Projet de loi C-52 : Loi édictant la Loi sur la responsabilité en matière de transport aérien et modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi maritime du Canada

Déposé à la Chambre des communes le 20 septembre 2023
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin de vérifier s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte]. Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre fait part de plusieurs des considérations principales qui ont guidé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte qui sont susceptibles d’être touchés par un projet de loi, et il explique brièvement la nature de ces répercussions eu égard aux mesures proposées.
L’Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Il s’ensuit que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir au public et au Parlement des renseignements juridiques se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés, dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations envisageables liées à la Charte. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C‑52, Loi édictant la Loi sur la responsabilité en matière de transport aérien et modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi maritime du Canada, afin de vérifier s’il est incompatible avec la Charte, conformément à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Dans son examen, il a notamment pris en considération les objectifs et les caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-52 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Il ne s’agit pas de procéder à une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi, mais plutôt de traiter des éléments pertinents dans le contexte d’un énoncé concernant la Charte.
Aperçu
Le projet de loi C-52 édicterait la Loi sur la responsabilité en matière de transport aérien afin d’assurer la responsabilité et la transparence au sein du secteur du transport aérien. De plus, il apporterait également des modifications à la Loi maritime du Canada et à la Loi sur les transports au Canada.
La Loi sur la responsabilité en matière de transport aérien proposée établirait des exigences concernant la fourniture au ministre des Transports de renseignements par les exploitants d’aéroports, les transporteurs aériens et toute entité fournissant des services liés aux vols, et elle obligerait les exploitants d’aéroports à prendre des mesures afin d’aider le Canada à respecter ses obligations internationales en matière d’aéronautique, conformément aux directives données par le ministre des Transports. De plus, elle autoriserait le gouverneur en conseil à prendre des règlements concernant l’élaboration et la mise en œuvre de normes de service relatives aux vols et aux services liés aux vols, elle établirait des exigences à l’égard des comités de gestion du bruit des aéroports, et prévoirait des exigences en matière d’avis et de consultation liées au bruit des aéronefs. Elle établirait également un processus de dépôt de plaintes par l’intermédiaire de l’Office des transports du Canada concernant les exigences en matière d’avis et de consultation liées au bruit des aéronefs. La loi proposée établirait un régime de sanctions administratives pécuniaires, ainsi qu’une infraction générale visant les contraventions à la loi. Elle exigerait en outre que les administrations aéroportuaires préparent un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre et un plan sur les mesures d’adaptation aux changements climatiques, et qu’elles publient des renseignements sur la diversité au sein des administrateurs et de la haute direction. La loi proposée autoriserait le gouverneur en conseil à prendre des règlements prévoyant des exigences plus détaillées en ce qui concerne les plans en matière de changements climatiques et la publication de renseignements sur la diversité au sein des administrateurs et de la haute direction des administrations aéroportuaires.
Des modifications à la Loi maritime du Canada ajouteraient des paramètres auxquels les administrations portuaires devraient se conformer lorsqu’elles fixent les droits portuaires et permettraient à l’Office des transports du Canada d’examiner les plaintes en lien avec ces droits. Elles conféreraient également au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements concernant le règlement extrajudiciaire des différends relatifs aux baux liés à l’exploitation de terminaux portuaires.
Des modifications à la Loi sur les transports au Canada permettraient de prendre des règlements en vue de favoriser le développement d’un système de transport accessible aux personnes handicapées, et d’établir un processus de dépôt de plaintes.
Voici les principaux droits et libertés protégés par la Charte susceptibles d’être touchés par les mesures proposées :
Protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives (article 8 de la Charte)
L’article 8 de la Charte protège contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. La « fouille », la « perquisition » et la « saisie » sont des interventions de l’État qui portent atteinte à une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Le pouvoir de recueillir des renseignements, d’en communiquer ou d’inspecter des espaces réglementés peut porter atteinte à la vie privée et doit en conséquence satisfaire à l’exigence du « caractère raisonnable » prévu à l’article 8.
Une fouille, une perquisition ou une saisie qui porte atteinte à une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée sera raisonnable si elle répond à trois exigences. Premièrement, elle doit être autorisée par la loi. Deuxièmement, la loi elle-même doit être raisonnable en ce sens qu’elle établit un juste équilibre entre les droits relatifs à la vie privée et l’intérêt de l’État. Troisièmement, la fouille, perquisition ou saisie doit être effectuée de façon raisonnable. L’appréciation du caractère raisonnable de la loi est souple et tient compte de la nature et de l’objet du régime législatif ainsi que de la nature des droits liés à la vie privée touchés.
Droits des personnes inculpées d’une infraction (article 11 de la Charte)
L’article 11 de la Charte garantit certains droits aux inculpés, y compris le droit à un procès public et équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Ses protections s’appliquent uniquement aux « inculpé[s] ». Au sens de l’article 11, une personne est inculpée lorsqu’elle fait l’objet d’une procédure de nature pénale ou qui aboutit à de « véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales comprennent l’emprisonnement et les amendes qui ont un objectif ou un effet punitif, comme lorsque l’amende ou la sanction est disproportionnée par rapport au montant requis pour atteindre les objectifs réglementaires.
