Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants

VI.  Conclusions

1.0  L'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police auprès des jeunes

Nous nous sommes concentrés sur deux aspects des décisions de la police concernant les adolescents. Le premier est la décision concernant la mesure policière, ou le classement de l'affaire : soit le dépôt d'accusations (ou une recommandation à cet effet, dans les provinces où le ministère public prend la décision finale) ou le renvoi vers un programme de déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations ou vers des mesures de rechange, ou le règlement de l'incident par des mesures officieuses. Le deuxième aspect n'entre en jeu que si une accusation est ou sera portée : la ou les méthodes retenues pour garantir la comparution de l'adolescent en cour.

Nous avons constaté que pour bon nombre de policiers, et peut-être la plupart d'entre eux, il ne s'agit pas de deux décisions distinctes visant strictement l'application de la loi, mais plutôt d'éléments indissociablement liés d'un répertoire de mesures qu'ils utilisent pour régler les situations mettant en cause des adolescents qui, croient-ils, ont commis des infractions.

Il semble que les policiers visent deux objectifs principaux lorsque vient le temps de prendre une décision pour régler un incident. L'un de ceux-ci est de respecter les exigences du travail policier traditionnel, soit d'enquêter sur l'incident, d'identifier et d'arrêter les auteurs et de rassembler la preuve nécessaire s'il doit y avoir poursuite. L'autre objectif, moins explicite, semble être d'imposer une sanction ou « conséquence » appropriée, presque indépendamment du tribunal pour adolescents et du système correctionnel. Les agents ont, à maintes reprises, souligné à quel point il est important que les adolescents subissent des conséquences en rapport avec leurs gestes illégaux et beaucoup d'agents, mais certainement pas tous, ont exprimé des doutes quant à la capacité des tribunaux et du système correctionnel d'y parvenir, justifiant ainsi l'exercice d'une justice « de rue » nécessaire de leur part. Nous ne voulons pas laisser entendre par là que les gestes de la police sont illégaux ou répréhensibles, mais plutôt que leur propre vision des fonctions policières dans le domaine de la prévention, de l'intervention et de la répression de la criminalité juvénile est sensiblement plus large que la vision traditionnelle voulant que les forces policières n'agissent qu'à titre d'agents d'application de la loi.

Surtout dans les zones métropolitaines, les policiers avaient tendance à illustrer négativement l'impression d'éloignement du ministère public et du tribunal pour adolescents, ainsi que la lourdeur et la lenteur de leurs procédures, comparativement à leur propre proximité avec la réalité de la criminalité de la rue, à leur propre capacité d'imposer rapidement des sanctions et à leur connaissance des circonstances et des besoins de chaque contrevenant. Dans les régions rurales et les petites municipalités, les agents sont plus susceptibles d'établir une relation professionnelle plus étroite avec le ministère public et les fonctionnaires du tribunal et, de la sorte, ont une plus grande confiance dans la capacité de ces organismes de trouver des solutions satisfaisantes à la criminalité chez les jeunes. Plus particulièrement, les agents des détachements de la GRC dans les régions rurales et les petites municipalités sont plus susceptibles d'avoir confiance dans la capacité des organismes communautaires locaux ou des organismes de déjudiciarisation de s'occuper des jeunes contrevenants, et ont donc moins l'impression de devoir résoudre la situation en ne comptant que sur eux-mêmes.

En nous fondant sur nos discussions avec la police, il est possible d'établir une liste de conséquences, ou sanctions, auxquelles ont habituellement recours les policiers lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'un adolescent a commis une infraction. Les voici, en ordre croissant de gravité :

  1. Ne prendre aucune mesure supplémentaire.

  2. Donner un avertissement officieux.

  3. S'assurer la participation des parents.

    1. Donner un avertissement officiel; et (ou)

    2. procéder à l'arrestation, emmener l'adolescent au poste de police, puis le remettre en liberté sans accusation.

    1. Procéder à l'arrestation, emmener l'adolescent au poste de police, et le renvoyer vers des mesures de rechange avant le dépôt d'accusations; ou

    2. porter une accusation sans arrestation, au moyen d'une citation à comparaître ou d'une sommation, et ensuite recommander le renvoi à des mesures de rechange après le dépôt d'accusations.

  4. Procéder à l'arrestation, puis remettre en liberté en vertu d'une citation à comparaître, d'une sommation ou, plus couramment, d'une promesse de comparaître sans condition.

