Une analyse des services en matière de droit des pauvres au Canada

PARTIE 3 : LE PORTRAIT NATIONAL

Résumé des services d'aide juridique en droit des pauvres

La présente partie résume les services offerts par l'entremise de l'Aide juridique dans chacune des administrations offrant une couverture pour les questions liées au droit des pauvres. Dans ce résumé, nous avons omis les trois provinces qui n'ont pas d'aide juridique en droit des pauvres, à savoir la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Il importe de rappeler que tous les commentaires concernant la Colombie-Britannique visent les services d'aide juridique qui étaient offerts en matière de droit des pauvres avant les compressions budgétaires importantes et la restructuration des programmes qui s'opèrent en ce moment. Pour avoir un portrait exact des services offerts en Colombie-Britannique, il faudra analyser plus en profondeur la couverture qui existera encore en droit des pauvres après la mise en œuvre de ces modifications.

Types de services d'aide juridique en droit des pauvres

Le tableau qui suit résume les types de services d'aide juridique qu'offre chacune des administrations en matière de droit des pauvres. Comme le tableau le montre, la représentation juridique est le domaine le plus constant : toutes les provinces et les Territoires du Nord-Ouest offrent à tout le moins une certaine représentation juridique en matière de droit des pauvres. Moins de gouvernements fournissent des conseils de nature générale et juridique, l'Alberta et Terre-Neuve n'ayant pas de programme établi en ce domaine. La vulgarisation juridique en matière de droit des pauvres constitue l'aspect le plus restreint des services d'aide juridique, la Colombie-Britannique et l'Ontario étant les seuls à offrir des programmes complets.

Résumé : Services offerts en droit des pauvres, par province/territoire
Type de service Province/Territoire
C.-B. Alb. Man. Ont. Qué. N.-É. T.-N. T.N.-O.
Conseils/aide de nature générale Oui Non Oui Oui Oui Oui Non Oui
Conseils/aide juridiques Yes Non Oui Oui Oui Oui Non Oui
Représentation juridique Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Vulgarisation juridique Oui Non Non Oui Non ?? Non Certains

Il est difficile d'établir des comparaisons, vu la quantité limitée et le genre de données qui existent dans chaque administration et vu les profondes différences dans la façon de dresser les statistiques sur les affaires liées au droit des pauvres. Toutefois, nous avons analysé et examiné plus bas les données recueillies sur les conseils et la représentation juridiques fournis par les programmes d'aide juridique aux pauvres.

Conseils
Nombre total de clients recevant des conseils : Droit des pauvres
Administration Nombre de clients Explication
Colombie-Britannique 24,948 Accueil et conseils sommaires
Manitoba 46 Plus un certain nombre de clients reçus sans rendez-vous et non répertoriés
Ontario 128,408 Conseils sommaires et services brefs
Québec - Renseignement non fourni
Nouvelle-Écosse 32 Dans la catégorie des tribunaux administratifs
Territoires du Nord-Ouest 47 Plus un certain nombre de clients aidés par des travailleurs auprès des tribunaux et un avocat de service

Comme le montre clairement le tableau ci-dessus, le volume des affaires traitées en Colombie-Britannique et en Ontario n'a rien à voir avec celui des autres administrations (sauf peut-être le Québec, bien qu'il n'existe pas de données, car on ne fait pas la distinction entre les affaires nécessitant des services complets et les cas où le client ne reçoit que des conseils). Cette situation est sans doute due en partie à la grande taille des populations de ces provinces, mais également au fait que celles-ci ont un système beaucoup plus ancré et complet pour assurer les services d'aide juridique non tarifaires (donner des conseils, p. ex.). Les réseaux de bureaux communautaires de chacune de ces provinces favorisent très bien l'étude des questions relevant du droit des pauvres, car ils offrent une bonne gamme de services (conseils et représentation) et un personnel compétent (avocats et techniciens juridiques ou travailleurs juridiques communautaires). En outre, ces bureaux locaux sont établis dans les collectivités qu'ils servent par l'entremise des membres de celles-ci qui siègent aux conseils d'administration. Cela leur permet d'adapter les services aux besoins de la population et de réagir à l'évolution des besoins et des priorités.

