Projet de loi C-65 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada (Loi sur la participation électorale)

Projet de loi C-65 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada (Loi sur la participation électorale)

Déposé à la Chambre des communes le 30 mai 2024

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un Énoncé concernant la Charte pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [« la Charte »]. Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-65, Loi sur la participation électorale, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, à la suite de l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne constitue pas une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi; elle est plutôt axée sur les éléments qu’il convient de prendre en compte aux fins d’un Énoncé concernant la Charte.

Aperçu

Le projet de loi C-65 modifierait la Loi électorale du Canada (la LEC). Les réformes proposées mettraient en place différentes mesures visant à encourager et à appuyer la participation au processus électoral, à renforcer la protection des renseignements personnels pour les électeurs et à renforcer la protection de l’intégrité du système électoral, notamment en ce qui concerne le risque d’influence étrangère. Les principaux droits garantis par la Charte qui sont susceptibles d’être touchés par les mesures proposées comprennent les suivants :

Encourager et soutenir la participation des électeurs et des candidats

Le projet de loi modifierait la LEC afin d’encourager et de soutenir la participation des électeurs. L’ajout de deux jours au vote par anticipation serait autorisé, tout comme une souplesse accrue pour la tenue d’un vote par anticipation dans les collectivités à faible densité éloignées et isolées. Diverses mesures visent à faciliter l’exercice du droit de vote au moyen d’un bulletin spécial. En outre, le directeur général des élections serait explicitement autorisé à établir des bureaux pour le vote par bulletin de vote spécial dans les établissements d’enseignement postsecondaire. Le projet de loi élargirait également les circonstances dans lesquelles un électeur pourrait voter à un bureau de scrutin dans sa circonscription plutôt qu’au bureau de scrutin associé à son nom sur la liste électorale.

Le projet de loi C-65 mettrait également en place diverses règles visant à soutenir la participation des électeurs et à éliminer les obstacles au vote dans les établissements de soins de longue durée où résident des personnes âgées ou ayant une déficience. Une souplesse accrue quant aux personnes pouvant aider un électeur à voter serait également permise. La loi n’exigerait plus expressément que les personnes qui aident les électeurs soient un ami ou un membre de la famille de l’électeur. L’interdiction actuelle empêchant d’aider plus d’un électeur à marquer son bulletin de vote serait également levée.

Aux termes du projet de loi C-65, une modification ponctuelle serait apportée aux règles législatives régissant la date d’une élection à date fixe. Si une élection générale à date fixe devait se tenir en 2025, elle aurait lieu le lundi 20 octobre 2025. En vertu du projet de loi, cette élection aurait lieu une semaine plus tard, soit le lundi 27 octobre 2025, pour tenir compte d’une journée d’importance culturelle pour une collectivité au Canada.

Pour éviter que des élections à date fixe ultérieures aient lieu lors d’une journée d’importance culturelle ou d’autres journées ne convenant pas à une élection, comme un jour férié, le projet de loi modifierait les règles actuelles qui déterminent dans quelles circonstances et de quelle façon une date d’élection obligatoire fixée par la LEC peut être modifiée sur recommandation du directeur général des élections. Ce dernier bénéficierait d’une plus grande souplesse en ce qui a trait aux autres dates possibles et serait tenu de préparer et de publier les raisons pour lesquelles un changement de date est recommandé.

Pour ce qui est de la facilitation de la participation des candidats au processus électoral, le projet de loi assouplirait certaines exigences devant être respectées par les personnes qui désirent se porter candidat. L’exigence générale d’obtenir les nom, adresse et signature d’au moins 100 électeurs consentant à une candidature sera réduite à 75. Pour certaines régions du pays plus grandes ou plus éloignées, dans lesquelles les services de transport et de communication peuvent être limités, l’exigence réduite actuelle de 50 signatures restera inchangée. Pour toutes les circonscriptions, il ne serait plus nécessaire d’avoir un témoin des signatures ajouté à l’acte de candidature d’un candidat. Finalement, des changements administratifs seraient apportés aux délais applicables au processus de confirmation de la candidature d’une personne qui désire se porter candidat en vertu de la Loi.

