Repenser l’accès à la justice pénal au Canada : un examen critique des besoins, des réponses et des initiatives de justice réparatrice

Avant-propos

Au mois de mars 2000, le sous-ministre et sous-procureur général du Canada a tenu un symposium d'une journée sur l'accès à la justice, sur le thème « Élargir nos horizons : redéfinir l'accès à la justice au Canada». Né de la vision d'Andrée Delagrave, directrice générale, Section de la politique, de l'intégration et de la coordination, ministère de la Justice Canada, et organisé par l'Équipe de l'accès à la justice, Division de la recherche et de la statistique, le symposium avait pour objet d'explorer de nouvelles avenues et de cerner les nouveaux enjeux qui surgissent quand il s'agit d'assurer l'accès à la justice aux Canadiennes et aux Canadiens dans un environnement de plus en plus complexe et exigeant. Comme le sous-ministre l'a souligné dans la préface du rapport du colloque, nous devons examiner la façon dont le système de justice traditionnel peut s'adapter au changement, élaborer des partenariats efficaces et trouver des solutions concrètes qui correspondent aux besoins des victimes, des délinquants, des collectivités et de tous ceux qui sont touchés par le système de justice.

Environ cent personnes venant de toutes les régions du Canada ont participé au symposium, notamment des juges, des représentants de la Commission du droit du Canada, des hauts gradés de la police, des praticiens des services juridiques et d'éminents penseurs de l'extérieur du domaine juridique. Le symposium a laissé à tous les participants un message retentissant, de façon assez remarquable, d'un groupe important d'éminents penseurs du système de justice et d'autres domaines d'activité humaine. Le principal message n'était pas tellement que le système de justice - civile ou pénale, mais particulièrement le système de justice pénale - ne fonctionne pas bien; tous s'entendaient là-dessus. Le message réellement surprenant qui est ressorti clairement de cette conversation extraordinaire est l'immense désir de changement qu'ont les chefs de file de l'intérieur comme de l'extérieur du système de justice.

Le symposium n'a pas produit de recette pour le changement, mais il en est ressorti un appui solide à l'expérimentation - et à l'urgence de se mettre au travail pour explorer des avenues de changement - et à une série de thèmes pouvant servir de repères dans la recherche de formes de justice innovatrices et plus accessibles. La liste suivante donne un aperçu de ces repères.

  1. Il est tout aussi important de satisfaire aux besoins que de protéger les droits.
  2. Il y a justice lorsqu'une solution satisfait toutes les parties concernées.
  3. L'accès aux tribunaux n'est pas synonyme d'accès à la justice.
  4. On devrait envisager la justice réparatrice (l'expression symbolique qui est devenue le cri de ralliement de l'insatisfaction à l'égard du système de justice actuel).
  5. Il n'existe pas de système universel.
  6. Il faut un partage du pouvoir et des ressources.

Comme d'autres observateurs l'ont souligné, tant les victimes que les délinquants, de même que les policiers et les collectivités en général critiquent le système de justice pénale actuel. On doute de l'équité et de l'efficacité du système de justice du Canada et pour certains groupes (en particulier les Autochtones), les processus de la justice pénale représentent un échec manifeste de l'État canadien (Cooper et Chatterjee, dans Institut canadien d'administration de la justice, 1999, p. 3-4). Les participants au symposium avaient l'impression que les travaux sur l'accès à la justice se sont trop concentrés sur l'accès à la justice et trop peu sur la qualité de la justice elle-même. Par conséquent, les participants se sont dit d'avis que les approches holistiques en matière d'accès à la justice offrent des méthodes de résolution de problèmes qui remplacent à la fois les concepts traditionnels de la justice et les mécanismes formels pour assurer l'accès à la justice (Currie 2000, p. 17).

Le présent rapport fait partie de l'engagement de la Division de la recherche et de la statistique d'approfondir encore les résultats du symposium du sous-ministre sur l'accès à la justice et de recenser les grands enjeux qui se rattachent à ce domaine d'orientation important. Le document a pour objet de situer les résultats du symposium dans le contexte plus vaste de la documentation spécialisée sur l'accès à la justice. En particulier, il renferme une recension critique de la documentation récente sur la justice pénale et les défis que présentent les initiatives en matière de « justice nouvelle » au Canada, ainsi que quelques comparaisons avec d'autres administrations comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Le document se divise en quatre parties. Le chapitre 1 renferme le cadre conceptuel de l'examen des enjeux relatifs à l'accès à la justice pénale dans la société canadienne (notamment le thème 3 ci-dessus). Le chapitre 2 se concentre sur les « besoins » dans le contexte de la justice pénale : besoins des Autochtones, des délinquants, des victimes et des collectivités au Canada (notamment les thèmes 1 et 5 ci-dessus). Dans le chapitre 3, nous présentons la documentation spécialisée sur la justice réparatrice et plusieurs projets fondés sur les principes de la justice réparatrice (notamment les thèmes 2, 4 et 6 ci-dessus). Dans le chapitre 4, nous prenons un recul pour faire une critique de quelques enjeux, souligner les lacunes dans la documentation spécialisée et proposer des pistes de recherche.

En plus du présent rapport et des actes du symposium (Élargir nos horizons : redéfinir l'accès à la justice au Canada), la Division de la recherche et de la statistique a produit plusieurs autres documents qui mettent en lumière les enjeux nouveaux en matière d'accès à la justice. La Division a publié les résultats de son symposium d'une journée sur la condamnation avec sursis (Le nouveau visage de la condamnation avec sursis), organisé conjointement avec les facultés de droit et de sciences sociales de l'Université d'Ottawa, de même qu'un rapport sur les effets des programmes de justice réparatrice (Latimer, 2000). Le rapport d'Ab Currie (2000) porte sur l'évolution de l'accès à la justice pénale et la façon dont l'adoption de mesures de justice réparatrice pourrait faire de la prestation de l'aide juridique en matière pénale une partie intégrante d'un concept plus moderne de l'accès à la justice. La Division espère que ces documents et quelques-unes de nos autres publications représenteront une contribution solide aux nouveaux débats d'orientation dans le domaine de l'accès à la justice.