Même si plusieurs provinces n'ont pas de moyens comparables à ceux de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, elles offrent des conseils liés au droit des pauvres. À Winnipeg, le Manitoba a un bureau spécialisé en droit des pauvres où les clients peuvent obtenir des conseils, et la Nouvelle-Écosse a, à Halifax, un avocat salarié en droit des pauvres qui conseille également les clients. Les Territoires du Nord-Ouest comptent sur des conseillers parajuridiques autochtones pour fournir des conseils dans les collectivités éloignées, un peu comme le font les bureaux communautaires de la Colombie-Britannique et de l'Ontario. Toutefois, les répondants des T.N.-O. ont mis l'accent sur l'insuffisance des services offerts en droit des pauvres et sur la proportion parallèlement plus restreinte de l'aide fournie.

La Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et, jusqu'à un certain point, les Territoires du Nord-Ouest, divisent en deux catégories les conseils qu'ils donnent. Il n'y a pas de renseignements précis sur la façon dont ces conseils sont fournis au Québec et à Terre-Neuve, et la Nouvelle-Écosse a en ce domaine une seule catégorie (services sommaires). Dans les administrations comptant deux catégories de conseils, les niveaux de service se distinguent généralement par la quantité d'aide reçue par le client à chaque stade du processus. Au niveau le plus bas, le client bénéficie habituellement d'une brève consultation au téléphone ou en personne, de renseignements de base ou d'un renvoi à un autre organisme. Aucune mesure précise n'est prise au nom du client, et il n'y a pas de critères d'admissibilité.

Le deuxième niveau de service, relativement aux conseils, suppose une participation plus active : il arrive souvent que l'on représente le client (p. ex., faire des appels ou rédiger des lettres, faire des recherches, l'accompagner à des réunions, aider à constituer les trousses d'auto-assistance). Certaines provinces se sont dotées de lignes directrices sur le temps maximum à consacrer aux services, à ce niveau : en Colombie-Britannique, on s'attend à ce que la prestation des services ne prenne pas plus de trois heures et en Ontario, pas plus de deux. On peut avoir recours à un test d'admissibilité afin de savoir qui a droit à ce type d'aide plus approfondie.

Nombre de clients recevant des conseils, par type de service
Colombie-Britannique
Type de service Nombre de clients
Accueil 22,806
Conseils sommaires 2,142
Manitoba
Type de service Nombre de clients
Sans rendez-vous Non répertorié
Informel 46
Ontario
Type de service Nombre de clients
Conseils sommaires 101,482
Services brefs 26,926
Territoires du Nord-Ouest1.*
Type de service Nombre de clients
Ligne téléphonique d'aide juridique Non répertorié
Certificat (conseils) 47

1.* Les conseils que prodiguent les travailleurs parajuridiques et les avocats de service peuvent correspondre à une des catégories ou aux deux. Toutefois, il n'existe pas de données sur les types de services fournis ou sur le nombre de clients.

Dans toutes les administrations, ce sont surtout les membres du personnel de l'Aide juridique qui donnent des conseils en matière de droit des pauvres. Tant au Manitoba qu'en Nouvelle-Écosse, seuls les avocats salariés le font. En Colombie-Britannique, en Ontario et dans les Territoires du Nord-Ouest, d'autres professionnels du domaine juridique (techniciens juridiques, travailleurs juridiques communautaires, travailleurs parajuridiques autochtones), en plus des avocats salariés, conseillent les clients. Les Territoires du Nord-Ouest sont les seuls à délivrer des certificats aux avocats du secteur privé précisément pour qu'ils donnent des conseils. Au Québec, les avocats du secteur privé travaillent avec des certificats et peuvent fournir certains conseils en droit des pauvres, mais les répondants n'ont mentionné à cet égard aucune catégorie particulière de certificats comme ceux des Territoires du Nord-Ouest l'avaient fait. L'Alberta n'a pas de programme officiel de prestation de conseils en droit des pauvres, mais les répondants ont tout de même souligné que les avocats du secteur privé peuvent donner des conseils limités à l'étape de l'avis juridique d'une affaire. Toutefois, le client doit satisfaire à des critères d'admissibilité.