Les mesures ayant une incidence sur la participation des électeurs et des candidats sont susceptibles de toucher le droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte parce qu’elles modifieraient les conditions dans lesquelles les particuliers exercent le droit de vote et les candidats participent au processus électoral. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces mesures avec l’article 3 de la Charte. Les mesures permettent à tous les particuliers d’exercer leur droit de vote. Elles visent à faciliter, plutôt qu’à empêcher, une participation véritable au système électoral en augmentant les possibilités de participer à des votes par anticipation ou au moyen de bulletins de vote spéciaux ou en facilitant la participation des candidats. Lorsque de nouvelles règles administratives changent certains délais qui s’appliquent à la confirmation de la candidature d’une personne, il ne s’agit que de légers ajustements; elles s’appliqueront également à toutes les personnes qui désirent se porter candidat; et elles vont améliorer le processus de vérification. Dans les cas où la mise en œuvre des mesures proposées serait laissée à la discrétion du directeur du scrutin, ce pouvoir discrétionnaire doit s’exercer dans le respect de la Charte.

Ces mesures sont également susceptibles de toucher les droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte étant donné qu’elles visent à faciliter la participation électorale de certains groupes de la population canadienne, comme les personnes âgées et les personnes ayant une déficience qui résident dans des établissements, de même que de communautés religieuses et culturelles qui ont droit à un jour férié ou qui célèbrent une journée ayant une importance culturelle particulière à la date d’élection fixe. Mentionnons comme considérations à l’appui de la compatibilité de ces mesures avec la Charte le fait qu’elles feraient progresser les objectifs et les valeurs des droits à l’égalité garantis par la Charte, dont assurer la prise de mesures d’adaptation raisonnables et prévenir les obstacles à une participation égale dans la société. Les mesures proposées dans le projet de loi aideraient les électeurs pouvant faire l’objet d’un désavantage à exercer leur droit de vote sur un pied d’égalité avec les autres.

Améliorer la protection des renseignements personnels

Le projet de loi mettrait en place un éventail de mesures visant à améliorer la protection des renseignements personnels. Ces mesures comprennent de nouvelles limites quant à la divulgation des listes électorales préliminaires aux partis politiques qui en font la demande à Élections Canada. Pour avoir droit aux listes électorales préliminaires pour une circonscription à l’égard de laquelle un bref a été délivré, un parti enregistré ou admissible doit satisfaire à de nouveaux critères visant à assurer des utilisations légitimes des listes. Les électeurs pourraient également demander que leurs nom, adresse et numéro d’électeur soient retirés des listes électorales pour une période de cinq ans.

En outre, le projet de loi imposerait de nouvelles exigences aux partis politiques afin d’améliorer la protection des renseignements personnels. Il exigerait que les politiques sur la protection des renseignements personnels de tous les partis politiques fédéraux admissibles et enregistrés contiennent un ensemble de nouvelles exigences améliorées, dont des protections en ce qui a trait à la transparence, des mesures de sécurité, des avis d’atteinte à la protection des renseignements personnels, de la formation et des utilisations interdites des renseignements personnels, comme la vente de ces renseignements. Pour qu’un parti puisse être admissible à l’enregistrement, le directeur général des élections doit être convaincu que sa politique sur la protection des renseignements personnels respecte le contenu exigé dans la LEC. Une attestation de l’agent de la protection des renseignements personnels du parti confirmant que le parti se conforme à sa politique serait requise pour conserver le statut de parti enregistré. Le non-respect d’une politique sur la protection des renseignements personnels d’un parti par une personne ou une entité agissant en son nom constituerait une violation de la LEC, pouvant être sanctionnée au moyen des dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires existantes.

Étant donné que les mesures mettant en place des protections améliorées des renseignements personnels peuvent avoir une incidence sur les communications entre les partis politiques et les électeurs ou sur la capacité d’un parti politique ou d’un électeur de participer véritablement au processus électoral, elles sont susceptibles de toucher l’alinéa 2b) et l’article 3 de la Charte.

