Projet de loi S-14 : Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada
Déposé au Sénat le 8 november 2023
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi en vue de vérifier s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [« la Charte »]. Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre communique certaines des considérations principales qui ont guidé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte qui sont susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte énonce que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leur justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi S‑14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada, afin de déterminer s’il est incompatible avec la Charte. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi S‑14 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte est présentée ci‑après. Elle vise à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne constitue pas une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi; elle est plutôt axée sur les éléments qu’il convient de prendre en compte pour les besoins d’un Énoncé concernant la Charte.
Aperçu
Le projet de loi vise, notamment, à modifier la Loi sur les parcs nationaux du Canada (la « Loi ») afin de créer la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Monts Mealy du Canada et d’édicter des dispositions relatives à son fonctionnement et à son administration.
Aux termes du projet de loi, un « utilisateur traditionnel des terres » qui possède une attestation de son statut peut exercer des « activités traditionnelles » sur les terres domaniales situées dans la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Monts Mealy, pourvu qu’il respecte la Loi et ses règlements et toute condition ou restriction imposée par le directeur de la réserve. À cet effet, le projet de loi énonce certaines exceptions concernant des dispositions prévues dans les règlements portant sur les parcs nationaux relativement aux activités traditionnelles exercées par les utilisateurs traditionnels des terres dans la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Monts Mealy.
Selon le projet de loi, certains bénéficiaires de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador peuvent exercer certaines activités de récolte qui sont permises par l’Accord dans la partie de la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Mont Mealy qui chevauche la région illustrée dans l’Atlas des cartes visé dans l’Accord, à condition que ces activités soient exercées conformément à l’Accord et aux lois de Terre‑Neuve‑et‑Labrador.
Le projet de loi dresse une liste des activités qui relèvent de la définition de l’expression « activité traditionnelle » pour les besoins de la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Monts Mealy. Il s’agit notamment des activités suivantes : l’utilisation d’un véhicule circulant sur la neige pour accéder à des cabanes ou pour faire d’autres activités traditionnelles, la pêche, la cueillette de baies, le motonautisme, le ramassage de plantes médicinales, l’utilisation du feu pour chauffer une boisson ou de la nourriture, la chasse aux canards, aux oies, aux lagopèdes, aux tétras et aux porcs-épics, le piégeage, la chasse au collet des lièvres d’Amérique et des lagopèdes, la coupe du bois à des fins personnelles, le camping ainsi que le transport et l’utilisation d’armes à feu et de munitions à des fins de sécurité personnelle, de chasse et de piégeage.
Le projet de loi donne également une définition de l’expression « utilisateur traditionnel des terres » pour l’application de la disposition de la Loi se rapportant à la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Monts Mealy. Les utilisateurs traditionnels des terres comprennent : un bénéficiaire de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, un membre de la NunatuKavut Community Council Inc., un individu né dans la « zone désignée » (au sens de la définition de cette expression à la disposition proposée), un individu né d’au moins un parent biologique qui résidait habituellement dans la zone désignée ou qui a été adopté légalement par un parent qui, au moment de son adoption, résidait habituellement dans la zone désignée, et un individu qui a résidé ordinairement dans cette zone pendant au moins dix années consécutives. L’enfant, l’époux ou le conjoint de fait de cet individu sont également inclus dans cette définition de l’utilisateur traditionnel des terres.
Article 15 de la Charte
Le paragraphe 15(1) de la Charte protège le droit à l’égalité. Il dispose que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race ou sur l’origine ethnique. L’égalité consiste à favoriser l’existence d’une société où tous ont la certitude que la loi les reconnaît comme des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération. Le paragraphe 15(2) de la Charte précise que le paragraphe 15(1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race ou de leur origine ethnique.
Le projet de loi S‑14 permet à des utilisateurs traditionnels des terres, qui comprennent les peuples autochtones, d’exercer des activités traditionnelles selon des conditions particulières dans la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishkᵁ‑KakKasuak‑Monts Mealy. Aux termes du projet de loi, certains bénéficiaires de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador peuvent exercer des activités de récolte selon des conditions précises. Dans la mesure où des aspects de ces dispositions pourraient porter atteinte à la protection garantie par le paragraphe 15(1) de la Charte en créant des distinctions fondées sur la race ou l’origine ethnique, les considérations suivantes appuient la compatibilité du projet de loi S‑14 avec l’article 15 de la Charte.
L’appui accordé aux peuples autochtones en vue de leur permettre de poursuivre leurs activités traditionnelles favorise leur égalité réelle et est conforme aux valeurs fondamentales qui sous‑tendent le droit à l’égalité. Le projet de loi Bill S‑14 rend compte des engagements pris par le gouvernement du Canada dans le cadre de nombreux accords négociés visant à permettre que certaines activités traditionnelles d’utilisation des terres continuent dans des zones déterminées. Ces accords sont le résultat de négociations approfondies entre le gouvernement et certains groupes, notamment les Inuit du Labrador. Grâce à ce projet de loi, le gouvernement du Canada prend des mesures précises pour favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones, notamment en respectant les engagements qu’il a pris dans le cadre des accords pertinents.
En effet, pour permettre aux groupes défavorisés d’atteindre l’égalité réelle, il faut souvent établir des distinctions. Il est important de souligner que le projet de loi S‑14 tient compte de la situation de tous les utilisateurs traditionnels des terres et de tous les bénéficiaires de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, et qu’il n’a pas pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’exacerber les désavantages de quelque groupe que ce soit.
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