La Colombie-Britannique et l'Ontario sont les seules provinces pour lesquelles il existe des données sur les conseils fournis au sujet de chaque question juridique. En Colombie-Britannique, le droit de la famille, les questions administratives et le droit pénal non tarifaire étaient nettement les domaines les plus importants en 2000-2001 quant au nombre de prises en charge. Toutes les autres questions donnaient lieu à moins de 10 p. 100 de toutes les prises en charge. Parmi les quatre questions relevant du droit des pauvres et de la compétence provinciale qui sont visées dans la présente étude, l'aide au revenu, les différends entre débiteurs et créanciers et le logement étaient celles qui suscitaient les charges de travail les plus lourdes.

En ce qui concerne les questions relevant du droit des pauvres et du fédéral, seules celles se rapportant à l'impôt sur le revenu et à la TPS représentaient plus de 5 p. 100 de l'ensemble des prises en charge en Colombie-Britannique au cours de l'année financière 2000-2001. Aux deux questions de compétence fédérale visées expressément par le processus de collecte des données (RPC/SV et assurance-emploi) correspondaient des pourcentages sensiblement moindres, soit 2 p. 100 et 0,9 p. 100 respectivement.

En Ontario, c'est surtout au sujet du logement que des conseils juridiques sommaires ont été donnés : en effet, ils équivalaient à 40 p. 100 de la charge de travail en 2000. Les prestations familiales arrivaient au deuxième rang, avec 11 p. 100. Venaient ensuite l'assistance sociale et d'autres mesures de maintien du revenu, à 7 p. 100 dans les deux cas. Par ailleurs, 2 p. 100 et 1 p. 100 de tous les conseils juridiques sommaires ont concerné le RPC et la SV, d'une part, et l'AE, d'autre part (ce sont les deux volets de l'autre catégorie relative au maintien du revenu).

Le logement était aussi la deuxième question en importance ayant fait l'objet de services brefs en Ontario; le nombre de cas atteignait 27 p. 100 de la charge de travail. Seule la catégorie du droit administratif général (qui comprend entre autres l'impôt sur le revenu) passait devant, avec 34 p. 100. Les cas où des services brefs ont porté sur les prestations familiales équivalaient à 9 p. 100 de la charge de travail en l'an 2000; venaient ensuite les autres mesures de maintien du revenu (5 p. 100) et l'assistance sociale (4 p. 100). Relativement à l'autre volet des mesures de maintien du revenu, le RPC et la SV justifiaient de 2 p. 100 des cas où des services brefs ont été fournis, et l'AE, de seulement 0,7 p. 100.

Les répondants de l'Aide juridique ont fourni peu de données sur le coût des conseils liés au droit des pauvres. En Colombie-Britannique, ils ont indiqué que les services de prise en charge avaient coûté 785 357 $ en 2000-2001, soit 8 p. 100 du budget total réservé au droit des pauvres (9,335 millions de dollars). Le Manitoba a mentionné que les 46 affaires informelles relatives au droit des pauvres avaient coûté 2 870 $, soit un coût moyen de seulement 62 $. En Nouvelle-Écosse, toutefois, le coût moyen des 32 cas où des services sommaires ont été fournis était de 5 853 $ en 2000-2001.

La gamme de coûts qu'ont mentionnée les représentants de l'Aide juridique de différentes administrations a varié considérablement. Il importe de faire preuve de prudence lorsqu'on tire des conclusions à partir de ces chiffres, car les types d'affaires et de services inclus dans le bilan sont sans doute assez différents, vu les écarts dans la façon dont les affaires sont enregistrées et comptabilisées. Avant de pouvoir tirer des conclusions utiles sur le coût des conseils ou établir des comparaisons fiables entre les administrations, il faut procéder à une enquête minutieuse sur les dimensions particulières des coûts en question.