Les considérations à l’appui de la compatibilité des protections des renseignements personnels proposées dans le projet de loi avec la Charte comprennent les suivantes. Les mesures liées à la protection des renseignements personnels protégeraient les renseignements personnels des électeurs. Le respect des renseignements personnels des électeurs est un aspect important du maintien de la confiance à l’égard du processus démocratique. Les nouvelles limites quant à l’accès à la liste électorale préliminaire ne s’appliquent qu’aux partis politiques, et non aux candidats individuels aux élections. Ces limites imposent des exigences raisonnables pour l’accès aux renseignements relatifs aux listes électorales préliminaires par les partis politiques. Elles permettraient de mieux harmoniser les règles régissant l’accès aux listes électorales préliminaires avec les règles qui régissent actuellement l’accès aux versions ultérieures des listes électorales. Elles s’ajoutent aux mesures existantes qui exigent déjà que les renseignements personnels que l’on trouve dans la liste électorale préliminaire soient utilisés uniquement par les participants aux élections qui ont un besoin légitime d’y avoir accès à des fins directement liées au processus électoral. Les nouvelles restrictions relatives à l’accès aux listes électorales par les partis politiques ne limiteraient pas la liberté des partis de communiquer avec les électeurs à l’aide d’autres outils ou par tout autre moyen. Elles n’auraient pas non plus d’incidence sur l’ajout d’un électeur au registre des électeurs.

Les mesures qui élargiraient et renforceraient les obligations des partis politiques en matière de protection des renseignements personnels feraient progresser l’intérêt public urgent de maintenir la confiance à l’égard du processus électoral. Les nouvelles exigences en ce qui concerne les politiques sur la protection des renseignements personnels des partis politiques offriraient une protection contre les pratiques illégales, non autorisées et non transparentes relativement aux renseignements personnels. Elles appuieraient l’élaboration de règles tenant compte du contexte qui régissent les principes fondamentaux de protection des renseignements personnels reconnus dans d’autres régimes fédéraux de droit relatif à la protection des renseignements personnels et le respect de ces règles. Les mesures proposées en matière de protection des renseignements personnels permettent de trouver un équilibre transparent entre les intérêts des particuliers quant à la protection de leurs renseignements personnels et les besoins légitimes des candidats et des partis politiques.

Contributions sous forme de crypto-actifs, de mandats et de produits de paiement prépayés

Le projet de loi propose d’autres exigences réglementaires relativement aux contributions dont l’origine est difficile à établir. Les partis politiques, les candidats et un éventail d’autres participants du système électoral ne seraient pas autorisés à accepter des contributions sous forme de crypto-actifs, de mandats ou de produits de paiement prépayés, comme une carte de crédit prépayée. Il serait interdit aux tiers d’accepter une contribution destinée à des activités réglementées faite en crypto-actifs ou encore sous la forme d’un mandat ou d’un produit de paiement prépayé. Étant donné que l’origine de ces sources de financement est difficile à établir, elles offrent un moyen possible d’éviter les règles existantes en matière de contribution pour les activités réglementées. Les tiers, les partis politiques, les candidats et les autres entités bénéficieraient d’un délai de 30 jours pour remettre la contribution, la détruire sans l’utiliser ou prendre des mesures afin de remettre la contribution au receveur général. Le projet de loi exigerait que la mesure prise soit consignée dans les rapports existants soumis au Bureau du directeur général des élections.

Étant donné que les dons à un parti politique, à un candidat ou à un autre participant du système électoral peuvent constituer une forme d’expression politique ou un acte d’association, les mesures proposées sont susceptibles de toucher la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte et la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d).

