constaté que dans tous les cas où l’on en était arrivé à une entente, 97% des contrats avaient été exécutés ou étaient encore en cours. Le nombre peu élevé d’échecs était lié exclusivement à des cas d’infractions contre les biens plutôt qu’à des cas plus sérieux de crimes contre la personne (Niemeyer et Shichor, 1996).
3.3 Effets empiriques au niveau du système
3.3.1 Coûts-avantages et élargissement du filet
Les coûts des programmes de justice réparatrice sont moins élevés que ceux du système de justice traditionnel. Ce sont habituellement des bénévoles qui agissent comme médiateurs, les cas peuvent souvent se régler en quelques heures et la plupart des délinquants n’ont pas besoin d’être représentés par un avocat. Étant donné la nature d’une partie importante des programmes de réparation (p. ex., le fait de n’accepter que des mineurs et des délinquants purgeant une première peine), un « élargissement du filet » est toutefois possible, par lequel d’autres délinquants sont introduits dans le système de justice pénale. Il est difficile de déterminer avec précision si l’élargissement du filet constitue un problème en raison de la grande variabilité des critères de renvoi à un programme de justice réparatrice et des quatre points d’entrée possibles dans le système. L’inclusion dans le système de délinquants supplémentaires à qui l’on aurait par ailleurs fait les mises en garde d’usage de façon formelle ou informelle feraitelle effectivement augmenter les dépenses publiques? Il y a probablement lieu de répondre à cette question par un oui. Dans le cas des programmes qui ont fait l’objet d’une évaluation dans la documentation, il y a cependant lieu de croire que les critères d’infraction utilisés pour les renvois sont en réalité plutôt de nature générale et qu’ils incluent un nombre croissant d’infractions plus graves, telles que les voies de fait et la conduite avec les facultés affaiblies, pour lesquelles les délinquants ne reçoivent habituellement pas de mise en garde. Dans le cas de la grande majorité des infractions moins graves, estil plus coûteux de juger un délinquant, qu’on fera par la suite surveiller par un agent de probation dans la collectivité, que de renvoyer son cas à un programme de justice réparatrice? Nous n’avons pu trouver d’étude présentant une comparaison détaillée entre le système de justice traditionnel et un programme de justice réparatrice qui permettrait de répondre à la question de façon adéquate. Les données sur les coûts des programmes et la question de l’élargissement du filet que nous avons trouvées dans la documentation étaient plutôt limitées.
- Dans le cadre d’une recherche sur les programmes de médiation aux États-Unis, Umbreit, Coates et Kalanj (1994) ont constaté qu’un renvoi à un programme coûtait environ 230$ et qu’une séance de médiation coûtait moins de 700$.
- Une enquête portant sur 116programmes de médiation à travers les ÉtatsUnis a révélé que le budget d’un programme variait de 1$ à plus de 400000$, le coût moyen étant de 55077$ (Umbreit, Fercello et Umbreit, 1998).
- La recherche effectuée sur le Restorative Resolutions Project (projet de solutions réparatrices) réalisé au Manitoba a révélé que la majorité des délinquants dont le cas avait été renvoyé au projet se seraient vu imposer une peine d’incarcération dans le système de justice traditionnel (Bonta, Wallace-Capretta et Rooney, 1998). Les auteurs de la recherche ont donc conclu que le problème de l’élargissement du filet ne se posait pas.
3.3.2 Système de justice pénale
Nous n’avons malheureusement pas pu trouver de recherches publiées sur les effets de la justice réparatrice sur le système de justice pénale. Il s’agit là d’une importante lacune de la base de connaissances. Nous ne savons pas quelles seront les répercussions de l’augmentation du nombre des programmes de justice réparatrice sur le rôle des policiers, des avocats ainsi que des fonctionnaires judiciaires et des agents de correction. Le système de justice pénale officiel au Canada vit, selon toute probabilité, des changements importants, au fur et à mesure que nous évoluons vers un volet secondaire de la justice, qui repose sur la collectivité.
3.3.3 Collecte de données
Cet aspect de la recherche semble lui aussi être négligé dans la documentation. La baisse du taux de criminalité que nous connaissons en ce moment au Canada estil le reflet d’une réelle diminution des comportements criminels ou sommesnous témoins des effets des programmes de déjudiciarisation avant l’accusation, tels que les pratiques de justice réparatrice? Devonsnous mettre au point d’autres méthodes de collecte de données afin de pouvoir obtenir une image adéquate des vrais taux de criminalité? Les comparaisons avec les années précédentes deviennent de plus en plus difficiles à effectuer à mesure qu’un nombre de plus en plus élevé de délinquants voient leur cas traité hors des circuits traditionnels.
3.4 Sommaire des constatations
En général, il est clair que la recherche empirique sur la justice réparatrice en est encore à ses débuts. De nombreuses questions demeurent sans réponse. Plusieurs problèmes semblent toutefois avoir été résolus.
- Les victimes qui font l’expérience d’une participation à un programme de justice réparatrice expriment un niveau de satisfaction élevé face au processus et à son issue. Elles croient aussi que le processus est équitable. Tout porte à croire que les victimes sont beaucoup moins satisfaites du système de justice traditionnel. De plus, le niveau de satisfaction de la victime semble être lié au respect de l’entente de dédommagement.
- Les délinquants expriment eux aussi un niveau de satisfaction élevé face aux programmes de justice réparatrice et ont l’impression que le processus est équitable. En outre, la recherche donne à penser que les délinquants dont le cas est traité par le système traditionnel sont moins satisfaits. Il existe toutefois des éléments probants qui indiquent que la sévérité de l’entente de dédommagement est étroitement liée au niveau de satisfaction du délinquant. Plus le dédommagement est élevé, plus le délinquant est susceptible d’exprimer du mécontentement à l’endroit du programme.
- La plupart des participants à un programme de justice réparatrice connaissent un taux élevé de réussite dans la négociation d’une entente de dédommagement. Tout porte également à croire qu’un grand nombre des délinquants dont le cas est renvoyé à un programme de justice réparatrice donnent suite à l’entente de dédommagement et sont plus susceptibles de la respecter que les délinquants à qui le dédommagement a été imposé par le tribunal.
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