Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants
VI. Conclusions
6.0 Implications pour la recherche future
- 6.1 Une évaluation avant-après de l'effet de la LSJPA
- 6.2 Une étude de base des dossiers concernant l'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la police en vertu de la LJC
- 6.3 Une étude des « pratiques exemplaires » en matière d'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la police en application de la LSJPA
- 6.4 Une étude du traitement des infractions contre l'administration de la justice en application de la LSJPA
- 6.5 Amélioration du Programme DUC2
6.0 Implications pour la recherche future
Nous suggérons ici plusieurs avenues de recherche qui, selon nous, apporteraient une contribution précieuse à l'évaluation de l'effet de la LSJPA.
6.1 Une évaluation avant-après de l'effet de la LSJPA
Un des principaux objectifs de l'étude était de fournir des données de base sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers auprès des adolescents de manière à pouvoir évaluer l'effet de la LSJPA sur l'exercice de ce pouvoir en collectant des données comparables dans quelques années et en analysant les changements. Une telle étude permettrait de réunir des données qualitatives et quantitatives sur tous les aspects de l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers auprès des adolescents ainsi que sur les caractéristiques organisationnelles des services de police et leur environnement, comme nous l'avons fait ici. La recherche proposée devrait également reprendre notre analyse des facteurs conjoncturels ayant une incidence sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers afin de déterminer si des changements sont survenus.
Une telle étude pourrait reprendre la méthodologie de l'étude actuelle ou il serait peut-être possible de collecter au moyen d'entretiens par téléphone ou peut-être même de questionnaires expédiés par la poste les données que nous avons obtenues au cours des entrevues en personne. Ces méthodes plus simples pourraient être utilisées parce que l'étude actuelle a défini les questions et a permis d'élaborer une série de réponses standardisées à toutes les questions que nous avons posées. (Toutes nos questions, sauf celles concernant l'effet de divers facteurs conjoncturels, étaient ouvertes, c'est-à-dire que nous avons simplement posé les questions et enregistré les réponses que nous avons classées et codées par la suite; dans bien des cas, il ne s'agissait pas tant de poser une question et d'enregistrer la réponse que d'introduire un sujet et d'enregistrer et coder plus tard la discussion.) Cependant, nous avons nettement l'impression que la coopération incroyable que nous avons obtenue tient pour une grande part au fait que nous avons visité tous les services de police et mené des entretiens en personne. Des entretiens téléphoniques ou des questionnaires expédiés par la poste pourraient produire un taux de participation beaucoup moins élevé et des données beaucoup moins complètes de chaque service de police participant. L'étude de suivi analysera également les données tirées de l'Enquête sur la DUC et du Programme DUC2 et elle bénéficierait, nous l'espérons, des améliorations apportées au Programme DUC2 (voir ci-dessous). L'étude de suivi pourrait être exécutée à la fin de 2004 ou, de préférence, en 2005 après deux années complètes d'application de la LSJPA; un facteur qui pourrait influer sur le choix du moment serait la disponibilité des données du Programme DUC2 pour un échantillon élargi de services de police (voir ci-dessous).
6.2 Une étude de base des dossiers concernant l'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la police en vertu de la LJC
Une des grandes lacunes à laquelle nous avons fait face dans notre recherche est le manque de données quantitatives sur divers aspects du pouvoir discrétionnaire de la police, comme les avertissements officieux et officiels, les arrestations, etc. Même si nous avons pu indiquer le pourcentage des services de police qui utilisent de telles formes de mesures discrétionnaires « habituellement », « toujours », etc., nous n'avons pu indiquer de façon précise la proportion des dossiers concernant les adolescents qui sont traités au moyen de chacune de ces méthodes.
Comme nous l'avons expliqué plus haut, il nous a été impossible, pour diverses raisons, d'obtenir ce genre d'information sur les dossiers individuels (ou agrégés) des jeunes contrevenants à partir des dossiers sur papier ou des systèmes de gestion des dossiers de la police. Ces données de base pour l'échantillon des services de police que nous avons étudiés, ou pour un échantillon comparable, seraient extrêmement utiles pour évaluer plus tard l'effet de la LSJPA, en supposant qu'il serait de nouveau possible de collecter des données comparatives dans l'étude de suivi. Nous suggérons donc de revoir la possibilité d'exécuter une étude des dossiers.
6.3 Une étude des « pratiques exemplaires » en matière d'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la police en application de la LSJPA
Comme la présente étude se voulait une enquête exploratoire, c'est-à-dire une étude auprès d'un échantillon représentatif relativement grand de services de police, au moyen d'une série de questions assez ouvertes, nous n'avons pu étudier un même service de police de façon très approfondie. Toutefois, il était assez évident que certains services de police avaient déjà mis en œuvre, ou sont en voie de le faire, de nombreuses structures et procédures qui, selon nous, augmenteront l'utilisation des pouvoirs discrétionnaires des policiers auprès des adolescents. Il serait utile de faire une étude approfondie d'un nombre limité, peut-être six, de ces services de police afin d'évaluer de plus près l'effet de ces facteurs organisationnels. Ces renseignements pourraient être utiles aux responsables de l'élaboration des politiques et à la direction d'autres services de police.