Les considérations suivantes appuient la compatibilité des mesures ayant trait aux contributions sous forme de crypto-actifs, de mandats ou de produits de paiement prépayés avec les alinéas 2b) et d) de la Charte. Ces mesures ont pour objectif d’appuyer l’objectif important de prévention de l’influence indue sur des participants électoraux ou les résultats d’élections, notamment par des entités étrangères. Elles ne limiteraient que certaines façons de faire des contributions dont l’origine est difficile à établir et qui peuvent par conséquent être utilisées pour contourner les règles qui protègent l’intégrité du système électoral. Les particuliers seraient libres de faire des dons sous d’autres formes qui sont compatibles avec la transparence financière requise aux termes de la LEC. Ces mesures contribueraient à la réalisation de l’objectif important de protéger l’intégrité du système électoral du Canada d’une manière pouvant être perçue comme étant proportionnelle aux répercussions possibles sur la liberté d’expression et d’association.

Tiers exerçant des activités réglementées pendant les périodes préélectorale et électorale

Le projet de loi apporterait des modifications aux règles qui s’appliquent aux dépenses des tiers liées à des activités réglementées, en particulier les activités partisanes, la publicité partisane, la publicité électorale et les sondages électoraux au cours des périodes préélectorale et électorale. À l’heure actuelle, les tiers ne doivent se conformer à des obligations détaillées en matière de transparence que lorsqu’ils dépensent des contributions qui leur ont été versées dans le but précis d’exercer des activités réglementées. Les contributions reçues par un tiers à d’autres fins, ou sans but particulier, ne sont pas assujetties aux mêmes exigences en matière de transparence, même si elles sont dépensées pour des activités réglementées. Le projet de loi imposerait de nouvelles limites concernant les sources de financement qui peuvent être utilisées par des tiers pour des activités réglementées de même que des exigences plus détaillées en matière de transparence. Ces mesures additionnelles visent à renforcer la confiance du public à l’égard de l’intégrité du processus démocratique en améliorant la transparence et en limitant la possibilité que des sommes potentiellement importantes dont l’origine est inconnue, notamment de sources étrangères, puissent être utilisées par des tiers qui cherchent à influencer le processus électoral.

Pour améliorer la transparence concernant les sources de financement que les tiers consacrent à des activités réglementées, le projet de loi exigerait des tiers qu’ils fournissent à Élections Canada les nom et adresse de tout donateur de plus de 200 $ dont les fonds sont utilisés pour des activités partisanes, de la publicité partisane, de la publicité électorale et des sondages électoraux au cours des périodes électorale et préélectorale. En outre, les tiers qui reçoivent des contributions seraient généralement tenus de n’utiliser que les contributions provenant de particuliers canadiens pour des dépenses réglementées, comme la publicité; partisane et électorale. Toutefois, le projet de loi créerait des exceptions pour certains tiers dont le financement ne repose pas pour l’essentiel sur des contributions et qui pourraient avoir un accès limité, voire inexistant, aux contributions provenant de particuliers canadiens. Dans les cas où le montant total des contributions provenant de toute source et versées à toute fin représente dix pour cent ou moins de ses recettes pour l’année précédente, le tiers peut utiliser ses propres fonds, biens ou services pour les dépenses réglementées. Les tiers qui sont autorisés à utiliser leurs propres recettes pour les dépenses réglementées pour ce motif seront assujettis à une nouvelle obligation d’inclure leurs états financiers afférents à l’année précédente en vertu de la LEC. Les tiers qui sont des particuliers et les tiers qui engagent des dépenses sous le seuil d’enregistrement des tiers ne seraient pas assujettis à ces nouvelles règles. En outre, le projet de loi ferait passer de 500 $ à 1 500 $ le montant des dépenses pouvant être engagées par des tiers pour des activités réglementées avant de devoir s’enregistrer auprès du directeur général des élections.