Loi sur la responsabilité en matière de transport aérien
Pouvoir d’inspection
La loi proposée conférerait aux agents de l’autorité le pouvoir d’entrer dans tout lieu et de l’inspecter afin de veiller au respect de la loi proposée s’ils ont des motifs raisonnables de croire que s’y trouvent des renseignements utiles ou que s’y déroule une activité régie par la loi proposée. Ce pouvoir d’inspection est susceptible de porter atteinte aux droits garantis par l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes militent en faveur de la conformité de ces dispositions avec l’article 8 de la Charte. Le pouvoir d’inspection serait limité aux lieux où les agents de l’autorité ont des motifs raisonnables de croire que des renseignements pertinents s’y trouvent. Par ailleurs, le droit à la vie privée est réduit dans les contextes réglementaires et administratifs. Le pouvoir de recueillir, d’obliger à produire ou de communiquer des renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’à des fins d’enquête sur des infractions, a été jugé raisonnable au regard de l’article 8. Au cours de son examen des dispositions pertinentes, le ministre n’a pas relevé d’effets potentiels pouvant constituer une atteinte abusive au droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Charte.
Collecte de renseignements
La loi proposée exigerait qu’un exploitant d’aéroport, un transporteur aérien qui dessert un aéroport et toute entité qui fournit des services liés au vol à un aéroport fournissent au ministre des Transports, à sa demande, les renseignements que celui-ci estime nécessaires à l’exercice des attributions que la loi proposée lui confère ou à l’élaboration d’orientations en matière de transport. Il s’agirait de renseignements concernant le système canadien de transport aérien, le trafic aérien, l’exploitation, et le respect des obligations internationales du Canada en matière d’aéronautique. La loi proposée protège également la confidentialité des renseignements fournis, tout en permettant la communication de renseignements sous forme de compilation ou auxquels le public a accès. Le pouvoir de communiquer des renseignements pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes militent en faveur de la conformité de ces dispositions avec l’article 8 de la Charte. La collecte de renseignements se limiterait aux renseignements que le ministre estime nécessaires à l’exercice des attributions que la loi proposée lui conférerait ou à l’élaboration d’orientations en matière de transport. L’obligation de protéger la confidentialité des renseignements recueillis est également prévue, sous réserve de quelques exceptions pour l’application ou l’exécution de la loi proposée, l’élaboration de politiques, et la communication de renseignements sous forme de compilation ou auxquels le public a accès. Par ailleurs, le droit à la vie privée est réduit dans les contextes réglementaires et administratifs. Le pouvoir d’obliger à produire des renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’à des fins d’enquête sur des infractions, a été jugé raisonnable au regard de l’article 8. Au cours de son examen des dispositions pertinentes, le ministre n’a pas relevé d’effets potentiels pouvant constituer une atteinte abusive au droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Charte.
Infractions
La loi proposée créerait une infraction générale visant les contraventions à toute disposition de la loi proposée, exception faite des contraventions désignées comme des violations passibles d’une sanction administrative pécuniaire. De telles infractions seraient passibles d’une amende d’un montant maximal de 5 000 $ pour une personne physique et de 250 000 $ pour une entité, par exemple une société, et il n’y aurait aucune amende minimale obligatoire.
Les dispositions proposées en matière d’infraction prévoiraient des accusations criminelles, des poursuites et des peines pouvant mettre en jeu les droits protégés par l’article 11 de la Charte. Aucune incompatibilité potentielle entre les dispositions en matière d’infraction et les droits garantis par l’article 11 n’a été relevée au cours de l’examen des dispositions pertinentes.
Sanctions administratives pécuniaires
La loi proposée ferait d’une contravention à certaines de ses dispositions une violation passible d’une sanction administrative pécuniaire. Un agent de l’autorité qui a des motifs raisonnables de croire qu’une personne ou une entité a commis une violation peut dresser un procès-verbal qui mentionne la nature de la violation, le montant de la pénalité, ainsi que la faculté qu’a l’auteur de la violation soit de présenter une demande de transaction, soit de déposer une requête en révision auprès du Tribunal d’appel des transports du Canada relativement aux faits reprochés, au montant de la pénalité ou aux deux. Comme il est possible que la sanction pécuniaire soit importante, on pourrait considérer que les modifications sont susceptibles d’avoir une incidence sur les droits prévus à l’article 11.
Les considérations suivantes militent en faveur de la conformité des dispositions avec la Charte. Les procédures menant à l’imposition d’une sanction pécuniaire seraient de nature administrative. Tel qu’il est mentionné dans les modifications, l’imposition de la pénalité viserait non pas à punir, mais plutôt à favoriser le respect de la loi proposée. Les sanctions administratives pécuniaires seraient assujetties à un plafond fixé par la loi de 5 000 $ par infraction pour les personnes physiques et de 250 000 $ pour une entité, et il n’y aurait aucune amende minimale obligatoire. Subsidiairement au paiement de la pénalité, l’auteur de la violation pourrait présenter une demande visant à conclure une transaction dont les conditions seraient fixées par le ministre et qui pourrait prévoir une réduction partielle ou totale du montant de la pénalité. Dans ce contexte, l’imposition d’une peine ne donnerait pas lieu à de « véritables conséquences pénales » pouvant déclencher l’application de l’article 11 de la Charte.
- Date de modification :