6.4 Une étude du traitement des infractions contre l'administration de la justice en application de la LSJPA
Nous avons à maintes reprises fait état dans ce rapport de l'épidémie des infractions contre l'administration de la justice commises par des adolescents et l'incapacité apparente du système actuel d'y réagir de façon constructive. Nous avons aussi fait allusion à la position adoptée par la plupart des policiers, c'est-à-dire qu'ils ont très peu de pouvoirs discrétionnaires lorsqu'une demande, explicite ou implicite, de déposer une accusation dans un tel cas leur est transmise par un autre agent du système. Nous avons également indiqué que nous n'avons pu éclaircir le processus par lequel le défaut d'un adolescent de se présenter en cour aboutit au dépôt d'une accusation par les policiers qui, semble-t-il, sentent dans une telle situation qu'ils ne jouissent d'aucun pouvoir discrétionnaire en raison des souhaits du juge.
Étant donné l'énormité du problème lié aux infractions contre l'administration de la justice, il serait peut-être justifié de consacrer une étude distincte à un examen minutieux des rôles respectifs que jouent la police, les juges et d'autres intervenants du système comme les agents de probation dans la genèse des accusations de nature administrative. Cette étude surveillerait également la mise en application des dispositions de la LSJPA qui ont trait aux réponses nonjudiciaires aux accusations de nature administrative ainsi que l'effet de ces dispositions.
6.5 Amélioration du Programme DUC2
En principe, le Programme DUC2 devrait être un outil extrêmement utile pour surveiller la mise en œuvre de la LSJPA et évaluer son effet. La DUC2 renferme deux éléments de données qui saisissent l'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la police. Un élément est le classement de chaque incident, codé en fonction de deux catégories : classé par dépôt d'accusations ou classé de plusieurs autres façons, dont par certaines formes d'exercice du pouvoir discrétionnaire, notamment le renvoi à des programmes de déjudiciarisation. L'autre élément est le classement de chaque personne arrêtée, qu'on code actuellement comme accusée ou traitée autrement. Nous croyons comprendre que ces codes pourraient être élargis quelque peu de façon à saisir les nouvelles dispositions de la LSJPA.
Cependant, la DUC2 est actuellement utilisée de façon extrêmement limitée pour surveiller l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers au Canada et ses corrélats. À titre d'outil de recherche servant à étudier les pouvoirs discrétionnaires des policiers au Canada, elle présente deux déficiences écrasantes. La principale déficience est la non-participation d'un grand nombre de services de police. Même si la DUC2 pour 2001 couvrait 59 % des incidents au Canada, cette couverture est concentrée au Québec et, dans une moindre mesure, en Ontario. Elle ne couvre qu'un service de police en Colombie-Britannique, quatre en Saskatchewan et en Alberta, etc. Étant donné que la GRC n'y participe pas, nous n'avons pratiquement aucune information sur le travail policier dans les petites municipalités et les régions rurales à l'extérieur de l'Ontario et du Québec. Même en Ontario, 13 services municipaux seulement et la PPO envoient des rapports au Programme DUC2, ce qui laisse de nombreuses villes non représentées. Jusqu'à ce qu'au moins la GRC, et de préférence de nombreux autres services municipaux, envoie les rapports au Programme DUC2, il sera à toute fin inutilisable pour dresser un portrait de la situation nationale.
La deuxième déficience se rapporte directement aux deux éléments décrits ci-dessus : le classement des incidents et des personnes arrêtées. Des services de police qui envoient des rapports au Programme DUC2, notamment quelques services de police de très grande taille, ne fournissent que peu ou pas d'information sur des incidents ou des personnes dont le dossier est classé autrement que par le dépôt d'accusations. Par conséquent, si l'on se fie aux données que ces services transmettent au Programme DUC2, ils déposent des accusations dans environ 100 % des incidents et contre environ 100 % des personnes arrêtées. L'information contenue dans la DUC2 pour ces services de police est donc inutilisable lorsqu'il s'agit d'étudier l'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la police. Il se peut également que d'autres services de police sous-déclarent substantiellement les incidents et les personnes dont le dossier est classé autrement que par le dépôt d'accusations, ce qui gonfle leur taux d'accusations. Jusqu'à ce qu'on règle le problème de non-déclaration, la couverture réelle de la DUC2, aux fins de l'étude des pouvoirs discrétionnaires de la police, est encore moins étendue que sa couverture globale limitée. En outre, jusqu'à ce qu'on règle le problème de la sous-déclaration, il faudra toujours interpréter avec scepticisme les statistiques tirées de la DUC2 sur le degré d'utilisation des mesures officieuses et sur la déjudiciarisation avant le dépôt d'accusations. C'est vraiment dommage, parce qu'en principe, il est infiniment préférable de disposer de données quantitatives sur le travail policier collectées année après année de façon régulière par un service professionnel de collecte de données qui peut garantir la confidentialité en vertu de la Loi sur la statistique, plutôt que de les collecter soi-même de façon ponctuelle, à grands frais, tout en dépendant entièrement sur la volonté de coopérer des policiers.
Les investissements faits dès maintenant pour améliorer la couverture et l'intégrité des données de la DUC2 devraient produire d'énormes dividendes pour la recherche sur tous les aspects du travail policier en application de la LSJPA dans les années à venir.
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