Étant donné que les restrictions relatives aux contributions pour des activités réglementées et aux dépenses connexes mettent en jeu l’expression politique, les exigences réglementaires du projet de loi, qui comprennent des sanctions en cas de non-respect, sont susceptibles de toucher la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte et peuvent également toucher la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte. Le droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte pourrait également être touché étant donné que les mesures que l’on trouve dans le projet de loi pourraient limiter la participation véritable des citoyens au processus électoral.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité des mesures avec la Charte. Le manque actuel de transparence relativement à l’utilisation des fonds d’origine inconnue pour des activités réglementées accroît les risques d’influence étrangère sur les élections canadiennes. Les limites visant à empêcher des tiers d’utiliser des fonds étrangers, ou des fonds d’origine inconnue, pour des activités réglementées améliorent la perception de la population canadienne quant à l’intégrité du système électoral. Ces limites contribuent à ce que le débat lors des élections reflète les priorités de celles et ceux pour qui le résultat de l’élection revêt un intérêt direct. Elles améliorent la transparence globale du processus électoral. Les propositions favoriseraient également le respect des règles existantes qui interdisent l’utilisation de fonds étrangers par des tiers et contribueraient à empêcher que ces règles soient contournées. L’approche proposée est axée sur la transparence et elle demeure souple. Il peut y être satisfait par différents moyens par lesquels un particulier canadien peut être lié à des contributions qu’un tiers utilise pour des activités réglementées. En exigeant ce lien, les mesures harmonisent mieux les règles qui s’appliquent aux tiers avec celles qui s’appliquent aux candidats et aux partis politiques et le traitement offert aux donateurs est plus uniforme.

Les mesures ont également été soigneusement adaptées pour tenir compte du large éventail de tiers au Canada et de leurs divers modèles de recettes. Il existe des exceptions pour les particuliers, tiers qui engagent des sommes limitées et qui ne sont pas tenus de s’enregistrer, et les tiers dont la totalité ou la plus grande partie de leur financement provient d’autres sources que de contributions, comme dans le cas de la plupart des entreprises privées. Dans le cas des organisations qui ne reposent pas sur les contributions, ce financement provenant d’autres sources que les contributions (propres fonds) peut tout de même être utilisé pour des activités réglementées pourvu que l’on satisfasse à d’autres obligations en matière de transparence. Sous réserve des seuils de dépenses qui s’appliquent à l’ensemble des tiers, ces tiers pourraient continuer d’utiliser leurs propres recettes s’ils fournissent des états financiers justificatifs au Bureau du directeur général des élections. De plus, tous les tiers peuvent toujours utiliser les contributions provenant de particuliers canadiens pour des activités réglementées et il n’y a toujours aucune limite quant au montant des contributions individuelles pouvant être reçues par les tiers. Le seuil financier accru pour les dépenses avant qu’il soit nécessaire pour un tiers de s’enregistrer auprès du directeur général des élections adapte davantage la portée des mesures proposées et limite leurs répercussions.

La proposition d’exiger des tiers qu’ils signalent à Élections Canada l’identité de certains donateurs est susceptible de toucher la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives garantie par l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces mesures avec l’article 8 de la Charte. Ces règles ne s’appliqueraient qu’à certains renseignements qui sont pertinents pour l’exécution et le contrôle d’application de la LEC, qui constitue un régime réglementaire important. Elles représentent une atteinte limitée aux droits à la vie privée des tiers qui désirent verser de l’argent pour des activités électorales et elles établissent un équilibre raisonnable entre ces intérêts et l’importance d’empêcher l’utilisation de fonds étrangers pour des activités électorales. La protection des renseignements au sujet des donateurs individuels sera assurée conformément aux pratiques des tiers auxquels les dons sont faits. Étant donné que les renseignements personnels des donateurs doivent être fournis au directeur général des élections, cela devra être fait conformément à des règles claires et accessibles au public exigeant le même degré de transparence pour toutes les contributions de plus de 200 $ qu’un tiers utilise pour des activités réglementées. Des pouvoirs accordés par la loi largement similaires autorisant la collecte de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt que dans le but d’enquêter sur des infractions criminelles, ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8 de la Charte.