  5. Procéder à l'arrestation, porter une accusation, puis remettre en liberté en vertu d'une promesse de comparaître, assortie de conditions énumérées dans une promesse envers un agent responsable.

  6. Procéder à l'arrestation, porter une accusation, mettre sous garde jusqu'à une audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire.

(La sévérité des options 6, 7 et 8 pourrait être atténuée en recommandant des mesures de rechange après le dépôt d'accusations.)

Mis à part ces deux objectifs principaux, soit appliquer la loi et imposer des sanctions officieuses, un troisième objectif des mesures policières découle de ce que les policiers perçoivent comme leur responsabilité en matière de prévention du crime et d'aide sociale, responsabilité que, dans certains cas, ils préféreraient ne pas avoir à assumer, mais qu'ils se croient obligés d'assumer en raison des lacunes des services sociaux en place. Il arrive que les policiers renvoient un adolescent vers un programme de déjudiciarisation, non pas pour lui imposer une sanction, mais dans le but de répondre à ses besoins, tels qu'ils les perçoivent, que ces besoins soient directement liés à l'infraction ou qu'ils soient vus comme des problèmes pour lesquels le jeune a besoin d'aide. De plus, le policier peut décider d'arrêter un adolescent, lorsqu'il croit, dans certains cas, qu'il serait irresponsable de laisser l'adolescent « dans la rue », mais qu'il n'arrive pas à communiquer avec les parents ou que ceux-ci ne veulent pas prendre leur adolescent en charge ou ne sont pas en mesure de le faire, et qu'il n'arrive pas non plus à trouver un organisme prêt à accueillir l'adolescent. Les circonstances que l'on juge constituer un risque pour l'adolescent sont le fait d'être sous l'effet de l'alcool ou de la drogue, la prostitution, ou un environnement dangereux à la maison. Dans ces circonstances, l'agent se sent obligé de mettre l'adolescent sous garde; les études sur les enquêtes sur le cautionnement donnent à penser que le juge peut alors approuver le maintien en détention, également pour des motifs d'aide sociale (Doob et Cesaroni, 2002 : 139 à 146). Dans nombre d'administrations, les policiers disent être forcés de recourir à cet expédient faute d'établissements et d'organismes appropriés pour les adolescents.

Les données de l'Enquête sur la DUC montrent que la proportion de jeunes arrêtés qui ont été accusés par la suite a augmenté sous la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), passant d'une moyenne de 55 % entre 1977 et 1983 en vertu de la Loi sur les jeunes délinquants (LJD) à une moyenne de 64 % entre 1986 et 2000. Cependant, la proportion d'accusés a diminué lentement, tombant à 59 % en 2000, après avoir atteint un sommet en 1991. Cette augmentation du taux national de dépôt d'accusations contre des jeunes arrêtés survenue pendant la période où s'appliquait la LJC s'explique surtout par la hausse énorme du taux d'accusations dans certaines provinces, notamment en Ontario et en Saskatchewan. Sous le régime de la LJC, ces deux provinces affichaient des taux élevés d'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police auprès des jeunes, c'est-à-dire des taux faibles de jeunes arrêtés accusés, soit moins de 40 % en Ontario et moins de 30 % en Saskatchewan. Ces deux provinces se classent maintenant au deuxième et au troisième rangs au pays quant à la proportion des jeunes faisant l'objet d'accusations. Étant donné que l'Ontario abrite une si grande proportion de la population du Canada, la tendance observée dans cette province a eu un effet considérable sur la tendance nationale. L'analyse des données de la DUC et les entrevues menées auprès d'agents semblent indiquer que cette augmentation du dépôt d'accusations sous le régime de la LJC s'explique en grande partie par l'utilisation dans ces deux provinces de mesures de rechange après le dépôt d'accusations. Les rares données disponibles du Programme DUC2 semblent indiquer qu'en Ontario et en Saskatchewan, la police utilise des mesures officieuses pour régler des incidents impliquant des adolescents à peu près aussi souvent que les policiers d'autres provinces le font, mais de façon générale, ils sont incapables d'utiliser des mesures de rechange avant le dépôt d'accusations.