Représentation
Nombre de clients qui bénéficient d'une représentation juridique en droit des pauvres2.*
Administration Nombre d'affaires Explication
Colombie-Britannique 5,948 Comprend toutes les questions relevant du droit des pauvres
Albertc. 49 Comprend l'AE, les indemnités pour accident du travail, l'aide sociale et les tribunaux ouverts
Manitoba 233 Comprend les affaires traitées avec certificat : aide au revenu, différends entre propriétaires et locataires, indemnités pour accident du travail et autres affaires administratives. Comprend aussi les affaires traitées comme si un certificat avait été délivré
Ontario 6,621 Comprend les affaires traitées avec certificat et concernant toutes les questions relevant du droit des pauvres
16,607 Comprend les cas reçus par les cliniques juridiques communautaires et portant sur toutes les questions relevant du droit des pauvres
Québec2.$ 25,686 Comprend l'assurance-emploi, le RRQ, l'aide sociale, le logement locatif, les indemnités pour accident du travail
Nouvelle-Écosse 15 Comprend toutes les affaires dans la catégorie des tribunaux administratifs
Terre-Neuve - Aucune donnée
Territoires du Nord-Ouest 12 Comprend l'aide au revenu, les différends entre propriétaires et locataires, les indemnités pour accident du travail. Ne comprend pas les affaires ayant fait intervenir des travailleurs parajuridiques autochtones ou les cas d'admissibilité présumée
TOTAL 55,171  

Le tableau ci-dessus montre que le nombre de clients bénéficiant d'une représentation juridique en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec dépasse de loin la quantité de services fournis dans d'autres provinces et dans les T.N.-O. Cette situation peut s'expliquer en partie par le fait que ces provinces ont des populations beaucoup plus nombreuses et qu'elles suscitent donc une plus grande demande de services, mais elle révèle aussi que la gamme de services liés au droit des pauvres offerts dans les autres provinces et dans les T.N.-O. est beaucoup plus restreinte.

Les répondants de l'Alberta ont mentionné que le droit des pauvres n'est pas vraiment considéré comme une catégorie distincte de l'Aide juridique et qu'ainsi, les services assurés dans ce domaine sont, au mieux, limités. L'aide peut être offerte, tout dépendant de la nature de l'affaire et de l'admissibilité du client, mais cela se fait au cas par cas. Winnipeg ne compte qu'un bureau du droit des pauvres et il est chargé de la majeure partie du travail que font les avocats salariés spécialistes du droit des pauvres. La Nouvelle-Écosse n'a qu'un seul avocat salarié qui travaille régulièrement dans ce domaine du droit et, en conséquence, les services de représentation juridique qui peuvent être assurés sont limités par les ressources et le temps dont le personnel dispose. L'avocat spécialiste du droit des pauvres tente donc souvent de prendre des causes-types qui auront des répercussions plus importantes pour les groupes défavorisés. À Terre-Neuve, les avocats salariés fournissent une représentation juridique en droit des pauvres, mais les répondants ont mentionné qu'il ne s'agissait pas là d'un domaine principal de service pour l'Aide juridique.

Comme en ce qui a trait aux conseils, ce sont surtout les membres du personnel de l'Aide juridique qui assurent les services de représentation juridique en droit des pauvres. La Colombie-Britannique, l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest comptent à la fois sur les avocats salariés et d'autres professionnels du domaine juridique (techniciens juridiques, travailleurs juridiques communautaires, travailleurs parajuridiques autochtones) pour fournir une représentation juridique. En Colombie-Britannique, ce sont surtout les techniciens juridiques qui s'occupent des affaires relevant du droit des pauvres, particulièrement dans les domaines de l'aide au revenu, du RPC et de la SV et du logement. En Ontario, les cliniques juridiques communautaires comptent sur les avocats salariés et sur les travailleurs juridiques communautaires pour fournir une représentation juridique, mais on n'a pas fourni de données sur le nombre d'affaires traitées par chaque catégorie de personnel. Vu la gamme restreinte de catégories utilisées actuellement pour recueillir des données dans les Territoires du Nord-Ouest, il existe peu de données sur les services de représentation juridique fournis par les travailleurs parajuridiques autochtones. Les avocats du secteur privé de cette région assurent aussi des services de représentation juridique en droit des pauvres, moyennant un certificat. Seuls les avocats salariés assurent des services de représentation juridique en droit des pauvres en Alberta, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, alors qu'au Manitoba et au Québec, des avocats salariés et des avocats du secteur privé le font, moyennant un certificat.