Mécanismes d’exécution et de contrôle d’application

Le projet de loi modifierait la LEC pour accorder expressément aux juges le pouvoir d’inclure une exigence de production de registres ou de toute autre chose pertinente dans le cadre d’une enquête en vertu de la Loi lorsque le commissaire aux élections fédérales demande au tribunal de rendre une ordonnance exigeant qu’une personne comparaisse afin d’être interrogée par le commissaire.

Ces mesures sont susceptibles de toucher l’article 8 de la Charte étant donné qu’elles créent un nouveau pouvoir conféré par la loi en vertu duquel le commissaire aux élections fédérales peut obtenir des renseignements personnels.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité du pouvoir d’un juge d’ordonner la production de registres et d’autres choses pertinentes dans le cadre d’une enquête avec l’article 8 de la Charte. Le fait de donner au commissaire les outils nécessaires pour enquêter rapidement et efficacement relativement à des cas de manquements allégués à la LEC favorise la confiance du public dans l’intégrité et la validité des élections canadiennes. La possibilité de demander une ordonnance de la cour afin de contraindre des personnes à fournir des renseignements relativement à des enquêtes améliorerait l’efficacité des pouvoirs existants qui permettent au commissaire d’enquêter relativement à des manquements allégués à la LEC de manière rapide et efficace. Le pouvoir ne pourrait être utilisé relativement à des personnes soupçonnées dans le cadre de l’enquête. Le juge aurait l’obligation d’autoriser une ordonnance de production et ne pourrait le faire que s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que les documents à produire permettraient de prouver qu’il y a eu infraction.

Infractions et violations

Le projet de loi mettrait à jour un certain nombre d’infractions existantes et en introduirait de nouvelles, dont des infractions visant à protéger davantage l’intégrité du système électoral du Canada contre la menace d’une influence étrangère indue. L’interdiction concernant les personnes et entités étrangères qui poussent indûment les électeurs à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat ou un parti donné serait étendue de façon à s’appliquer en tout temps, plutôt que pendant la période électorale uniquement. En outre, cette interdiction serait élargie afin d’englober les candidats potentiels et les partis admissibles en vertu de la LEC. De même, les règles existantes qui interdisent l’utilisation d’une station de radiodiffusion à l’étranger afin d’influencer intentionnellement le vote des électeurs en faveur de candidats et de partis enregistrés seraient élargies pour englober toute utilisation d’une station de radiodiffusion dans le cas de candidats potentiels et de partis admissibles. L’interdiction actuelle relativement à la vente d’un espace publicitaire à des personnes ou des entités étrangères pour des messages de publicité électorale serait élargie pour englober la vente d’un espace publicitaire pour des messages de publicité partisane et s’appliquerait maintenant en dehors de la période électorale.

Le projet de loi créerait une infraction en cas de non-respect de la nouvelle obligation pour les tiers d’utiliser uniquement les contributions provenant de citoyens ou de résidents permanents du Canada pour payer les dépenses réglementées lorsque cette obligation est en jeu. De la même façon, le fait d’accepter des dons versés en crypto-actifs, sous la forme d’un mandat ou sous la forme d’un produit de paiement prépayé, de ne pas remettre de tels dons aux donateurs, de ne pas les détruire ou de ne pas les remettre au receveur général par l’intermédiaire du directeur général des élections serait dorénavant une infraction.

Pour atténuer le risque de manipulation des bulletins de vote, le projet de loi élargirait les infractions existantes impliquant la détérioration, l’altération, la destruction ou la manipulation de bulletins de vote ordinaires afin d’englober les bulletins de vote spéciaux et leurs enveloppes intérieures ou extérieures. L’intégrité du système de bulletins de vote spéciaux serait également préservée au moyen de deux nouvelles infractions, une ayant trait à la manipulation de l’inscription de l’électeur et l’autre étant relative à la manipulation de l’enveloppe intérieure ou extérieure d’un bulletin spécial. L’infraction actuelle d’utilisation d’un ordinateur frauduleusement avec l’intention d’influencer les résultats d’une élection serait élargie pour comprendre également l’intention de perturber le déroulement d’une élection par les moyens figurant dans la LEC.