Par ailleurs, l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police auprès des adolescents a augmenté considérablement au cours de la dernière décennie dans deux autres provinces, soit le Québec et la Colombie-Britannique, ce qui fait en sorte qu'elles affichent maintenant le taux le plus bas d'adolescents arrêtés qui font l'objet d'accusations. La baisse du dépôt d'accusations de jeunes au Québec dans la dernière décennie a été particulièrement prononcée. Nous ne sommes pas sûrs de connaître toutes les raisons qui expliquent cette tendance, mais l'explication la plus plausible tient à l'utilisation de systèmes de sélection particuliers dans ces deux provinces pour ce qui concerne le dépôt d'accusations. Au Québec, le ministère public étudie la recommandation des policiers de déposer des accusations contre un adolescent dans le contexte d'un système intégré de justice et de services sociaux pour les adolescents qui est axé à la fois sur l'application de la loi et sur le bien-être des jeunes arrêtés. En Colombie-Britannique, la décision ultime de porter des accusations contre un adolescent revient au ministère public, après examen des recommandations formulées par les policiers. Étant donné que la décision de porter des accusations ne leur appartient pas, de nombreux policiers de la Colombie-Britannique ont dit qu'ils essaient d'utiliser des mesures officieuses et la déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations si possible pour garantir que l'adolescent aura à faire face au moins à certaines «conséquences » de son méfait.

L'agent qui a arrêté un adolescent a de nombreuses formes de mesures officieuses à sa disposition : ne prendre aucune mesure, donner des avertissements officieux et officiels, faire appel aux parents, arrêter l'adolescent et le conduire au poste de police puis le remettre en liberté et l'orienter de façon officieuse vers un programme (c'est-à-dire sans invoquer des mesures de rechange). En grande majorité, les agents et les services de police compris dans notre échantillon prennent fréquemment des mesures officieuses avec des adolescents. Au moins dans les plus grands services de police, les mesures officieuses sont habituellement enregistrées dans le SGD de la police lorsque l'incident a été signalé par un particulier (parce qu'un dossier est créé lorsque l'appel provient du répartiteur), mais la fréquence de la consignation varie beaucoup plus si l'agent sur le terrain découvre lui-même l'incident.

Presque tous les services compris dans notre échantillon utilisent des avertissements officieux et dans le tiers des cas, une forme quelconque d'avertissement officiel. C'est également pratique courante de reconduire les jeunes arrêtés chez eux ou de faire appel aux parents si possible. Selon le quart de notre échantillon, une forme de mesure officieuse utilisée auprès des adolescents pour lesquels on a des motifs raisonnables de croire qu'ils ont commis une infraction consiste à les arrêter et à les conduire au poste de police, puis à les remettre en liberté sans porter d'accusation.

Environ la moitié des répondants orientent les jeunes vers des programmes de déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations, que ce soit ou non dans le cadre de mesures de rechange. Ces programmes sont plus accessibles dans les villes. De nombreuses petites municipalités et régions rurales n'ont aucun programme du genre. Bien que certains agents demeurent sceptiques quant au bien-fondé des mesures de rechange et de la déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations, il semble qu'en majorité, ils croient que dans certaines circonstances celles-ci peuvent être utiles à certains jeunes contrevenants. De leur point de vue, la déjudiciarisation par l'entremise de programmes ou d'organismes peut être une manière beaucoup plus efficace de traiter les problèmes d'un adolescent perçus comme criminogènes que le renvoi au tribunal pour adolescents. Ils voient également le renvoi aux mesures de rechange comme une « sanction de sévérité moyenne » qui représente pour l'adolescent une « conséquence » plus sévère qu'une mesure officieuse, mais moins rigoureuse que le dépôt d'accusations.

La plus importante source de mécontentement face aux programmes de mesures de rechange chez les personnes interrogées est de loin la non-disponibilité de ceux-ci. Dans beaucoup de collectivités, la gamme de programme n'est pas suffisante; et dans beaucoup d'autres, il n'y a aucun programme.

Une autre lacune dégagée par beaucoup d'agents à propos des mesures de rechange est le manque de mécanismes de rétroaction sur l'issue de leurs recommandations, à savoir si celles-ci ont été acceptées et si la mesure adoptée a été efficace. Sans cette information, ils ne peuvent que dresser des conjectures sur la pertinence et l'efficacité de leurs recommandations passées et à venir.