Le tableau ci-dessous présente les données existantes sur les affaires relevant du droit des pauvres, en fonction des diverses catégories de questions. Les données ne sont pas tout à fait exactes, car certaines provinces amalgament plusieurs questions liées au droit des pauvres en une seule catégorie, ce qui rend difficile la désagrégation des données.

Nombre d'affaires relevant du droit des pauvres, en fonction de diverses questions3.*
Administration Aide au revenu Propriétaires/ locataires, logement Débiteurs/ créanciers Indemnités pour accidents du travail Assurance-emploi RPC(RRQ)/SV
Colombie-Britannique 1,816 713 440 250 192 224
Alberta       30 1  
Manitoba3.$ 120 9   15    
Ontario 1,563 3,459        
Québec3.# 13,744 6,284   3,856 953 849
N.-É.            
T.N.-O.3.% 4 7   1    
TOTAL 17,247 10,472 440 4,152 1,146 1,073

En ce qui concerne l'AE, le RPC et la SV, questions relevant du droit des pauvres et de la compétence fédérale, le nombre d'affaires déclarées dans le tableau ci-dessus est sans doute particulièrement inférieur à la réalité, vu que plusieurs provinces pour lesquelles des données distinctes sur la charge de travail ne sont pas disponibles assurent quand même une représentation juridique dans ces domaines. Dans la catégorie concernant les autres mesures de maintien du revenu, l'Ontario couvre les affaires relatives à l'AE, au RPC, à la SV, aux indemnités pour accident du travail et à certaines autres questions liées au revenu. Pour l'année civile 2000, l'Ontario a fait état de 2 564 autres affaires concernant le maintien du revenu. Au Manitoba, la catégorie des autres affaires administratives comprend l'AE, le RPC, la SV et d'autres cas entendus par les tribunaux administratifs. Il y a eu 77 affaires dans ce domaine en 2000-2001. En Nouvelle-Écosse, certaines des 15 affaires dans lesquelles les clients ont bénéficié d'un service complet devant un tribunal administratif peuvent également toucher l'AE, même si les répondants ont souligné que la plupart des affaires dans ce domaine concernaient l'aide au revenu et le logement.

Malgré la sous-déclaration des questions de droit des pauvres relevant du fédéral, le tableau ci-dessus indique clairement que les questions provinciales touchant l'aide au revenu et les différends liés au logement et aux relations entre propriétaires et locataires correspondent aux domaines où l'on fournit le plus souvent une représentation juridique. L'aide au revenu constitue le domaine où la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Québec ont fait état du plus grand nombre d'affaires; en Nouvelle-Écosse, les répondants ont indiqué que l'aide au revenu et le logement étaient les questions relevant du droit des pauvres sur lesquelles se concentrait le seul avocat salarié spécialiste du droit des pauvres. En Ontario, c'est plutôt la catégorie des prestations familiales, suivie du logement, des autres mesures de maintien du revenu et de l'assistance sociale. Dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est le logement qui engendre le plus de travail relativement au droit des pauvres (particulièrement si l'on inclut quelques-unes des 93 affaires auxquelles ont participé d'une manière ou d'une autre des aides judiciaires autochtones). L'Alberta est la seule province où les questions liées au revenu et/ou au logement n'arrivent pas au premier rang des dossiers de l'Aide juridique en matière de droit des pauvres : dans cette province en effet, le plus grand nombre d'affaires relevant du droit des pauvres se rapporte aux indemnités pour accidents du travail.

Il existe quelques données sur le coût de la prestation de services juridiques en matière de droit des pauvres pour la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et la Nouvelle-Écosse. Cependant, les différences dans la ventilation des données sur les coûts rendent difficile l'établissement de conclusions utiles ou de comparaisons fiables entre les administrations. Il importe donc de faire preuve de circonspection quand on utilise les données déclarées sur le coût de la représentation juridique en droit des pauvres.