Le projet de loi ciblerait également la désinformation au moyen de plusieurs infractions nouvelles et mises à jour. De nouvelles dispositions créatrices d’infractions porteraient sur les déclarations fausses ou trompeuses concernant des aspects particuliers du processus de vote de même que les renseignements faux ou trompeurs dans l’acte de candidature d’un candidat. Par exemple, ce dernier élément engloberait les fausses signatures. Les candidats à l’investiture et à la direction bénéficieraient de la protection que confère l’interdiction actuelle des documents délibérément trompeurs qui prétendent faussement provenir de certains représentants et participants aux élections et cette interdiction s’appliquerait en tout temps. Une précision confirmant la portée de différentes infractions comportant de la désinformation serait également ajoutée. Elle indiquerait clairement que certaines interdictions visant la publication de fausses déclarations pour influencer le résultat d’une élection, l’usurpation d’identité et les publications trompeuses sont neutres sur le plan technologique et géographique afin de répondre à la réalité du flux actuel de l’information.

En outre, le projet de loi élargirait la LEC afin de permettre au commissaire aux élections fédérales d’enquêter et de tenir responsables les personnes qui tentent de commettre une violation ou une infraction ou qui offrent sciemment une aide à cet égard, de même que les personnes qui conseillent ou incitent une autre personne ou entité relativement à la perpétration d’une violation ou d’une infraction. Le commissaire aux élections fédérales serait en mesure de tenir responsables les personnes qui conseillent à d’autres personnes de commettre une infraction ou une violation prévue à la Loi, même si l’infraction ou la contravention n’est pas commise. À l’heure actuelle, seule la personne qui commet précisément une violation ou une infraction prévue par la Loi peut être tenue responsable.

Les infractions punissables d’une peine d’emprisonnement privent du droit à la liberté. Étant donné qu’elles mettent ainsi en jeu les droits garantis par l’article 7 de la Charte, ces infractions doivent respecter les principes de justice fondamentale. De plus, certaines des mesures liées à des infractions proposées dans le projet de loi peuvent limiter les activités expressives comme l’utilisation d’une station de radiodiffusion, le versement de contributions à un tiers et l’utilisation de ces contributions et la publication de déclarations fausses ou trompeuses au sujet du processus électoral. De telles mesures sont également susceptibles de mettre en jeu les libertés d’expression garanties par l’alinéa 2b) de la Charte.

Après avoir examiné les dispositions créatrices d’infractions pertinentes, le ministre n’a pas relevé d’incompatibilités avec les principes de justice fondamentale. Bon nombre des modifications proposées à la LEC visent à réagir à la menace de l’influence étrangère indue en dehors de la période électorale officielle. Elles mettraient en place ou élargiraient des interdictions qui s’appliquent uniquement aux personnes étrangères. Ces mesures visent à protéger les intérêts les plus impérieux des particuliers canadiens dans le processus électoral canadien. Les modifications proposées donnent suite à des menaces nouvelles ou changeantes qui ont un réel potentiel de nuire à l’intégrité du système électoral du Canada, ce qui peut se produire à tout moment et avoir des conséquences durables sur les électeurs et les élections. Lorsque de nouvelles infractions sont proposées, leur portée a été adaptée pour atteindre les objectifs importants de la LEC de manière rationnelle et ciblée. Elles ont été conçues de façon à englober uniquement les actes répréhensibles et intentionnels, dans un nombre très restreint de cas propres au contexte électoral. Dans le cas des infractions nouvelles ou modifiées impliquant des libertés d’expression, la formulation soignée qui favorise la compatibilité avec les principes de justice fondamentale fait également en sorte qu’il est possible de considérer que de telles infractions ont des répercussions proportionnelles sur la liberté d’expression. Ces infractions se traduiraient habituellement par une expression de moindre valeur qui met à risque l’intégrité du système électoral et qui ne fait rien pour atteindre les objectifs qui sous-tendent la liberté d’expression : la recherche de la vérité, une amélioration de l’autoperfectionnement et une participation saine aux affaires publiques.