Bien que de nombreux agents aient manifesté un certain intérêt à débattre avec nous des mesures de déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations et que plusieurs aient eu des opinions bien précises à ce sujet, très peu ont manifesté le même intérêt à parler des mesures de rechange après le dépôt d'accusations. Apparemment, il s'agit là d'un territoire tout à fait étranger aux policiers : beaucoup ont dit que celles-ci relevaient du ministère public et qu'ils ne faisaient pas de commentaires au ministère public à propos de décisions qui ne sont absolument pas de leur ressort.

En résumé, les mesures de rechange et la déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations semblent être considérées par une grande majorité des agents et services de police comme des méthodes très utiles pour traiter certains types de criminalité chez les jeunes dans certaines circonstances. Cependant, selon les policiers interrogés, les programmes et les établissements disponibles font cruellement défaut.

Même si le taux enregistré de criminalité juvénile au Canada n'a pas beaucoup changé au cours des 20 dernières années, on constate une augmentation exponentielle dans une catégorie, c'est-à-dire les infractions contre l'administration de la justice. Il s'agit presque toujours de violation des conditions du cautionnement ou de la probation et du défaut de comparaître. Le taux enregistré de violation des conditions du cautionnement et du défaut de comparaître chez les adolescents en 2000 était environ 20 fois plus élevé qu'en 1983. En 2000, les infractions contre l'administration de la justice représentaient 16 % de celles pour lesquelles des jeunes ont été accusés au Canada. Dans l'exercice 1999-2000, les infractions administratives représentaient 27 % de toutes les affaires instruites par le tribunal de la jeunesse et 40 % des décisions comportant la garde. Selon les statistiques du Programme DUC, les policiers exercent moins souvent leur pouvoir discrétionnaire face à ces infractions que face à toute autre infraction, sauf l'homicide. Lorsque nous avons interrogé les agents afin de comprendre pourquoi ils exercent si peu souvent leur pouvoir discrétionnaire face à ces infractions, qui ne font pas de victime et qui ne causent pas d'autres torts que des coûts et des dérangements pour le système de justice, ils ont expliqué que bon nombre de ces dossiers leur sont renvoyés par d'autres intervenants du système, en grande partie par le tribunal de la jeunesse ou par des agents de probation, et qu'ils sentent qu'ils n'ont d'autre choix que de se conformer à ce qu'ils interprètent comme une demande implicite ou explicite de déposer des accusations. Lorsque les policiers découvrent eux-mêmes un manquement, il peut arriver qu'ils ferment les yeux, à moins de circonstances aggravantes. Par exemple, le manquement n'est souvent que la pointe de l'iceberg : l'adolescent a un dossier d'infractions chargé, y compris des manquements antérieurs, et il est en cautionnement dans plusieurs dossiers en instance devant la cour ou en probation pour des infractions passées. Parmi les agents que nous avons interviewés, pas un ne semblait croire qu'il pourrait laisser passer un défaut de comparaître : apparemment (bien que cela soit loin d'être tout à fait clair pour nous), les agents interprètent la notification par la cour du défaut de comparaître et la délivrance subséquente d'un mandat d'arrêt en séance comme une demande de dépôt d'accusation. L'épidémie d'infractions contre l'administration de la justice dans le système de justice pour les adolescents semble découler davantage de la façon dont les tribunaux de la jeunesse et les systèmes de probation définissent et font respecter leurs ordonnances que des décisions des policiers. La seule façon dont les policiers semblent effectivement contribuer à cette épidémie réside dans les décisions qu'ils prennent concernant les conditions de remise en liberté (que nous verrons plus loin). Dans certains cas, les policiers imposeront, ou chercheront à faire imposer, des conditions restrictives qui peuvent involontairement « faire courir le jeune à l'échec ». C'est une préoccupation particulière dans les programmes de surveillance intensive pour les adolescents à risque, comme le programme d'intervention auprès des récidivistes (PIRI), qui se fient aux conditions du cautionnement (et de la probation), comme le couvre-feu, pour donner aux policiers la possibilité de contrôler le mode de vie de l'adolescent.

Les méthodes possibles pour obliger un jeune (ou un adulte) à comparaître en cour comprennent : la sommation et la citation à comparaître, qui peuvent être utilisées au lieu d'une arrestation ou comme méthode de remise en liberté après l'arrestation; et la mise en liberté en vertu d'une promesse de comparaître, avec ou sans promesse assortie des conditions. Théoriquement, la police peut également remettre un adolescent en liberté en vertu d'un engagement, mais il semble que cela ne se fasse jamais.