La Colombie-Britannique a mentionné que 92 p. 100 (8 550 381 $) de tout le budget réservé au droit des pauvres (9 335 000 $) va aux services de représentation. Au Manitoba, le coût des 82 affaires réglées par les avocats salariés et des 79 autres réglées par ceux du secteur privé en 2000-2001 atteignait 54 163 $. Celui des 12 affaires en droit des pauvres traitées avec l'équivalent d'un certificat est de 5 219 $, ce qui donne un coût total de 59 382 $ au Manitoba. Les seuls renseignements qui existent sur leûts en Ontario concernent les dépenses totales du programme de cliniques juridiques en 1999-2000, à savoir 38 259 000 $ ou 17,3 p. 100 de toutes les dépenses d'Aide juridique Ontario. En Nouvelle-Écosse, les 15 affaires dans lesquelles les clients ont bénéficié d'un service complet en droit des pauvres ont coûté en moyenne 17 069 $.

Vulgarisation juridique

Seuls la Colombie-Britannique et l'Ontario offrent des services étendus de vulgarisation juridique du droit des pauvres (publications, services de renseignements bibliographiques activités éducatives, etc.). L'une des cliniques juridiques communautaires de l'Ontario - Community Legal Education Ontario - a un mandat précis en matière de vulgarisation juridique.

Le Manitoba a déclaré que les clients sont habituellement dirigés vers la Community Legal Education Association pour obtenir des documents d'information juridiques. De même, en Nouvelle-Écosse, on oriente les clients vers la Legal Information Society of Nova Scotia. Les répondants des Territoires du Nord-Ouest ont indiqué qu'ils assurent des services de vulgarisation juridique dans les domaines du droit criminel et du droit de la famille, mais qu'en raison de contraintes budgétaires, il existe peu de choses en matière de droit des pauvres. Selon les répondants, l'Alberta, le Manitoba, le Québec, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve n'offrent aucun service de vulgarisation juridique dans le domaine du droit des pauvres.

Points forts et faiblesses du régime d'aide juridique lié au droit des pauvres

L'examen qui suit résume les commentaires des répondants de l'Aide juridique au sujet de ce qui fonctionne bien et de ce qui fonctionne moins bien dans le régime du droit des pauvres dans leur région.

Domaines problématiques
Domaines problématiques Province/Territoire4.*
C.-B. Alb. Man. Ont. Qué. N.-É. T.N.-O.
Questions de financement X X X X X X
Questions de couverture X X X X X
Visibilité de l'aide juridique X X X

4.* En raison de l'impossibilité de communiquer avec les répondants de Terre-Neuve pendant la deuxième étape du projet, on n'a recueilli aucun renseignement sur cette province aux fins de cette partie du rapport.

Comme l'indique le tableau ci-dessus, les principaux domaines problématiques qu'ont cernés les répondants de l'Aide juridique ont trait au niveau de financement et à la gamme de questions relevant du droit des pauvres que couvre l'Aide juridique.

Questions de financement

Les répondants de six administrations ont dit que le financement restreint accordé au droit des pauvres (ou à l'Aide juridique en général) faisait problème. Les représentants de la Colombie-Britannique ont souligné que les compressions récemment annoncées risquaient de réduire la capacité de maintenir les services liés au droit des pauvres. Au Manitoba, on a surtout attribué au manque de ressources financières le fait que le modèle du Bureau du droit des pauvres n'a pas été appliqué dans d'autres régions de la province. Les répondants de l'Ontario ont signalé que les augmentations du nombre d'affaires en droit des pauvres assujettissent à une pression accrue les services existants, vu le gel des niveaux de financement. Pour nombre de cliniques juridiques communautaires, il en est résulté une diminution de la gamme des questions pouvant être traitées. Les représentants ontariens ont également souligné qu'étant donné, le manque de financement des tribunaux administratifs, ceux-ci siègent à moins d'endroits dans la province; ainsi, les personnes à faible revenu ont de plus en plus de difficulté à y avoir accès.