Bien que le recours à la sommation ou à la citation à comparaître sans arrestation semble être particulièrement souhaitable avec les jeunes contrevenants, parce que ces mesures sont moins restrictives, on y a, en fait, rarement recours, et pour plusieurs raisons. La raison principale semble être que lorsqu'un policier évalue la possibilité de porter une accusation ou de renvoyer l'adolescent à des mesures de rechange avant le dépôt d'accusations, il doit recueillir suffisamment de preuves pour appuyer une poursuite judiciaire (que celle-ci ait en fait lieu ou non). Ceci veut généralement dire qu'il faut établir l'identité, prendre une déclaration, prendre éventuellement les empreintes digitales, aviser éventuellement les parents, et remplir un ou plusieurs formulaires, ce qu'il est beaucoup plus facile à faire au poste de police que dans la rue ou dans une voiture de patrouille.

Une autre raison est le fait que procéder à l'arrestation d'un adolescent et de l'amener au poste de police avant de porter des accusations soit vu comme une manière de faire comprendre à l'adolescent la gravité de la situation, tandis qu'il pourrait ne pas prendre au sérieux une sommation ou une citation à comparaître. À cet effet, il est parfois nécessaire, dans certaines circonstances, de prendre le contrôle de la situation et de séparer l'adolescent de ses copains afin d'obtenir sa collaboration. Enfin, une dernière raison est la difficulté dans certaines circonstances ou administrations de signifier une assignation.

À la suite d'une arrestation et de la détention temporaire, la plupart des agents préfèrent avoir recours à la promesse de comparaître plutôt qu'à la sommation ou à la citation à comparaître comme méthode de mise en liberté. La principale raison est que la promesse de comparaître peut être accompagnée d'une promesse qui précise les conditions de la mise en liberté. De nombreux agents semblent accorder une importance considérable aux conditions contenues dans une promesse. Ils voient ces conditions comme des mesures relativement précises, immédiates et exécutoires permettant de contrôler le comportement ultérieur d'un adolescent, et comme des conséquences (ou sanctions) immédiates et concrètes pour l'infraction criminelle commise par l'adolescent, par opposition à ce qu'ils considèrent comme des mesures de contrôle et des sanctions sans rapport, différées, imprévisibles, et sans doute inopportunes, qui, tôt ou tard, peuvent être (ou ne pas être) imposées par le tribunal pour adolescents et le système correctionnel.

Le dernier moyen, le plus restrictif, d'ordonner la comparution en cour est la détention pour une audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Les explications offertes par la police pour avoir recours au maintien de la détention se répartissent dans trois grandes catégories. La première comprend les raisons touchant l'application de la loi, définie de façon étroite, comme identifier la personne, protéger les éléments de preuve, garantir la comparution en cour d'un adolescent lorsque l'agent a des raisons de croire qu'il se défilerait autrement et empêcher que l'infraction se répète. On pourrait résumer ainsi le deuxième groupe de motifs : « mise sous garde pour le bien de l'adolescent ». Il s'agit de la mise sous garde d'adolescents sous l'effet de l'alcool ou de drogue, qui n'ont pas de demeure sûre où l'on peut les renvoyer, que ne peuvent être pris en charge par les services sociaux ou qui s'adonnent à la prostitution. Les policiers n'agissent pas alors uniquement à titre d'agents d'application de la loi, mais en tant que préposés du « seul service d'urgence ouvert 24 heures sur 24 ». Dans le troisième type de motifs, la mise sous garde devient l'une des décisions possibles, c'est-à-dire un autre outil dans la panoplie de mesures que peuvent prendre les policiers pour imposer à l'adolescent une sanction ou une « conséquence convaincante » pour sa conduite illicite. Ce point de vue semble sous-tendre les réponses de certains agents, qui mettraient sous garde un récidiviste ou un adolescent ayant maintes fois enfreint des conditions, un adolescent ayant une « mauvaise attitude » ou impliqué dans un incident lié à un gang. Une variante consiste à recourir à la mise sous garde et à l'audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire pour obtenir des conditions de cautionnement, afin de pouvoir exercer une surveillance immédiate et, dans certains cas, de faciliter le travail effectué au sein de programmes destinés aux adolescents à risque élevé, par exemple les programmes d'intervention auprès des récidivistes (PIRI).