On a attribué à la rareté des ressources financières l'absence d'aide juridique fournie au Québec en droit des pauvres, avant le procès devant un tribunal ou les appels. De même, les répondants de la Nouvelle-Écosse ont indiqué que les services liés au droit des pauvres ne seraient pas offerts davantage avant l'obtention d'un financement suffisant pour assurer la prestation de services complets dans toute la province. À l'heure actuelle, les répondants savent que les chances d'obtenir ce genre de soutien financier sont minces. En dernier lieu, les représentants de l'Aide juridique dans les Territoires du Nord-Ouest ont insisté sur le fait que, dans l'ensemble, le financement de l'Aide juridique est insuffisant et qu'en conséquence, les domaines secondaires comme, en particulier le droit des pauvres, bénéficient de peu de soutien.

Couverture

Les répondants de cinq administrations ont exprimé des préoccupations concernant l'aide juridique offerte dans le domaine du droit des pauvres, notamment au sujet de la gamme de questions pour lesquelles l'aide est accordée et de la répartition géographique des services assurés.

En Alberta, un répondant a souligné que le manque d'aide juridique pour les différends entre propriétaires et locataires risquait de faire problème (mais il a ajouté que certaines difficultés auxquelles se heurtent les gens en ce domaine sont davantage de nature sociale que juridique). Les questions de couverture soulevées en Ontario ont trait au manque d'uniformité des domaines qu'abordent les cliniques juridiques communautaires, d'où des incohérences dans les services offerts en différents endroits de la province. Les répondants de l'Ontario ont également souligné que les habitants de certaines régions n'ont toujours pas accès aux cliniques.

Au Québec, les représentants de l'Aide juridique ont indiqué que les étapes initiales des affaires liées au droit des pauvres (avant la comparution devant un tribunal ou l'appel) n'étaient pas suffisamment couvertes. Les répondants de la Nouvelle-Écosse ont mentionné qu'en raison du peu de services offerts en matière de droit de la pauvreté (un avocat salarié), plusieurs questions sont tout simplement laissées de côté. En dernier lieu, les répondants des Territoires du Nord-Ouest ont déclaré que les questions relevant du droit des pauvres ne bénéficiaient pas de l'aide juridique parce que les ressources déjà limitées étaient presque entièrement consacrées aux principaux domaines de service : le droit pénal et le droit de la famille. On a toutefois reconnu qu'il était plus difficile d'assurer des services d'aide juridique dans les Territoires, vu leur immensité et leur faible population.

Visibilité de l'aide juridique

Les répondants de l'Alberta et de l'Ontario ont dit que le manque de visibilité de l'aide juridique faisait problème. Dans ces deux provinces, on a affirmé que les groupes de clients éventuels devaient en savoir plus sur les services d'aide juridique offerts. En Ontario, on a souligné ce fait de façon particulière relativement aux cliniques juridiques communautaires.

Autres domaines problématiques

Les répondants de la Colombie-Britannique ont souligné que, même si les avocats du secteur privé assument un jour un rôle plus grand dans la prestation de services juridiques liés au droit des pauvres, à mesure que seront réduits les services de l'Aide juridique, il est peu probable qu'ils réussiront à compenser suffisamment les réductions en question. Non seulement les avocats du secteur privé n'ont pas suffisamment de compétences en matière de droit des pauvres, mais encore ils s'intéressent habituellement peu à ce domaine du droit.

Points forts et faiblesses du régime d'aide juridique lié au droit des pauvres

Cas de réussite
Réussites par thème Province/Territoire5.*
C.-B. Alb. Man. Ont. Qué. N.-É. T.N.-O.
Modèles de prestation de services X X X X X
Démarche communautaire X X
Globalité de la couverture X X

5.* Comme les enquêteurs n'ont pas pu communiquer avec les répondants de Terre-Neuve pendant la deuxième étape du projet, on n'y a recueilli aucun renseignement pour cette partie du rapport.

Modèles de prestation des services

Afin de donner des exemples d'éléments des régimes du droit des pauvres qui fonctionnent bien, les répondants de cinq administrations ont signalé divers aspects de la prestation des services en droit des pauvres. En Colombie-Britannique, on a décrit comme une ressource extrêmement précieuse la compétence des techniciens juridiques qui donnent des conseils et assurent des services de représentation juridique, bien que les répondants s'attendent à perdre cette ressource par suite de la restructuration de l'Aide juridique. De même, les répondants du Manitoba ont décrit le Bureau d'aide juridique de Winnipeg comme étant un instrument qui a permis d'assurer avec succès les services d'aide juridique. Non seulement le personnel du Bureau possède une compétence particulière en droit des pauvres, mais il a aussi contribué à rationaliser le processus de demande, de sorte que plus de gens peuvent obtenir une aide. En Ontario, les efforts visant à sensibiliser davantage les bureaux régionaux d'aide juridique aux activités des cliniques juridiques communautaires ont accru l'efficacité du système de collaboration et de renvois croisés. En dernier lieu, les Territoires du Nord-Ouest mentionnent que les avocats du secteur privé qui traitent les affaires relevant du droit des pauvres offrent des services de grande qualité et que leur concours est donc précieux pour l'Aide juridique.

Bien que cela ne concerne pas précisément la façon dont sont assurés les services d'aide juridique, un répondant de l'Alberta a déclaré que le modèle de la Boyle Street Co-op illustre la démarche que l'on devrait adopter en matière de droit des pauvres. Cette coopérative fournit une vaste gamme de services de façon intégrée en offrant soutien et ressources afin de traiter à la fois les aspects sociaux et juridiques des questions relevant du droit des pauvres.

Démarche communautaire

Les répondants de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ont souligné que l'orientation communautaire de leur réseau de bureaux locaux est un élément positif du régime du droit des pauvres dans ces provinces. Ceux de la Colombie-Britannique ont souligné que les bureaux de droit communautaire et de droit communautaire autochtone constituent non seulement un mécanisme efficace pour fournir les services juridiques, mais aussi une importante ressource pour le développement communautaire. En Ontario, les principaux éléments positifs ont été décrits comme étant la gamme de services qu'offrent les cliniques juridiques communautaires (notamment les activités non tarifaires comme la transmission de conseils) et la capacité de celles-ci de répondre aux besoins locaux. À ce titre, les répondants ont jugé comme étant positif l'élargissement du réseau de cliniques juridiques communautaires.

Globalité de la couverture

Malgré le fait que le droit des pauvres ne constitue pas une catégorie distincte de l'aide juridique, un répondant de l'Alberta a déclaré que les services fournis en matière de droit des pauvres sont relativement complets. Pourvu qu'un client soit admissible du point de vue financier et que l'on considère, après avoir sollicité un avis juridique, que l'affaire est bien fondée, on peut en théorie offrir l'aide juridique dans une très vaste gamme de cas. De même, les répondants du Québec ont indiqué que les services d'aide juridique offerts en matière de droit des pauvres sont complets en ce qui a trait tant à la gamme de questions qu'à la répartition géographique des services.

Autres réussites

On a signalé trois autres domaines où le régime du droit des pauvres fonctionne bien. Les répondants de l'aide juridique ontarienne ont qualifié de positive la stabilité du financement des cliniques juridiques communautaires, compte tenu surtout du fait qu'elles sont toujours en mesure de conserver une certaine indépendance pour prendre leurs décisions sur les priorités et les services locaux. En Nouvelle-Écosse, on juge précieux le travail de l'avocat salarié spécialiste du droit des pauvres dans les causes-types pouvant avoir des répercussions favorables plus vastes pour les groupes défavorisés (bien que les répondants aient ajouté que cette province a de toute évidence besoin d'autres services en matière de droit des pauvres). Dans les Territoires du Nord-Ouest, on a qualifié d'éléments positifs du régime la coopération et l'établissement de bonnes relations de travail avec les organismes communautaires (collaboration et renvois croisés). Les répondants ont souligné que tel est le cas particulièrement en droit de la famille, domaine qui, à leur avis, chevauche celui du droit des pauvres.